SÉANCE DU 11 FRIMAIRE AN III (1er DÉCEMBRE 1794) - N°8 47-49 361 pu être plausibles ; mais puisque les temps sont changés, il faut, citoyens représentans, que, semblables au pilote qui, après la tempête, rappelle, d’une voix consolante, les matelots effrayés, vous fassiez entendre la voix invitative de la patrie, pour ramener dans le sein de nos assemblées tous ceux que la stupeur en a écartés. La section des Arcis se fait un devoir en même temps d’applaudir aux grandes mesures que vous avez prises. Conservez toujours, mandataires du peuple, ce caractère de justice et de fermeté que vous avez déployé depuis le 9 thermidor, et tous les bons républicains se plairont à répéter avec nous ce cri, l’expression du cœur des vrais français! Vive la représentation nationale ! (77). LEGENDRE (de Paris) : J’observe que la facilité avec laquelle on insère les pétitions au Bulletin occasionne, en ce qu’elles sont souvent contradictoires, des fluctuations dangereuses dans l’opinion publique. Il me semble avoir entendu que cette section demandoit implicitement la destruction des sociétés populaires; tous les bons républicains défendront toujours ces sociétés. Si dans les sections le peuple défend ses droits, dans les sociétés populaires, il s’en instruit. Plusieurs voix : Legendre se trompe. LEGENDRE (de Paris): Je ne me suis pas trompé, je retire ma motion (78). 47 Un secrétaire lit une adresse de la commune de Beauvais [Oise], signée individuellement. Elle déclare qu'elle a beaucoup souffert des suites du décret du 17 vendémiaire ; que le rapport de ce funeste décret rend justice à des citoyens qui n'ont cessé d'être enthousiastes de la liberté, en même temps qu'il livre aux remords ces intrigans audacieux, qui, à l’aide de complots supposés, ont fait trembler les bons, ont accueilli les méchans, insulté aux mœurs, suscité des haines et poussé le peuple au désespoir. Elle invite la Convention nationale à continuer de signaler et de poursuivre les ambitieux, les fourbes et les hommes de sang, et à ne pas souffrir qu’une autorité, une association quelconque ose entreprendre de la rivaliser. Mention honorable, insertion au bulletin (79). (77) Bull., 12 frim. (suppl.). Débats, n° 799, 1021 ; Moniteur, XXII, 642 ; Bull., 12 (suppl.) ; Rép., n° 72 ; F. de la Républ., n° 72 ; J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797; Mess. Soir, n° 835 ; J. Paris, n° 72. (78) Débats, n° 799, 1022. F. de la Républ., n° 72 ; J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797 ; M.U., n° 1359. (79) P.-V., L, 227-228. 48 La section de Bonne-Nouvelle [Paris] admise à la barre, fait offrande d’une somme de 6 065 liv., qu’elle destine à l’augmentation des forces navales de la République. Elle proteste de son entière soumission aux lois et de sa haine implacable contre les tyrans de toutes les sortes. Mention honorable et insertion au bulletin (80). L’ORATEUR : Citoyens représentants, la section de Bonne-Nouvelle, dont la fortune n’égale pas le zèle et le patriotisme, nous députe vers vous pour déposer sur l’autel de la patrie une somme de 6 065 livres qu’elle destine à l’augmentation des forces navales de la République. Elle nous charge en même temps de vous exprimer son attachement inviolable à la représentation nationale et au gouvernement révolutionnaire que vous avez décrété, son entière soumission à vos lois, et sa haine implacable pour les tyrans et pour tous les ennemis de la cause sacrée du peuple. Puisse bientôt la liberté faire flotter triomphants les pavillons républicains sur les mers, et voir tomber des mains d’un peuple orgueilleux et perfide le sceptre et la domination qu’il a si indignement usurpés ! (81). 49 La veuve Roucher expose, par une adresse, que son mari a été une des dernières victimes de l’infâme Dumas; elle demande un sursis à la vente de la bibliothèque de ce condamné, et la restitution de cette propriété. La Convention après avoir entendu la lecture de la pétition de la citoyenne Marie-Agathe-Elisabeth Hachette, veuve de Jean-Antoine Roucher, homme-de-let-tres, tombé sous le glaive de la loi ; décrète la suspension provisoire de l’enlèvement et de la vente des meubles, planches, gravures et bibliothèque dudit Roucher, sur lesquels sont apposés les scellés. Renvoie la pétition au comité des Secours publics et à celui des Finances, section des Domaines, pour, sur leur rapport, être statué définitivement (82). Un membre : Le comité des Finances s’occupe d’un projet de loi relatif aux veuves et orphelins des condamnés. Je demande le renvoi de la lettre à ce comité. (80) P.-V., L, 228. (81) Moniteur, XXII, 642. Rép., n° 72 ; Débats, n° 799, 1022 ; F. de la Républ., n° 72 ; J. Perlet, n° 799 ; M. U., n° 1359 ; Mess. Soir, n° 835. (82) P.-V., L, 228-229. Débats, n° 799, 1022 ; M.U., n° 1360. 362 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Un membre appuie aussi le sursis demandé. Ces deux propositions sont décrétées (83). 50 Les membres de la commission des salpêtres de la section de Montreuil [Paris], présentent à la Convention les bustes de Marat et de Lepeletier, composés de cette matière inflammable qui fait trembler les tyrans. Mention honorable, insertion au bulletin (84). 51 Les membres de la société populaire, le conseil-général de la commune, la justice de paix et la garde nationale de Seyssel, département de l’Ain, réunis dans le temple de l’Être-Suprême, pour la lecture des lois, félicitent la Convention, par une adresse signée individuellement, d’avoir déjoué les conspirations, et fait subir aux conspirateurs le peine due à leurs forfaits; ils la remercient de son adresse au Peuple français : elle est à leurs yeux le gage de la sécurité des hommes vertueux et du désespoir pour des hommes de sang. Ils la félicitent de son décret du 21 vendémiaire, qui rappelle les sociétés populaires à leur institution démocratique. Ils se déclarent ennemis jurés de toute espèce d’aristocratie; ils témoignent leur indignation d’avoir vu dans un journal, se disant l’Ami du Peuple, et qui se dissémine gratuitement dans les sociétés, que le rédacteur ose comparer Carrier aux hommes vertueux, et la majorité de la Convention à une faction. Ils finissent par une invitation à la Convention nationale de rester à son poste, où ils la défendront au péril de leurs vies, pour achever ce qu’elle a si glorieusement commencé. Mention honorable, insertion au bulletin (85). 52 Le comité de bienfaisance de la section de Montreuil [Paris], demande que l’on accélère la distribution des secours que la commission de ce nom est chargée de faire. Renvoyé au comité des Secours publics, pour en rendre compte à la Convention (86). (83) C 327 (1), pl. 1433, p. 13 sous la signature de Rovère. Débats, n° 799, 1022; J. Univ., n° 1831. (84) P.-V., L, 229. F. de la Républ., n° 72; J. Perlet, n° 799. (85) P.-V., L, 229. (86) P.-V., L, 229. PELSEZ (orateur): Législateurs, organe de l’humanité souffrante, le comité de Bienfaisance de la section de Montreuil se présente avec confiance à votre barre pour y déposer ses vives sollicitudes sur la misère affreuse à laquelle est livrée une foule de malheureux patriotes des deux sexes. Quel tableau déchirant pour des âmes sensibles de voir que, dans le nombre de trois mille individus luttant contre le besoin, il s’en trouve plus de huit cents qui n’ont qu’un peu de paille pour reposer leur tête et réparer un peu les forces que les fatigues du jour avaient épuisées ! Il n’est aucun de vous, législateurs, qui ne versât des larmes de sang s’il était, comme nous le sommes tous les jours, témoin des privations d’objets les plus nécessaires à la vie des infortunés pour qui nous implorons votre bienfaisance. Ici il verrait le fils couché avec la mère, faute d’un grabat ; là, la fille avec le père ; ailleurs de jeunes innocents, entassés la nuit les uns sur les autres, couchés sur la terre, couverts de haillons, et leur mère incertaine d’avoir le lendemain le morceau de pain pour apaiser leur faim dévorante. Quelles sont ces victimes des premiers besoins ? Ce sont les destructeurs de la Bastille et du trône ; ce sont les intrépides guerriers du 10 août ; c’est une partie des habitants du faubourg Antoine, dont le respect pour la Convention s’est montré dans toutes les occasions et ne se démentira jamais. Par quelle fatalité, n’est-il parvenu aucuns fonds depuis le mois de fructidor ? Le comité de Bienfaisance a tout fait pour prévenir les plus pressants besoins; il est en avance d’une somme de 5 000 livres. Législateurs, nous vous demandons les secours les plus prompts pour trois mille victimes de la misère, qui, dans ce moment, souffrent de besoin, et crient avec nous : Vive la République ! Vive la Convention, l’ime et l’autre indivisibles ! Cette pétition est renvoyée au comité des Secours (87). 53 Une députation de la section de la Fraternité [Paris] est admise à la barre; elle applaudit aux mesures sages et énergiques qui ont prévenu la guerre civile, et étouffé le feu de la révolte, en détruisant cette prétendue société-mère, si féconde en conspirateurs et en tyrans; troupe de factieux, qui, sous le nom de jacobins, osoient mécon-noître l’autorité nationale, et organiser, sous ses yeux, de nouveaux plans de conjuration. Elle désire que les portes de ce repaire ne se rouvent jamais, et invite la Convention à rester ferme à son poste, appuyée sur l’intrépidité des hommes qui (87) Moniteur, XXII, 643-644. Rép., n° 72; J. Fr., n° 797; Gazette Fr.,n° 1064 ; Mess. Soir, n° 835.