(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 février 1791.] 771 a besoin ; mais je vais instruire l’Assemblée d’un fait qui est très intéressant et qui regarde un malheureux détenu dans les prisons. M. de Riolles est enfermé. (Interruptions.) ... Je demande pourquoi M. Voidel a défendu de sa propre autorité à la fille de M. Riolles de voir son père, et au fils de M. de Riolles de parvenir jusqu’à lui. Je demande encore pourquoi l’avocat de M. de Riolles n’a pas la liberté de lui parler? M. "Voidel, rapporteur. J’observe que M. Wes-termann demande à être entendu sur les intérêts de la commune de Haguenau, qui a d’autres députés ici, et que le rapport n’est point du tout dirigé contre M. Westermann. Si cependant l’Assemblée croit que M. Wester-mann, ayant ici des coiiéputés chargés des intérêts de la commune de Haguenau, doive être entendu sur une affaire qui concerne cette commune, je ne m’y oppose pas; mais j'observe qu'il s’agit dans cette affaire de l’honneur d’un membre de cette Assemblée, gravement inculpé, et qu’il est triste pour un représentant de la nation d’être sous le coup d’une pareille inculpation. L’Assemblée, d’après cela, peut décider ce qu’elle voudra. (L’Assemblée ordonne que le rapport sera fait à l’instant et qu’il sera fait mention dans le procès-verbal de la communication de M. Voi-del relative à la demande de M. Westermann.) M. Voidel, rapporteur. Messieurs, une accusation grave est portée contre un de vos membres; un de nos collègues vous est dénoncé comme un prévaricateur, et c’est au nom d’une commune qu’est faite cette dénonciation. L’infidélité prétendue d’un rapport est le titre de l’accusation, et ce rapport n’existe que par lambeaux, dans des feuilles publiques ; son auteur ne l’avait pas écrit. Le décret qui en était la conséquence, recueilli dans les mêmes feuilles, altéré dans ses principales dispositions, est présenté comme la preuve u’une prévarication; et cette preuve est tirée des textes altérés. On reproche au rapporteur de l’inexactitude dans les faits, un silence affecté et perfide sur des pièces importantes; et de 77 pièces que l’on dit avoir été déposées au comité, il est prouvé par l’extrait des registres et par la propre décharge des agents des dénonciateurs que 23 seulement y ont été produites; l’on dit enfin que le rapporteur a fui les éclaircissements, qu’il a repoussé la lumière, et le rapport a été fait au comité dont il était l’organe; il a été discuté en présence des députés du département dans lequel se trouve la commune qui en était l’objet. Cependant, l’accusation est formelle, elle a été déposée sur votre bureau et vous en avez renvoyé l’examen à votre comité de recherches que vous avez chargé de vous en reudre compte. S’il y a prévarication, vous devez aux accusateurs la plus prompte et la plus sévère justice contre celui qui en serait l’auteur; plus ses fonctions étaient augustes, plus ses devoirs étaient sacrés I S’il est calomnié, vous devez, Messieurs, à lui, à la sainteté de son caractère, au peuple qu’il représente, la plus entière et la plus éclatante réparation. Vous avez ici à juger tout à la fois la conduite du rapporteur du comité dans l’affaire de la commune de Haguenau, et celle de ce comité lui-même, qui revendique le travail de sou rapporteur, qui l’avoue et qui en garantit l’exactitude et l’intégrité. Voici les faits : ’ Depuis longtemps, des dissensions intestines désolaient la ville de Haguenau; plusieurs fois vous aviez pris, dans votre sagesse, les moyens que vous jugiez propres à y rétablir la paix. Iis avaient tous été sans succès. L’enlèvement et le pillage des effets du greffe de cette commune arrivés les 16 et 17 juin dernier, la fuite d’une partie des officiers municipaux, la municipalité accusant de ces excès leparti qui lui était opposé; tous ces faits avaient donné lieu à un premier rapport et au décret du 3 juillet qui ordonne -, 1° l’information et la poursuite de ces délits; 2° l’envoi d’un régiment de cavalerie française, destiné à maintenir les officiers municipaux dans le libre et paisible exercice de leurs fonctions; 3° la dissolution d’un corps de milice nationale qu’on disait être nouvellement formé; avec la faculté aux citoyens qui le composaient d’entrer dans celui qui avait été formé d’après les principes delà Constitution, en remplissant les formalités prescrites. Après la fédération, qui eut lieu à Strasbourg, le 12 juin, ce corps particulier de milice nationale, touché des sentiments d’égalité et de fraternité qui se développaient avec tant d’énergie dans ces fêtes civiques, et voulant détruire tout sujet d’inquiétude et de soupçon dans !a ville de Haguenau, s’incorpora volontairement le 17 juin; dès le 14, M. de Worslatt avait été élu commandant de la garde nationale ; il avait accepté, par le désir d’effectuer la réunion des deux corps, et il y travailla avec activité : le 15, y trouvant de trop grandes difficultés, il donna sa démission. Le 16, la municipalité, refusant la démission, donna de plus à M. de Worslatt, par écrit, l’autorisation de former un corps privilégié, sous le nom de compagnie martiale, il s’v refusa. L’incorporation se fit le 17 et c’est sous cette date que la municipalité a présenté depuis la démission de M. de Worstatt, donnée le 15. Le chiffre 5 se trouve altéré et remplacé parte chiffre 7, ce qui produit l’horrible effet de faire soupçonner que l’incorporation était la cause d’une démission qui n’avait eu pour motif, le 15, que la difficulté même de cette incorporation. Arriva bientôt après la fédération générale, brillante époque de notre histoire, l’honneur de la Révolution et dont il était, si important et si facile de saisir l’occasion, pour rallier à un vœu commun les prétentions discordantes des citoyens. La municipalité ne l’envisagea pas ainsi; sous le prétexte de dangers qui n’existaient pas ou qu’elle exagérait, elle osa, contre la teneur expresse de vos décrets, arrêter : que cette cérémonie serait différée à Haguenau du 14 au 28. Elle y mit tous les obstacles qui étaient en son pouvoir; elle en avait déjà apporté à l’envoi des députés de sa garde nationale à la fédération générale, et cette garde n’aurait pas eu de représentants à cette auguste cérémonie, sans ies soins du district et la générosité de quelques bous citoyens. La municipalité affirme que ce fait est faux, et elle prétend prouver son assertion en disant que quatre députés du corps illégalement formé se rendirent à Paris; qu’ils furent rejetés à ce titre comme membres d’un corps dont la dissolution était ordonnée par un décret, et qu’ils ne parurent à l’assemblée générale des fédérés qu’après des arrangements amiables pris avec Je sieur Westermann, qui reçut leur adhesion au décret du 3 juillet, et qui, en vertu des pouvoirs qu’il avait reçus de la commune, les oommapour représenter la garde nationale de leur cité. Si l’objet de ce rapport était d’examiner quelle lAsseîijJ lee nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 février 1791.] 772 l’ut en cette occasion la conduite de la municipalité, nous lui dirions : Votre dénégation démentie par la garde nationale, par les commandants pour le roi dans la ville et dans le département, par les directoires du district et du département par toutes les autorités légitimes enfin, votre dénégation ne suffit pas pour prouver qu’il existait à cette époque un corps particulier de garde nationale, dissous depuis le 17 juin : ni vous ni votre agent à Paris n’aviez le droit de nommer des députés à la fédération ; ils doivent être élus par leurs camarades; ainsi, vous avez, sur ce point, enfreint la loi. La municipalité ne s’en est pas tenue là, et le 22 juillet, dans un temps où il n’y avait pas de troubles à Haguenau, malgré les vives instances des commissaires du département contre la dé fense expresse du directoire, notifiée par celui du district, elle a fait publier avec beaucoup de fracas et d’appareil le décret du 3 juillet qui, bien que sanctionné alors, ne lui avait pas été adressé officiellement et dans une forme légale, ce qui constituait encore une violation des lois constitutionnelles. Ainsi, faisant autant de fautes que de pas, elle s’acheminait vers la catastrophe qui ensanglanta les murs de Haguenau, où elle aurait pu si facilement faire régner l’ordre de la paix. Le 24 juillet, deux jours après la publication du décret du 3, le maire, le procureur de la commune et le sieur Westermann, secrétaire-greflier de la municipalité, arrivèrent à Haguenau, escortés d’un régiment de chasseurs et précédés d’une troupe d’hommes armés de bâtons; la garde de la porte de Saverne par laquelle ces officiers du peuple faisaient leur entrée, fut en leur présence insultée, maltraitée et renversée, et peu après il s’engagea dans la ville un combat dans lequel 5 hommes furent tués et un plus grand nombre blessés, sans qu’on voie que ces magistrats aient fait le moindre effort pour prévenir ou empêcher le massacre de leurs concitoyens. A la première nouvelle de ce tragique événement, le prévôt des maréchaux de Strasbourg, sur la réquisition des directoires du département du Bas-Rhin et du district de Haguenau, se transporta dans cette ville, et il y informa contre les auteurs des meurtres commis le 24. La municipalité voulait et demanda que le prévôt, sans ultérieur éclaircissement, décrétât de prise de corps les citoyens qui s’étaient ce jour-là trouvés de garde à la porte de Saverne et qui paraissent avoir été les premiers attaqués. Le 28 juillet, la municipalité remit sa démission entre les mains des commissaires du département, en les priant de la faire agréer par la commune; ces commissaires ne voulurent pas l’accepter, mais, malgré leur refus, les officiers municipaux ne voulant pas reprendre l’exercice de leurs fonctions, les commissaires les exercèrent provisoirement. Cette démission combinée était une véritable forfaiture, et c’est ainsi que la municipalité savait respecter la Constitution et les lois, en accusant ses adversaires de les mépriser. Cependant, en exécution du décret lancé contre lui dans la procédurequi s’instruisait, pour raison des excès et violences commis les 16 et 17 juin, le sieur Westermann, le héros du parti municipal, fut arrêté à Paris et constitué prisonnier à l’hôtel de la Force ; il devait être incessamment transféré dans les prisons criminelles de Strasbourg. Il vous présenta, Messieurs, sa réclamation, il vous exposa que l’envoyer à Strasbourg, c’était l’envoyer à la mort, parce que ses juges étaient ses ennemis. Ce fut là l’objet d’un premier rapport que vous lit le 30 octobre dernier, M. Régnier, au nom de votre comité des rapports. M. Régnier, aujourd’hui attaqué sans ménagement et sans pudeur au nom de la commune de Haguenau, aujourd’hui accusé de prévarication, oubliant alors, en faveur du sieur Westermann, la rigueur des principes sur l'ordre judiciaire; vous proposa de décréterqu’il serait sursis à la translation du sieur Westermann dans les prisons criminelles de Strasbourg , jusqu’à ce qu’il vous eût été rendu compte des charges que contenait la procédure contre la municipalité de Haguenau, et que cependant l’accusé demeurerait en état d’arreslation. Mais vous, Messieurs (i égarés , disent les dénonciateurs, par le rapport artificieux de M. Régnier), vous décrétâtes qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. Trois jours après ce premier rapport, M. Régnier vous en fit un second, duquel, en rentrant dans l’esprit de votre décret du 30 octobre, il écarta les pièces des deux instructions criminelles commencées, l’une par la municipalité de Strasbourg, sur les événements des 16 et 19 juin, l’autre par le prévôt des maréchaux sur celui du 24 juillet. Je ne m’arrêterai pas à discuter les reproches nombreux faits à ce second rapport par la commune de Haguenau et qui fait la base de la dénonciation. J’ai déjà eu l’honneur de vous observer que ce rapport u’est point écrit; il n’en existe que des fragments épars, et sans doute aussi infidèlement rendus, dans les papiers publics que le décret dont il était cependant si facile de se procurer une copie exacte. Mais ce que je ne puis m’empêcher de faire remarquer, c’est l’insolence des expressions employées contre le rapporteur dans un mémoire imprimé de. 71 pages in-quarto, distribué avec profusion dans les départements du Haut et Bas-Rhin. Presque chaque ligne de cet outrageant écrit distille le fiel de la haine et le poison de la calomnie; les épithètes d’homme atroce, traître, perfide, ennemi de l’Etat, prévaricateur, y sont répandues avec une profusion dégoûtante et cruelle. Atravers ce déluge d’injures, mon devoir était cependant, à défaut d’un corps de délit qui n’existe pas, de rechercher les traces fugitives d’erreur ou de négligence qui auraient pu échapper au rapporteur ; mais comment tirer de cet examen un résultat satisfaisant? Voici, Messieurs, la marche que j’ai suivie, et qui m’a parue indiquée par le bon sens. Le décret proposé doit être la conséquence, soit des faits, soit des décrets précédents : voyons si celui-ci est justifié par les faits ou les décrets. Je le lis ce décret, non pas dans le mémoire des accusateurs où il est ainsi rendu : « L’Assemblée nationale, considérant que la municipalité de Haguenau a excité, par sa conduite, une partie des troubles qui sont arrivés dans cette ville, et qu'elle a depuis donné sa démission entre les mains du commissaire du roi, déclare qu’elle iaiprouve la conduite de la municipalité, qu’elle est satisfaite de celle de la garde nationale, et du commandant de la place, décrète que le roi sera supplié de donner des ordres pour la nomination d’une nouvefle municipalité; décrète, en outre, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition de quelques citoyens de Haguenau et que M. Westermann sera transporté dans les prisons de Strasbourg. » [o février 179 1 -i 773 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Mais je prends ce texte original dudécret dans le procès-verbal du 2 novembre et j’v lis : « Un membre du comité des rapports a rendu compte de l’affaire de la municipalité de Hague-nau et a proposé le projet d’un décret que l’Assemblée nationale a adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant que la municipalité de Haguenau, par la conduite qu’elle a tenue, a entretenu les troubles de cette ville, �tandis que son devoir était de les calmer ; que cette conduite est devenue plus répréhensible encore d’après la lettre de son comité des rapports en date du 2 juillet, et qu’enfin elle est devenue tout à fait inexcusable par sa démission illégale du 28 du même mois, dans laquelle elle a persévéré malgré le refus fait par les commissaires du département du Bas-Rhin de la recevoir; « Déclare qu’elle improuve la conduite de la municipalité de Haguenau, et qu’elle est satisfaite de celle de la garde nationale et du sieur de Worstat, son commandant. « Décrète que le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour faire procéder à l’élection d’une nouvelle municipalité; décrète, en outre, qu’il n’y a lieu de délibérer sur les diverses pétitions d’une partie des citoyens composant la commune de Haguenau, et que la procédure criminelle, commencée en exécution du décret du 3 juillet dernier, sera continuée. » Je ne vois rien, dans ce décret, qui ne soit justifié par les faits que j’ai eu l’honneur de vous exposer, par des déclarations officielles du district, du département et des commandants pour le roi, dans ce pays; je vois toutes les autorités légitimes se réunir pour accuser la mauvaise conduite de la municipalité, je vois de la part de celle-ci une grande facilité à maintenir l’ordre, et pas une démarché, pas un seul effort pour y réussir; je la vois partout substituer l’orgueil du pouvoir aux fonctions douces et tranquilles d’une administration paternelle. Le comité des rapports lui écrit, le 22 juillet, une lettre également honnête et ferme f il est nécessaire de vous la lire : « Paris, le 23 juillet 1790. « Le comité des rapports, autorisé par l’Assemblée nationale, me charge, Messieurs, de vous informer que l’examen qu’il vient de faire d’un grand nombre de pièces qui lui ont été adressées, en dernier lieu, par l’Assemblée nationale, ne lui permet pas de clouter : « 1° Que dans plusieurs circonstances intéressantes le corps municipal de Haguenau s’est trouvé dispersé, de manière à ne pouvoir remplir les fonctions importantes qui lui sont confiées ; « 2° Que la municipalité a refusé d’assister à la cérémonie du serment civique qui a cimenté la réunion de tous les bons citoyens dans le corps de la garde nationale; « 3° Que la municipalité s’est également refusée, malgré la réquisition de M. Diettnch, commissaire du roi, à faire convoquer la garde nationale, à l’effet de procéder à l’élection des députés pour la confédération du 14 juillet ; « 4° Que la municipalité a refusé d’ouvrir un paquet à elle adressé par les commissaires choisis parmi les électeurs du département pour procéder à l’élection des députés de la garde nationale, et que ce refus aurait empêché le départ de ses députés, sans la générosité avec laquelle quelques citoyens ont fait, à cet égard, les avances nécessaires, « 5° Qu’il a fallu les instances réitérées tant de la part du commandant du roi pour la ville de Haguenau, que de celle de M. de Choisi, officier général, employé dans la province, pour décider ceux des officiers municipaux alors présents à Haguenau à assister à la cérémonie solennelle du serment, le 14 de ce mois; « 6° Enfin, que la municipalité a refusé de reconnaître la garde nationale actuellement réunie à Haguenau, et n’a pas cédé aux différentes instances qui lui ont été faites pour assister aux assemblées légales qui ont été tenues pour couronner cette réunion, à l’élection légale des officiers, etc. # « Ces six faits principaux, auxquels il serait aisé, Messieurs, d’en joindre plusieurs autres qui résultent aussi des pièces que le comité a sous les yeux, auraient, sans doute par leur importance, exigé qu’il en fût fait sur-le-champ un rapport à l’Assemblée nationale; les conclusions de ce rapport n’auraient pu qu’être très fâcheuses pour votre municipalité; mais le comité, sollicité à cet égard par les députés de la garde nationale de Haguenau, a cru devoir céder à leurs instances, et il s’est plu à n’attribuer qu’à un moment d’erreur, de votre part, les démarches imprudentes auxquelles vous vous êtes portés; le comité a espéré qu’en vous épargnant dans ce moment un jugement sévère de la part de l’Assemblée nationale, il suffisait de vous rappeler vos devoirs, de vous prévenir d’y reutrer sur-le-champ pour parvenir à vous retirer de l’état de négligence et de découragement auquel vous paraissez vous être abandonnés. « Le comité, persuadé, Messieurs, que vous sentirez le prix du ménagement dont il use dans ce moment à votre égard, me charge de vous mander très positivement que si, sous différents prétextes, la municipalité de Haguenau continuait à demeurer oisive et dispersée dans un moment où son zèle et son activité seraient si importants à la chose publique; si vous continuez, Messieurs, à ne pas reconnaître, comme légalement incorporés dans la milice nationale, tous ceux des citoyens actifs qui ont prévenu le dernier décret rendu sur cet objet, et qui ont procédé à une réunion parfaite avec une grande loyauté; si, enfin, le sieur Westermann et plusieurs autres, qui paraissent être les principaux auteurs des troubles, continuaient à avoir de l’influence, et à vous entretenir dans des démarches contraires au rétablissement de la tranquillité publique dans votre ville, ce serait à regret, mais forcément, que Je comité des rapports se verrait obligé à rendre compte de tous ces faits qui vous inculpent à l’Assemblée nationale, et à solliciter de sa part un jugement qui sans doute serait d’autant plus sévère, que l’importance des fonctions que vous avez négligé de remplir est plus grande pour le succès de la nouvelle Constitution et pour le bonheur du peuple. « J’ai l’honneur d’être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. « Charles-Claude üelacour, président. » La municipalité saisit le prétexte de cette lettre, et croyant peut-être embarrasser la marche de l’administration, peut-être aussi rallier ses partisans, en faisant délibérer la commune sur sa démission ; au lieu d’adresser ses plaintes à TA-semblée nationale, si elle pensait que cette 774 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février Î79K] lettre contînt des reproches injustes, tout en protestant de son attachement à la Constitution, elle forfait à la Constitution par cette démission combinée. Je me dis alors : le premier article du décret appuyé sur des faits incontestables est parfaitement juste et sage. Le second, qui exprime une improbation contre la municipalité, qui loue la conduite de la garde nationale et de son commandant, est une conséquence, une suite nécessaire du premier. Je distingue trois parties dans le troisième : 1° le remplacement de la municipalité; 2° les pétitions d’une partie des citoyens de la commune de Haguenau ; 3° la continuation de la procédure. J’observe, sur la première, qu’ordonner ie remplacement d’une municipalité qui s’était rendue coupable de forfaiture, était moins une peine qu’une disposition d’indulgence. Sur la seconde, que les citoyens de Haguenau, quel qu’en fût le nombre, avaient pour objet, d’une part : le désir de faire bannir de la cité M. de Worstat, commandant de ia garde nationale, et M. de Pons, commandant puur le roi, d’annuler toutes h s procédures faites; de donner mainlevée de leurs personnes aux officiers municipaux condamnés par corps à une remise de pièces, par un jugement de la municipalité de Strasbourg, confirmé par un arrêt du ci-devant conseil souverain d’Alsace; enfin de commettre hors du département de nouveaux juges pour une nouvelle instruction de l’affaire. Elles avaient pour objet, de l’autre : des plaintes de persécution, des reproches ou des griefs contre les juges. Or, sous tous ces rapports, les pétitions étaient, ou une absurdité, ou le renversement de l’ordre judiciaire, ou du ressort du district de Haguenau, séant à Sa verne, qui doit, aux termes de votre décret du 12 octobre, suivre l’instruction commencée sur tes événements des 16, 17 et 24 juillet. J’observe enfin, sur la troisième, que la continuation de la procédure était déjà décidée par le décret du 30 octobre, qu’elle était rigoureusement conforme aux principes ; que les accusés, devant, par l’effet de cette disposition, être jugés par leurs juges naturels, dans le pays où leur conduite étant bien connue, pouvait ême mieux appréciée, il leur serait aussi plus facile d’y faire éclater leur innocence; et que, s’ils étaient coupables� là aussi, pour le plus grand intérêt de la société, il convenait qu’ils fussent punis. Le décret est donc en tous points juste et régulier. Je m’étonne ensuite de voir un décret altéré, extrait d’un papier public, servir de titre à une accusation aussi grave. Je trouve, dans celui-ci, des sens faux et des réticences coupables : Le texte original porte : que la municipalité a, par sa conduite, entretenu les troubles que son devoir était de calmer: le texte altéré porte : qu'elle a excité par sa conduite une partie des troubles. Celui-ci dit qu’elle a donné sa démission entre les mains du commissaire du roi, et l’autre n’en dit pas un mot : la version littérale parle de la lettre du Comité des rapports, la version falsifiée n’en parle pas; celle-ci parle des éloges donnés au commandant de la place, celle-là du sieur Worstat, commandant de la garde nationale ; enfin, le véritable décret énonce qu’il n’v a pas lien à délibérer sur les diverses pétitions d’uue partie des citoyens de ia ville, de guenau, et que la procédure criminelle, commencée en exécution du décret du 3 juillet dernier, sera continuée : le décret faux exprime qu'il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition de quelques citoyens de Haguenau et que M. Wester-mann sera transféré dans les prisons de Strasbourg. Ces nombreuses variantes pourraient paraître minutieuses ou indifférentes, mais elles deviennent très graves, quand on voit que chacune d’elles fait le texte d’un chef particulier d’accusation. Des citoyens, la municipalité de Strasbourg, les commissaires du département, ce département lui-môme, le district, tout a été successivement attaqué par la municipalité de Haguenau (1), et elle ne parle que de son patriotisme, comme si le patriotisme ne consistait pas surtout dans le respect des lois. On est également surpris et indigné de la stupidité et de l’audace avec lesquelles, au nom d’une commune, quelques hommes actuellement .sous ie glaive de la loi, se sont efforcés de flétrir la réputation de l’un de nos plus vertueux collègues (Applaudissements) . Mais elle fut toujours au-dessus de pareilles atteintes. Son âme honnête et pure saurait sans doute livrer au mépris tes calomnies et les calomniateurs. Satisfait de votre estime et sachant bien qu’il la mérite, elle serait à ses yeux la plus flatteuse récompense dé ses travaux; mais l’accusation a été publique, et vous devez, Messieurs, au rôle qu’il a joué dans cette affaire, et à la dignité de son caractère, une réparation solennelle. Après avoir établi la preuve de l’intégrité de M. Régnier, votre comité a examiné quel genre de satisfaction convenait le mieux à un représentant du peuple, calomnié avec scandale. Il a pensé, Messieurs, qu’il fallait saisir cette occasion de donner à la France et aux législatures qui vous suivront, un exemple de modération et de sagesse; qu’il ne fallait pas écarter par des peines sévères des accusations qui mettent la conduite de chacun de nous et celle de nos successeurs, sous la censure plus immédiate de l’opinion, qui nous commandent une plus grande attention, et qui présentent ainsi un appui de plus à la liberté publique. (Vifs applaudissements.) Voici, en conséquence, le projet de décret que votre comité a l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité des recherches, « Décrète, que Claude-Ambroise Régnier, député à l’Assemblée nationale, est pleinement justifié, et honorablement déchargé des imputations qui lui avaient été faites au nom de ia commune