622 [Assemblée aationale.] ARCHIVES PARLEÏl ENT AI SES . [13 septembre T791.] peut traiter une affaire d’une importance aussi majeure. J’insiste pour l’ajournement. M. Populos. Je demande que la discussion soit fermée. M. d’André. Si ia lettre du roi n’était pas arrivée j’aurais demandé tout de suite que l’on fermât la discussion; mais pour qu’on ne dise pas que vous vous êtes laissé aller à l’enthousiasme et au premier mouvement qu’a pu exciter cette lettre, je demande que, d’un côté, la députation se rende chez le roi, et que, de l’autre, nous continuions la délibération sur l’affaire d’Avignon. Il est convenable, je le répète, que vous prouviez que vous avez reçu avec sang-froid le message du roi, et que vous avez repris la délibération avec la dignité qui convient à cette Assemblée. (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion sur l’affaire d’Avignon à la séance de demain.) M. Slarnauilat , secrétaire , donne connaissance des noms des membres de l’Assemblée qui composent la députation chargée de se rendre auprès du roi. Ce sont : MM. Le. Chapelier, d’Aiguillon, Deley-d’Àgier, Démeunier, La Fayette, Darnaudat, Laborde, Clermont-Tonnerre, Alexandre Beauharnais, Barnave, Guillaume, Nonssitou, Lucas (de Gannat), l'abbé Julien, Verchères, Mourot, Pémariin, Bastiat, Dar-keim, Baco, Garat aioé, Garat jeune, Goupil-Prefelo , Ducret, Decretot, Maupassant, Peyruchaud, Ghail-lon, de Coulmiers, Briliat-Savarin, Châteauneuf-Randon, Jarry, l’abbé Bourdon, Giraud, Alquier, U. Darche, Emmery, Ulry, Marquis, l’abbé La Sal-cette, Roussillon, Le Grand, Mestre, Bizart, Gorin, Audier-Massillon, Marandat, Gbristin, Rousselet, Cavailhé, La Marck, Le Déan, Collin, Salles, l’abbé Breton, Kervélégan, Poulain-Boutancoui.t, Dubois-de-Crancé, Gouy-d’Arsy, Lassalle, Goujara, Coche-Jet, Poutrain, Barrère, Huot-Concourt, Girod cadet. (La députation quitte la salle.) M. le Président lève la séance à deux heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 13 SEPTEMBRE 1791. OPINION de M. Slonneron, député de l’Ardèche , sur une création de petits assignats., avec un projet de décret. Avertissement. — Mon dessein était de demander la parole pour lire à la tribune de l’Assemblée nationale l’écrit suivant ; mais, réfléchissant à l’im-mensité des choses qu’elle a encore à faire avant de céder la place à nos successeurs, j’ai dû ne pas lui faire perdre une heure à m’entendre ; en conséquence, j’ai préféré de la faire distribuer au domicile de chaque député. Dans le silence, il méditera mon opinion ; et si l’on présente le projet de décret, il sera adopté, sauf rédaction, sans grande discussion s’il est utile; s'il ne l’est paæ, la question préalable en fiera justice. Paris, le 13 décembre 1791. Messieurs, Sans doute, il est des malveillants dont les efforts plus ou moins nuisibles empêchent que vos décrets ne produisent tous les effets salutaires qu’ils devraient produire ; mais attribuer exclusivement à ces mêmes efforts tous les obstacles qui s’opposent au bien, c’est, je cruis, s’exagérer sur leur influence; c’est ne voir le mal que sous un seul aspect; et c’est par là s’exposer à ne pas découvrir les remèdes convenables pour en arrêter d’abord les progrès, et l’attaquer ensuite dans ses propres racines. Mon but est de demander une création d’assignats de 50 sols, 5 livres, 10 et 20 livres, en remplacement de 2,000 livres, 1,000 livres et 500 livres. Vous jugerez ee changement nécessaire, même indispensable, si je ne suis pas dans l’erreur quant aux principes sur lesquels je me fonde pour faire adopter cette proposition ; mais avant de les établir, il faut que je me livre à des observations générales que j’abrégerai le plus qu’il me sera possible. Les lois prohibitives et pénales seront toujours impuissantes contre les ressources de l’intérêt personnel : ce n'est donc pas avec de pareilles armes qu’il faut l’attaquer. Le langage de la raison serait tout aussi impuissant; les verges du ridicule auraient plus de pouvoir; mais il faudrait nommer les personnes, et je ne veux parier que des vices. Quel parti prendre? Celui d’analyser les combinaisons, que l’intérêt personnel fait tournera son avantage, et lui en opposer d’autres qui mettent, du moins, des entraves salutaires aux progrès du mal, si elles ne peuvent pas tout à fait le détruire. Vous citoyens! vous ennemis de la patrie! vous royalistes ! vous républicains ! vous insouciants I vous inquiets et pusillanimes! Je vous adjure tous de déclarer formellement, si, dans le moment où les assignats ont été créés, il était une autre mesure possible pour entretenir la circulation et sauver l’Etat des dangers de la stagnation ! Répondez sans ambiguïté; aurait-on pu ou non continuer le service public sans les assignats? Si celui-ci eût été interrompu, quel moyen eût-on employé pour empêcher une subversion totale? Sans doute, cette création avait des inconvénients; sans doute, il devait en résulter des effets plus ou moins fâcheux; mais pour les éviter que pouvait-on substituer aux. assignats? Il a donc fallu plier sous le joug de la nécessité, il a donc fallu se pénétrer si bien des avantages de cette création, que, pour l’adopter, on n’a pas dû craindre les dangers prévus dans l’avenir, alin d’échapper à ceux du présent, bien autrement terribles dans leurs conséquences. Ab! qu’il était aisé de faire l’énumération de tous les inconvénients qui pouvaient résulter et des assignats en eux-mêmes et d’une émission qui serait dans une proportion trop forte? Qu’il était facile de colorer de l’amour du bien. public les objections les plus alarmantes, celles qui montraient l’Etat dans le péril le plus éminent, en adoptant un moyen que l’on ne voulait faire envisager que sous un point de vue funeste I Si le véritable amour de la chose publique eût dicté les objections, il aurait en même temps présenté les moyens curatifs et propres aux circonstances qu’il aurait fallu préférer. L’opinion 623 [Assaatàit* ,mtàsmi*.] ARCHIVES iPAiEUÆMENTÀJRES, [13 septembre 1791.] doit être le résultat de la comparaison des avantages et des inconvénients que renferme toute proposition. Quel que soit le parti pour lequel on se décide, ce ne peut êtreque d’après lacon-victioa que l’on choisit le meilleur : ainsi la bonne foi exige que l’on ne se dissimule aucune des objections contraires à notre choix dans la proposition en question. Afin de n’être pas taxé de manquer de cette bonne foi, caractère sacré que j’exige impérieusement de tout orateur on écrivain, je conviendrai qu’il était possible d’éviter la création des assignats, si l’on œe démontre que l’Assemblée nationale a été dans un état assez tranquille, pour prendre dès l’origine les plus justes et les plus sages précautions, pour conserver surtout dans son intégrité la perception des contributions publiques ; mais si, entraînée par la force des choses et les circonstances, elle n’a pu diriger sûrement l’action propre à maintenir l’équilibre, il s’ensuit que contre son vœu et la simple déviation du poids régulateur, elle n’a pu opposer une digue assez puissante aux efforts du premier obstacle nuisible et aux progrès du mal qu’il devait produire. Quand celui-ci a pris de trop fortes racines, il ne peut être extirpé autrement que par les caustiques. Du nombre des inconvénients inhérents aux assignats, j’écarterai toutes les funestes conséquences que l’on voudrait tirer du système. Si les Français de 1791 sont en tout ressemblants aux Français de 1720, il est indubitable que les assignats de 1791 auront le même sort que les billets de 1720; mais si... je battrais l’eau en allant plus en avant. Les assignats feront disparaître le numéraire, cela est vrai, et la raison en est simple, elle est dans la nature des choses : le propre de tout signe représentatif est de prendre la place du signe représenté. Tant de causes, Messieurs, ont concouru en même temps à produire l’excessive rareté du numéraire en France, qu’en vous les détail an t vous serez, je pense, beaucoup moins surpris de cet effet que touchés des embarras qui en sont une suite nécessaire. 1° Les craintes exagérées des étrangers intéressés dans nos fonds publics (es ont portés à faire vendre une grande quantité de leurs actions et à donner des ordres positifs de leur en remettre le produit ; 2° Par un motif de crainte tout aussi peu raisonnable dans son origine, et que l’on ne peut justifier dans son effet, des Français ont placé dos fonds dans les banques étrangères, ne voyant dans cette conduite» peu patriotique qu’un acte de prudence qui leur assurait, à tout événement, une ressource pour l’avenir; 3° D’autres ont suivi la même marche ; mais, par un principe d’autant plus condamnable, quhls croyaient par là accélérer le retour de l’ancien ordre de choses, en augmentant les embarras occasionnés par le défaut de circulation des espèces et par le discrédit des assignats ; 4° Moins blâmables dans leur détermination, d’autres Français ont également contribué aux funestes effets de la rareté du numéraire, en renf rmatit dans leurs coffres des sommes qu’ils gardent, disent-ils, en réserve, pour s’en servir dans les cas où leur expatriation deviendrait nécessaire suivant eux ; 5° Ceux qui, ouvertement, disent qu’ils n’ont aucune confiance dans les assignats, soit par une crainte pusillanime, soit par un motif de mauvaise volonté, et qui, en conséquence, s’empressent de les échanger avec perte contre de l’argent, occasionnent le double mal de rendre les espèces plus rares et d’entretenir l’agiotage. 5° L’extrême et inexcusable parti qu’ont pris ceux qui ont abandonné leur patrie; 7° Les contributions publiques n’ayant été payés qu’en partie, tout ce qui reste à percevoir est évidemment retiré de la circulation. 8° Il enestde mêmepour le contingent que les eampagnes payaient dams les octrois municipaux et autres droits locaux. $° L’objet majeur, celui qui rend de plus en plus grave la gêne de la circulation, c’est que les denrées étant montées à un prix très élevé, les campagnes s’enrichissent journellement aux dépens des viiles : les premières sont dans une abondance dont elles ne tirent aucun profit, et les secondes languissent faute de moyens, les premières accumulent sans cesse, et ne rendant pas en proportion de ce qu’elles devraient rendre, et les autres payant toujours plus pour leur consommation qu’tlles ne reçoivent pour le prix de leur industrie ; il en résulte que celles-ci doivent seules ressentir tous les inconvénients de la pénurie des espèces, et de la difficulté de faire circuler les assignats. 10° Mais le plus terrible fléau c’est l’agiotage. S’il prend sa source dans cet amour désordonné du gain, il est bien secondé par l’ineptie de ceux qui y ont recours. Plus ceux-ci témoignent d’inquiétude, plus les agitateurs leur font payer les risques prétendus qu’ils imaginent; plus on leur grossit les dangers de garder un papier sans valeur, et plus on les menace de l'augmentation des pertes, s’ils tendent plus longtemps à s’en défaire. Ils ne. voient pas que, si les assignats perdaient, parce qu’ils ne méritent aucune confiance, on ne trouverait même pas à les échanger ; ils ne voient pas que la perte s’accroît successivement par la seule raison, qu’ils sont des demandeurs imbéciles et craintifs, que leur nombre devient de jour en jour plus considérable; ils ne voient pas que c’est une conséquence nécessaire que les vendeurs haussant le prix de leur argent, bien certains qu’ils le placeront malgré les conditions désavantageuses et déraisonnables qu’ils imposent; et, je le repète iei, les lois prohibitives et pénales seront toujours impuissantes pour arrêter un pareil désordre. Telles sont, Messieurs, les principales causes de la rareté du numéraire en France, et assurément il n’en fallait pas autant pour roci asionner et la porter au point où elle esi. iS’existât-il q.ue cette inquiétude si peu raisonnée, elle suffira, seule pour faire disparaître des trésors dix fois plus considérables que celui de la France en espèces monnayées. Quand l’Assemblée nationale a décrété l’émission des assignats, elle ne pouvait se dissimuler qu’il n’était d’autre moyen de sauver l’Etat ; les esprits les moins clairvoyants en sentaient ia nécessité, et, par un de ces phénomènes moraux, dont on ne trouve l’explication que dans le cœur humain, la voix des charlatans est seule écoutée. Gardez-vous, crient-ils, de vous servir d’un remède qui vous amis à deux doigts de votre perte en 1720 : vous êtes ruinés sans ressource si vous l’employez en 1791. On les croit, on se refuse à discuter leurs sophismes au flambeau de la raison : le prestige étouffe l’amour delà patrie. Que dis-je, cet amour est encore inconnu à la nation française en général ; s’il nous animait, le plus fort obstacle ae produirait qu’un vain effet; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre 1791.] 624 il n’existe pas, le plus faible n’éprouve aucune résistance; les ravages qu’il/occasionne sont visibles, et l’on tire ces arguments ridicules : « Nous vous l’avons dit, nous vous l’avons prédit, les assignats perdront la France. » Il n’est plus temps de continuer une lutte de raisonnements, il faut combattre avec des armes plus propres aux circonstances. L’Assemblée nationale, en réglant la première division des assignats, se flattait que chaque individu, eu droit soi, concourrait à conserver l’intégrité de la confiance que la nation entière devait accordera cette monnaie représentative; elle se flattait que l’hypothèque d’une masse double ou triple de biens nationaux devait faire disparaître jusques aux soupçons de l’inquiétude; que cette monnaie pourrait être retirée de la circulation, et réalisée, soit par des acquisitions, soit par des remboursements dont le fonds d’amortissement était sensible et positif : le non-payement des intérêts pour les sommes liquidées en assignats. Malheureusement l’Assemblée nationale a été dans l’illusion, et l’action permanente de l’intérêt personnel a fait connaître l’imperfection de cette première division. Pour réprimer cette action, ou plutôt pour tâcher de la diminuer, ou a décrété une nouvelle division d’assignats de 50 livres, 60 livres, 70 livres, 90 livres et 100 livres. Ce remède n’a été qu’un palliatif, et l’abus de l’agiotage n’en a pas moins eu son effet. Néanmoins cet effet a fait sentir que la plus petite subdivision devenait nécessaire, et l’on a décrété les assignats de 5 livres. Ces différentes déterminations de l’Assemblée nationale ont été nuisibles à l’effet total, parce que, dans une matière aussi importante, les tâtonnements portent à croire que l’édifice entier ne repose pas sur des bases solides. Cette réflexion que je vous présente, Messieurs, m’est dictée par l’expérience de l’événement : car je dois avouer que, dans l’origine, j’ai partagé l’illusion de l’Assemblée nationale, et seul j’aurais fait ce qu’elle a fait en corps. Je vois aujourd’hui cependant, que, pour n’avoir pas examiné plus à fond cet objet, on a commis une véritable faute. L’exemple que l’on avait sous les yêux des billets delà caisse d’escompte a induit en erreur, et la subdivision de ces billets de 200,300,1000 livres, n’ayant présenté aucun inconvénient pour la circulation, on a cru pouvoir la suivre à l’égard des assignats. Mais ce qui était bon pour une ville en particulier, ne justifie pas l’adoption d’un pareil modèle pour la France en général. A Paris, les billets de la caisse d’escompte n’étaient que pour l’usage des banquiers ou négociants; ils payaient ou recevaient de grosses sommes, et si, par événement, un billet passait entre les mains de toute autre personne, il était reçu sans difficulté, parce qu’on avait à tout moment la faculté de le réaliser en argent. Les assignats, au contraire, devant circuler dans toutes les classes, les plus petites subdivisions sont indispensables; sans elles, ils ne peuvent servir à tous les usages, et c’est dans beaucoup de cas, les exposer à éprouver une obstruction inévitable et fâcheuse. Dans le portefeuille des banquiers, un assignat de 200 livres est une subdivision suffisante, la circulation entre eux ne souffre aucune gêne; dans les mains d’un ouvrier, un assignat de 200 livres est un capital énorme, et qui lui est à charge dès lors qu’il ne peut le convertir en plus petites parties, sans une perte considérable. Quand on a décrété les assignats, on avait, dès ce temps-là, d’assez forts soupçons de la mauvaise volonté de beaucoup d’individus, pour croire que le numéraire circulerait avec peine; il fallait en conclure que ces assignats devant remplacer les espèces, leur division se trouvait pour ainsi dire déterminée; mais au lieu de le faire en billets de 3, 6, 12, 24 livres, elle devait être en billets de 50 sols, 5 livres, 10 livres et 20 livres, à cause de l’adoption de la progression décuple. Il n’est aucune composition possible, avec ceux dont l’intérêt personnel est leur unique idole. Les plus sages lois ne guériront jamais les esprits pusillanimes, car je ne sais autrement qualifier leurs inquiétudes : les menaces, les peines, la surveillance même n’empêcheront jamais les funestes effets de la mauvaise volonté, quand elle aura des moyens de s’exercer : vouons les premiers au mépris; plaignons les seconds et cherchons à mettre des obstacles aux mauvaises intentions de ceux que les remords poursuivront d’autant plus cruellement, que leurs efforts auront été d’autant plus impuissants. La perte sur les gros assignats a été de 16 0/0, à ma connaissance, et l’on m’a assuré qu’eliea même été jusqu’à 20. On peut, en général, attribuer à cette perte, l’influence la plus marquée sur le désavantage des changes delà France avec l’étranger; cet objet mériterait une discussion particulière, et, si je ne craignais une digression trop longue, j’essaierais de fixer votre attention sur une matière aussi intéressante : je me contenterai de remarquer seulement qu’aucune loi n’arrêtera, dans ce genre, les spéculations de l’intérêt personnel. Les assignats de 5 livres gagnent 8 et 10 0/0 dans leur échange avec de gros assignats : il me paraît que de cet état de choses, l’on peut en tirer la conséquence que s’il n’existait plus rie ces derniers, il n’y aurait plus une différence aussi effrayante entre l’argent et les assignats, et par une analogie sensible, le désavantage des échanges de la France avec l’étranger, diminuerait en proportion du rapprochement de la valeur des assignats au pair de l’argent. Pourquoi la différence a-t-elle été aussi grande? C’est par la raison que la division des assignats a été trop éloignée de celle qu’exigeaient les besoins usuels ; pour satisfaire à ceux-ci, les consommateurs ont été obligés aux plus grands sacrifices, ne pouvant payer de petites sommes qu’avec de l’argent ; et le commerce journalier des habitants de la campagne ne comportant que de petites sommes, il est clair qu’ils se sont garantis des assignats uniquement par la nature de leur division. Il est aussi équitable que nécessaire que tous les membres de l’Empire participent à en recevoir. Ainsi donc, pour les faire pénétrer sans effort dans les campagnes, il convient d’employer des divisions auxquelles elles ne puissent échapper, et ce sera remplir ce but de toute justice, que de décréter des assignats de 50 sols, 5, 10 et 20 livres. J’oserais assurer que ce moyen rendrait la per ception des contributions publiques infiniment plus facile et plus prompte : tel contribuable qui se refuse à payer 30 livres en écus, croira faire un acte à son profit que de payer 3 assignats de 10 livres. J’oserais croire aussi que le commerce reprendrait de sa vie en recouvrant beaucoup de sommes que l’on a retirées des capitaux qu’il emploie. Quand la crainte de manquer de numéraire est universelle, chacun garde dans son coffre celui qu’il a pu ramasser ; que la même somme soit en assignats, on s’empressera de 625 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre 1791.] chercher les moyens de la placer pour lui faire produire un intérêt. J’oserais croire enfin que cette nouvelle division rendait inutiles les billets patriotiques que la nécessité a obligé de créer dans un �rand nombre de villes. Les bons citoyens, qui se sont empressés de concourir à rendre ce service à leurs compatriotes, sont exposés à devenir la victime de leur zèle et de leur dévouement, si dans la circulation il se trouve actuellement de faux billets patriotiques, que le peuple ne sache pas distinguer des vrais ; ceux-ci doivent être d’autant plus aisés à imiter, que le besoin urgent de les mettre en circulation n’a pas permis de prendre toutes les précautions possib'es pour rendre leur contrefaçon difficile : la précipitation exclut la perfection, et malheureusement il a fallu se livrer à la première aux dépens de la seconde. Ce sera donc rendre un service important aux propriétaires de ces billets patriotiques, que de leur fournir un moyen de les retirer de la circulation. En vous proposant, Messieurs, la conversion de tous les assignats de 2,000 louis, 1,000 livres et 500 livres en assignats de 50 sols, 5, 10 et 20 livres, vous ne serez pas, j’imagine, arrêtés par la considération d’un surcroît de dépense qui vous paraîtrait en pure perte; lorsqu’il s’agit évidemment du bien général tout doit céder à ce pressant motif. Au surplus, cette conversion n’exigera peut-être pas des frais aussi considérables qu’on peut le supposer au premier aperçu. S il est des moyens d’économie à employer sans inconvénients, vous devez les recommander à votre comité des finances. Je suis bien éloigné de vouloir donner à penser qu’il y ait eu quelque tort dans l’adoption qu’il a faite du papier, de la forme et de la grandeur des premiers assignats ; le défaut d'expérience est, à mes yeux, une justification sans réplique de ce qu’il a fait ; mais aujourd’hui que nous sommes éclairés par cette expérience, il ne serait pas convenable de suivre les anciens errements. Les assignats peuvent être faits sur un papier sinon impossible, du moins excessivement difficile à contrefaire, il faut donc donner la préférence au fabricant qui, n’exigeant pas un prix plus fort, fournira des papiers de bonne qualité, et dont la contrefaçon sera la plus difficile à exécuter. MM. Johannot d’Annonay ont été écartés pour la fourniture des papiers pour assignats, par la raison que leur fabrique était trop éloignée. Il me semble que l’on n’a pas pesé assez le mérite de cette objection. Il est très vrai que leur fabrique est à une grande distance de Paris, mais si, par un plus grand nombre de cuves qu’ils peuvent employer, ils font, dans un temps donné, 3 ou 4 fois plus de papier que tout autre fabti-que, il est sensible que l’inconvénient du retard ne tombe que sur l’époque de la première livraison, leur service se fera par la suite aussi régulièrement que celui de tout autre concurrent, et qu’ils auront, de ce moment, l’avantage de fournir une plus grande quantité de papiers, de sorte que la totalité de ceux nécessaires serait toujours complétée par eux dans un plus court intervalle de temps. Les assignats de 10 et 20 livres peuvent être faits de la même grandeur, ou à peu près, de celle des assignats de 5 livres ; en adoptant cette dimension, leur fabrication en sera plus prompte, et il y aura une grande économie sur le papier. La possibilité de les contrefaire, quant aux gravures et aux caractères, doit offrir plus de difficultés dans un petit cadre que dans un grand, Série. T. XXX. et la moindre imperfection n’en deviendra que plus sensible, avec un papier qui ne sera sûrement imité qu’avec des défauts que l’œil le moins exercé ne manquera pas d’apercevoir. J’ai dit plus haut qu’il aurait été désirable que la division des assignats eût été en billets de 50 sols, 5 livres, 10 livres, 20 livres. Si j’ai pu, Messieurs, vous convaincre de la nécessité de retirer de la circulation tous ceux de 500 livres, 1,000 livres et 2,000 livres, je présume que vous vous déciderez à charger votre comité des finances à vous présenter dans quelle proportion on en créera de 50 sols, 10 livres et 20 livres et à vous dire leur sentiment, s’il convient d’augmenter les billets de 5 livres. Si, dès à présent, vous adoptiez ce projet, il serait utile, je crois, que le commissaire de la caisse de l’extraordinaire donnât des ordres à tous les receveurs de districts de n’es ampiller aucun des billets de 100 livres et au-dessous, et de prendre leurs mesures pour n’envoyer au trésorier de l’extraordinaire que les assignats de 200 livres, 300 livres et au-dessus ; au moyen de ces précautions, l’on hâterait la rentrée des gros assignats. La chose publique étant en danger, par les manœuvres des faussaires etfabricateurs de faux assignats, le seul moyen d’échapper à leurs coupables desseins, pour le présent et pour l’avenir, consisterait, à mon avis, à obliger tout particulier d’endosser les assignats de 500 livres et au-dessus, qu’il donnera en payement. J’ai l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : Projet de DÉCRET sur une conversion des assignats de 500 livres, 1,000 livres et 2,000 livres en assignats de 50 sols, 5 livres, 10 livres et 20 livres. « L’expérience ayant démontré que les assignats au-dessus de 300 livres étaient de sommes trop fortes pour une circulation facile, et que la difficulté de les convertir en petits assignats expose les propriétaires à des pertes que l’avidité des agioteurs rend de jour en jour plus onéreuses, l’Assemblée nationale voulant obvier à ces inconvénients, ouï le rapport de son comité des finances a décrété : Art. 1er. « Tous les assignats de 500 livres, 1,000 livres et 2,000 livres actuellement existants seront retirés de la circulation le plus tôt possible, et pour leur valeur, il sera remis au porteur des assignats de 50 sols, 5 livres, 10 livres et 20 livres, dans une proportion relative à celle qui sera fixée pour la création de ces nouveaux assignats en remplacement des anciens. Art. 2. u Dès à présent, le commissaire de la caisse de l’extraordinaire donnera des ordres aux receveurs de districts de n’estampiller aucun des assignats de 100 livres et au-dessous, pour les sommes qu’ils recevront à compter de la vente des biens nationaux, et de prendre en conséquence leurs mesures pour n’envoyer, à l’avenir, an trésorier de l’extraordinaire, que ceux de 200 livres, 300 livres et au-dessus, en préférant toujours ceux des plus fortes sommes, quand il leur sera possible de remplir cette condition. 40 626� [Assemblée nationale .] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1791.] Art. 3. « Nul ne pourra* refuser d’endosser tout assignat, de 500 livresr et au-dessus, qu’il donnera en payement,, l’Assemblée nationale révoquant à ceti effet tout décret qui autoriserait une disposition contraire -, et si le payeur persistait à ne passe; soumettre à l’obligation de l’endossement, les juges de paix sont nommés exclusivement pour en juger sans appel et, prononcer, contre le délinquant, une amende de 10 livres au profit de la. caisse de jurisprudence charitable. Art. 4. <; Le commissaire de la caisse de l'extraordinaire; en présence de 2 commissaires du comité des assignats, recevra les soumissions des fabricants de papier, et les échantillons qu’ils remettront seront déposés, pour servir de pièces de comparaison lors des fournitures qu’ils feront en. conséquence des marchés que le commissaire, de la caisse de l’extraordinaire aura arrêtés avec. eux. Art. 5. « Il sera donné des ordres, sur-le-champ, aux graveurs et imprimeurs de s’occuper de ce qui les concerne afin que l’on puisse fabriquer des assignats aussitôt qu’il sera fait, une fourniture de papiers. Art. 6. « Il sera ouvert à la caisse dé l’extraordinaire un. compte séparé pour la recette et dépense des nouveaux assignats, lesquels ne pourront être mis en circulation qu’en échange de ceux de 500 livres et au-dessus ; et chaque mois le commissaire de l’extraordinaire instruira l’Assemblée nationale du résultat du compte, d’après lequel elle ordonnera que les assignats de 500 livres et au-dessus seront brûlés et qu’il en sera dressé un procès-verbal particulier. Art. 7. « Aussitôt qu’il sera possible de faire la conversion des anciens assignats en nouveaux, le public en sera informé par des affiches qui indiqueront; la somme qui pourra, être délivrée chaque jour. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENGR DE M. THOURET. Séance du mercredi 14 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 12 septembre , qui est adopté. M. d'André. Je demande à faire une motion d’ordre. 11 est décrété constitutionnellement que, lorsque le roi est présent dans l’Assemblée nationale, il ne doit être pris aucune délibération; il est par conséquent nécessaire que la parole ne soit accordée à personne. Je demande donc, Monsieur le Président, que l’Assemblée, en re-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. nouvelant ce qu’elle a déjà fait en pareille occasion, vous investisse en. ce moment de toute l'autorité nécessaire pourempêcher aucun membre de l’Assemblée de prendre la parole, pendant le temps que le roi sera présent. (Cette motion est mise aux voix et décrétée.) L’Assemblée décide ensuite lanomination d’une députation de 12 membres pour recevoir le roi an moment de son arrivée. Les 12 membres de cette députation sont MM. Liancourt, Bailly, d’Ailly, Tronchet, Lebrun,, Martineau, Goupilleau, Expilly, Dumouchel, Sau-rine, Hutault, Prugnon. M. Durand Maillane, au nom du comité ecclésiastique , fait un rapport et: présente divers projets de décret concernant la circonscription des paroisses dans les districts de Tarascon, de Salon et d’Apt (département des Bouches-du-Rhône) et dans la ville de Grasse (département du Var). Ces divers projets dedécretsont successivement mis aux voix dans les termes suivants : 1er PROJET;. Paroisse du district de Tarascon. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité ecclésiastique sur la circonscription nouvelle des paroisses dans le district de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, laquelle a été arrêtée par le directoire du département, sur l’avis du directoire du district, et de concert avec l’évêque dudit département, et après l’examen fait par ledit comité des actes et pièces relatifs audit arrêté, décrète que les 5 paroisses qui sont dans la ville de Tarascon, et territoire en dépendant, seront provisoirement réduites à 2, en y joignant 4 succursales, ainsi qu’il suit : District de Tarascon. « La paroisse Sainte-Marthe, patronne de la ville, dans l’église ci-devant collégiale, sera conservée, et il lui sera annexé 2 succursales; une dans la ville, l’autre dans la campagne. « La paroisse Saint-Jacques sera aussi conservée avec le même nombre de succursales que Sainte-Marthe. « Chacune de ces 2 paroisses sera desservie par un curé et 4 vicaires. « Il sera établi dans la ville 2 succursales, dont une, dans l’église des ci-devant dominicains-, relèvera de la paroisse Sainte-Marthe, et sera desservie par 3 vicaires. « L’autre succursale sera dans l’église des ci-devant trinitaires, desservie par le même nombre de prêtres, et relèvera de la paroisse Saint-Jacques. « Les 3 vicaires de la première succursale iront alternativement, les fêtes-et dimanches', dire la messe, faire les instructions au peuple dans l’église rurale de Saint-Gabriel, distante d’environ une lieue de la ville, et conservée comme l’église de secours. « Les 3 vicaires de la seconde succursale iront alternativement, les fête3 et dimanches, d'ire la messe, et faire au peuple les instructions dans-la chapelle rurale de Saint-Victor, conservée-comme oratoire national. « La paroisse de Lansac sera provisoirement* supprimée et érigée en succursale; elle relèvera