698 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1790.] églises, ensuite la surveillance? les supérieurs ecclésiastiques. Voilà ceux qu’il Faut entendre; et quand vous rétablissez lVxercice et la liberté de tous les droits naturels et civils, vous ne pouvez pas excepter une seule classe de citoyens des droits communs à tous les hommes et à tous les citoyens. Quand Henri VIII, poursuivant le cours de ses innovations, exerçait son despotisme sur les personnes et sur les* biens, il s’arrêta par respect pour les propriétés. Il n’osa pas s’emparer des biens des communautés religieuses, sans le consentement et la cession des abbés et des religieux. Cette cession même lui laissa des remords. Il craignit qu’un usufruitier ne pût pas faire une cession légitime de la propriété des églises. Il fallut que le parlement déclarât, par un acte authentique, que les titulaires des bénéfices représentaient l’Eglise propriétaire, et pouvaient stipuler pour elle. Ces cessions ne semblaient pas volontaires; Henri VIII consulta la convocation, qui était l’assemblée de l’Eglise anglicane. On ne peut pas refuser à notre réclamation ce que Henri VIII ne put pas refuser lui-même à la réclamation de sa conscience. Telles sont nos offres et nos demandes. Premièrement, nous renouvelons solennellement l’offre d’un emprunt de 400 millions, qui serait autorisé et décrété par l’Assemblée nationale, au lieu de la vente décrétée le 19 décembre, qui serait hypothéqué sur tous les biens du clergé, dont les intérêts seraient payés sur les revenus des biens ecclésiastiques, par la même voie et dans la même forme que les impositions ordinaires, et dont le capital serait remboursé sur le prix des ventes et aliénations de biens-fonds ecclésiastiques, lesquelles seraient faites jusqu’à la concurrence de 400 millions, selon toutes les formes civiles et canoniques. Secondement, nous demandons qu’il soit prononcé qu’il n’v a pas lieu à délibérer sur les articles du décret proposé. Troisièmement, dans le cas où la délibération adopterait les articles du décret proposé, nous demandons la convocation d’un concile national; et, en attendant, nous demandons acte de la déclaration que nous faisons, de ne pouvoir anticiper en rien en aucun acte tendant à dépouiller les églises de France de leur patrimoine, qui serait fait en exécution et pour suite de cette délibération, nous réservant de faire la réclamation des principes et des droits de l’autorité spirituelle et de la juridiction ecclésiastique, conformément aux canons des conciles, à la tradition de l’Eglise, et à la discipline de l’Eglise gallicane. (On demande l’impression du discours de M. l’archevêque d’Aix.) M. Muguet de IVanthou. Gomme le discours contient à la fin une sorte de protestation, il serait contraire aux principes de l’Assemblée qu’elle consacrât, pour ainsi dire, cette protestation par une décision (On demande la question préalable sur l’impression. L’Assemblée décide à une très faible majorité qu’il n’y a pas lieu à délibérer.) M. le Président. Je viens de recevoir de M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, une lettre dont je donne connaissance à l’Assemblée. « A Paris, le 12 avril 1790. « Monsieur le Président, « Pour ipe conformer ru décret de rassemblée nationale, du 28 février, sanctionné par le roi, j’ai l’honneur de vous adresser les tableaux de l’organisation de l’armée, .réduite d’après la somme à laquelle l’Assemblée parait vouloir borner la dépense du département de la guerre. « J’y joins un mémoire concernant les divers objets relatifs à l’armée, sur lesquels l’Assemblée nationale s’est réservée de statuer ; je vous prie de mettre le tout sous ses yeux, et de vouloir bien arrêter son attention sur la nécessité de prononcer très incessamment la répartition des 32 deniers d’augmentation décrétés, dont il est essentiel que l’armée soit prévenue avant 1 époque du 1er mai, fixée pour Pen faire jouir. t Je suis avec respect, « Monsieur le Président, « Votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : La Tour du Pin. » MÉMOIRE sur l'organisation de l'armée, adressé à l'Assemblée nationale. Messieurs, l’Assemblée nationale a chargé son comité de constitution de lui présenter, le plus promptement possible, des projets de loi : 1° Sur l’emploi des forces militaires d'ans l’intérieur du royaume, et sur leur rapport, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales; 2° Sur l’organisation des tribunaux et la forme des jugements militaires; 3° Sur. les moyens de recruter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage des milices. Le mémbire que l’on met sous vos yeux, Messieurs, a donc uniquement pour objet de traiter les différents articles énoncés dans votre décret du 28 février dernier, sanctionné par le roi. 1° Sur les sommes à affecter annuellement pour la dépense de l'armée. L’intention de l’Assemblée nationale paraissant être que la dépense du département de la guerre ne puisse excéder 84 millions, c’est à cette somme qu’est fixée la dépense de l’armée dont on vous présente les tableaux. 2° Sur le nombre d'hommes dont l’armée doit être composée . Pour se renfermer dans la somme indiquée par l’Assemblée nationale, on a réduit l’armée à 150,000 hommes, les officiers compris : l’augmentation à laquelle cette armée doit pouvoir s’élever en temps de guerre, ne permet pas de la tenir plus faible en temps de paix. 3° Sur l'augmentation de paie du soldat. Un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi, ayant accordé au soldat français une augmentation de 32 deniers, dont l’emploi serait déterminé par les ordonnances militaires, on a pensé que la répartitiou devait en être faite de manière à améliorer le sort du soldat sous tous les rapports. C’est pour remplir ces vues qi>e l pp propose d’eq porter ; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 179Ô.] 12 deniers au prêt. 10 au pain de munition. 6 au linge et chaussure. 4 à l'habillement. Total ... 32. Le prêt étant destiné aux premiers besoins du soldat, l’augmenraiion qu’il recevra par ce supplément, lui procurera une nourriture plus saine et p'us solide. A l’égard du pain de munition, le soldat n’en a actuellement que 24 onces; il est reconnu que cette quantité n’est pas, à beaucoup près, suffisante, et l’on propose de la portera 28 onces. Les prix des grains variant du nord au midi, il a été nécessaire d’établir une masse commune pour toute l’armée ; et ces prix combinés avec remplacement des troupes, porteront celui de la ration de 28 onces à 40 deniers. On s’est étudié, Messieurs, à lier le plan de cette administration, avec la nouvelle organisation des départements, et leurs assemblées fixeront annuellement le prix de la ration dans chaque département, d’après ceux des denrées. Par là, les agents de l’administration, dans une partie aussi délicate, se trouveront à l’abri de tout soupçon, et leur travail se bornera à veiller sur la stricte exécution des marchés. On a cru devoir ajouter 6 deniers à la majsse du linge et chaussure de chaque soldat, parce qu’il était obligé d’avoir recours à mille moyens pour faire face à cette dépense. On croit que ce supplément doit lui suffire, et qu’il est d’ailleurs essentiel de ne pas le mettre dans le cas de perdre l’habitude du travail. Il reste, Messieurs, à vous indiquer l’emploi des 4 deniers restants sur les 32 qui ont été ordonnés. Deux moyens se présentent de les employer utilement pour le soldat: Le premier, de les ajouter au prêt, déjà augmenté de 12 deniers. Le second, de les destiner à procurer, tous les deux ans, un habillement neuf au soldat qui n’est actuellementhabillé que tous les trois ans ; et c’est le parti que l’on pense qu’il faudrait prendre. Vous trouverez, sans doute juste, Messieurs, d’accorder aux soldats des régiments allemands la même paie qu’aux soldais français. C’est d’après celte persuasion que les tableaux que l’on joint ici ont été rédigés. 4° Sur les règles d’admission et d’avancement dans tous les grades. Un article constitutionnel porte que tout citoyen sera admissible à tout emploi public, sans autre distinction que celle des vertus et des talents; les ordonnances ne s’écarteront point de cette disposition. Quant au mode de l’avancement, on a cru qu’il fallait donner aux droits ainsi qu’aux espérances de chaque militaire, toute l’extension que permet la nature des choses. L’ancienneté paraît le premier des titres; il est celui qui concilie le mieux l’intérêt public et l’intérêt particulier. Le choix du plus ancien n’humilie personne; l’autorité ne peut qu’y gagner par le respect qu’inspirent naturelles ent de plus anciens services ; et l’obéissance pèse moins parce qu’elle n’est qu’une avance dont on est sûr d’être un jour remboursé. Mais si l’espoir d’un avancement certain est pu puissant moyen d’attaçher chaque individu à 699 son corps, ainsi qu’à son état, il peut aussi quelquefois assoupir le talent et arrêter les élans de l’émulation : pour éviter cet inconvénient sans perdre cependant aucun des avantages que présente l’ordre de l’ancienneté, on pense qu’il conviendrait de faire concourir alternativement le mérite que le temps semble encore éloigner des prétentions, avec celui que l’âge appelle aux emplois supérieurs. Mais une sage mesure doit être apportée à cet encouragement. C’est du grade de capitaine que cette prérogative paraît devoir dater : jusque-là les services n’ont point assez d’importance pour mériter une semblable distinction, et cette longue épreuve, donnant le temps et les moyens nécessaires pour connaître à fond les sujets, mettrait Sa Majesté à même de ne jamais se méprendre dans ses choix, ni dans ses récompenses. Ainsi, depuis l’entrée au service jusqu’au grade de capitaine, inclusivement, on n’avancerait que par ancienneté ; mais à dater de ce grade, on deviendrait susceptible de partager l’avancement avec elle, de sorte que la lieutenance-colonelle d’un régiment venant à vaquer, elle serait alternativement donnée au premier capitaine de ce régiment, et à un capitaine choisi sur tous ceux de l’armée; qu’un régiment venant à vaquer, il serait alternativement donné an plus ancien lieutenant-colonel de la même arme, et à un lieutenant-colonel choisi parmi ceux