m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1791.] tun, bien flatteuse pour les exposants, soutint leurs espérances. « Mais ils ne peuvent plus rester dans cette cruelle perplexité ; ils supplient l’auguste Assemblée de prendre en considération la présente supplique, de prononcer enfin sur leur sort, de les placer dans la classe de la société politique, les admettre au rang de citoyens actifs et leur accorder les mêmes droits dont jouissent leurs frères les juifs espagnols et portugais. Ce bienfait sera publié avec empressement dans les différentes contrées de l’univers, et la nation juive espagnole et portugaise avec les exposants partagera une éternelle reconnaissance. » Signé : Mardoché-Elie, député. L’ordre du jour est un rapport du comité des finances sur la fabrication des assignats de 5 livres et de la monnaie de cuivre. M. de Cernon, au nom du comité des finances. Messieurs, je viens, au nom de votre comité des finances, vous rendre compte des mesures d’exécution de votre décret du 6 de ce mois, relativement à la fabrication des assignats de 5 livres et à l’émission de la monnaie de cuivre. Il devait d’abord s’occuper de ce dernier objet ; car ces assignats viendront encore embarrasser la circulation, si la monnaie de cuivre ne leur assure pas au même instant un échange assuré, si le pauvre ne voit un métal qui est, j’ose le dire, son patrimoine. L’examen du métal des cloches, qui doit servir à cette publication, a d’abord fixé notre attention. Le comité des monnaies nous a présenté le résultat de nos vues combinées, et ce n’est pas ici le moment de vous faire part des mesures ultérieures du comité des finances sur les moyens de subvenir à la suite de cette fabrication, sur l’emploi à faire du métal des cloches. Les essais qui doivent fixer notre opinion ne sont peut-être pas encore assez certains. L’assignat de 5 livres, destiné, dans la circulation, à être souvent dans la poche, dans la main de la classe la plus laborieuse, de ceux qui, par état, sont sujets à la malpropreté, dont les travaux grossiers sont l’occupation la plus habituelle, cet assignat, dis-je, doit être fait d’une manière plus solide que ceux que leur valeur semble destiner au portefeuille; ieur forme doit être aussi de telle matière que la numération en soit très facile. Un assignat d’un papier mince ne peut obtenir ces avantages; s’il est grand,- il faut le plier ; de là des froissements, des déchirures -, s’il entre dans la poche, il finit par se couper et s’y divise ; s’il est petit, quelle consistance a un petit papier mince que le vent, que le souffle emporte, et dont l’usage commande la plus grande précaution? s’il est faible, pourra-t-il recevoir l’emprunte d’un timbre? Cette empreinte, vous la regardez, à juste titre, comme la sauvegarde la plus assurée contre la contrefaçon. lia donc fallu chercher un papier d’une consistance assez forte pour qu’il puisse se soutenir sans être plié. Il faut que le papier ait assez de transparence pour que la lecture en soit très visible ; il faut que l’empreinte, le frottement et la salissure ne l’endommagent pas ; tel est le papier que vous pouvez faire exécuter par la papeterie qui a fourni celui des derniers assignats. Uu procédé adopté par votre comité simplifie et accélère le travail ; il consiste à faire 20 assignats sur la même feuille, à les imprimer tous ensemble. 11 en résulte que la manipulation des assignats de 5 livres est supérieure à celle de l’assignat de 100 livres, avec cet avantage encore que les feuilles étant plus épaisses, il est plus difficile de les rompre. Quant aux caractères de l’impression, nous avons pensé que si les presses de M. Didot n’ont pas démérité près de vous, il n’est pas de motif pour chercher ailleurs un travail auquel tout est disposé chez lui. Il nous reste à assurer la perfection de l’assignat par un timbre sec. Ce timbre doit être regardé comme l’écueil de la contrefaçon. Ainsi, rien ne doit être négligé. Il résulte de toutés les combinaisons de votre comité la possibilité, la certitude même de voir les assignats en émission dans le mois prochain. Les assignataires, les numérateurs pourront être assez multipliés pour assurer cette émission dans ce court délai. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « Art. 1er. Le papier des assignats de 5 livres sera conforme au modèle remis au comité des finances, tant pour le format que pour la qualité de papier. « Art. 2. Les assignats seront imprimés de vingt à la feuille, et contiendront ces mots ..... « Art. 3. Us seront révêtus d’un timbre sec, portant l’effigie du roi. « Art. 4. Les assignats seront signés, numérotés et enregistrés. » M. de Crillon, le jeune. Voici un projet proposé par M. Chauvet, bordelais, dont les commissaires de la trésorerie ont eu la plus favorable idée. Cela m’engage à vous le lire. Vous remarquerez que le projet du comité exige trois semaines ou un mois et que celui de M. Chauvet peut avoir lieu dès demain. {Applaudissements.) Le voici : « Je viens présenter un moyen provisoire, mais prompt à tel degré que, par son exécution facile, demain à pareille heure, Paris peut jouir de l’abondance du numéraire. « Divisez en huit parties égales des assignats de 50 livres, suivant les procédés que je vais indiquer, de manière que chaque citoyen pourra détacher de l’assignat qu’il possède une somme de 6 1. 5 s. Pour produire cette division sans inconvénient, il faut que l’assignat reçoive au dos et sur la partie blanche une empreinte noire qui produise une division en huit parties égales, de telle sorte que chaque division soit bordée d’un cadre noir bien entier. Dans chaque cadre seront inscrits les numéros de chaque coupon depuis un jusqu’à huit. La somme de 6 1. 5 s. sera exprimée en chiffre, et la démarcation portera toujours sur une partie déterminée dans chaque assignat, en sorte qu’il ne sera pas possible de douter que chaque coupon ne contienne un huitième complet de l’assignat. « C’est à cela que se bornent toutes les précautions nécessaires. Les instruments sont tout trouvés. Une simple planche d’imprimerie suffit, et sa composition est l’ouvrage d’une demi-heure. 48 presses, dont une dans chaque district, peuventfournir dans un jour 10 millions tournois; ce qui est plus que suffisant pour satisfaire à tous les besoins, et calmer toutes les alarmes. » Voici quelques objections qu’on a faites à l’auteur du projet, et ce qu’il y répond : « Ces coupons pourront être contrefaits. Oui, mais chaque partie ne sera pas plus aisée à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1791.] 2o5 contrefaire que le tout et le sera même moins, car avec le même travail le profit sera moindre. D’ailleurs ces coupons n’étant que provisoires et devant être échangés à l’émission prochaine des petits assignats, on ne voudrait pas courir des risques de faire un travail inutile. Mais chaque coupon ne portera point une signature. D’accord, mais tout le monde sait que ce n’est point à ce signe qu’on s’attache dans la vérification des assignats ; c’est leur transparent qu’on examine, parce que c’est le plus difficile à contrefaire. J’ajoute que les anciens coupons que l’on regrette tous les jours, et qui circulaient de confiance, ne portaient aucune signature. « Mais dira-t-on, chaque coupon sera infiniment petit. 11 est vrai, mais la nécessité de resserrer dans un portefeuille un assignat de 50 livres le réduit de fait par la pliure en 8 parties, et plusieurs sont déjà divisés de même par le frottement. Or, les coupons n’auront point cet inconvénient, et leur proportion sera même préférable pour la grandeur à celle des anciens coupons. » Messieurs, le projet que je viens de vous présenter, je l’ai porté hier au comité des finances, on m’y a fait quelques objections auxquelles je crois avoir répondu ; mais, Messieurs, nous sommes dans une position où il ne s’agit pas de chercher une mesure sans inconvénients, mais où il s’agit de préférer celle qui en a le moins. Le moyen que je vous propose est prompt. On demande où s’adresseront les porteurs de ces coupons, lorqu’ils voudront les échanger. M. l’abbé Rochon, membre de l’Académie des sciences, présenta l’autre jour, et j’ai vu sur le bureau du président des sols qu’il avait fondu avec du métal provenant des cloches. Si on multipliait cette fusion, si au lieu de marquer la monnaie, ou la répandait telle qu’elle sort de la fonte, peut-être cette mesure, en attendant la fabrication des sols des monnaies, pourrait en partie réparer l’inconvénient de ne pouvoir pas échanger sur le, champ les assignats de 6 1. 5 s. On m’objecte en ce moment que les billets de 50 livres, déjà rares, le seraient bientôt davantage si mon projet était adopté, et deviendraient une nouvelle source d’agiotage. L’auteur du projet répond à cela que si les assignats de 50 livres deviennent rares, on coupera en deux les billets de 100 livres et tout se compensera. {Applaudissements.) Je conclus à ce que l’Assemblée décrète qu’elle autorise la division des assignats en huit portions de 6 1. 5 s. M. de Cernon, rapporteur. Messieurs, j’ai entendu avec tout l’intérêt que doit inspirer une idée utile et patriotique, le détail du projet de M. Chauvet ; mais je viens au nom du comité des finances, vous déclarer, qu’après le plus sérieux examen, il n’a pas cru devoir accueillir cette proposition. Voici ces motifs : le comité a vu d’abord dans les suites de ce projet la destruction de la classe d’assignats la plus précieuse à la circulation, en ce qu’ils sont les plus petits, et les plus commodes au commerce. D’ailleurs , l’assignat n’ayant d’autre valeur que celle qu’il reçoit du domaine national sur lequel il est assigné, et la quantité des assignats étant fixée par le numéro adapté à chacun d’eux, lorsque vous aurez coupé un assignat, une seule de ses parties sera revêtue d’un numéro ; une seule, en cas de contestation, pourra être confrontée au registre qui constate l’existence de cet assignat. Dernièrement, un pareil assignat coupé en deux ayant été présenté à la caisse de l’extraordinaire, le caissier embarrassé consulta le comité des finances, qui décida que cette partie, quoique portant la signature, ne pouvait être payée, parce que l’autre moitié était la seule qui fût enregistrée et qui pût être représentée. Ainsi lorsque vous auriez subdivisé les assignats, comment voulez-vous qu’on les présente au remboursement ?ÉCela est impossible, caron ne pourrait rappeler à quel numéro chacune de ces portions viendrait s’adapter; par conséquent il serait impossible de constater la destruction de l’assignat. Enfin, cette division en 8 parties pourrait inquiéter et donner matière à une foule de difficultés dans la classe du peuple, qui en général n’est pas trop éclairé, qui ne sait pas bien lire: et alors ne pourrait-il pas s’imaginer qu’une partie de ces assignats est mauvaise, parce qu’elle ne serait pas revêtue de toutes les formes? Le comité a cru encore ne point devoir adopter cette mesure, sous le point de vue qu’elle était contraire à vos décrets; car vous avez décrété, il y a six semaines, que tout assignat-monnaie serait en concurrence avec du billon. M. Barnave. Dans la profonde conviction des besoins actuels de la capitale, besoins qui sont trop bien démontrés par l’état des choses, et dans l’apparence extrêmement favorable que présente le projet qui vous a été proposé parM. de Grillon, j’avoue que c’est avec un sentiment de crainte que j’ai vu approcher le comité des finances pour proposer des objections contre ce projet; j’avoue aussi que lorsque j’ai entendu le comité, le sentiment que j’avais éprouvé d’abord a absolument changé et que les objections mêmes qu’il a faites ne sont, à mes yeux, qu’une puissante confirmation de la bonté du moyen qui vous avait été présenté. Il me paraît, à moi, qu’aucun des obstacles ne présente une force réelle; je ne sais pas pourquoi, après avoir insisté fortement pour nous faire accueillir un plan de banque particulière protégée par l’Etat, dont les inconvénients étaient extrêmement multipliés, dont l’avantage n’était pas aussi prochain que celui qui vous est offert, on combat aujourd’hui, comme impraticable, un plan qui, à mes yeux, est déjà apprécié par une expérience antérieure et infiniment conforme aux principes d’émission qui ont précédemment déterminé vos décrets sur les assignats. Quant à la contrefaçon, crainte alléguée par le comité, il n’est aucun plan qui présente autant de difficultés, puisque le papier est identiquement le même que celui des assignats. Quant aux moules et aux figures dont le papier est chargé, ils présentent une très grande partie des mêmes avantages, puisqu’ étant partiellement et identiquement les mêmes, chaque assignat entier offre une pièce de comparaison; et les moyens d’imitation, presque aussi difficiles que pour l’imitation de l’assignat entier, présenteraient infiniment moins d’avantages, infiniment moins de profit à ceux qui pourraient y parvenir, puisqu’ils n’y gagneraient que le huitième. Quant à rindividualité du coupon, vous l’atteignez parfaitement par le plan proposé, puisqu’on vous propose d’apposer un cadre à ces fragments, qui en marquera l’individualité, et auquel joignantle numéro, vous marquerez par là l’individualité du coupon avec l’assignat. J’ajoute ensuite que la difficulté qui a été élevée, à raison de l’hypothèque de ces coupons me d’assignats, s’évanouit absolument parles précautions antérieures qui établissent l’individualité du coupon et de l’assignat de 50 livres auquel il appartient. Au surplus, quant au dépérissement de ces mêmes assignats, cette difficulté s’évanouit absolument par la brièveté de leur durée, puisque ce n’est qu’un moyen provisoire devant servir jusqu’au moment où les petits assignats seront créés ; mais cette raison du dépérissement est déjà repoussée par une expérience antérieure. Les coupons d’assignats, qui ont, pendant un temps, remplacé dans Paris le défaut du numéraire, étaient par leur forme infiniment plus périssables que ceux que l’on vous propose : la contrefaçon en était plus facile ; cependant l’expérience a démontré qu’ils pouvaient servir; et le moment où on en a été privé, a été une espèce de désastre dans la capitale. Or, Messieurs, quand même les différents moyens proposés par le comité pourraient être bons pour une mesure durable, pourraient être bons dans un temps ordinaire où il serait possible d’attendre, il n’en est pas moins vrai que dans le moment actuel, que pour une mesure purement provisoire, lorsqu’il s’agit non seulement d’assurer la tranquillité publique, mais de donner des moyens de subsistance, des moyens de continuation de travail, des moyens de circulation dans les marchés de détail qui fait exister, chaque jour, la classe des citoyens les moins fortunés, on ne peut pas s’attacher à des moyens semblables et repousser la raison de la nécessité. Comparez le moyen qui vous est offert aujourd’hui, qui conserve le crédit public à sa véritable source, à la source qui part de l’autorité nationale, de ia propriété nationale: comparez, dis-je, ce moyen à celui qui vous a été présenté avant-hier, à la création d’une banque dont le résultat pouvait bien être d’enrichir quelques individus, mais dont le résultat était évidemment de compromettre l’autorité et la fortune publique, en les hasardant sur la probité et la propriété des particuliers auxquels on aurait confiance; comparez, dis-je, l’avantage de cette mesure, et vous ne balancerez pas. (. Applaudissements .) Je demande que le fond du pian présenté par M. de Crill on soit adopté; et que, si quelques détails sont nécessaires pour en perfectionner l’effet, le comité des finances soit chargé de vous le représenter demain matin. (. Applaudissements .) M. de Cernon, rapporteur. Quoique quelques-unes des difficultés ne m’aient pas frappé aussi vivement que d’autres membres du comité, cependant je ne puis adopter la proposition de M. Barnave dans son entier ; car il est encore des obstacles qu’il n’a pas détruits absolument. Je crois que, sans anéantir des assignats, nous pourrions user du papier que nous avons de reste, et diviser ce papier en petites parties et appliquer dessus le timbre et les vignettes qui sont tout prêts. Si l’on préfère ces assignats provisoires, je propose à l’Assemblée de vouloir bien renvoyer, et la proposition de M. Grillon et celle que je fais, au comité des finances qui l’examinera a l’instant, et fera demain matin un nouveau rapport sur ces billets. (Le projet de M. de Grillon le jeune est renvoyé au comité des finances, pour en rendre compte incessamment à l’Assemblée.) M. de Montlosicr. Je n’ai jamais opiné pour les assignats; mais du moment que cette mesure a été adoptée, il est du devoir de tout bon citoyen 120 mai 1791. j de la faire réussir autant qu’il lui est possible. Les assignats sont devenus monnaie; vous devez absolument donner à l’assignat la même mesure la même division qu’à la monnaie. Sans cela, je vous préviens que les obstacles ..... ( Murmures prolongés.) Je demande également que, sans émettre actuellement des assignats de 3 livres, le comité des finances soit chargé de faire fabriquer des matrices convenables pour vous préparer des assignats de cette valeur, dans le cas où vous en auriez besoin. M. de Ifontesquiou. On vous propose une mesure très séduisante par sa célérité, mais il faut aussi en peser les inconvénients. Ce n’est pas en un instant que, sur 5 millions de papiers extrêmement petits, on peut établir des numéros, comme l’a proposé M. Barnave; et il arrivera de ces fractions-là ce que nous avons vu avec douleur arriver sur les assignats de 50 livres. Quand ils ont été mis en circulation, tout le monde voulait en avoir, ce qui était impossible, parce qu’il n’y en avait pas assez : alors on les a vendus. C’est donc une branche d’agiotage dont vous fournissez les éléments ; pour éviter cet inconvénient, il faut non seulement que les assignats de 5 livres, ou tous autres, soient en assez grande quantité pour que ce ne soit pas une marchandise; mais il faut encore qu’il existe une assez abondante monnaie de cuivre pour que l’échange puisse en être fait. Je demande à ajouter un mot en réponse au reproche qu’on a fait à notre projet. Ce n’ést point une banque qu’on vous a proposé : on vous a proposé ce que vous avez fait, Messieurs. On vous a proposé de déclarer que la loi protégeait les établissements qui tendaient à l’utilité publique, tels qu’il y en a à Lyon, à Bordeaux, et que j’espère qu’il y en aura dans toutes les villes du royaume; mais comme vous ne pouvez dans quatre jours émettre des assignats, il est inutile de prendre une mesure qui en détruirait de précédentes et contrarierait votre décret. M. de Crillon, le jeune. Il me semble aussi que la mesure proposée par M. le rapporteur ne peut être adoptée sans inconvénient. J’imagine que le comité vous dira demain dans combien de jours il pourra livrer pour 4 ou 5 millions de ces nouveaux assignats. M. Papln. Nous sommes en état d’en délivrer mardi pour 1,840,000 livres. (Applaudissements.) Nous avons 46 rames de papier de 2,000 livres en réserve, qui fourniront 46,00(1 assignats. On les divisera alors, on coupera le papier en 8; cela donnera 368,000 assignats. Je ne connais pas d’autre parti à prendre. M. Alexandre de Lametli. 11 me semble que la question est arrivée au véritable point que l’on pouvait désirer, celui où l’on est sûr qu’il doit résulter une mesure utile au peuple; en effet, Messieurs, quels objets ont réclamé votre sollicitude? le manque de numéraire, le prix exorbitant de l’argent dans la capitale, les besoins pressants de la classe la moins aisée de la société. Le projet présenté par M. de Crillon m’a paru au premier aperçu attirer des avantages, et j’avoue que toutes les raisons alléguées contre et même celles de M. de Montesquiou me paraissent sans force, mais je ne m’oppose pas cependant à l’ajournement à demain, pourvu qu’on n’apporte [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES." 257 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [20 mai 1791.] pas de retardement et que demain sans faute on ’ nous présente les moyens d’exécution; et nous aurons tiré ce fruit du moyen présenté par M. de Crillon, qu’on ne nous aura pas fait compromettre le crédit national, en le transportant à des banques, à des compagnies. 3e demande que l'ajournement ne puisse pas être retardé plus loin que la séance de demain. M. RewbeN. Vous avez ordonné que les petits assignats et les gros sous paraîtraient en même temps : qu’est-ce que le comité vous propose pour l’exécution de ce décret? Rien. Et pourquoi? C’est parce qu’il n’a jamais voulu ni monnaie, ni petits assignats. ( Bruit prolongé.) Plusieurs membres : L’ajournement 1 M. Merlin. Je demande au nom de la patrie que la discussion continue. {Murmures.) M. de F «lie ville. Comme je suis persuadé que M. Rewbell ne veut pas chercher une querelle d'Allemand au comité des finances, je demande qu’il soit entendu. {Rires et applaudissements.) M.deüoailles. Je demande, par amendement à la proposition qui vous est faite, que le comité des finances nous présente un moyen de distribution, pour qu’on n’accapare pas encore une fois les petits assignats. {Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ferme la discussion et décrète l’ajournement à demain à midi pour un nouveau rapport du comité des finances sur cet objet.) M. Camus. J’ai demandé la parole pour une observation qui rentre dans le sujet que. l’on vient de traiter. Je viens d’apprendre de M. Des-rotours, secrétaire de la commission des monnaies, qu’il y avait actuellement en France, soit à la manufacture de Romilly, soit à celle de Lyon, une quantité assez considérable de flaons de cuivre prêts à être frappés en sous. A la vérité ces flaons sont à l’ancienne taille, c’est-à-dire, qu’au lieu d’être à la taille de 20 au marc, ils sont à la taille de 20 1/2 à 21 au marc. Je prie le comité des monnaies de nous dire si l’on pourrait employer ces flaons. M. de Cussy. On peut faire usage de ces flaons, en employant les anciens coins jusqu’à ce que les nouveaux soient prêts à servir; ce qui ne tardera pas. M. Belzais-Courménil. Je fais la motion expresse que l’on décrète, à l’instant même, que ces flaons seront fabriqués. M. Camus. Je demande qu’on aille aux voix sur ma motion et que le pouvoir exécutif soit autorisé à faire fabriquer des flaons qui pourront se trouver dans tous les hôtels des monnaies du royaume, sur les anciens coins et à l’ancienne taille. M. de Firieu. Cette dernière partie est déjà décrétée; il ne s’agit en ce moment que de décréter que tous les flaons qui existent seront mis en fabrication. M. l’abbé Maury. Cette importante discussion doit enfin être éclaircie. En la remettant à demain, qu’il me soit permis d’éveiller dès aujourd’hui la sollicitude de l’Assemblée nationale, et 1- Série. T. XXVI. particulièrement celle du comité des finances, sur un objet qui mérite la [dus sérieuse considération. Notre argent est exporté chez l’étranger, il s'agit de le faire revenir. Pourquoi un contrôleur général intelligent ne ferait-il pas ce que plusieurs banquiers de la capitale ont fait si heureusement, d’après mes conseils? Cette opération est sûre et facile : c’est à la nation de l’exécuter aujourd’hui. Vos espèces ne sont pas fondues à Londres, ni dans les Pays-Bas, ni en Hollande. Votre comité des finances dédaignerait-il de compter le retour du numéraire au rang de ses premiers devoirs? On m’observe que je suis moi-même membre de ce comité ; cela est vrai; mais l’Assemblée n’a pas oublié que j’ai déclaré, il y a plus de 6 mois, que je n’y reparaîtrais plus, pour ne pas m’exposer aux reproches de retarder ses opérations par des contradictions continuelles et inutiles. Je sens même combien il faut être courageux pour parler encore des finances dans ce moment où le parti du silence serait prudent et si digne des hommes qui ne combinent que leur intérêt personnel. Mais tout ce que je ne dirai point à votre comité des finances, parce que je n’y serais point entendu, je le dirai à cettre tribune. Je ne garderai aucun secret sur les moyens qui me paraîtront propres à contribuer à la prospérité du royaume. {Vifs applaudissements.) U est pour un bon citoyen une gloire plus flatteuse que celle de jouir des fautes de votre comité, c’est celle de les réparer et de vous éclairer sur les réticences et sur les moyens dangereux qu’il a adoptés. Je demande donc, Messieurs, que ce comité qui doit justifier aux yeux de la nation entière la confiance dont vous l’honorez, vous fasse part de ses vues sur les moyens de faire rentrer le numéraire dans le royaume. M. de Montesquieu. Je prie M. l’abbé Maury, au nom du comité des finances* qui ne me désavouera pas, de vouloir bien vous indiquer les moyens qu’il a de faire rentrer le numéraire qu’il prétend sorti du royaume, et que. l’Assemblée, suivant la forme qu’elle a coutume d’employer, renvoie ce projet-là à l’examen du comité des finances, car telles sont ses fonctions. J’ose vous dire qu’il n’existe pas dans le comité des finances un membre, et je crois qu’il n’en existe point dans l’Assemblée, excepté M. l’abbé Maury, qui, ayant des connaissances acquises pour trouver des moyens de rendre à l’Etat un si éminent service, aimât mieux faire une inutile déclamation dans l’Assemblée, que de remplir son devoir, qui est d’en faire part à l’Assemblée elle-même. {Applaudissements.) Quant aux réticences dont le préopinant semble accuser le comité des finances, je conviens que le comité des finances croit que c’est à la balance du commerce à ramener en France le numéraire que des circonstances, qui avaient diminué cette balance, en ont fait sortir. Le comité des finances a eu un tort vis-à-vis M. l’abbé Maury, c’est d’avoir été d’avis qu’il n’y avait qu’un moyen de sauverl’Etat, c’était de créer des assignats... {Un membre : Proposer de créer.) C’est là le seul reproche qu’il ait à nous faire; il ne nous a honoré de sa présence que pour parler contre les assignats. Les assignats ont été adoptés par l’Assemblée, et M. l’abbé Maury n’est plus venu au comité. Quant aux autres réticences, s’il en connaît, il faut qu’il le dise; nous devons être nos propres dénonciateurs; et il n’y a pas de crime qui ne doive être rapporté à l’Assemblée; je crois que 17 258 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1791. j le comité des finances ne redoute, sur cela, ni les dénonciateurs ni les déclamateurs. M. l’abbé Maury. Je ne mets aucune humeur dans cette discussion, j’ai trop envie d’avoir raison, pour gâter ma cause. J’observerai seulement qu’il est évidemment faux que je me sois interdît les séances de votre comité des finances... ( Plusieurs membres : Qu’est-ce que cela nous fait?) Il m’est peut-être permis de parler de finances dans cette tribune; car, si aux yeux de la haine, je suis un déclamateur, aux yeux de la calomnie elle-même, je ne peux pas être un agioteur, je n’ai pas payé mes dettes aux dépens de l’Etat, je ne me suis point enrichi à cette Révolution. Non, Messieurs, au milieu des nombreux ennemis intéressés à décrier mes opinions, pas un n’a osé m’accuser d’avoir fait des acquisitions scandaleuses, de m’être livré à un jeu infâme, aux dépens de la chose publique. ( Applaudissements à droite.) Et un jour, Messieurs, à ce jour inévitable, où chacun de nous rendra compte de sa conduite et de ses principes à la nation, à ce jour que j’envisage sans aucun effroi, si on me demandait uelles sont les preuves de patriotisme que j’ai onnées dans cette Assemblée ( Rires à gauche), je répondrais comme un grand orateur de la Grèce : Les preuves que j’ai données de mon patriotisme, consistent à n’avoir jamais pensé comme les ennemis du bien public. (Rires à gauche.) Ne voulant pas être compté parmi les bons, les excellents citoyens que la Révolution a enrichis, et m’honorant d’être dans la classe de ceux qu’elle a appauvris, j’ai conservé le droit de dire mon avis dans cette Assemblée, où je n’ai été envoyé que pour attaquer les ennemis du bien public, pour suppléer a leurs réticences, comme pour les relever de leurs erreurs. (Murmures.) Voix diverses : Votre moyen 1 votre moyen!) M. ïe Président. Tout le monde demande votre moyen. M. l’abbé Maury. Je ne serai jamais embarrassé de vous faire hommage de mes conseils pour la prospérité publique, parce que mes erreurs mêmes deviendraient intéressantes, lorsqu’elles seront séparées de tout motif d’utilité personnelle. Je demande à mon tour à ce comité des finances, auquel vous avez confié les destinées du royaume, s’il a, ou s’il n’a pas des moyens pour faire rentrer le numéraire dans le royaume. Un membre à gauche : 11 n’en a pas, il vous l’a dit; donnez les vôtres ! M. le Président. Messieurs, je vous invite au silence, pour écouter ce secret, que M. l’abbé Maury va enfin vous dévoiler. M. l’abbé Maury. Gomme je n’ai jamais regardé, ni dû regarder, ni pu regarder M. de Mon-tesquiou comme l’oracle du comité ....... M. Lucas. Allons donc, vous n’avez que des sottises à dire ! M. l’abbé Maury ....... ce n’est pas de la bouche d’un médecin, comme Son Altesse, que je veux connaître la situation du malade dont la guérison lui est confiée. Je demande que le comité entier me réponde et juge mes moyens. Les banquiers de Paris, mieux éclairés par leur intérêt personnel, que ne le sont souvent les administrateurs de la chose publique, par leur patriotisme, se sont parfaitement aperçus que l’argent sortait du royaume; ils ont spéculé qu’on ne fondait nulle part, si ce n’est en France, vos espèces d’or et d’argent, parce qu’il y a un profit énorme à fondre en ce moment l’argent à Paris et c’est là la grande charlatanerie que l’on à tant fait valoir. Les banquiers ont été plus avisés que nous; ils ont dit: on abuse la nation, on lui dit que les assignats ne perdent rien, que l’argent gagne; et en effet, allez-vous en chez un orfèvre, vous ne payerez pas davantage en assignats qu’en écus : les assignats ne perdent donc rien, puisque les orfèvres les reçoivent au comptant. Mais voici l’énigme : Les orfèvres de Paris ont augmenté arbitrairement le prix de l’argent. Ils ont dit : l’argent est à 50 livres le marc; portons-le à 60 livres et nous prendrons les assignats au pair; d’où il résulte que lorsque les assignats ne perdaient que 5 0/0, les orfèvres leur en faisaient perdre le douzième, et c’est là l’argument que plusieurs membresdecetteAssembléeont cru sans réplique. On a augmenté le prix de l’argent; mais il n’est augmenté qu’à Paris; il ne l’est pas à Cadix ...... (Une voix : Pardonnez-moi, Monsieur ...... ) L’argent valait en France 53 livres le marc, et les orfèvres l’ont mis à 60 livres et à 61 livres, quand il a fallu l’échanger contre des assignats; et c’est sous ce rapport qu’on vous a dit que les assignats ne perdaient rien. Il résulte de cet ordre de choses, imaginé pour duper des imbéciles, et non pour faire illusion à une Assemblée d’hommes raisonnables, qu’il y a un intérêt évident à fondre vos écus. Voilà des vérités élémentaires qu’on n’a jamais voulu entendre dans cette tribune. Les banquiers ont continué leur spéculation; ils ont dit: l’argent est augmenté à Paris; s’il n’est pas augmenté dans le reste de l’Europe, il faut suivre les louis et les écus partout où ils vont; car à l’endroit où ils arrivent, on est intéressé à ne pas les fondre. On perdrait essentiellement à cette refonte, parce que le gouvernement a déjà gagné à cette fabrication. Ainsi ce n’est pas pour les convertir en lingot que les étrangers les prennent ; ils les gardent en attendant des circonstances heureuses pour les placer dans le commerce d’une manière lucrative. Alors vos banquiers intelligents ont imaginé d’aller chercher vos louis à Londres, à Amsterdam, à Bruxelles, en Suisse; et dans ce moment, leurs spéculations, sur cet objet, sont ouvertes. Vous me demandez avec quoi ont-ils acheté? Avec leur crédit. Sur quoi était fondé leur crédit? Sur leur fortune, ou sur l’opinion qu’on avait de leur probité ? Mais si celte opération est utile aux banquiers, comment ne serait-elle pas utile à l’Etat? Gomment l’Etat ne pourrait-il pas, soit par lui-même, soit par la médiation des banquiers, généraliser une opération qui assurerait d’autant plus aisément la rentrée de votre numéraire, que vous le payeriez moins à Londres qu’à Paris. M. de Machault a gagné de cette manière plus de 20 millions en 1752; mais cette opération exige, je le sais, un ensemble d’autres moyens pris dans l’intérieur. Votre crédit ne peut être fondé que sur l’ordre ; l’ordre ne peut être établi que sur la tranquillité; cette tranquillité que vous voulez ou que vous ne voulez pas établir, finira par être le suprême bien du royaume. M. Le Couteulx de Canteleu . C’est en effet, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1791.] Messieurs, l’oubli de nos querelles personnelles et de nos ressentiments qui peut ramener la confiance, et nous éclairer sur les fausses alarmes qu’on s’efforce de répandre sur les assignats. Il faut dans nos discussions, ne pas perdre de vue que l’assignat est une délégation sur un bien-fonds qui en est l’hypothèque, et que celte hypothèque s’élève au moins à trois milliards. La nation a reçu cette hypothèque; le décret, la loi qui la déterminent, sont inaltérables : voilà ce dont nous devons tous nous bien pénétrer en oubli de nos querelles personnelles, et des ressentiments que peut nous avoir laissés la Révolution. Nous nous appuyerons alors sur un grand moyen de confiance qui répandra beaucoup de calme dans les esprits, et nous fera envisager les événements avec beaucoup de sécurité. Je vais tâcher, Messieurs, de vous développer les motifs de la hausse momentanée et locale de l’argent à Paris. Le Trésor royal faisait des distributions d’argent très considérables à divers entrepreneurs de manufactures, à des propriétaires de grands ateliers, aux intéressés à la caisse dePoissy. Lorsque la caisse d’escompte finit de fournir les billets que vous lui aviez demandés en anticipation d’assignats, M. Necker ne crut pas devoir faire cesser cette distribution d'argent, le désordre augmenta; il fallut en acheter pour le payement des troupes, pour la solde de la marine et les ateliers de charité. Mais depuis que le Trésor public est organisé, cette distribution a cessé ; alors ceux qui jouissaient du bienfait de cette distribution n’ont pu éviter de faire partager à leurs ouvriers le mécontentement qu’ils ont ressenti de cette mesure et ils ont payé leurs ouvriers en assignats. Dans d’autres temps, les mouvements se portaient contre la caisse d’escompte; aujourd’hui qu’elle est étrangère aux opérations du gouvernement, on aurait désiré les diriger contre le Trésor public; mais il existe, quoiqu’on veuille croire le contraire, dans la classe même des ouvriers, pour le dépôt sacré de la fortune publique, un respect qui ne se démentira jamais. Ces derniers, embarrassés d’une valeur qui ne pouvait pas se diviser en assez petites portions pour subvenir à leurs besoins journaliers, se sont donc portés contre les vendeurs d’argent ; ces vendeurs d’argent, accablés par la foule, ont cru devoir hausser le prix de leurs marchandises : alors il y a eu lutte entre l’ouvrier qui avait besoin d’argent et celui qui voulait lui en vendre. Il ne faut pas d’ailleurs se dissimuler que moins le Trésor public distribuera d’argent, moins il y en aura à vendre ; car ceux-mêmes qui ne voulaient vendre leurs bestiaux qu’à la caisse de Poissy que contre de l’argent, revendaient cet argent à Paris et y payaient leurs propriétaires en assignats. Il ne faut pas non plus perdre de vue que depuis le premier mai vous avez supprimé les droits d’entrée, et que ces droits, qui montaient à près de 30 millions par an pour la ville de Paris, se payaient presque toujours en détail et par conséquent en numéraire; j’estime que le capital depuis le premier mai a éprouvé de ce fait une perte de numéraire qui peut s’élever à 1 million. Il est vrai de dire, cependant, que souvent cet argent n’était pas donné aux barrières, parce que l’on savait fort bien aller à 3 ou 4 lieues au devant des rouliers qui l’apportaient de province, et qu’on leur changeait leur argent contre des assignats en leur donnant 3 0/0 de bénélice. Cet argent était ensuite revendu au 259 Palais-Royal ; et, quoiqu’il en soit, il ne faut pas se dissimuler que 16 0/0 ce n’est pas trop pour risquer d’être pendu. Que faut-il faire pour remédier à ces circonstances qui sont locales et momentanées ? Publier, ainsi que l’a dit le préopinant, et concourir ainsi à la tranquillité publique, publier, se dire à soi-même, le dire à ses amis, que l’hypothèquede Pas-signatest solide, bonne et inaltérable; calmer les frayeurs et les alarmes particulièrement de ceux qui se portent par méfiance à acheter de l’argent; et j’invite M. l’abbé Maury à faire usage dans ce sens de l’influence qu’il a sur bien des personnes; quant à moi, j’ai déjà converti beaucoup de monde. Mais calmons-nous, et croyons que cette cherté d’argent, qui n’est que l’effet d’une terreur panique, parce que tant que l’on menacera ie propriétaire ou le vendeur d’argent, ceux-ci disparaîtront ; croyons, dis-je, que cette cherté aurait les effets les plus funestes, si le Trésor public manquait de numéraire pour payer ce qui est indispensable ; mais il en a, et de quoi payer encore, pendant longtemps, toutes les dépenses urgentes et nécessaires. J’arrive à la deuxième cause de la cherté de l’argent ; elle provient de cette classe nombreuse d’invididus à qui vous faites des remboursements soit pour les brevets de retenue, etc., et qui veulent convertir sur-le-champ ces remboursements en argent monnayé. Il y a une infinité de ces particuliers qui n’avaieut jamais possédé de capitaux, qui vivaient de leurs revenus ou du produit de ce que l’ou appelait son état; ces nouveaux capitalistes indécis de ce qu’ils feront de leurs assignats, facilement alarmés, ne voulant pas convertir leurs capitaux en bien nationaux, parce que ces biens ne leur rapportent pas un revenu équivalent à celui que rapportait anciennement ces mêmes capitaux ; leur première sollicitude est donc de convertir leurs capitaux en argent à quelque prix que ce soit. Or, jugez combien il se présente d’acquéreurs : de là vient la hausse de l’argent. Je ne m’arrêterai pas beaucoup à ceux qui l’achètent pour leur dépense journalière; mais lors même que l’on dépense 30,000 livres par an, on n’a pas besoin de plus de 3,000 livres en écus dans le cours de l’année; et lors même qu’on serait forcé de payer l’argent à 10 0/0, ce ne serait qu’un accroissement annuel de dépense de 3,000 livres. Vient ensuite la classe de ceux qui ont journellement plus de détail; mais par cela même, c’est celle qui, recevant le plus de payements de détail, doit voir le plus habituellement les écus ; et ceux qui leur doivent ou qui les payenl, doivent faire à Paris les mêmes sacrifices'qu’on fait à leur égard dans les provinces. La tranquillité, la sécurité et l’oubli de nos querelles personnelles ramèneront des dispositions mutuelles de bienveillance; et la mesure que vous avez adoptée, Messieurs, pour les petits assignats, ainsi que pour la monnaie de cuivre, sera d’un grand secours. Si nous voulions nous tranquilliser et oublier nos querelles, il n’y a pas de doute que les capitalistes dont je viens de vous entretenir, au lieu de convertir leurs capitaux en argent, les emploieraient soit à acheter des biens nationaux, soit à les placer dans des manufactures. Si le préopinant voulait s’employer utilement et dire : <- L’assignat est bon,... (Rires et applaudissements.) l’hypothèque est bonne», plus de doute que beaucoup de personnes qui achè- ggQ [Assemblée nationale.] tent de l’argent pour leur dépense journalière, n’en achèteraient plus. Je viens maintenant à la proposition deM. l’abbé Maury de faire au Trésor public ce qu’il croit être fait avec avantage, par les banquiers qui selon lui suivent l’écu où il va dans l’étranger, l’y achète et le font rentrer en France pour l’y vendre avec profit. Je déclare tout d’abord que je ne connais aucune opération de banque de ce genre, et je mets en fait que cette opération n’a pas pu être faite par des particuliers avec quelques bénéfices. Je réponds ensuite que ce que M. l’abbé Maury vous propose de faire pour le compte de l’Etat, l’Etat l’a précisément fait, et que tout particulier, qui ne voudra pas se ruiner, se gardera bien de l’entreprendre. C’est malheureusement parce que le Trésor public, dans l’ordre actuel des choses, n’a pas pu faire cette opération avec le secret convenable, qu’elle a été si ruineuse pour lui. Dès que les étrangers instruits de celte opération, et jugeant bien que cette manière de se procurer de l’argent n’était en définitive qu’un emprunt de métal que faisait la France pour 3 ou 4 mois, emprunt qu’on serait forcé de rendre ; dès que les étrangers, dis-je, ont vu que le Trésor public empruntait le crédit des particuliers et des tireurs de lettres de change sur le pays envers lequel il se constituait débiteur; dès qu’ils ont vu que la France ne pouvait pas fournir ou assez grande quantité pour payer cet excédent ou cet extraordinaire dont le Trésor public avait besoin, ils ont fait leur combinaison pour lui faire payer ces créances et ces lettres de change le plus cher possible. Ils ont envoyé ici leurs lettres de change et ces lettres sont devenues d’un prix exorbitant, parce que le change n’est qu’un prix attaché à la lettre : Voilà l’opération qui a été faite et qui n’a tourné qu’au détriment du Trésor public. Mais si le commerce continue à reprendre vigueur comme il fait, je suis persuadé qu’avec les petits assignats que vous avez décrétés, vous parviendrez à faire baisser le prix de l’argent et à le rendre très commun; mais il faut y ajouter deux précautions; la première, de ne mettre ces assignats en émission qu’autant qu’il y en aura une suffisante quantité, pour que tout le monde en ait en même temps, et qu’ils ne deviennent point un objet d’agiotage, et ensuite vous procurer une monnaie de cuivre pour les échanger à volonté. M. de Montesquiou. Vous avez entendu le secret de M. l’abbé Maury pour rétablir la circulation du numéraire, et faire revenir celui qui est chez l’étranger; il faut que l’Assemblée nationale apprécie ce moyen. Si des banquiers faisaient ce que M. l’abbé Maury vous a dit, ils se ruineraient comme Je gouvernement s’est ruiné; et j’interpelle sur cela M. Le Couteulx. Les banquiers font précisément le contraire de ce que vous a dit M. l’abbé Maury; mais les gens qui spéculent sur le numéraire se procurent ici de l’argent, le vendent au gouvernement français, le retouchent ensuite et le vont porter hors du royaume: c’est de toutes les opérations celle qui a le plus profité aux agioteurs. Il est extraordinaire que dans le moment où tous les esprits sentent la nécessité de nous débarrasser de nos dettes envers l’étranger, on vous propose de les augmenter en allant acneterde l’argent chez lui, tandis qu’il est bien connu que la balance du commerce est d’avoir des versements à faire chez l’étranger, ou bien que l’étranger ait [20 mai 1791.] à en faire chez nous. D’ailleurs, il faudra payer d’une manière quelconque les matières que vous achèterez chez l’étranger, et cette manière là est récisement ce qui fait que vous êtes déjà le dé-iteur. Ce moyen est l’agiotage ruineux dont nous sommes victimes. Un membre : L’argent ne peut rentrer que quand la balance du commerce sera rétablie. Elle ne peut être rétablie que quand nous fournirons à l’étranger des marchandises; il faut même que nous leur en fournissions plus qu’autrefois. Or, le prix du numéraire jnous met hors d’état de leur en fournir. Les manufactures sont en très grande activité] cependant : et moi qui suis manufacturier, j’ai fait des sacrifices pour procurer du numéraire aux ouvriers. Cependant par les derniers bordereaux quej’ai reçus, il est clair que je ne perds rien au moyen dés bons que j’ai employés et qui m’ont très utilement servi. Je prêche, moi, d’exemple ; je dois convertir. M. Roussillon. Le moyen de M. l’abbé Maury est illusoire. Il est un fait, c’est que les piaslres se vendent plus cher à Londres, à Amsterdam qu’à Paris. Or, si les matières d’or et d’argent se vendent plus cher qu’à Paris, comment voulez-vous que les banquiers courent après l’or et l’argent, chez l’étranger, pour le rapporter ici? M. Relzais-Courménil. D’après les sages observations de M. Camus, voici un projet de décret sur les flaons qui se trouvent maintenant dans les divers hôtels des monnaies : « Sur le compte rendu qu’il existe dans divers hôtels des monnaies des flaons tout fabriqués à l’ancienne taille, et voulant hâter la fabrication des monnaies de cuivre, l’Assemblée décrète ce qui suit : « Le roi sera prié de donner des ordres pour faire monnayer immédiatement avec les anciens coins, les flaons existant dans les divers hôtels des monnaies ou manufactures du royaume. * M. Rabaud-Samt-E tienne. Je demande que l’état, que la quantité soient constatés. M. Camus. Oui, mais que l’on commence par fabriquer. M de Virieu. Il n’y a qu’à ajouter une disposition portant que l’administration rendra compte du nombre des pièces fabriquées avec les flaons existants. ( Marques d'assentiment.) (La discussion est fermée.) Le projet de décret présenté par M. Belzais-Courménil et amendé par M. de Virieu est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu, qu’il existe dans divers hôtels des monnaies et manufactures du royaume, des flaons tout fabriqués à la taille anciennement en usage, qui pourraient être employés, jusqu’à ce que ceux qui ont été décrétés le 6 de ce mois, soient préparés; et voulant hâter la fabrication des monnaies de cuivre, « Décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour faire monnayer immédiatement, avec les anciens coins, les flaons existant actuellement dans les divers hôtels des monnaies et manufactures du royaume. « L’administratioDdes monnaies rendra compte à l’Assemblée nationale du nombre des pièces qui seront fabriquées en conséquence du présent décret. » (Ce décret est adopté.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES.