[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.J 753 cessairement négligée par un homme occupé des soins immenses d’une grande fortune. Ges lumières sont encore plus reculées de celui qui traîne sa vie dans la dernière pauvreté. C’est dans la prompte vénalité de ces deux classes que les usurpateurs ont forgé les armes de la tyrannie. L’or de Philippe était plus puissant que l’éloquence de Démosthène; il enchaînait à la fois les orateurs et le peuple. A Rome, le trafic des suffrages était un revenu. Un roi numide disait : J’achèterai Rome. Eh, quoi ! si la liberté n’a pu totalement épurer le caractère populaire dans les Républiques et sur un sol qu’elle vivifiait, en attendrons-nous davantage chez un peuple longtemps malade du despotisme, où les traces de l’immoralité qui le suit sont encore profondes, où l’ancien ordre de choses a laissé dans les esprits des levains d’ignorance et de barbarie dont les ferments peuvent avoir encore une éruption dangereuse? Une dernière observation m’a frappé. L’enthousiasme est le mobile puissant qui entraîne et précipite une certaine classe bornée tout entière au soin d’être, au travail de vivre ; elle n’a pas le temps de réfléchir ; or, je ne connais rien de si dangereux en fait d’élection que la séduction de l’enthousiasme. L’homme vertueux n’intrigue point, ne flatte pas le peuple ; or, qui ne flatte pas n’est guère choisi par lui. Alors même la vertu conduit quelquefois les Phocions au supplice. C’est donc dans un état mitoyen qu’il faut chercher moins de vices : il ne parlicipe ni à la séduction d’une haute fortune, ni aux suggestions de la misère; ils ont précisément à la chose, ni trop, ni trop peu d’intérêt. S’ils en avaient trop, ils l’ordonneraient plutôt pour eux que pour les autres. S’ils en avaient trop peu, ils seraient prêts à l’ordonner plutôt pour quelques citoyens que pour tous. C’est, d�ailleurs, donner un nouvel aliment à l’industrie, c’est en favoriser le développement, c’est commencer à détruire la misère que de présenter aux citoyens une considération accordée au seul travail. En effet, en établissant pour l’électorat une base qui peut devenir accessible à tous, vous en verrez beaucoup s’élancer vers cette faculté par des efforts qui tourneront au profit de la société. Quel homme peut aujourd’hui se dire : il m’est impossible d’acquérir un revenu de 180 livres! Nul homme ne peut donc se croire précisément exclu de l’électorat, puisque les conditions imposées peuvent un jour devenir abordables pour lui. Je crois avoir fixé précédemment la limite qui séparait le degré de l’éligibilité commun à tous, d’avec celui qui est particulier à quelques-uns, et comment l’un était de droit naturel et l’autre de droit politique. Je conclus, en appuyant la proposition du comité ; elle ne peut exciter que les réclamations de deux classes ; des mendiants et de ceux qui ont fait de l’anarchie leur patrimoine. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du samedi 27 août 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Château-Renaud, secrétaire, fait lecture des adresses suivantes : Adresses de félicitation , adhésion et dévouement de la commune de Villemeux, district de Dreux ; des sociétés des amis de la Constitution séant à Paquemoust, à Pons , département de la Charente , et à Juliette, département de la Drôme. Adresses des citoyens actifs du canton de Belle - ville , district de Villefranche ; de la commune de Saint-Cirque-d' Aigon, district d'Albi-, de celle de de Saint-Germain-en-Viry, département de la Nièvre. Adresses des sociétés des amis de la Constitution . séant à Aleth, à Vihiers, à Coulié , département de la Vienne ; à Duravel , district de Ca-hors ; à Versoy, à Fleurence, département du Gers ; à Sainte-Colombe , département de l'Aude , à Sault, département des Basses-Alpes ; à Etain , département de la Meuse ; à Oloron , département des Basses-Pyrénées ; à Foix , et des gardes nationales d’Abrechew Hier, qui adhèrent avec une admiration respectueuse à tous les décrets île l’Assemblée nationale, et notamment à celui du 15 juillet dernier, qui a consacré l’inviolabilité du roi et maintenu le gouvernement monarchique. Adresse des citoyens de la section du Louvre, qui supplient l’Assemblée de prohiber la vente du numéraire et d’ordonner une prompte émission de petits assignats de 5 livres, et de petite monnaie en quantité suffisante pour les pressants besoins du commerce. Adresse du sieur Fredoz, citoyen d’Agde, qui offre la somme de 100 livres sur le capital de son office de procureur du roi en l’amirauté d’Agde, pour être employée à la défense des frontières. Adresse des citoyens de la ville d’Orléans, qui demandent individuellement que les membres du Corps législatif qui protesteront contre ses décrets soient flétris par la loi. Adresse des municipalités de Colmey, district de Longwy, et de Sainte-Radegonde de Sard, département de la Vendée, qui font une pétition d’armes. Adresse de la municipalité d’Auvillar, contenant le procès-verbal de prestation de serment faite par M. Desparhès, lieutenant-général des armées françaises, commandant en chef la 20° division militaire, dans le département de Lot-et-Garonne. Adresse de M. Maure aîné, citoyen d'Auxerre, qui fait hommage à l’Assemblée d’un discours patriotique qu’il a prononcé dans la société des amis de la Constitution de cette ville, le 14 du présent mois. lre Série. T. XXIX. (i) Cetle séance est incomplète au Moniteur , 48 754 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.] Adresse de la garde nationale et de la commune de Cuxac, qui assure l’Assemblée de son entier dévouement pour l’exécution de ses décrets, et y joint la liste des volontaires qui se sont fait inscrire pour la défense de la patrie. Adresse des officiers de la garde nationale de Montfôrt-sur-Lile , district de Pont-Audemer, qui annoncent que M. Hébert, chevalier de Saint-Louis, leur commandant, après avoir prêté le sermeqt à la Constitution, a déposé un acte entre lès mains des officiers municipaux par lequel il s’est obligé, avec son épousé, de payer à perpétuité 200 livres de rente annuelle à l’homme marié dë èetté Commune qui se porterait aux frontières pour lp patrie et ÿ serait blessé; ét, en cas de mort, lâ rpri'tè Serait payée à Sà veuve et à sès 'enfants, iusqü’â extinction de là ligne, ou jusqu’à raiâbrtiSsëmènt dé là rente, moyennant 4,000 livres. (ii’Âssémbléè ordonne qü’il sera fait mention hdriorablé du don de M. Hëbèrt dans le procès-verbal.) Adresse des officiers municipaux de Poitièfs , qui réclament la sévérité de l’Assemblée contre les prêtres réfractaires . Adresse dé la commune dé la campagne de Saint-Désir de Lisièüx , qui offre frentretetiir 10 hommes sur les frontières et de prélever là Somme de 2,Ü00 livres, dont elle est redevable sur la rëti i-bUliôn produite par là vettte des biens nationaux pôür lesquels elle avait fait sà soumission. Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Pau, dans laquelle elle établit ses moyens justificatifs contre les inculpations faites contre elle par la municipalité de cette ville. Adresse des amis de la Constitution de la ville et canton de Montmorency , qui supplient instammen t l’Assemblée de ne point se sépàrer avant d’avoir consolidé là Constitution et qüe ia patrie soit hors de péril. Adresse des citoyennes de la ville d'Êvreux , qui ont fait Une confédération pour propager leurs sentiments civiques, et juré d’élever leurs enfants dans les principes de la Constitution, et fait don d’un drapeau au détachement de la garde nationale de cette ville pour aller servir sur les frontières; elles manifestent à l’Assemblée les sentiments patriotiques dont elles sont animées, et elles protestent de leur respect pour la loi. Adresses des amis de la Constitution des villes de Stenay et de Bar-le-Duc , chef-lieu du département de la Mëüèe; elles expriment les alarmes des citoyens sur là Situation des frontières, qu’ils soùtïénnéiit n’être pas ett état de défense en cette partie, et sur le défaut d’armes qu’ils demandent depuis longtemps. (L’Assémbiéé ordonné le renvoi dé Ces deux adresses au comité militaire et aù ministre de la guerre). M. Cittssit», ail nom du comité de Constitution , présente un projet de décret portant établissement dé tribunaux de commerce dans les villes dè Saint-Brieuc et de Quintin, et accordant 4 suppléants aux tribunaux de commercé de Caen, Amiens et Saumur. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit : * H sera établi des tribunaux de commerce dans là ville de Saint-Brieue, chef-lieu du département des Gôtes-dü-Nord, et à Quintin, lieu principal de l’établissement des manufactures dites des toiles de Bretagne. « Le ressort de chaeün de ces tribunaux est déterminé ainsi qu’il suit : Saint-Brieue. « Les ville et faubourgs de Sâint-Brieuc, la ville de Ghâtei-Aüdren, lés paroisses de Plêrin, Trémuson, Blouffragan, Trégëux, Langeux, Ces-son, Etables, Pordic, Saint-Quay , Tréveneiic, Plourhan, Lantic, Pléguien, Plélo, Tressignaux, Trégomepr, Tréguidel , Trémeloir , Yftigfliac, Hiliion, Pomeraie et de Qüessouais. Quintin. « Les ville et faubourgs de Quintin et les paroisses de Plainehautte, Saint-Brandant , le Foeil, le Leslay, le Vieux-Bourg, Saint-Cildas, Saint-Bihy, Seven-le-Hart, Saint-Careuc, PLin-tel, Pieuc, Lorges, Lenfains, le Bodéo, la Har-moie, Gohignac, Saint-Donnant, Plouvàra, Bo-quého, Plerneuf, Lameaugon, Plédran, Henon et de Saint-Julien-de-la-Gôte. « Il sera nommé 4 suppléants aux tribunaux de commerce établis â Caen, Amiens et Saumur. » (Ce projet de décret est adopté.) Une députation des dames de la halle, marchandes de marée et de morue, est admise à la barre 4 Une des dames, marchande de marée, s’exprime ainsi : Messieurs, Depuis que votre courage a brisé les fers honteux de l’esclavage, qui pesaient depuis tant de siècles sur le peuple français, et que votre sar-gesse a donné à ce grand peuple Une Constitution vraiment admirable, qui fera sa gloire et son bonheur, et que toutes les nations lui envieront, les citoyens de toutes les classes se sentent brûlés du feu sacré du patriotisme. L’idée de la liberté a agrandi les âmes,enflamipé les esprits, électrisé les cœurs. Pour l’acquérir, aucun sacrifice n’à coûté; pour la conserver, ia vie même ne sera comptée poür rien. Les habitants des halles, pour qui toute politique, tous raffinements sont étrangers, ne connaissent d’autres vertus que d’être utiles, et de servir pour leur patrie. Nos époux, nos fils sont enrôlés sous ses drapeaux ; nous, nous venons offrir sur l’autel de la liberté, dans le temple auguste de la nation et de ses lois, notre offrande. Nous sommes jalouses de contribuer, autant qu’il est en notre pouvoir, à l’entretien des généreux Français qui volent aux frontières pour les défendre contre les traîtres et les tyrans, qui voudraient nous redonner des chaînes. Nous formions autrefois une corporation, une confrérie dédiée à la Vierge, patronne de la France. Pour lui décerner un culte, nous avions