382 [Couvention national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. JJ et en annonce davantage; elle y joint différents dons faits par des citoyens, qu’ils offrent de con¬ vertir en assignats; plus, 20 croix de Saint-Louis, et le procès-verbal de leur fête civique. Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre de la commune du Mans (2). Les citoyens composant le conseil général de la commune du Mans, au Président de la Con¬ vention nationale. « La commune du Mans envoie à la Conven¬ tion les premières dépouilles des ci-devant églises qu’elle renferme dans son sein. Ce n’est qu’un faible prélude de ce qu’elle enverra par la suite. Nous avons remporté une victoire complète sur le fanatisme, et le seul temple qui soit ouvert au milieu de nous est celui de la vérité. « Nous y joignons l’argenterie de plusieurs citoyens qu’ils offrent de convertir en assignats pour être reportés sur les familles indigentes de la commune : ensemble vingt croix de Saint - Louis déposées sur notre bureau en vertu de la loi. « Nous envoyons en outre le procès-verbal de la fête que nous avons célébrée dans la ci-Mevant église métropolitaine du Mans, désor¬ mais consacrée au culte de la vérité. On y lira, non sans attendrissement, les rapides progrès de la raison sur un peuple qui, jusqu’à la prise de la Bastille, avait langui dans l’ignorance et la crasse des préjugés. « Salut-et fraternité. » (Suivent 20 signatures.) Procès-verbal de la fête républicaine célébrée par les citoyens de la commune du Mans, décadi 30 brumaire, Van II de la Bépublique française, une et indivisible (3). Ce n’était pas assez d’avoir brisé le sceptre de la royauté; ce n’était pas assez d’avoir pu¬ rifié le sénat français, en frappant du glaive populaire les conspirateurs qui s’étaient élevés dans son sein ; un dernier coup, non moins salu¬ taire, manquait à l’affermissement de la Répu¬ blique et aux progrès de la raison. Le monstre de la superstition respirait encore ; ni l’éclat éblouissant de la liberté, ni les traits aigus, lancés par la philosophie, n’avaient pu jusqu’ici vaincre sa férocité. Il n’appartenait qu’à l’énergie révolutionnaire du peuple de trancher sa tête hideuse. Enfin, l’heure de sa mort a sonné, et l’on a vu, pour la première fois, la Vérité, fille de la nature, descendre au milieu d’un peuple im¬ mense, et se montrer à ses yeux dans tout son éclat. Le décadi, 30 brumaire, deuxième année de (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 240. (2) Archives nationales, carton G 283, dossier 808. (3) Archives nationales, carton G 283, dossier 808. la République, une et indivisible, les deux repré¬ sentants du peuple Thirion et Garnier, suivis des autorités constituées, de la Société républi¬ caine et de plusieurs députations des munici¬ palités circon voisin es, se rendirent à la maison commune du Mans, sur les dix heures du matin. Le conseil général était assemblé pour les rece¬ voir, un grand nombre de spectateurs remplis¬ saient les galeries. Le citoyen Potier, maire, prit la parole. Il annonça que le vieil édifice de l’erreur allait être renversé, qu’au lieu de fêtes superstitieuses, on allait célébrer une fête digne de l’homme rendu à la raison et à la liberté; il invita les deux représentants du peuple à contribuer, par leur présence, à la solennité. Les cris plusieurs fois répétés de Vive la Bépublique! vive la Montagne! donnèrent des preuves non équivoques de l’allégresse et de l’enthousiasme du peuple. Une musique guer¬ rière fit ensuite retentir les voûtes de la salle d’airs mélodieux et patriotiques, et le cortège, au milieu duquel on portait les bustes des grands hommes, sortit de la maison commune pour se rendre à la place de la Réunion. Un air pur, un ciel serein éclairait cette mémorable journée, et l’Etre suprême sourit aux hom¬ mages de l’homme régénéré, comme il sourit autrefois au sacrifice de l’innocent Abel (sic). La garde nationale réunie en armes sur la place de la Réunion se joignit au cortège qui se rendit, précédé de la gendarmerie parisienne, sur la place de la Liberté. Là, rassemblé autour de l’arbre consacré à cette nouvelle divinité des Français républi¬ cains, transporté d’un saint enthousiasme, le peuple lui adressa ses vœux et ses hommages. L’hymne sacré des Marseillais fut chanté, et les cris multiples de Vive la liberté ! vive la Mon¬ tagne! firent reculer d’épouvante l’hydre du mensonge qui osait encore se montrer Le cortège, quittant ensuite la place de la Liberté, arriva à la ci-devant église métropo¬ litaine, à l’entrée de laquelle était une inscrip¬ tion portant ces mots : TEMPLE DE LA VÉRITÉ. Le son de la trompette annonça trois fois le jugement dernier des prêtres Lorsqu’on fut entré dans le temple qu’on venait consacrer à la raison, le citoyen Garnier, représentant du peuple, prit la parole et, par un contraste inouï, on entendit les maximes douces et persuasives de la vérité sortir de la chaire, où avaient, depuis 17 siècles, retenti les hurlements de l’imposture et de la supers¬ tition. Tout ce que le fanatisme a de plus hideux, tout ce que la race impure des prêtres a vomi de plus abject et de plus criminel a été énergi¬ quement retracé par l’orateur et mis en pa¬ rallèle avec les principes doux et attrayants de la religion naturelle. Puis, prenant à témoin la nature entière de la sincérité des vœux qu’il formait pour le bonheur et la conversion de ses concitoyens : « Et toi, s’écriait -il, ô na¬ ture, reçois favorablement les prières de tes-enfants; nous ne confierons plus à des prêtres imposteurs le soin de te présenter nos hom¬ mages. Un enfant s’est-il jamais servi de l’in¬ termédiaire de sa nourrice pour faire des. caresses à sa mère? »