[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mai 1791.] . 489 ses exemples, est impossible : les meilleures lois seront mal entendues et mal exécutées. Le laboureur le moins intelligent r.e coolie point ses semences à des terres chargées de ronces. Prétendre composer avec la majorité est une erreur digue de larmes. Des gens de bien y donnent, dans cette erreur, je le sais. Mais, si le raisonnement ne les ramène pas, la plus triste expérience les instruira. Les vrais sages ne sont point ceux qui transigent sur les principes, mais ceux qui ne sacrifient les principes à personne, sujets persévérants et citoyens généreux, sans ambition comme sans crainte. On ne doit pas qualifier de parti, des hommes fidèles à leur mandat, des hommes dont la vertu croît avec le péril ; qui veulent une monarchie de la façon des Brienne, qui veulent une monarchie, mais non pas une monarchie de la façon des Jacobins, qui veulent une monarchie, et non pas quatre-vingt-trois lambeaux de République ; république immorale, république impuissante, :qui fait horreur aux hommes justes, qui fait pitié aux hommes libres. On n’a que trop fléchi sur cette vérité fondamentale que l’Assemblée est sans pouvoir. 11 faut y revenir. Tous ses décrets, tous nos malheurs étaient renfermés dans l’arrêté fatal, pris inconséquemment le 17 juin 1789, par un seul ordre. Qu’on abjure cet arrêté : qu’on revienne franchement à ces maximes si pures et si bien éprouvées, contre lesquelles ont toujours échoué, dans nos crises publiques, les deux esprits qui déchirent aujourd’hui le royaume, l’esprit de sédition et l’esprit d’impiété. Que chaque parti, que chaque société, que chaque citoyen, pour ainsi dire, ne vienne plus nous apporter sa Constitution ; que les uns ne disent pas : nous voulons deux Chambres , les autres deux sections de la meme Assemblée , d’autres encore une Assemblée unique. Le roi et les trois ordres, le roi et ses cours souveraines, le roi et son conseil, le roi et son armée, telle est la Constitution française. Que ceux qui la niaient, aux premiers jours des Etats généraux, montraient d’ignorance ou de mauvaise foi ! Que ceux qui sont venus pour la détruire, armés du contrat social, ou de leurs idées anglaises, ou de leur obscure et folle métai hysique, connaissaient mal et l’auteur qu’ils citaient, et le modèle qu’ils proposaient, et les principes qu’il employaient, et surtout la nation qu’ils prétendaient régénérer! A quels regrets ! à quels remords ne sont-ils pas réduits? Le roi renonçait aux lettres de cachet, les deux premiers ordres à leurs privilèges pécuniaires, les cours souveraines à toute l’autorité qu’elles pouvaient abandonner, sans compromettre la puissance royale, la police du royaume, et l’administration de la justice. Que voulaient-ils de plus les auteurs de l’arrêté du 17 juin ? Que voulaient-ils de plus les ennemis de la déclaration du 23 ? Que voulaient-ils de plus, les moteurs du serment du Jeu de paume? Ce qu’ils voulaient, vous le voyez, vous l’éprouvez. A-t-on publié assez de rêveries? A-t-on commis assez de fautes ? Méprisons les unes, réparons les autres, ne restons pas dans ces abîmes où de faibles tyrans, qui se moquaient secrèternentdenous, prétendent nous retenir; revenons au roi, aux trois ordres, à la magistrature, à nos cahiers; demandons ce qu’ils ont de conformes: ajournons à des moments plus calmes ce qu’ils ont de contraires ; et le rétablissement religieux de toutes les propriétés deviendra pour nos finances, maintenant désespérées, la base d’un nouveau plan, qui ne consistera plus dans le bizarre assortissement d’assignats' de cent sous, de pièces de cuivre, et de maisons de banque. Pénétrons-noUs de cette vérité : sans la paix, sans la justice, sansla vraie liberté, nous ne verronsjamais rentreren France, le numéraire. Or, la paix, la justice et la vraie liberté sont à jamais incompatibles avec notre modeste Constitution. L’Assemblée qui nous gouverne, et tous ses comités et tous ses orateurs, ne nous rendront jamais, ne peuvent pas nous rendre, ces biens que nous avons perdus. Paris, le 22 mai 1791. Signé: Duval d’ÉprÉMESNIL. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mercredi 18 mai 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, qui est adopté. M. le Président. Messieurs, je reçois une lettre du nouveau ministre de la marine; je vais en donner lecture à l’Assemblée : « Monsieur le Président, « Au moment d’entrer dans une carrière nouvelle pour moi, et de prendre les rênes d’une administration importante, mon premier devoir est d’offrir à l’Assemblée nationale l’hommage de mon dévouement et de mon attachement à la Constitution. Je n’oublierai jamais que tous mes instants sont consacrés à la chose publique, et que tous mes efforts doivent tendre à faire exécuter et respecter les lois. Je ne me dissimule pas, Monsieur le Président, combien la tâche qui m’est imposée est devenue pénible; mais en envisageant les obligations et les devoirs d’un ministre dans des circonstances aussi difficiles, j’ai pensé, en même temps, que je devais faire abnégation de tout sentiment qui me fût personnel, pour me dévouer exclusivement au service de l’Etat, et je n’ai écouté que mon zèle et mon patriotisme. Si mes efforts peuvent obtenir quelque succès, si l’Assemblée nationale daigne rendre justice à la pureté de mes intentions et m’accorder sa bienveillance, j’oublierai les peines attachées à l’état que je vais embrasser ; et les témoignages de sa satisfaction deviendront la plus douce récompense de mes travaux. {Applaudissements.) Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, _ Signé : Thévenard. (L’Assemblée ordonne l’impression de cette lettre au procès-verbal). M. le Président. M. Buissart, de l’Académie d’Arras, fait hommage à l’Assemblée d’un mémoire sur l’invariabilité des bornes champêtres. (L’Assemblée agrée l’hommage de ce travail et en renvoie l’examen à son comité de commerce et d’agriculture.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur », >