[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. {Bailliage de Bouzonville.] 7Q3 santé qu’en maladie, et a ôté à ce malheureux, par la forme adoptée, le droit de se plaindre de la mauvaise qualité des aliments. C’est les larmes aux yeux, la douleur dans l’âme, que la noblesse supplie Sa Majesté de consolider à jamais la constitution militaire, de donner un libre cours à l’émulation en laissant la porte des grades supérieurs ouverte au seul mérite en bornant le nombre de ses officiers généraux à celui nécessaire au commandement des armées, en réduisant le nombre des grands gouvernements, celui des peti ts même, ainsi que celui des commandements dans ses provinces; et enfin en supprimant le conseil de la guerre trop coûteux, trop nombreux et qui devrait être (si son existence est nécessaire) composé d’un petit nombre de militaires expérimentés qui tirassent leurs moyens. d’administration de la pratique, non de la spéculation. Les sacrifices que l’ordre de la noblesse vient d’offrir ne peuvent plus laisser de doute sur son entier dévoument; elle tâchera d’en supporter le fardeau tant que l’Etat sera obéré, et ce terme prévu et fixé, SaMajesté mettra indubitablement le plus grand empressement à ladégrever, ainsique les autres ordres de l’Etat. Fait et arrêté en l’assemblée de la noblesse, à à Bouzonville le 12 mars 1789. Signé à la minute : Forget de Barst d’Hemestroff; Bampont de Hey-sén, etc. Expédié conformément à l’original par le soussigné, greffier commis audit bailliage, sur la réquisition de M. Je lieutenant général audit siège. Signé Piéron. CAHIER De très-humbles et très-respectueuses remontrances , doléances et plaintes des villes, paroisses et communautés composant le bailliage de Bouzonville (1). 13 mars 1789. L’état actuel des finances du royaume ne permettant plus de se dissimuler qu’elles ont besoin de se régénérer dans un ordre plus parfait pour les mettre au pair avec les dépenses, et le désir de Sa Majesté comme le vœu de tous ses bons et fidèles sujets étant d’y contribuer de tout leur pouvoir, le premier pas à faire avant d’arriver au moyen de réparer ou de construire et d’obtenir une base sur laquelle on puisse asseoir l’édifice est de se procurer la connaissance de l’état, au vrai ; c’est pourquoi Sa Majesté sera très-humblement suppliée : 1° üe faire terminer par un calcul juste et précis la masse des dettes de l’Etat, d’en faire remettre le résultat sous les yeux de ses Etats généraux avec le tableau des revenus et des dépenses de l’Etat, ainsi que celui des charges et frais nécessaires à sa manutention-, 2° Une administration arbitraire étant exposée à tous les dangers des fausses spéculations et sujette à toutes les révolutions ruineuses des nouveautés, et la succession rapide des différents ministres auxquels on en confie la direction, mulipliant les dangers et les abus, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’établir dans l’administration de tous les départements, une forme permanente et invariable dont aucun des ministres ne pourra s’écarter, sans en être garant et comptable envers l’Etat et la nation; et si cette nouvelle (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. constitution était susceptible de perfection, ou s’il s’y introduisait des abus, les modifications que les connaissances acquises par l’expérience rendraient nécessaires ne pourront se faire qu’en l’assemblée des Etats généraux. 3° Les charges et dépenses de l’Etat une fois connues, qu’il soit fixé la masse générale des subsides nécessaires pour y subvenir, lesquelles ne pourront néanmoins jamais excéder le dixième des revenus de la propriété. 4° Que cette masse soit répartie entre toutes les provinces en proportion de leurs richesses intérieures, de leur commerce, pour en faire, chacun dans leur territoire, la répartition et la levée et ensuite en faire verser sans frais les fonds au trésor royal, ce qui débarrassera l’administration mniistérielle du soin et des frais de surveillance et lui assurera à des termes fixes des fonds dont elle fera l’usage que le bien de l’Etat exigera. 5° Le tiers-état gémissant depuis longtemps sous le poids énorme des contributions de toute espèce dont il estgrevé par l’abus des privilèges et des exemptions que fait refluer sur lui en contributions qu’auraient dû supporter les privilégiés, le clergé et la noblesse, Sa Majesté sera très-humblement suppliée de supprimer toutes distinctions, quant aux subsides et impositions, entre les différents ordres de ses sujets, et ordonner qu’à l’avenir, sans différence d’état, de qualité, de rang ni de dignité, les trois ordres de son royaume seront contribuables aux subsides de l’Etat et aux impositions locales, sans qu’à la suite il puisse être accordé aucun privilège ni exemption pour quelque cause que ce puisse être, et même Sa Majesté sera très-humblement suppliée de modérer sa générosité et sa grandeur dans les différentes faveurs et pensions qu’elle accorde dans les différents états, et encore de réduire les gouvernements militaires à celui de chaque province; suppliant encore SaMajesté d’établir dans tout ce qui l’environne l’économie que la dignité de son trône lui permettra de faire. 6° Pour une administration stable et confiante sur toutes les parties, Sa Majesté sera suppliée de céder au vœu général de la province en la réintégrant dans ses Etats provinciaux, et de leur attribuer la direction générale de ses finances et domaines, avec pouvoir de se donner l’organisation la plus analogue à ses mœurs et à ses ressources. 7° Les compagnies financières n’ayant d’autre mérite que de fournir au gouvernement des avances à gros intérêts et de vexer le peuple, pour multiplier et grossir les profits immenses qu’elles font, Sa Majesté sera très-humblement suppliée de les supprimer toutes, et de confier à chaque province l'administration de ses finances, sous la direction immédiate ou du contrôleur des finances ou d’un de ses commis, dont sera composé son comité. et assurer leurs remboursements des avances quelles pourraient avoir faites sur des fonds à ce destinés, et qui résulteron t de l’accroissement de ceux produits parla contribution des deux premiers ordres et des privilégiés, ce qui donnera une administration plus sage, plus économique et plus conforme au vœu général de la nation. 8° Le sel étant de première nécessité tant pour l’homme que pour le bétail et d’une ressource infinie pour l’agriculture, surtout dans ce canton, où les laboureurs, à cause de l’ingratitude du sol et de la nature des terres, sont obligés d’employer huit chevaux par charrue, tandis que 704 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonnlle.] dans d’autres provinces deux à trois suffisent pour une charrue, Sa Majesté sera très-humblement suppliée de supprimer les greniers à sel et d’en laisser le commerce libre, les sujets de ce canton pouvant s’en procurer de l’étranger à moins de deux sous la livre par la Moselle et la Sarre, et les salines faisant, au détriment de la province et des propriétaires, une consommation énorme de bois que l’on pourrait épargner en faisant cuire ces sels avec de la houille dans les Etats qui les avoisinent, la suppression paraîtrait nécessaire et avantageuse à la province. 9° La province de Lorraine, et en particulier ce canton , étant traversée et coupée, tantôt par les pays messins et les Trois Evêchés, tantôt par le Luxembourgeois français, tantôt par les parties de la Lorraine cédées à Louis XIV par le traité de Vincennes du dernier février 1661, et chacune de ces parties différentes étant hérissées de bureaux de foraines, qui entravent le commerce et multiplient les frais, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’abolir tous droits de péage entre ces différentes provinces et celle-ci, de même que ceux qui se perçoivent à l’entrée des villes, qui ne sont ni moins gênants ni moins onéreux. 10° Le commerce principal de la Lorraine con-‘ sistant dans l’entrepôt des marchandises étrangères, et sa position dirigeant son industrie vers le commerce étranger , tout changement la ruinerait infailliblement. Sa Majesté sera donc très-humblement suppliée de la traiter favorablement et de la confirmer dans ses état et privilège actuels, et au cas qu’il ne lui plairait de lui accorder cette faveur, et que par des vues du bien général auquel doit céder le particulier , elle se déterminerait à porter les barrières aux frontières, ce qui troublerait la province, sa bonté ordinaire prendra en considération cette surcharge, et lui accordera une sorte de dédommagement en diminuant sa masse dans les contributions, subsides, et en lui accordant la libre entrée des marchandises reconnues de nécessité, telles que les épiceries, etc., etc., et de toutes les matières premières nécessaires à l’entretien des manufactures. 11° La libre circulation des grains, qui est la production dominante de la province, et particulièrement de ce canton, et l’exportation pouvant dans un moment porter l’alarme et la famine dans le canton, il serait de la sagesse et de la bienfaisance de Sa Majesté de ne donner ce cours libre à la circulation et exportation qu’après que, dans chaque chef-lieu, il serait mis en réserve des rains en suffisance pour la subsistance du quart au moins des habitants , pour, dans les instants de disette, être distribué aux plus nécessiteux ou à charge de les remplacer à la récolte suivante, à l’effet de quoi il y serait établi des magasins sous l’administration de la province. 12° Le produit des forêts diminue journellement, parce qu’elles sont presque toutes en troisième révolution, tandis que la consommation des bois augmente, tant par le luxe que par le trop grand nombre d’usines à feu dans cette contrée, et la rigueur des hivers de 1784 et 1788 nous ayant fourni des preuves funestes de l’insuffisance des bois, pour parer à de semblables inconvénients à l’avenir et rassurer le peuple, Sa Majesté est suppliée de supprimer toutes les usines à feu qui seront jugées superflues et de renouveler les défenses concernant l’exportation des bois et charbons faite par arrêt du conseil du 3 janvier 1782 , qu’une politique mal entendue a fait révoquer. 13° L’administration des eaux et forêts, dans sa forme et avec ses rétributions actuelles, pèse sensiblement sur toutes les classes des citoyens, mais principalement sur la partie la plus indigente et la plus précieuse de ses sujets; le vœu presque général est que la suppression soit faite à charge de rembourser la finance aux officiers ; mais cette partie exigeant une administration publique et uniforme, on demande qu’elle soit confiée à un seul officier royal . 14° Les forêts des communautés se dégradent faute d’être exactement et suffisamment surveillées. Pour arrêter le progrès du mal, il serait essentiel d’obliger les communautés de préposer à la garde de leurs forêts des forestiers solvables pris dans leur nombre en nombre proportionné à l’étendue de leurs forêts, lesquels forestiers seraient garants et responsables des délits qui s’y commettraient, et pour les rendre plus actifs et les indemniser, leur attribuer, outre la moitié de l’amende, moitié dans les dommages-intérêts. 15° Les forêts de Sa Majesté souffrent également de la négligence des gardes qui sont préposés. La modicité des gages de 50 francs barrois qui leur sont attribués est la source de leur négligence et de leur découragement ; il faudrait n’en établir que de solvables , les rendre garants des délits et leur attribuer à chacun 300 livres pour gages, et 400 livres aux gardes à cheval chargés de la surveillance générale, pour mettre un frein aux vexations dont les campagnes sont les victimes journalières. Et pour former le fond nécessaire à ces gages, Sa Majesté pourra aliéner à vie les chasses de son domaine sous une redevance annuelle qui y serait employée , et chacun de ces gardes serait en outre chargé de veiller dans son canton à la conservation des chasses des concessionnaires, ce qui les dispenserait d’établir des gardes-chasses, à moins qu’ils ne préférassent en avoir à leurs frais ; et attendu que le temps de l’ouverture des chasses fixé au 15 août favorise les dégâts dans les récoltes, Sa Majesté sera suppliée de proroger l’ouverture jusqu’au 1er septembre. 1 6° Les frais de poursuite contre les délinquants, sous la forme actuelle, sont trop multipliés ; pour rendre cette partie plus simple et moins dispendieuse, on pourrait régler les rapports, comme ceux des mésus champêtres, sommairement et sans frais, et pour cela fixer au second lundi non férié de chaque mois, et en cas de férié au premier jour suivant non férié, le jour que s’en fera la taxe au chef-lieu du siège, d’obliger le garde de rapporter et d’énoncer son rapport au greffe local du domicile des délinquants ou de l’un d’eux, si c’est dans le ressort du siège ; d’enjoindre aux greffiers locaux de remettre la liste des rapports dénommés tous les samedis qui précéderont le dernier dimanche du mois au curé de la paroisse ou vicaire résidant, qui seront tenus d’en donner lecture à leurs prônes pour en instruire les délinquants et les citer au jour fixé pour la taxe, et ordonner que les forestiers seront tenus de spécifier dans leur rapport le nombre des bestiaux trouvés dans le délit, ceux à qui ils appartiennent; et s’il y en a qui appartiennent à des inconnus qu’ils soient tenus dœn être garants ; et comme beaucoup de délits sont commis par des étrangers qui échappent aux oursuites en se retirant chez eux, il serait du ien public d’établir entre Sa Majesté et les Etats limitrophes une réciprocité qui accorde la faculté de poursuivre les étrangers chez eux pour l’exécution des sentences prononcées par les [États gén. 1789. Cahiers.] juges dû délit sous un simple visa du juge local. Et pour faciliter le payement des amendes et diminuer les frais de poursuites, en attribuer la recette au greffier, avec une modique rétribution. 17° La construction et entretien des routes et les ouvrages d’art aux ponts et chaussées étant une partie essentielle pour la sûreté et l’activité du commerce, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’en confier l’administration aux Etats provinciaux et la direction et inspection au génie militaire. Ce corps généreux, délicat et estimable ne dédaignera pas un service utile à la patrie et économique à l’Etat, lorsqu’il saura qu’il est appelé parla confiance qu’il inspire au peuple. 18° Le bien public exigeant que l’administration des communautés soit guidée et surveillée , puisqu’une grande partie a des fonds dans la caisse de la recette des bois qui y sont oisifs pour elles et pour le public, tandis qu’ils pourraient fructifier aux communautés et être utiles au public, Sa Majesté, qui veut leur bien, ne leur refusera pas la grâce qu’elles sollicitent de les mettre sous la protection et direction des Etats provinciaux , et d’autoriser lesdits Etats à se faire rendre compte des fonds qui peuvent leur rester dus à la caisse des bois et de les en tirer pour former une caisse particulière et les faire fructifier à leur profit, jusqu’à ce que leurs besoins exigeront de les en retirer. 19° L’expérience ayant convaincu que dans les petites villes qui n’ont pas de commerce, telles que celle-ci, l’établissement en jurande d’arts et métiers nuit à l’abondance, en exclut des marchands forains et augmente le prix en éloignant la concurrence ; Sa Majesté sera très-humblement suppliée de les supprimer dans toutes les villes qui ne seraient pas composées de huit cents feux au moins, en remboursant les brevets levés. 20° Considérant la pâture comme la nourrice du cultivateur et de l’agriculture par les ressources précieuses et infinies que produit le bétail de toute espèce qui en tire sa subsistance et par les sels et engrais qu’il fournit, on ne peut trop la favoriser et l’étendre. Reserrée par l’arrêt du conseil de 1757, il est interdit aux porcs d’aller dans les taillis qui n’ont pas huit ans , comme nuisible au repeuplement, tandis que le vermillage des porcs le provoque et le facilite en enfonçant et couvrant dans la terre les glands et la faîne qui pourriraient sur la surface sans succès, et encore par l’édit des clôtures de 1767, qui ôte au cultivateur et à l’habitant la seule ressource que la nature lui offre, pour la remettre entre les mains du propriétaire qui souvent l’achète par la dépense à laquelle l’engage la clôture et son entretien ; il serait intéressant de faire cesser la gêne et de rétablir l’usage de la grasse pâture des porcs dans les taillis sans distinction d’âge comme avant 1757, et quant à la liberté de clos accordé par arrêt du mois de mars 1767, tous demandent également la révocation de l’édit des clôtures de 1767. 21° Les bêtes à laine ruinant les prés par leur pâture, parce qu’elles en arrachent l’herbe qu’elles prennent trop près de la racine, il serait très-important que leur pâture soit interdite en tout temps. 22° Le malaise des habitants de cette contrée tient à une infinité de chaînes qui les font gémir dans une servitude accablante; grevés dans des corvées de charrues, de bras de voiture, de chef d’hôtel ou de droit capital, droit de reprise, tiers denier, mutation de biens qui consiste au tiers du prix, redevances pour four banal, quoiqu’il lre Série, T. Y. [Bailliage de Bouzonville.] 705 n’existe pas de droit de sauvegarde et de protection, droit de cheminée, droit de voirie, tandis qu’ils payent à Sa Majesté des subsides pour sa protection et qu’ils sont sous sa sauvegarde, par des droits d’entrée en communauté, que les seigneurs et les communautés exigent quelquefois des originaires mêmes des lieux, droit de bouchon pour avoir la liberté de vendre vin, et encore par la banalité des moulins, fours et pressoirs, tous signes et restes odieux d’une servitude féodale, Sa Majesté sera suppliée de les en affranchir, ainsi que des droits de châtrerie et de rifflerie, pour les mettre en situation de fournir pour l’avenir aux subsides auxquels ils sont imposés. Les communautés de Felsberget, Nouveau-For-viller, vassales de Sa Majesté, réclament sa bonté, pour réduire comme avant 1762 la dîme et le terrain de leur ban à la septième gerbe, que le curé décimateur a grevé depuis cette époque de la vingt et unième pour dîme à son profit. 23° A ces entraves qui obstruent l’industrie de ce canton, vient se réunir l’usure dps juifs, qui n’y sont tolérés que pour sa reine, ce qui est de la plus dangereuse influence par la corruption qu’ils versent dans le cœur des citoyens et les dangers auxquels est exposée la religion même, par la liaison intime et l’habitation souvent commune des maisons entre eux et les catholiques ; Sa Majesté sera suppliée, suivant le vœu des ordonnances de la province, qu’ils se réduisent au nombre déterminé et que , dans les lieux où leur établissement est toléré, ils se retireront tous dans un quartier séparé ; et qu’en conformité de l’édit du 30 décembre 1728, personne ne pourra contracter avec eux que par-devant notaire et que les deniers n’aient été délivrés en leur présence, et enfin qu’il leur sera spécialement défendu de faire commerce ni de grains ni de fourrages. 24° Les fonctions de jurés -priseurs n’étant d’aucune utilité au public et leurs salaires lui étant très-onéreux, Sa Majesté est suppliée de les supprimer et de leur faire rembourser leur finance et frais des provisions. 25° Les tribunaux de justice établis pour la protéger et la faire observer, chargés spécialement de prévenir et réformer les abus, n’en sont pas exempts ; il serait à désirer que la vénalité dans les charges put être abolie pour ne les donner qu’au mérite et pour le récompenser ; c’est le vœu général ; l’on ne peut se refuser de l’exprimer ici, et si les circonstances s’opposaient à sa ratification, au moins une réforme serait indispensable. La procédure est trop longue et trop compliquée ; il faudrait y substituer une forme plus brève, plus simple, plus impérieuse, et qui, en tranchant court sur tous les incidents ruineux auxquels expose la forme actuelle, en diminuerait les frais dans toutes les parties, surtout ceux des huissiers, qui souvent les multiplient par leurs voyages réitérés sans sujet ; ce point est essentiel au bonheur du peuple. 26° Les inventaires qui se font par les procureurs du Roi au décès de l’un des conjoints laissant des1 enfants mineurs dans le ressort de la coutume de Lorraine, qui attribue les meubles au survivant, ne présente aucune utilité reconnue pour les mineurs. Sa Majesté sera suppliée de révoquer la déclaration du 29 juin 1743, qui autorise ces inventaires, à moins que, pour la sûreté des enfants, il lui plaise, en ajoutant à cette déclaration, ordonner, en cas de secondes noces, que le survivant deviendra comptable envers les enfants du premier lit de la moitié dudit inventaire, lequel ■i 45 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 706 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.] pourra encore être fait par les maires et gens de fa justice locale, ce qui pourrait encore avoir lieu pour les tutelles et curatelles. 27° Les procureurs du Roi ayant mérité la confiance du législateur qui les a établis juges tutélaires seuls et sans le concours d’officiers, on ne regarde pas seulement inutile, mais même onéreux que dans certains cantons, et particulièrement dans le Sarregan, un commissaire du bailliage accompagne le procureur du Roi pour y faire les inventaires, ce qui en double les frais. Sa Majesté est suppliée de réformer cet usage et d’ordonner que dans toutes les circonstances le procureur du Roi, s’il est maintenu, fera seul les inventaires. Et attendu qüe le pays de Sarregan n’a aucune coutume déterminée ni par écrit, les habitants de ce canton supplient Sa Majesté de leur en donner une qui soit conforme à leurs usages et mœurs, et en même temps ils la supplient de les décharger ou des impositions royales ou des droits qui en sont représentatifs, et qui sont strictement exigés par le fermier du domaine; les sujets de la baronnie d’Oberhem, ont la même représentation à faire et la même grâce à demander. 28° Le ministère d’un avocat et d’un procureur pour le soutien d’une cause n’y donne aucun relief; un seul peut suffire à cette tâche dans les sièges inférieurs, et il y aurait moins de frais. Sa Majesté sera suppliée de réunir les deux fonctions sous un seul individu et de n’y admettre que des avocats dans les sièges inférieurs qui sont des villes de parlement, et pour la répétition des frais à leurs clients, fixer au terme de cinq ans leurs actions pour les affaires finies ou interrompues. Et attendu que le glaive de la justice n’est qu’un et qu’il réside souverainement entre les mains de Sa Majesté, et que la multiplicité des degrés de juridiction augmente les frais, Sa Majesté sera suppliée de réunir l’exercice de la juridiction des hautes justices aux sièges royaux, en réservant toujours à ses sujets deux degrés de juridiction et d’attribuer aux sièges royaux les connaissances en première instance des matières fiscales et domaniales. 29° Les fonctions de notaire exigeant des talents distingués et une connaissance parfaite des lois, ordonnances et coutumes, il serait du bien public de n’en admettre aucun qu’il ne soit gradué et de ne les recevoir qu’ après un examen public et juridique; la facilité avec laquelle on en reçoit qui en sont peu dignes, donne lieu à une fourmilière de procès qui prennent leur source dans leur défaut de connaissance, et comme il n’y a aucun tarif de leurs droits, Sa Majesté sera suppliée de leur en donner un règlement. 30° Et pour que chacun se maintînt scrupuleusement dans les devoirs et la délicatesse de son état, qu’il soit composé dans le parlement une chambre à laquelle il appartiendra exclusivement la connaissance des abus qui pourraient s’introduire dans l’administration de la justice sur la simple plainte qui sera adressée à cette chambre, et sans qu’en aucun cas le plaignant puisse être réputé dénonciateur, et qu’annuellement un ou des commissaires de cette chambre fassent une tournée dans la province, pour y inspecter les sièges, en dresser procès-verbal et faire prononcer par la chambre ce que les circonstances exigeront. 31° Les dîmes étant consacrées à l’Eglise, tout ce qui a rapport au culte divin et aux ministres des autels devrait en faire une charge, comme les portions congrues, les constructions et entretien de l’église, ornements, vases sacrés, luminaire, clochers, cloches, ossuaire, cimetière, presbytère et gages des marguilliers et leurs habitations. Sa Majesté voudra bien prendre en considération qu’il pèse infiniment à des paroissiens de payer la dîme de leurs biens et de supporter encore les charges pour lesquelles ils l’acquittent ; en conséquence, mettre toutes ces charges au compte des décimateurs, à l’exemple des souverains nos voisins. Et attendu que la matière des dîmes est une source intarissable de procédures ruineuses pour ses sujets, et que les fruits qui y sont sujets et la quotité à laquelle elle se paye sont autant variés qu’il y a de bans dans le royaume, Sa Majesté sera suppliée de rendre une loi sur cette matière, dans laquelle elle détaillera les espèces qu’elle y soumettra et la quotité à laquelle elle se payera, à charge par les décimateurs de fournir toutes les bêtes mâles et d’affranchir de toutes dîmes tous les légumes, pommes de terre, foins et herbages. Et attendu que le tabac est un remède salutaire au bétail, Sa Majesté sera suppliée d’en permettre la plantation. 32° Ce n'est pas sans gémir que l’on remarque une distribution si disparate dans les bénéfices qui font le patrimoine commun des ministres de la religion et des pauvres ; les uns remplissent dans la poussière des églises des fonctions dont les autres recueillent les perles. Les uns sont écrasés sous le nombre et les richesses des bénéfices qu’ils consacrent à la vanité et le luxe, tandis que les autres, qui sont dévoués aux fonctions les plus utiles et les plus pénibles, languissent et sont réduits à payer leur subsistance du prix de leurs messes journalières. Sa Majesté sera suppliée de prohiber la pluralité des bénéfices, lorsqu’un seul suffira pour la subsistance honnête du titulaire. Et comme la plupart des bénéfices de ce canton sont possédés par des étrangers, au grand détriment des régnicoles, Sa Majesté sera suppliée de ne plus accorder des lettres de naturalité aux étrangers pourposséder des bénéfices dans son royaume, surtout parce que, dans les pays étrangers," on refuse cette grâce à ses sujets. 33° Les communautés religieuses n’étant fondées que pour le bien et l’avantage des Etats, Sa Majesté est suppliée d’ordonner que dans les lieux de leurs fondations elles se rendront encore utiles par l’enseignement des vérités de la religion catholique et des humanités jusqu’en philosophie, et que celles qui sont dans les campagnes soient réunies à celles des villes, et qu’il leur soit fait défenses de recevoir ni demander aucune dot et aux religieux et religieuses de recevoir aucune pension. 34° Les officiers municipaux dans les Villes, telles que Bouzonville, dont les revenus sont inférieurs à leurs charges, forment un accroissement de charges par les gages qu’ils puisent dans la caisse de la ville, quoique Sa Majesté avait promis de les faire acquitter sur la recette de ses finances par arrêt du conseil du 5 février 1777; Sa Majesté sera suppliée de les supprimer et de les rembourser, et deremettre l’administration des villes entre les mains des élus qu’elles se choisiront, et ordonner en même temps que le logement des cavaliers de la maréchaussée soit réparti sur toute la province. 35° La recette des finances étant le rendez-vous de tous les contribuables aux impositions envers Sa Majesté, il serait utile qu’elle fût placée à por- [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Salins.] 7Q7 tée de toutes les communautés qui y répondent et où elles sont appelées pour le payement qu’elles doivent à la recette des domaines et bois. C’est pourquoi Sa Majesté est suppliée d’ordonner que le bureau de la recette des finances soit transféré à Bouzonville, comme étant le centre de toutes les communautés contribuables et le siège du bureau de la recette des domaines et bois. 36° Les productions de ce pays étant reconnues de bonne qualité pourraient fournir en grains et en fourrages des approvisionnements à la ville de Metz, ce qui lui serait d’un grand secours s’il y avait une route de communication ; ce travail est peu important ; ce ne serait pas une construction de trois lieues. Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien ordonner la construction de cette route. 37° Les fruits champêtres qui seront tres-abon-dants dans la Lorraine allemande forment une ressource aux habitants; Sa Majesté sera très-humblement suppliée de leur accorder la liberté de faire de l’eau-de-vie, ainsi que des marcs, de leurs raisins, sans aucun brevet, et de permettre à tous propriétaires de recueillir dans ses propriétés les fruits champêtres ou greffes et de les élaguer selon les besoins, à l'exception des sujets du Sarregan, qui demandent d’être maintenus dans leurs anciens usages, ainsi que quelques autres communautés. 38° La propriété étant un droit sacré, on demande qu’il soit permisji tous propriétaires de tirer et de faire tirer de son fonds, terres, pierres et sables sans aucun droit exigé sous le nom de droit de carrière. 39° Gomme les pigeons sont très-nuisibles à l’abondance des récoltes, en enlevant les grains lors des semailles, Sa Majesté est suppliée d’ordonner que, pendant les semailles d’automne et de mars, ils demeureront enfermés pendant six semaines chaque fois, et encore un mois pendant la récolte, et les seigneurs vassaux ainsi que les curés qui ont le droit de colombier soient bornés à soixante nids pour les curés et cent pour les seigneurs. 40° Les abbayes en commende n’ayant été introduites que pour récompenser les services rendus à l’Etat, et la plupart étant entre les mains des évêques qui n’ont pas besoin de ce secours ou de sujets qui ne se sont pas rendus dignes de ces bénéhces, Sa Majesté est suppliée d’ordonner que ces bénéfices demeureront’, à leur vacance, sous la direction des Etats provinciaux, pour les revenus en être appliqués aux besoins de la province où ils sont situés. 41° Le clergé ayant fait de gros emprunts sous la garantie de la nation, pour acquitter ses dons gratuits, Sa Majesté est très-humblement suppliée d’ordonner que le clergé formera une caisse, pour les fonds annuels être employés à rembourser les capitaux dans le terme qui sera fixé. 42° Les honneurs et les dignités étant l’aiguillon le plus puissant pour exciter à la vertu et produire les grands hommes, Sa Majesté est suppliée de vouloir bien laisser ouverte au tiers-état la voie aux dignités tant dans la robe que dans le militaire et l’Eglise; en conséquence, ordonner que les distinctions ne seront à l’avenir la récompense que du vrai mérite en quelque ordre des citoyens qu’il puisse se rencontrer. 43° Pour que Sa Majesté puisse tirer un plus grand avantage de ses domaines , ses sujets la supplient de les laisser à bail de six ou neuf ans en détail, village par village, à l’enchère par-devant les officiers du siège de leur situation, et en même temps que les accensements des terres domaniales seront accordés de préférence aux communautés pour les aider à fournir aux subsides de Sa Majesté. Les communautés de Nouveau-Forzeiller et Yieux-Forzeiller etBisten réclament en particulier la justice et la bonté de Sa Majesté pour être réintégrées dans, la jouissance des terres domaniales dont elles avaient obtenu l’accensement et dont elles ont acquitté annuellement la redevance, dont elles ont été privées par un accense-ment surpris à la religion de Sa Majesté, ce qui réduit ces communautés dans un état désespéré. 44° La milice étant fatale aux campagnes, s’il ne plaisait à Sa Majesté de l’abolir, elle est suppliée d’en confier la répartition , le tirage et l’économie aux Etats provinciaux et d’exempter du sort tout soldat qui aura fait son congé dans un régiment, et de révoquer toutes exemptions accordées aux domestiques de différentes personnes de différents états, excepté des laboureurs nécessaires à l’agriculture. 45° Les curés étant dotés ou apportionnés pour desservir, leurs bénéfices, on demande qu’ils administrent tous les saints sacrements sans rétribution et qu’ils fassent les enterrements des pauvres, avec une messe aussi sans rétribution, et qu’il leur soit défendu de faire aucun trafic, négoce, entreprise, pas même des dîmes, et de cultiver autres biens que ceux dépendant de leurs bénéfices. 46° Les matières d’injures non qualifiées ne méritant pas l’attention de la justice, ondésirerait, pour éviter des frais, que le plaignant fît simplement citer son adversaire par-devant le maire du lieu qui, sans frais, les réconciliera, et après les avoir ouï, les décidera sauf l’appel. 11 serait à désirer qu’on put en user de même pour les affaires personnelles de peu de conséquence. 47° Les eaux fertilisant les prairies, on demande qu’il soit permis aux propriétaires qui sont à portée de profiter des eaux des ruisseaux et rivières de prendre, pour arroser leurs prés, celles surabondantes aux niveaux des usines qu’elles font tourner. 48° Beaucoup de communautés qui manquent de bois pour leur chauffage possèdent des quarts de réserves dépérissant ; elles demandent qu’on leur donne les quarts de réserve pour affouages, et consentent qu’on les remplace dans des parties exploitées et de bonne espérance. Fait et arrêté en l’assemblée du tiers-état, en la chambre de l’auditoire du grand bailliage royal de Bouzonville, le 13 mars 1789, après lecture et interprétation faite. Les signatures faites à la minute des présentes par les députés au nombre dépassé de deux cents trente, ainsi qu’il est à voir à ladite minute. Collationné. Signé Pieron, greffier, commis en chef. CAHIER Des plaintes, doléances et demandes du clergé du bailliage de Château-Salins (1). 20 mars 1789. 1° Le retour périodique des Etats généraux, en reconnaissant l’état monarchique, où il n’y a d’autre autorité que celle du Roi tempérée par les lois du royaume ; 2° Qu’on ne pourra lever aucun impôt s’il n’est consenti par la nation ; (I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire,