322 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Représentans du Peuple, C’est sous le masque du patriotisme, c’est par un feint amour populaire, que le dernier tyran cachoit ses vües perfides pour mieux tromper le peuple, le diriger vers la perte de sa liberté, et le plonger dans l’esclavage d’un nouveau genre. Votre oeil vigilant et sans cesse fixé vers le bien public, a découvert les perfidies atroces de ce Cromwel moderne ; et le dix thermidor a vû tomber la tête du tyran, et avec lui anéantir la tyrannie, remplacée par la justice. Sages législateurs, vous nous faites jouir, dans toute leur pureté de la liberté et de l’égalité qui sont les bases sacrées de la république française. Votre énergie l’a sauvée; elle déconcertera toujours ses ennemis extérieurs et intérieurs. Votre adresse aux français excite toute leur reconnoissance, par la force des principes qui la caractérisent. L’attitude imposante que vous avés prise, brisera le concert des puissances coalisées et fera rentrer dans la poussière tous les ennemis qui oseroient encore se montrer au dedans; notre génie bienfaisant les écrasera à jamais. La section du Faubourg-du-Nord vient rendre hommage à vos glorieux travaux et aux principes qui les dirigent : elle vous renouvelle le serment qu’elle a fait ici, la nuit du 9 au 10 thermidor, d’être inviolablement attachée à la représentation nationalle, comme étant le centre et le point de ralliement de tous les républicains. Législateurs, restés à votre poste. Que la justice, en soutenant les bons, fasse trembler les méchans ! Consolidés la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République. Nous avons tous juré de maintenir jusqu’à la mort cette source du bonheur du peuple français. ISAMBERT. Lu et approuvé à l’unanimité, en l’assemblée générale de la section du fg du Nord, commune de Paris, pour être présentée à la Convention nationale le 1er brumaire. Fait en assemblée générale le 30 vendémiaire l’an 3e de la République française une et indivisible. Jacob, président, J.-F. Thiébault, Delaistre, Gantier, secrétaires. 2 La section du Bonnet-Rouge [Paris] expose que l’impossibilité de la réunion de douze millions de votans dans un lieu commun, a nécessité la nomination de représentans, auxquels elle vient se réunir comme à l’unique point central; elle témoigne aussi son indignation contre les in-trigans qui, sous le nom de sociétés populaires, voudroient paralyser le gouvernement révolutionnaire, respecté par les sections, sociétés du peuple. Mention honorable, insertion en entier au bulletin (7). Les citoyens de la section du Bonnet-Rouge ont défilé dans le sein de la Convention. [La section du Bonnet-Rouge à la Convention nationale, s. d.] (8) Représentans du peuple, Depuis plus d’un an, les pétitions les moins réfléchies vous ont été ici présentées sous le nom de la section du Bonnet-Rouge, dont les assemblées générales n’étoient jamais com-plettes : la terreur en avoit écarté, la violence en avoit araché les vrais citoyens ou les sincères patriotes. Autrement vous n’auriez jamais entendu exprimer de sa part d’autres senti-mens, que ceux qu’aujourd’hui elle se hâte de manifester. Ne reconnoissant d’autre souverain que le peuple ou la nation entière, elle sent l’impossibilité de le trouver sans cesse tout rassemblé, pour recevoir de lui une loi, résultante de la délibération de 11 ou 12 millions de votans : ce n’est que par le moyen de leur représentation, ce chef-d’oeuvre de la sience politique inconu aux anciens, que nous pouvons, soit partiellement soit individuellement, être en rapport avec cet unique et immense souverain ; c’est donc au sein de la Convention nationale, que nous devons épancher nos sentimens d’atachement aux loix, et de soumission à l’autorité suprême. Que les intrigans des sociétés populaires cessent de sophistiquer nos principes, et d’ébranler notre croyance : non plus que les comunes ou en sections, ou en assemblées générales non primaires, elles n’ont, à l’égard de la première des autorités constituées, que l’oeuil d’observation : registres, arrêtés, correspondance, afilia-tion, tous ces atributs, dont se parent les sociétés populaires, sont comme autant d’exubérances à l’arbre de la république, qui ne peuvent que gêner la circulation de la sève, et faire avorter les fruits. Si le gouvernement révolutionaire provisoire circonscrit un peu leur marche, s’il gêne à quelqu’égard leur activité, doivent-elles murmurer plus haut que tout le peuple, qui se voit suspendu dans l’exercice de ses droits? qui sont les plus inviolables des sociétés populaires ou des assemblées du peuple? et, si, dans les mo-mens où il jouît du droit de se réunir, il ne juge pas à propos de revendiquer ses droits d’élection, son pouvoir constitutionel d’administrer, quelle mission les clubs peuvent-ils avoir pour s’en plaindre, et pour vouloir ainsi paraliser le gouvernement révolutionaire ? Le dernier tiran est abatu : mais tous ses émissaires n’ont pas disparu ; tous ses agens ne sont pas encore attérés : et, ne vous y trompez (7) P.-V., XLVTII, 1. Moniteur, XXII, 303; Gazette Fr., n° 1024; Rép., n° 32. (8) C 325, pl. 1402, p. 5. Bull., 1er brum. Débats, n°759, 448-449. SÉANCE DU 1er BRUMAIRE AN III (22 OCTOBRE 1794) - N° 3 323 pas, représentais du peuple, tous ces murmures sourds, toutes ces réclamations vives, tous ces projets audacieux, ne sont que les palpitations, pour ainsi dire, des lambeaux de ce monstre. Votre adresse aux Français sauve les principes pour lesquels tant de patriotes furent persécutés ; et votre décret du 25 vendémiaire garantit ces derniers de semblables persécutions pour l’avenir. Continuez de comander, c’est-à-dire de faire régner les loix, ne vous lassez ni de répandre le beaume de l'humanité sur nos plaies, ni de rendre un libre cours à notre respiration. Nous jurons que les factieux ne parviendront à fermer votre main bienfaisante, à retenir votre bras protecteur, qu’après avoir exterminé tous les citoyens du bonet-rouge. L’assemblée générale, apprès avoir entendu la lecture de l’adresse ci-dessus, a arrêté qu’elle sera présentée à la Convention nationale par tous les citoyens de la section en masse, accompagné du drapeau et au son de la caisse, ce premier brumaire l’an troisième de la République française une et indivisible. P. Feuty, président, Moisy, secrétaire par intérim. 3 Le conseil-général de la commune d’Am-boise [Indre-et-Loire] celui d’ Argentan [Orne] b, témoignent leur indignation au sujet du système de terreur, favorable à la tyrannie, et adhèrent à l’Adresse présentée au peuple français (9). a [Le conseil-général révolutionnaire de la commune d’Amboise à la Convention nationale, du 17 vendémiaire an III] (10) Liberté Egalité Justice La République ou la mort Représentans du peuple, Nous ne pourrions que foiblement vous exprimer les transports de joie et de reconnois-sance pour la Convention nationale, qu’a excité chez nos concitoyens l’adresse sublime que vous venez de faire au peuple français. Les principes immortels et sacrés qui y sont tracés étaient dans tous les coeurs, mais ils y avaient été comprimés; car les crimes du Néron français ont aussi pesé sur nos têtes, la terreur a habité quelques instans parmi nous, et l’intrigue et l’immoralité ont persécuté, ici comme ailleurs, la vertu et le patriotisme ; mais la Ré-(9) P. V., XLVIII, 2. (10) C 323, pl. 1384, p. 12. Bull., 3 brum. M. U., XLV, 22. volution du 9 thermidor, en faisant justice des hipocrites patriotes qui avaient trompé le peuple, lui a rendu, avec son énergie, sa vertueuse influence. Le reigne de la justice est donc enfin arrivé! grâces éternelles vous en soyent rendues, augustes représentans, et quel autre règne pouvoit mieux convenir à un peuple libre, à des français! Quoi? les enfans combattaient sur les frontières pour la liberté, et les pères et mères gémissaient sous la verge de fer de quelques tirans subalternes ! O honte ! mais votre courage, votre énergie et votre vertu ont bien scû l’effacer. Oui, citoyens, nous ne sommes pas les premiers à vous le dire ; mais nous, qui sommes constamment auprès du peuple, nous qui sommes pour ainsi dire les dépositaires de sa joie et de ses souffrances, nous pensons fermement que l’attitude qu’a prise la Convention depuis quelques tems, la guerre qu’elle a déclaré à tous les genres de crimes vaut mieux pour la liberté que plusieurs batailles gagnées. Oh! si vous saviez, citoyens représentans, comme la Convention est aimée et respectée dans ces lieux, avec quel intérêt on en parle, comme un décret est reçu, comme il est exécuté, vos coeurs en seraient attendris! Comptés donc sur le peuple d’Amboise, sur son patriotisme, sur son amour pour la justice et sur son dévouement à la chose publique, sur sa haine pour toutes les tirannies, nous sommes ses garans et nous affirmons qu’aucun sacrifice en révolution ne lui a coûté et qu’il est tout prêt à en faire d’autres tant que les besoins de la patrie l’exigeront. Le grand cri des patriotes exclusifs que vous avez si bien démasqués était que l’aristocratie dominait partout, afin de pouvoir compter plus de victimes; on l’a dit aussi dans notre commune, et bien! citoyens, un premier représentant du peuple, Guimberteau, qui est venu au milieu de nous vous écrivait le 8 ventôse, en parlant d’Amboise : qu’il ne connaissait pas de commune où l’on bénit de meilleure foi la Convention et ses décrets. Que le représentant Brival qui depuis le neuf thermidor a tout régénéré, et dont le nom n’est prononcé ici qu’avec affection, vous dise ce qu’il pense de la masse des citoyens d’Amboise. Quand à nous, citoyens représentans, nous vous offrons, pour le bonheur du peuple (l’unique objet de vos travaux), notre zèle à soutenir ses droits sacrés, à faire exécuter vos décrets révolutionnaires qui doivent le fonder d’une manière inébranlable, et nous n’avons plus besoin de vous assurer que nous ne re-connoissons d’autre souveraineté que celle du peuple, d’autre puissance, d’autre autorité supérieure que la Convention nationale. Vive la Convention nationale, vive la République une et indivisible. Salut et fraternité. Deflandes, maire, Caludrel, agent national, Bourguignon, secrétaire et douze autres signatures.