614 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1*790.] fort avant dans la nuit et n’ont pas la même facilité. Je demande quels sont ceux qui remplissent le mieux leur devoir? (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Pinteville de Cernon, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance du mardi soir 3 août. Il est adopté. M. Rewbell, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Il est également adopté. M. liaborde-Escuret. Messieurs, à l’exemple de la ville de Boulogne-en-Comminges, à la muni-palité de laquelle vous avez réuni celle du hameau de Liliette, qui se trouvait dans l’enclave de la paroisse, la ville de Mauléon vient solliciter de vous une justice semblable. Cette ville du district de la Nelte, département des Hautes-Pyrénées, n’avait autrefois qu’une seule et même municipalité; mais une chapelle de dévotion s’étant établie dans un des hameaux et les chapelains étant bientôt devenus riches et puissants par la munificence des fidèles, ils aspirèrent à s’affranchir de la surveillance des officiers municipaux de Mauléon ; ils obtinrent bientôt, non de l’autorité légitime, mais du pape, un administrateur particulier, sous le nom de prud’homme. Un autre hameau de la même force, c’est à dire composé de dix à douze maisons, ne tarda pas à obtenir la même faveur, en sorte qu’il n’y eut pas moins de trois municipalités dans une paroisse d’une étendue très bornée. La ville de Mauléon s’attendait, lors de la formation des nouvelles municipalités, de voir se réunir à elle les deux hameaux de Garaison et du Gona qui n’avaient point assez de citoyens actifs pour former le corps municipal, tel qu’il est organisé par vos décrets, mais le premier en a été détourné par les chapelai ns qui possèdent des richesses immenses, dont ils disposent comme ils veulent, sous l’inspection d’une municipalité qui leur est dévouée; le second, qui suit l’exemple du premier, s’est également formé en municipalité particulière. Dans ces circonstances, la ville de Mauléon, qui voit qu’il est de l’intérêt national que l’administration des chapelains de Garaison soit surveillée de près et qu’il est dans vos principes que les municipalités aient une consistance capable d’en imposer aux ennemis de la Constitution et d’effectuer tout le bien que vous vous en êtes promis, a recours à votre autorité pour que les municipalités des deux hameaux susdits soient tenues d’adhérer et de se réunir à celle du lieu de la situation du clocher. Le comité de Constitution a trouvé la demande fondée et c’est en son nom que je vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis de son comité de Constitution, qu’à la‘ diligence des anciens officiers municipaux de la ville de Mauléon et de ceux des hameaux de Garaison et du Gona, les citoyens actifs des trois endroits seront convoqués dans ladite ville de Mauléon, à l’effet d’y élire, dans une assemblée générale qui sera présidée par le plus ancien d’âge desdits officiers municipaux, une municipalité, eu la forme prescrite par le décret du 18 décembre dernier, dont les assemblées se tiendront audit Mauléon, lieu de la situation du clocher, et ladite élection consommée, les municipalités actuelles cesseront d’exister. » M. de Folleville, Je demande le renvoi au comité de Constitution, afin d’avoir un avis motivé. M. Lanjulnais. Je propose le renvoi au département qui sera mieux instruit que l’Assemblée nationale. M. ïe Président met aux voix le projet de décret. Il est adopté. M-Alqiiier, secrétaire , lit un mémoire de M. Pillerault, capitaine-quartier -maître des carabiniers, député du corps. Ce mémoire, qui est ainsi conçu, est renvoyé au comité militaire : , « Le corps des carabiniers, par sa primitive institution, ne faisait point de recrues; il était entretenu d’un fonds d’hommes tirés de tous les régiments de cavalerie. Cette disposition, depuis 1693 jusqu’en 1756, a été constamment en vigueur, et ce ne fut qu’à cette dernière époque qu’on apporta des réductions dans le nombre d'hommes à fournir pour alimenter ce corps. Sa Majesté alors dérogea au règlement de 1751, et prescrivit qu’il ne serait fourni désormais qu’un homme par escadron de cavalerie ; ce qui a été ainsi maintenu jusqu’en 1776 : c’est à cette époque que l’on profita des nouvelles opinions de M. le comte de Saint-Germain sur le militaire, pour détruire une aussi belle institution, et réduire la fourniture d’hommes aux carabiniers, qui ne s’élève aujourd’hui qu’à un homme par régiment de cavalerie ; c'est de ce faible recrutement qu’on s’étaie pour refuser aux carabiniers le droit qu’ils ont acquis d’être grenadiers de la cavalerie. 11 n’en est pas moins vrai que leur solde et leur arme démontrent cette distinction, et qu’il serait affligeant pour eux que, de l’effet d’une situation dont ils n’ont pas été les maîtres, on voulût tirer la conséquence qu’ils ne doivent plus être regardés comme les grenadiers de la cavalerie : ils le seront néanmoins dans l’opinion générale, jusqu’à ce qu’on la détruise, et la preuve en est acquise, puisque les régiments de cavalerie incorporent annuellement vingt-quatre hommes dans Je corps des carabiniers. « Les vrais militaires sont toujours occupés de ce qui tend à la gloire et aux succès des armes de la nation; et, sous ce rapport, il n’en est aucun qui ne rende foncièrement justice au corps des carabiniers. Les actions heureuses qu’il a faites militent trop en sa faveur pour l’humilier et lui donner le germe du dégoût qui serait inévitable et opérerait le plus mauvais effet, si on se décidait à une nouvelle institution, et si on le privait du sol de haute paye, dont il a toujours joui, et dont il espère jouir d’après ses représentations à l’auguste Assemblée nationale. « Dans cet état de choses, ne paraîtrait-il pas juste, militairement parlant, de ramener les carabiniers à leur primitive institution, que de sacrifier un corps, j’ose dire dans le meilleur. état possible, tant sous le rapport du physique que sous celui du bon esprit de corps? car il en existe un, quoique quelques personnes se soient efforcées de vouloir prouver qu’il n’y en avait point dans l’armée. Ce corps n’a jamais été mieux monté et n’a jamais fait preuve d’une obéissance plus passive. Toutes les assortions à cet égard seraient au-dessous de ce qu’on pourrait juger, si on était sur les lieux; les témoignages d’ailleurs de la municipalité et de la garde nationale de Lunéville sont un appui non suspect à cette assertion. La pétition de cette [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] 645 ville prouve que les carabiniers allient tout à la fois le devoir de citoyens et ce qu’ils doivent à leur état. Contents des habitants de cette cité, les citoyens le sont également d’eux ; et ils font, en même temps, le bonheur des officiers qui les commandent. « D’après ces observations, on pense que, pour conserver à la nation un corps qui peut, dans l’avenir, lui être utile plus qu’il ne l’a jamais été, il serait de la sagesse et de la bienveillance de l’Assemblée nationale de ramener le corps des carabiniers au principe indiqué ci-dessus, en le faisant entretenir par toutes les troupes à cheval d’un fonds d’hommes de choix par les bonnes mœurs et le physique. Il serait à désirer que le déeret à rendre à cet égard présentât aux troupes à cheval leur incorporation dans les carabiniers, comme une récompense ; elle deviendrait alors un titre d’honneur. Messieurs les officiers généraux et les chefs de corps seraient certainement portés à ne faire qu’un bon choix. On ne pense pas qu’il dût porter absolument sur la taille, mais de préférence sur la valeur et les bonnes mœurs, lorsque l’un et l’autre se rencontreraient. C’est alors seulement que les carabiniers doubleraient leurs avantages. On pe sise qu’un homme de cinq pieds cinq pouces, bien constitué, et surtout taillé en force, est véritablement l’homme qui convient pour le genre de service des carabiniers. On pourra dire que çe corps s’est plus attaché à la taille qu’aux autres considérations ; si c’est un reproche, les autres troupes le partagent avec lui. Il n’est aucun régiment de l’armée qui ne se soit efforcé de recruter de cette manière depuis la paix de 1763; et quoique les carabiniers soient d’une taille plus élevée que le le reste de l’armée, on croit pouvoir avancer, sans être contredit, qu’ils n’en sont pas moins bons et valeureux. « Il a été proposé plus haut de faire recruter les carabiniers par toutes les troupes à cheval, pour deux motifs également puissants. « Le premier et le plus valable, celui d’admettre ses frères d’armes qui auraient l’amour du bien et le désir de servir dans ce corps. « Le second, de ne point surcharger la cava-1 lerie qui pourrait dire qu’on énerve sa composi-| tion; de cette manière, elle ne s’en apercevrait pas; deux hommes annuellement par régiment, sur les soixante, suffirait pour entretenir ce corps par l’effet des engagements; et les troupes achevai (les carabiniers n’engageant plus) retrouveraient, dans les provinces, les belles recrues que lui enlève ce corps. Si on trouvait encore que deux hommes par régiment fussent une charge, on pourrait faire, comme le pratiqua l’empereur pour les carabiniers qu’il forma à son retour de France en 1777 : Jes tirer sur toute l’armée, en prenant annuellement un grenadier dans chaque régiment, ce qui n’aurait pas plus d’inconvénient que ce qui se pratiquait pour les grenadiers à cheval lors de leur existence. Il serait nécessaire seulement, pour l’infanterie, d’indiquer l’âge où le grenadier pourrait être admis dans les carabiniers, un homme trop ancien de service n’étant pas toujours propre à se plier aux principes d’équitation. « A toutes ces considérations, il s’en réunit encore une des plus puissantes : celle de conserver à la nation un corps solide, susceptible de toute espèce de service à la guerre, de former une réserve pour les coups de main et pour les actions d’éclat. Toutes les puissances de l’Europe ont de pareilles réserves. Les carabiniers, dans les batailles, en ont toujours fait partie; et l’infanterie a souvent dû son salut à ce corps, dont elle aime beaucoup à être appuyée. « Dans le cas où l’on s’éloignerait d’adopter cette proposition pour ramener les carabiniers au principe de leur création, on pourrait y parvenir, également, en n’admettant dans ce corps que des hommes qui auraient servi dans l’armée, et qui seraient porteurs d’un congé en bonne forme; alors les individus qui y entreraient ne pourraient être regardés comme recrues, et le corps des carabiniers, en ne recevant que des hommes faits, trouverait un avantage et ne dérogerait point à sa primitive institution. » Il est donné lecture d’une adresse delà ville de Montcenis, qui porte don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. M. Alquîer, secrétaire , donne lecture d’une lettre du pracureur du roi au Châtelet de Paris. L’Assemblée en ordonne l’insertion au procès-verbal, ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, dans la séance de l’Assemblée nationale du lundi 2 de ce mois, j’ai été personnellement inculpé comme ayant négligé de procéder sur la dénonciation qui m’avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, en conformité d’un arrêté du comité des recherches de l’Hôtel de Ville de Paris, de MM. Des-marest de Maiilebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest. J’attache une trop grande importance à ce que aucun des membres de l’Assemblée nationale ne puisse conserver l’idée quej’aie négligé mon devoir, pour que je n’aie pas l’honneur de vous supplier, Monsieur le Président, de vouloir bien permettre que je prenne la liberté de vous exposer ma conduite. « Sur la dénonciation qui m’avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, il y a plus de quinze jours que j’ai rendu plainte, et cette plainte relate tous les faits qui étaient compris dans l’arrêté du comité des recherches de l’Hôtel de Ville, et est. dirigée contre toutes les personnes qui y étaient dénommées. Il y a dix jours que l’information ordonnée sur cette plainte est commencée; plusieurs témoins ont été entendus. Hier, M. le procureur-syndic de la commune m’a remis, de la part de MM. du comité des recherches, une liste de témoins qui vont être successivement assignés à ma requête, pour déposer. Il m’a en même temps dénoncé hier, en vertu d’un arrêté du comité des recherches, l’évasion de M. Bonne-Savardin des prisons de l’Abbaye, et j’ai rendu plainte ce matin des faits contenus dans cette nouvelle dénonciation. « Tel est, Monsieur le Président, l'état exact de la procédure; j’ose espérer que vous n’y verrez aucune négligence de ma part. Daignez, je vous en conjure, prendre la peine de donner connaissance de cet exposé à l’Assemblée nationale. L’inculpation publique qui m’a été faite dans une de ses dernières séances, et qui m’affecte d’autant plus, qu’elle paraît également dirigée contre tout le tribunal du Châtelet, se trouve déjà consignée dans un grand nombre de feuilles périodiques qui circulent tous les jours dans Paris, et se répandant dans tonte la France; je ne peux pas sans doute me flatter que ma justification acquierre le même degré de publicité ; mais je n’aurai rien à désirer, si l’Assemblée nationale veut bien l’accueillir avec bonté, et ne pas douter du zèle constant d’un tribunal qui, dans tous