[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 mars 1791.] 469 bunaux criminels. Je soutiens qu’il y a lieu d’ajourner, parce que je ne crois pas que cous puissions en ce moment décréter ou préjuger que les commissaires du roi de district seront commissaires dans les tribunaux criminels. Plusieurs membres : La question préalable, la question préalable! M. Briois-Beaumetz. Je réclame la bonne foi et le silence de l’Assemblée. Je demande qu’elle écoute toutes les objections, et j’appuie la demande d’ajournement, et je prie M. le Président de la mettre aux voix. M. lie Bois Desguays. Si l’Assemblée ne l’avait ras décrété, je dernanderaisla suppression des 545 commissaires du roi, parce qu’ils sont absolument inutiles, et même dangereux ; ainsi je persiste dans la question préalable, et je la demande sur le projet. M. Goupil-Préfetn. La question préalable n’est pas admissible, à moins que vous ne vouliez détruire les tribunaux criminels que vous avez établis. ( Murmures prolongés.) Il s’agit ici de la surete de tous les accusés. Je demande la priorité pour l’ajournement. M. Robespierre. L’opinion est formée sur cet article ; il est jugé. Et en vérité, ce serait chose inutile que de créer exprès de nouvelles places pour donner de nouveaux satellites au pouvoir exécutif. D’ailleurs les commissaires du roi sont assez inutiles auprès des tribunaux criminels. J’v vois autour de l’accusé, d’une part un accusateur public, de l’autre un défendeur, et enfin des juges, que faut-il encore de plus? Je combats en conséquence l’ajournement et j’appuie la question préalable. M. Duport, rapporteur. M. Robespierre paraît oublier les articles constitutionnels qui exigent la présence des commissaires du roi dans le jugement des procès criminels ; d’ailleurs les frais de l’administration de la justice seront diminués par la suppression d’une quantité de tribunaux de districis reconnu? inutiles. (L’Assemblée, consultée, repousse la demande d’ajournement et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article présenté par le comité.) M. Emmery, au nom du comité militaire. Messieurs, on se tromperait si l’on imaginait que, dans l’objet que je viens soumettre à votre délibération, il n’est question uniquement que de vivres ou de fourrages pour les troupes. Il est question, Messieurs, de déterminer un principe général sur le mode des fournil u res quelconques qui doivent être faites pour le service ordinaire de l’armée dans les garnisons. Il y a plusieurs espèces de fournitures qui peuvent faire chacune un objet d’entreprise séparée. Voilà, Messieurs, de quels objets en général nous venons vous entretenir. Nous� avons pensé d’abord que le principe applicable à tous les modes de fournitures devra être celui que conseillent la meilleure administration et la meilleure économie, c’est-à-dire le principe de laisser toutes les adjudications de fournitures au rabais, de donner à la publication de l’enchère toute la solennité possible, afin d’appeler le plus grand nombre possible de concurrents. En général nous avons cru que telle était la meilleure administration : néanmoins nous avons trouvé qu’elle était susceptible de quelques exceptions, rares à la vérité, mais susceptibles de quelques considérations. Votre comité militaire a été unanimement d’avis que cette administration ne devait être confiée, pour l’intérêt du peuple même, pendant la guerre, qu’à des hommes do choix qui joignissent l’expérience à la probité, et que le ministre en fut véritablement responsable. Voilà, Messieurs, en deux mots, l’économie du projet dont je vais donner lecture : « Art. 1er. En temps de paix, [es fournitures de toute espèce, pour le service ordinaire de l’armée dans ses garnisons et quartiers, seront faites par entreprises laissées au rabais, sauf les exceptions qui seront énoncées ci-après, et celles qui pourraient être déterminées dans la suite, par les législatures, sur la demande du ministre de la guerre. « Art. 2. Les adjudications seront toujours faites publiquement, au jour et au lien indiqués par des affiches qui annonceront les conditions du marché : les a 'fiches devront être placardée-, au moins 6 semaines à l’avance, dans tous les chef-lieux de départements et de districts du royaume, s’il s’agit d’une entreprise générale; et, s’il s’agit d’une entreprise partielle et locale, dans tous les chefs-lieux de cette localité. « Art. 3. Sont exceptées des présentes dispositions des articles 1er et 2, les fournitures des vivres et des fourrages qui pourront être confiées, par le ministre de la guerre, à des compagnies séparées, composées chacune des personnes qu’il croira les plus capables de bien remplir l’un ou l’autre service. « Art. 4. Dans le cas où le ministre de la guerre jugerait à propos de confier la fourniture, soit des vivres, soit des fourrages, à des compagnies de son choix, le prix de l’entreprise sera nécessairement fixé par le prix connu de chaque espèce de denrées, pendant les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars. « Art. 5. Le prix sera constaté d’après les états que les directoires du département enverront, tous les 15 jours, au ministre, du prix des differentes espèces de denrées, dans tous les marchés de leur département. « Art. 6. Le ministre pourra convenir, avec les entrepreneurs des vivres et des fourrages, de toute autre spéculation qu’il croira juste et convenable pour l’intérêt respectif des parties contractantes. « Art. 7. Les traités pour les fournitures des vivres et fourrages et pour toute autre fourniture militaire, seront imprimés. Les seules clauses dont le public aura eu connaissance par la voie de l’impression, seront obligatoires pour l’E'at. « Art. 8. Les traités seront d’ailleurs religieusement observés de part et d’autre, et ne pourront être rescindés ou annulés pendant le temps fixé pour leur durée, que pour les causes et par les formes de droit. » M. d’Aremlierç de lia Marck. Je crois devoir observer à l’Assemblée qu’elle s’écartera infiniment de son but, si elle ne confie pas aux conseils d’administration des régiments et troupes à cheval, l’entière fourniture des fourrages, dont le prix des rations sera fixé tons les ans par le ministre, sur les appréciations locales qu’en feront les directoires. Je demande que l’Assemblée s’explique à ce sujet. 470 j Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 130 mars 1191. j M. d’Estourniel. Je demande qu’il ne soit rien statué sur la matière et qu’on s’en rapporte entièrement aux appréciations du ministre, dont les dépenses sont fixées. Un membre : Je propose de laisser au ministre de la guerre, sous sa responsabilité, le soin de pourvoir ainsi qu’il le jugera convenable, à la foi* n i i are des vivres et fourrages. M. Emmery, rapporteur. Il n’est pas question de savoir quelle latitude d’autorité on laissera aux conseils d’administration des régiments; mais de décréter un principe qui est nécessaire au ministre administrateur, pour savoir se conduire dans son département. M. Itegnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). L’ad-ministratmn des vivres et fourrages, telle qu’elle a existé, offrait b s plus grands abus. Je crois donc qu’en admettant le projet qui vous a été présenté par M. Emmery, il faut, au lieu d'adopter son idée, (jui est de donner une entreprise à forfait à i.ne compagnie, qu’il y ait une régie nationale. Je crois qu’il y aurait un moyen d’intéresser cette régie à bien administr ret à faire le mieux possible l’avantage île la nation; ce serait de prendre sur les 12 mois de l’année le r levé général du prix des denrées, d’eu faire un prix moyen, et de dire aux régisseurs : « Sur tous les bénéfices que vous pourrez faire à la nation au-. sous de tel prix, vous aurez telle portion de remise dans le bénéfice; et, ce que je vous propose, vous serez obligés de l’adopter pour toutes vos compagnies de finances. M. Emcttery, rapporteur. D’après les observations qui vinnent d’être présentées, la discussion ne semble pas porter que sur les articles 3 et suivants du projet de décret; les deux premiers article-ne paraissant susceptibles d’aucune difficulté, rien ne doit s’opposer à ce qu’on les mette dès maintenant aux voix. (Marques d'assentiment.) Voici ces articles : Art. 1er. « En temps de paix, les fournitures de toute espèce, pour le service ordinaire de l’armée dans scs garnisons et quartiers, seront faites par entreprises laissées au rabais, sauf les exceptions qui seront énoncées ci-après, et celles qui pourraient è re déterminées dans la suite par les législatures, sur la demande du ministre de la guerre. » (Adopté.) Art. 2. « Les adjudications seront toujours faites publiquement, au jour et au lieu indiqués par des affiches qui aunon eront les conditions du marché : les affiches devront être placardées, au moins 6 sunaiues à l’avance, dans tous les chefs-lieux de départements et de districts du royaume, s’il s’agit d’une entreprise générale, et, s’il s’agit d’une entreprise partielle et locale, dans tous les chefs-lieux de cetie localité. » (Adopté.) Un membre propose de renvoyer à la séance de demain soir la suite de la discussion sur le surplus du projet de décret. (Cette motion est décrétée.) M. le Président lève ia séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 30 MARS 1791. Lettre de II. de (îrosboîs, à M. le Président de l'Assemblée en lui envoyant la protestation ci-dessous. Monsieur le Président, J’ai l’honneur de vous envoyer ia protestation que j’ai cru devoir rédiger relativement au décret rendu dans la séance du 28 de ce mois; les cahiers dont Messieurs les gentilshommes du bailliage de b’esançon, m’avaient chargé, m’en imposaient l’obligation formelle. Je vous prie de vouloir bien en donner eounaissanoeà l’Assemblée ainsi que de ma démission que vous verrez que je remets entre les mains de mes commettants, Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. De Grosbois, député de la noblesse du bailliage , de Besançon Paris, ce 30 mars 1791. Protestation et démission de 11. de Grosbois, député par l'ordre de la noblesse du bailliage de Besançon, aux états généraux. Du 30 mars 1791. L’Assemblée a décrété le 28 de ce mois que, si le roi sortait du royaume, et si, après avoir été invité par une proclamation du Corps législatif, il ne rentrait pas en France, il serait censé avoir abdiqué la royauté. Ce décret, auquel beaucoup démembrés de l’ Assemblée sesonteppo.-és vainement, contre ie projet duquel iis ont réclamé, et auquel ils ont déclaré ne vouloir prendre aucune part, ce décret, dis-je, me semble présenter une innovation trop importante et avoir des conséquences trop danger, uses, pour que je croie pouvoir me contenter de l’opposition verbale quej’yai, ainsiquemes collègues, constamment apportée. Je pense devoir constater ma réclamation dans un écrit public, y consigner mon opinion totalement différente de celle qu’a adoptée l’Assemblée, et rendre de cette manière hommage aux principes que mes commettants m’ont ordonné de professer ‘en leur nom, pour lesquels tout bon Français verserait son sang, et qui, pour cette nation fameuse dans l’univers, par son amour pour ses rois, étaient jusqu’à ce jour une seconde religion. Chargé par un article exprès de mes cahiers de maintenir l’ancienne Constitution monarchique et les lois fondamentales du loyaume dans leur intégrité, de soutenir qu’elles ne peuvent être changées par les états généraux, puis-je me taire lorsque je crois voir cette Constitution, non pas attaquée mais détruite et n’en conservant plus que le vain nom; ces lois, à J’ombre desquelles le royaume a vieilli avec gloire, non pas seulement altérées, mais véritablement anéanties? En e i I et, cette prérogative éminente qui mettait ie roi au-dessus de toute atteinte, celte sauvegarde sans laquelle la tranquillité de l’Etat peut être à chaque instant troublée, l’inviolabilité de la personne sacrée du souverain n’existe vvlus;