724 lAsscmblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]24 novembre 1790.] « qui se trouve en ce moment de garde à l’hôtel-« de-ville, vous offre, en son nom et celui de « l’armée, qui ne démentira pas sûrement ses « camarades, son hommage et son respect. « Peu préparé à avoir l’honneur de vous com-« plimenter, mon langage se ressentira du désor-« dre; mais il 6era celui du sentiment que vous « connaissez, et que vous parlez si bien; il me « serait d’ailleurs difficile d’ajouter aux témoi-« gnages d’estime et d’attachement que viennent « de vous donner vos collègues, et que vous mé-« ritez à si juste titre. Des soldats ne peuvent « que vous offrir leurs cœurs et leurs épées pour « le soutien de la justice, à la tête de laquelle « vous vous trouvez. « Permettez-moi de vous embrasser au nom de « mes camarades présents et de toute l’armée. » Après cette scène attendrissante, et pendant laquelle M. Duport a donné à tous ses anciens collègues de nouvelles marques de son attachement, le ministre de la justice a été prié de prendre place à côté de M. le maire. « Non, Messieurs, a répondu M. Duport, vous « venez de me déférer un honneur que je serai « toujours empressé de reconnaître; permettez « que je me mette à côté de mon collègue; que « je reprenne, pendant que je suis parmi vous, la « place que vous aviez bien voulu me conférer. » M. Duport a encore trouvé l’occasion de manifester les sentiments et les vues patriotiques dont il était animé; il a demandé la permission de se rendre au poste et aux devoirs qui lui ont été confiés. Les applaudissements avec lesquels il avait été accueilli, au moment où il s’était présenté, l’ont suivi au moment de sa retraite. L’assemblée a repris le cours de ses délibérations. La première a été d’ordonner l’insertion, dans le procès-verbal, des discours qui ont été prononcés; elle en a également arrêté l’impression et l’envoi aux 48 sections. Signé : Bailly, maire. Dejoly, secrétaire-greffier. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du mercredi 24 novembre 1790(1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Salicettl , secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin, 23 novembre. L’Assemblée en approuve la rédaction. M. de Saint-Mars , député d'Etampes , se présente pour reprendre sa place dans l’Assemblée, dont il s’était absenté par congé. M. 'Vernier, membre du comité des finances, propose et fait adopter le décret suivant , relatif à Vancien chapitre de Die , département de la Drôme : « L’Assemblée nationale, instruite par le rapport de son comité des finances, des causes pu-Aji« ■■■ “ ■ - - — “ 4) Cette séance est incomplète au Moniteur. rement accidentelles qui ont retardé le payement de la somme de 2,000 livres due à l’ancien chapitre de Die, département de la Drôme, pour les six derniers mois de 1789, ladite somme faisant partie du secours de 4,000 livres accordé audit chapitre par le clergé ; ordonne au sieur de Quinson, ancien receveur général du clergé, de payer ladite somme de 2,000 livres au sieur Co-laud de la Salcette, ci-devant chanoine dudit chapitre, pour la distribution en être faite de la même manière que celle des sommes ci-devant accordées pour le même objet. » M. Vernier, rapporteur , propose également et fait adopter le décret suivant , relativement aux commissaires des guerres : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète conformément à son premier décret du 2 juillet de cette année : « 1° Que les commissaires des guerres seront payés pour 1789, des traitements et logements qui leur étaient accordés par les villes; «2° Que lesdils logements etautres contributions fournies par les villes, cesseront d’avoir lieu dès le mois de janvier 1790 ; ordonne, en conséquence, que les villes de Châlons et Troyes payeront chacune à M. de Grancé, la somme de 400 livres, et celle de Langres, la somme de 200 livres pour l’année 1789 seulement, d’après la taxation suivie jusqu’à ladite époque. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Perrier, directeur des eaux de Paris, à M. le président; elle est ainsi conçue : « Je viens d’apprendre qu’à l’occasion d’un rapport à faire sur la situation actuelle de la compagnie des Eaux, le comité de liquidation a dénoncé hier à l’Assemblée nationale un arrêt que j’ai obtenu au parlement de Paris contre les administrateurs de celte compagnie, pour des réclamations particulières, et que l’Assemblée nationale a décrété, sur l’opinion de ce comité, de faire poursuivre la cassation de cet arrêt. Je vous supplie, Monsieur le président, de vouloir bien demander pour moi à l’Assemblée nationale la grâce d’être entendu avant que le décret qui me concerne soit exécuté. Je la supplie aussi de me permettre de prendre connaissance des pièces qui ont déterminé l’opinion du comité de liquidation. J’avoue qu’il m’est impossible de concevoir comment des réclamations particulières qui avaient été accueillies par les premiers juges, et qui, portées au parlement, y ont été terminées par une conciliation faite sous les yeux du ministère public, et qui a reçu la sanction des magistrats, ont pu devenir l’objet d’une dénonciation à l’Assemblée nationale. Mais enfin, Monsieur le président, je ne demande à l’Assemblée qu’une justice qu’elle ne peut refuser à aucun citoyen : c’est celle d’éclairer sa sagesse sur une décision qu’elle n’a pu rendre que parce qu’elle n’a pas été instruite des faits. L’Assemblée nationale sera toujours en mesure d’ordonner l’exécution de son décret si je n’étais pas assez heureux pour la convaincre de la légalité des réclamations qui ont occasionné l’arrêt qu’on attaque. » Plusieurs membres réclament l’ordre du jour sur la lettre de M. Perrier. (L’ordre du jour est prononcé.) M. le Président fait faire lecture d’un mémoire de M. le duc de Wirtemberg, qui contient ’ la demande de renfermer dans les nouvelles bar- 725 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (24 novembre 1190.) rières qui doivent être placées sur les frontières, le comté de Montbéliard. (L’Assemblée en ordonne le renvoi aux deux comités d’agriculture et de commerce, et diplomatique.) M. Gossin, membre du comité de Constitution, propose et fait adopter le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des départements de l’Yonne, du Gard et de Lot-et-Garonne : « Décrète qu’il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes d’Auxerre, Sens et Nîmes ; elle ajourne la pétition de la commune de Villeneuve-le-Roi, pour l’obtention d’un tribunal de ce genre ; « Il sera nommé un sixième juge au tribunal du district de Toulouse. » M. Démeunier, au nom du comité de Constitution, propose un projet de décret concernant les sept tribunaux d'appel que doit avoir chaque tribunal de district, Après quelques débats le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète que les tableaux des sept tribunaux d’appel de chaque district qui, aux termes de l’article 4 du titre V du décret sur l’organisation judiciaire, doivent être proposés par les directoires de district, seront par eux adressés, huit jours après l’installation de tous les tribunaux de district, aux directoires de département, lesquels, après avoir vérifié que les tribunaux désignés sont les plus voisins, et que l’un d’eux au moins est placé dans Détendue d’un autre département, ainsi qu’il est ordonné, feront parvenir les tableaux à l’Assemblée nationale pour être définitivement arrêtés; et cependant par provision, dans les appels qui seront interjetés jusqu’à la publication du décret définitif, on se conformera aux tableaux ainsi vérifiés par les directoires de département, sous l’obligation néanmoins de communiquer ces tableaux au ministre de lt justice. » M. le Président. Le comité de Constitution a la parole pour rendre compte de pétitions relatives à la suppression de quelques districts. M. Gossin, rapporteur (1). Messieurs, l’instruction du 20 août sur les fonctions des assemblées administratives porte, au paragraphe III, que les administrations de départements ne peuvent faire aucun changement dans le nombre et la distribution générale des districts; qu’elles pourront néanmoins proposer les considérations d’utilité publique et d’économie qui, sur cet objet, leur paraîtront dignes de l’attention du Corps législatif. Quelques directoires de départements vous ont adressé des pétitions tendant à la réduction de leurs districts : vous n’avez pas cru qu’elles présentassent le vœu des administrés : c’est dans cet esprit que vous avez ajourné deux de ces pétitions au 12 de ce mois, et que les assemblées administratives de l’Ain et de la Sarthe ont été chargées de vous les faire connaître. Les diverses notions qu'a procurées l’exécution donnée à votre décret, et l’effet qu’elle a produit, ont fait agiter par votre comité la question générale de savoir si la réduction des districts peut (1) Voyez le premier rapport de M. Gossin du 15 octobre 1790. — Archives parlementaires, tome XIX, page 644. et doit s’opérer actuellement ; il l’a considérée sous le rapport du bien général, et il a vu qu’elle était d’un intérêt majeur et pressant pour tout le royaume. Mais un exposé très rapide des délibérations des administrateurs de l’Ain et de la Sarthe, ainsi que des faits qui y ont donné lieu, annoncera cette discussion. Le département de l’Ain n’a pas été plus tôt occupé de la question de la réduction de ses districts que les administrateurs de quatre d’entre ceux que l’on voulait supprimer, les municipalités des chefs-lieux et un grand nombre des députés des campagnes ont demandé d’être entendus. Aucunes de ces députations, qui présentaient le vœu, au moins présumé, des administrés des quatre districts menacés de leur suppression, n’ont consenti à cette suppression; toutes, au contraire, s’y sont opposées, à l’exception de ceux qui étaient sûrs d’être maintenus et qui ont demandé leur conservation; plusieurs même ont requis qu’il leur fût permis d’adresser leurs oppositions à l’Assemblée nationale et de les mettre sur le bureau. Les délibérations et mémoires qui ont été fournis finissent presque tous par ces expressions : « Notre nouvelle organisation, décrétée par l’Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, nous est infiniment chère; le peuple voit dans ce nouvel ordre de choses le présage du bonheur auquel il aspire; nous n’avons à proposer aucune raison d’utilité publique ou d’économie digne de l’attention du Corps législatif, et nos administrateurs ne peuvent présenter le contraire sans blesser nos droits. » Tel a été le langage de la presque totalité des membres composant les districts de l’Ain ; celui des administrateurs n’uffre, ni dans son vœu ni même dans ses motifs, rien qui puisse prévaloir sur une opposition aussi fortement prononcée. D’abord ce vœu est loin d’être unanime; quatorze membres ont opiné contre toute réduction; dix-huit ont présenté un plan de division en cinq districts, qui priverait le Bugey et le pays de Gex de leurs administrations, lorsque leurs habitants soutiennenlque la nature semble leur avoir donné des droits particuliers à cet avantage. Le procureur général syndic, que l’on peut dire être plus spécialement chargé de défendre et de présenter les intérêts du peuple, dans une opinion imprimée, et qui, ainsi que les mémoires de M. Lambert, est digne d’être connue, a conclu pour une nouvelle division en quatre districts, a soutenu que les neuf divisions actuelles valent mieux que les cinq proposées par l’assemblée du département. Ainsi, d’une part, réclamation formelle des administrés du département, et, d’une autre part, partage des administrateurs entre eux, puisqu’aux membres qui ne veulent pas de réduction se joint le procureur général syndic, qui soutient que la division actuelle en neuf est préférable à celle en cinq; ce qui fait quinze suffrages contre dix-huit. L’on peut donc dire qu’il y a presque unanimité d’oppositions dans le département de l’Ain, à la réduction des districts et à une nouvelle division. La pétition de deux cent quatre-vingt-dix-huit municipalités du département de la Sarthe, soutenue par presque tous les députés à l’Assemblée nationale, vous a paru assez puissante pour demander aux administrateurs le vœu des administrés de ce département et le leur. La question de la réduction a été vivement agitée et délibérée par les administrateurs à urne majorité de vingt-six voix contre six ; mais, sur l’effectuation actuelle de cette réduction, une seule voix a fait pencher la balance ; en sorte que dix-sept votants ont opiné