696 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES HARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] CAHIER De doléances , plaintes et remontrances de la paroisse de Mëry-sur-Oise (l). L’an 1789, le 13 avril, en l’assemblée des habitants de la paroisse de Méry, convoqués au son de la cloche, en la manière accoutumée et tenue en la chambre du greffe de la municipalité, Nous avons dressé le cahier de doléances plaintes et remontrances pour ladite paroisse. Ladite paroisse est exposée à distance de la rivière d’Oise d’environ 200 toises ; partant, cette rivière ne nous donne aucun commerce, car il n’y a aucun port ni arrivée comme étant un plat pays. 11 n’y a qu’un bac pour servir au passage et qui dépend de la paroisse de Mériel ; cette rivière étant montée de six pieds, est sujette aux débordements et inondations. Cette rivière contient tout un côté de notre terroir, de l’autre côté nous sommcsbornés par des forêts dont une portion de 7 à 800 arpents appartient à l’abbaye royale dite de Maubuisson, une autre portion d’autre forêtaunord appartenant à plusieurs seigneurs (monseigneur le prince de Gonti), ce qui nous occasionne des délits causés par l’écartement du gibier, comme cerfs, biches, daims, sangliers, qui mangent la première pousse des grains et d’après il ne peut pousser que des rejetons très-faibles à cause de la médiocrité du terrain et nous forment des récoltes peu abondantes. Ces terroirs ne peuvent rapporter que du seigle, peu d’avoine et la plus forte partie ne peut porter que du sarrasin. L’on y fait cependant un peu de vignes, mais la rivière et les forêts attirent tant de fraîcheur que ces vignes sont très-sujettes à la gelée. Le vin qui croît très-médiocre en année commune n’est vendu que 30 livres le muid; il faut payer les fermes des aides 5 livres 10 sous, le débitant paye à’ la même ferme 13 livres; ainsi la fermé des aides tire plus que la valeur du vin, ce qui rend les cultivateurs hors d’état de payer rentes, locations, et ne peuvent payer qu’avec grand’peine les impositions royales. Sa Majesté ayant accordé à chaque vigneron trois muids de boisson pour l’aliment de sa maison, il arrive souvent qu’il manque de pain ; il ne peut échanger son vin contre du pain, sans payer les droits, quand même il n’aurait récolté que la quantité qui lui est accordée, ce qui expose les vignerons à recevoir des procès-verbaux, significations de ventes de leurs meubles. Tous les cultivateurs désireraient, s’il était possible, de n'avoir qu’un fixe à rendre au trésor royal pour toutes impositions; ils seraient exempts de double emploi et de plusieurs frais qu’ils ont à supporter. La ferme des aides et le gibier sont la plus grande cause de toute la misère. Sognole, hameau dépendant de la paroisse de Méry, à un quart de lieue éloigné de ladite paroisse, dont le chemin de Paris passe à travers ce chemin, est presque inhabitable dans la longueur de 150 toises; l’on ne peut y passer avec des voitures que dans les plus grands jours de l’été. Il n’est pas possible d’y pouvoir passer pendant six mois de l’année, ce qui occasionne des travaux pénibles aux concitoyens. Fait et arrêté par la municipalité, lesdits jour et an que dessus, et avons signé le présent : Nicolas Fleuret ; Charles Boissy ; Louis Thi-(I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. bout; Denis Garrier ; Nicolas Petit; Delamarre, Antoine Boisse ; Jacques Tribout; Louis Bellier , Bachellier ; Denis Boissy, syndic municipal ; Pierre Marchand. CAHIER De doléances de la paroisse du Mesnil-Aubry ([). Art. 1er. Que la vigne du Seigneur, qui est le patrimoine du clergé, soit uniquement l’objet de sa culture, ou s’il continue à faire valoir des terres, des dîmes, etc., qu’il soit assujetti aux impositions du laboureur séculier ; l’égalité de profession amène l’égalilé d’imposition. Art. 2. Que l’honneur et la vertu qui doivent être l’atlribut des nobles, les obligent : 1° à détruire le gibier qui ruine nos récoltes ; 2° à renoncer au droit de poser des juges dans leurs seigneuries; 3° à payer l’impôt sur leurs propriétés ; 4° d’abolir ces droits tyranniques de banalité ; 5° qu’ils soient assujettis aux entrées: il y a une infinité d’abus dans ces privilèges. Art. 3. Que le maîtres de postes et bourgeois soient assujettis à l’impôt. Art. 4. Que les avenues plantées en arbres fruitiers et autres soient naturellement reconnues appartenir au propriétaire du fonds ; les seigneurs ont envahi sur leurs vassaux ces droits tyranniques de planter sur leurs terres ; la violence ne peut servir de prescription. Art. 5. Que les droits d’aides, gabelles, etc., soient supprimés ; l’esclavage n’est pas pire" que ces créations. Art. 6. Que l’impôt territorial sur toutes les propriétés, sans exception, tienne lieu de tout subside. Art. 7. Que le premier comestible soit fixé de manière à laisser le cultivateur en état de vivre de son travail et le pauvre en état de pourvoir aisément à sa subsistance. Art. 8. Que la liberté des charrettes soit accordée aux pauvres voyageurs ; les vexations sur cet objet méritent nos réclamations. Art. 9. Que toutes les justices subalternes dépendent uniquement de l’autorité royale : 1° qu’il soit posé un juge dans un arrondissement suffisant pour qu’il puisse rendre la justice une fois par semaine; 2° que deux membres delà municipalité soient assimilés à ce juge pour lui servir de conseillers ; que tout acte signifié par le ministère d’huissier soit signé par deux témoins au domicile de la signification. Art. 10. Que le droit naturel de détruire le gibier sur les propriétés soit accordé à celui qui en est possesseur. Nous sommes en état de prouver que les lapins causent la ruine de 30 arpents de terres ensemencées en blés ; ce n’est là que le premier des maux que le gibier occasionne en effet ; ce fléau désastreux, dont l’affluence nous accable en lièvres', perdrix et. faisans, force nos cultivateurs de répandre chaque année une surabondance de semence de 4 boisseaux par arpent, qui, multipliés par 3G0 arpents que contiennent nos soles, forment un résultat de 120 septiers de blé répandus inutilement sur nos terres Que la réflexion prenne ici son essor pour calculer combien la France perd dans cette profusion forcée ; c’est innombrable. Que sera donc le produit, si on ajoute le dégât que le gibier fait sur les autres productions ? Les entraves (1) Nous publons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 697 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Paris hors les murs.] sont multipliées pour sa conservation ; à peine le mois d’avril est arrivé, défense d’entrer dans les grains sous tel prétexte que ce soit, à peine d’amende. On fait plus : la saison convenable pour faucher les prairies étant venue, défense encore de le faire avant la Saint-Jean ; ainsi la liberté est enchaînée ; il faut voir périr le fruit de ses travaux par la sécheresse ou par quelque autre intempérie, sans pouvoir se permettre d’enfreindre l’ordonnance qui le défend; ainsi les animaux créés pour le service de l’homme deviennent la ruine de ceux qui les nourrissent. Pouvons-nc>us donc nous dispenser d’en demander la destruction sur nos propriétés? Et après qu’il ne s’est présenté personne pour la rédaction dudit cahier, nous l’avons clos en l’assemblée du 14 avril 1789. Signé Lecomte, syndic ; P.-M. Perreau ; M.-A. Chalot ; P. Bourgeois ; Paruy; Bleu; Vilemaire; Poureau ; Hennequin ; Lepine ; Ch. Tystrain ; J. -P. Perreau , J.-B. Bonnefor ; Paillet ; Lehenel ; San-dreux. Paraphé ne uarietur , conformément aux règlements et au désir de l’assemblée de cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Ferellier. CAHIER Des doléances, plaintes et remontrances des habitants de la paroisse du Mesnil en France , diocèse et élection de Meaux , prévôté et vicomte de Paris (1), A remettre à MM. les élus et députés pour comparoir pour lesdits habitants, et en leur nom, en l’assemblée générale de ladite prévôté et vicomté, à l’effet de concourir à l’élection des députés du tiers-état de ladite prévôté aux Etats généraux, et de présenter à ladite assemblée les articles de doléances, plaintes et remontrances qui suivent, et requérir qu’ils soient insérés au cahier de ladite prévôté, à l’assemblée des Etats généraux du royaume. Les habitants, pénétrés de lafplus vive reconnaissance de l’amour que leur porte leur bienfaisant monarque, et des vues patriotiques du ministre qu’il a rappelé auprès de lui, demandent : Art. 1er. Le retour périodique des Etats généraux tous les trois ans, ou aux époques qui seront par eux jugées convenables. Art. 2. Que les députés ne puissent consentir aucun impôt pécuniaire, que les droits de chaque citoyen et de la nation aient été établis et proclamés solennellement. Art. 3. Que la liberté des citoyens soit assurée sur des bases inébranlables. Art. 4. Que nul impôt ne puisse être établi sans le consentement des Etats généraux. Art. 5. La responsabilité des ministres vis-à-vis la nation. Art. 6. Que la dette nationale soit consolidée en hypothéquant, par lesdits Etats, les impôts déterminés aux légitimes créanciers de l’Etat. Art. 7. Que les tailles, vingtièmes, soient convertis en une subvention, supportée également sur tous les biens, sans exemption. Art. 8. Que le prix du sel soit diminué, les aides supprimées. Art. 9. Suppression des loteries et des spéculations usuraires. (l)Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 10. Que la propriété soit respectée dans la possession des moindres citoyens; en conséquence, qu’on ne puisse disposer arbitrairement des maisons, héritages ou autres propriétés, sans le consentement des propriétaires, et dans le cas d’utilité publique, sans payer auxdits propriétaires, le prix de l’objet dont l’intérêt général exigerait le sacrifice. Art. 11. Que la corvée de toute nature soit entièrement abolie. Art. 12. Qu’il ne soit entièrement plus question de milice. Art. 13. Suppression de tous les privilèges relatifs aux impôts. Art. 14. L’établissement des tribunaux ruraux pour abréger les procès. Art. 15. La suppression des capitaineries. Art. 16. La destruction totale des lapins et la réduction du gibier; droit de plainte contre le seigneur, en cas de délits, et appel aux tribunaux ruraux, pour constater la perte, lesquels jugeront souverainement et apprécieront l’indemnité pour délits commis. Art. 17. Rachat des rentes, cens, surcens, droits seigneuriaux au denier 20, ainsi que le remboursement du Ghampart au même prix. Art. 18. Les baux des ecclésiastiques, leur exé-tion, et tenus de faire des baux judiciaires, afin qu’ils tiennent vis-à-vis de leurs successeurs. Art. 19. L’établissement d’une caisse de bienfaisance dans la paroisse, à prendre sur les revenus des gros décimateurs, pour le soulagement des pauvres et malades, afin que les pauvres ne sortent pas de leurs paroisses. Art. 20. L’éloignement des arbres à 30 pieds l’un de l’autre sur les grandes routes, voiries, grands chemins, attendu les dégâts occasionnés par leur proximité irrégulière , dégâts inappréciables pour le cultivateur, et que les remises soient diminuées, surtout dans les bonnes terres. Art. 21 . La réduction des colombiers, les pigeons causant un dégât considérable. Art. 22. La liberté à tous conducteurs de charrettes ou autres voitures, sur les grandes routes, de pouvoir faire monter les voyageurs dans leurs charrettes ou autres voitures, sans pouvoir être inquiétés. Art. 23. L’établissement d’un bureau de poste aux lettres, comme étant d’une utilité générale pour la paroisse. Art. 24. Que les députés demandent un règlement sur le commerce des grains et le renchérissement des bestiaux, qui ont opéré la ruine d’un grand nombre de citoyens, dont la plupart, surtout dans les villages, sont réduits à une extrême misère, rendue encore plus affreuse par l’intempérie des saisons et par l’oubli total sur le prix de la mouture et la police des moulins. Art. 25. Suppression de l’impôt du droit de trop bu et d’industrie, comme ne tombant que sur le peuple, dans le cas où les aides ne seraient pas supprimés. Fait et arrêté cejourd’hui, 14 avril 1789, et ont lesdits habitants signé avec nous, juge susdit, après avoir coté ledit cahier de doléances par première et dernière page et paraphé, ne varietur , au bas d’icelle. Signé Lebrun ; Boisseau ; Bousquin ; Dalle ; P. Bournier; Menange; J. Norand; Boule Denis; S.-J. Leduc; Le Rond; Mareyre; Dusautoy; Bonne-foy; Delassagne;Lecourt;Bertheuf; Lefèvre; Fre-miny; Lesoyer.