[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j " 99 Suit la lettre des représentants du peuple dans le département de V Aisne (1). S. -P. Lejeune et Poux , représentants du peuple dans le département de V Aisne et autres circon-voisins , à la Convention nationale* « Laon, le 2 frimaire, l’an II de Père répu¬ blicaine. « Citoyen* collègues, « Nous vous envoyons des exemplaires de la proclamation et de l’arrêté que nous venons de prendre; les prêtres s’empressent de renoncer à leur charlatanisme; nous sommes accablés de lettres de prêtrise; déjà plusieurs communes ont fermé les temples consacrés à la supersti¬ tion et à l’erreur et ne veulent plus avoir d’autre culte que celui de la raison ; le fanatisme est aux abois; les vieilles dévotes n’osent plus se montrer et le triomphe de la vérité est assuré {nous l’espérons), dans tout ce département. « Nous allons vous faire passer un convoi considérable de vases, de guenilles sacrés, qui figureront mieux à la Monnaie que dans les maisons de nos modernes druides, vive la Répu-folique ! vive la liberté ! Ça ira, et ça va ! « Salut et fraternité. « S. -P. Lejeune; Roux. Proclamation (2). Nous, représentants du peuple dans le dépar¬ tement de l’Aisne et autres circonvoisins. Depuis trop longtemps, citoyens, la raison et la vérité n’osaient se faire entendre; des pré¬ jugés funestes tyrannisaient tous les cœurs, l’homme avait oublié ses droits, il ne se souve¬ nait plus qu’il était né pour être libre, il n’osait se livrer aux doux sentiments de la nature; triste jouet de son imagination égarée, il se proster¬ nait lâchement devant son ouvrage, et cherchait dans les cieux un bonheur qui le fuyait sur la terre; il ne voyait pas qu’il ne vivrait heureux et libre que quand il serait sans rois et sans prêtres. Mais, la voix de la philosophie et de la raison a retenti parmi nous; aussitôt, l’ouvrage de la superstition, de l’ignorance et de l’imposture, a disparu sans retour; les fers honteux sous les¬ quels nous gémissions, ont été brisés; le trône des Capet s’est écroulé sous les coups de la massue populaire, et la tête du dernier de nos tyrans est tombée sur l’échafaud; la royauté, l’exécrable royauté, a été arrachée de dessus ses antiques fondements, et, au milieu de ses débris fumants, on a vu s’élever l’édifioe majestueux d’un gouvernement libre. (1) Supplément au Bulletin de la Convention du 5e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (lundi 25 novembre 1793); Archives nationales, carton G 283, dossier 798. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 630. (2) Archives nationales, carton G 283, dossier 798. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 629. • Les prêtres, ces ministres du mensonge, jet¬ tent, aux pieds de l’autel de la patrie, leur masque hypocrite; ne pouvant pim tromper les humains et' protéger la tyrannie, ils abjurent le*; erreurs cruelles dont ils ont rempli la terre; ils ne reconnaissent aujourd’hui d’autre culte que celui de la raison; et, par cet hommage rendu à l’éternelle vérité, ils avouent haute¬ ment que l’invention de& prêtres et dm rois est le plus grand fléau politique qui puisse affliger l’espèce humaine. La Révolution, dans sa marche rapide et brû¬ lante, renverse tout ce qui s’oppose à ses progrès, tous les préjugés s’enfuient devant elle, comme on voit la poussière se dissiper à l’aspect de l’aquilon. La nature reprend ses droits impres¬ criptibles ; et le peuple français s’avance à grands pas vers le tenue heureux de ses travaux et de se* efforts. Depuis quatre ans, citoyens, nous sommes des modèles de constance, de courage et d’éner¬ gie; dans la lutte terrible qui s’est élevée entre les peuples et les rois, nous avons donné un grand exemple à la terre. Le peuple français a effacé, par ses vertus, les plus belles actions des peuples de l’antiquité, haine éternelle aux oppresseurs des nations ! Guerre implacable au fanatisme et aux infâmes royalistes ! Que la race impie des tyrans qui avaient usurpé nos droits, soit exterminée jusqu’au dernier ! C’est le vœu de tous les hommes libres; c’est le vœu du peuple tout entier. Coupons l’arbre de la superstition et du fana¬ tisme jusque dans ses racines ; abattons ces vai¬ nes et grossières idoles que l’ambition et l’im¬ posture avaient inventées pour enchaîner les hommes. Le genre humain attend de tous la vérité; il attend de nous sa rédemption. N’est-il pas honteux que les maisons de culte, que ces maisons dédiées au mensonge, à l’hypocrisie, ne soient pas encore dépouillées des ornements imposteurs qui les décorent? N’est-il pas temps que les vases, que les fétiches d’or ou d’argent exposés dans les temples à la vénération des sots, soient conduits à la Monnaie, et qu’à la place de ces vils métaux, la vérité triomphante éblouisse tous les yeux? Que les monuments élevés à la superstition par l’imbécile crédulité de nos pères, soient consacrés aujourd’hui aux dieux de l’homme libre; la raison, l’égalité, la justice, l’humanité, voilà les dieux; n’ayons, donc plus d’autre culte que celui de la liberté» d’autre temple que celui de la raison, d’autre religion, enfin, que celle de la patrie. Arrêtons, en conséquence : Art. 1er. « Tous les vases d’or ou d’argent, toutes les figures de ce métal, les pierres précieuses dont elles peuvent être enrichies, les galons d’or ou d’argent qui sont encore dans les maisons de culte, seront portés à la Monnaie, à Paris, pour être employés au service de la patrie et au soula¬ gement de l’humanité souffrante. Art. 2. « Le poids ou la quantité de l’or ou de l’argen¬ terie, ainsi que le .nombre et le poids des pierre» précieuses, envoyés à la Monnaie, seront cons¬ tatés par des procès-verbaux en bonne forme.