[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLE la fois un vaste territoire et d'importantes colonies, et qui puise dans la fertilité de son sol, comme dans l’industrie de ses habitants, de quoi fournir aux besoins et au luxe de tant de contrées; dans un tel Empire, dis-je, on ne peut trop honorer la classe d’hommes qui se vouent à favoriser le commerce ou à le défendre. La marine française a toujours rempli avec gloire cette double fonction, quelquefois négligée, toujours redoutable; elle n’a jamais eu de commencement, et son réveil, après des années de léthargie, a toujours été celui du lion. Parmi les guerriers célèbres qui ont conduit nos flottes à la victoire, parmi ceux qui ont inspiré le plus de terreur à leurs ennemis, l’histoire s’est plue à confondre les rangs comme les services ; Jean Bart et d’Estrées, TourvilleetDuguay-Trouin sont placés ensemble au temple de Mémoire. Aujourd'hui que l’Assemblée nationale, en terrassant tous les préjugés, n’a fait, de tous les Français, qu’un peuple de frères; les liens qui unissent tous les corps de la marine, vont encore se resserrer. Ils ne disputeront désormais que de dévouement et de zèle pour leur pays. La gloire du pavillon français se maintiendra sur toutes les mers, et l’on ne fera plus de différence entre ceux par qui se fait le commerce, et ceux par qui il est protégé. Cet accord de sentiments et de principes est le vœu de tous les bons citoyens. L’Assemblée nationale en reçoit de vous l’heureux augure. Elle se plaît à vous voir déjà réunis par un patriotisme commun, et elle aime à vous entendre solliciter vous-mêmes cette discipline exacte qu’il est si facile d’allier avec la liberté. Jouissez, Messieurs, de tous les bienfaits de cette liberté pour laquelle vous feriez tout, et contre laquelle vous ne pouvez rien; et faites jouir votre pays de cette splendeur que vous êtes destinés à lui assurer dans les deux Mondes. L’Assemblée nationale, touchée de votre hommage plein de franchise, vous invite à assister à sa séance. Divers membres demandent l’impression de l’adresse de l’armée de mer. L’impression est ordonnée. M. Schwendt, député de Strasbourg, écrit qu’une maladie le retient au lit depuis dix jours et exprime ses regrets d'être dans l’impossibilité d’assister demain à la cérémonie de la fédération. Une députation des gardes nationales confédérées à Rouen est admise, et fait un discours, dans lequel elle exprime le zèle intrépide dont cette fédération est animée pour le maintien de la Constitution. Les députés remettent sur le bureau le procès-verbal de leur assemblée fédérative. M. deBroglie, au nom du comité des rapports , rend compte des troubles survenus dans les départements de Seine-et-Marne et du Loiret où les habitants refusent de se soumettre au décret de l’Assemblée nationale relativement au droit de dîmes et de champart, Le décret sur le droit de dîmes et de champart qui a calmé, dans beaucoup de provinces, les troubles que ces droits avaient excités, les a augmentés dans les départements de Seine-et-Marne et dans celui du Loiret. Deux villes surtout, Nemours et Montargis et les villages des environs ont refusé nettement d’obéir à vos décrets. Des lr* Série. T. XVII. IENT AIRES. [13 juillet 1790.] potences ont été dressées contre ceux qui voudraient faire payer les droits. Des cavaliers de maréchaussée ont été insultés. Les officiers municipaux paraissent coupables de négligence et peut-être de connivence. Votre comité des rapports, estimant que vos décrets doivent être rigoureusement exécutés partout, vous propose : 1° de supplier le roi d’envoyer des troupes de ligne pour prêter main-forte aux gardes nationales ; 2° de charger le tribunal de Melun d’informer contre ceux qui feraient résistance et déjuger en dernier ressort. M. Defermon. La dernière disposition qu’on vous propose d’adopter est inadmissible et contraire aux principes de l’Assemblée nationale. Vous avez supprimé les prévôtés et vous ne souffrirez pas qu’un tribunal fasse l’information et juge sans appel. M. Merlin. Je demande que le décret que vous rendrez concerne tout le royaume, parce que des troubles ont éclaté à la fois dans plusieurs départements contre le droit de champart. Plusieurs plaintes sont parvenues au comité de féodalité. Mais ce qui occasionne ces troubles, c’est que le décret du 18 juin n’a été envoyé que depuis quelques jours dans les provinces ; les bureaux ministériels sont soumis à des lenteurs, à des formalités minutieuses qui font perdre souvent les heureux effets d’un décret de l’Assemblée nationale. M. Duport. J’appuie les observations qui viennent de vous être présentées et j’ajoute que c’est assurément l’ignorance de vos décrets qui est cause des désordres ; d’ailleurs, le peuple est excité à commettre des excès par des personnes mal intentionnées. Je propose, en outre, de décréter que le droit de enampart continuera à être perçu, sauf à se pourvoir par les voies légales. M. Dupont (de Nemours). Je pense, comme le préopinant, que les troubles de mon pays ont des instigateurs. C’est près de ma maison que la potence a été dressée. Les députés de la circonscription se sont efforcés de calmer les troubles, mais on les a mis en suspicion et représentés comme traîtres. Je vous présente un projet de décret qui, sans s’écarter beaucoup de celui de votre comité des rapports, me semble conforme à l’équité, tout en ne frappant point trop durement sur des gens égarés. M. Bordler, député de Nemours. L’envoi de troupes de ligne ne ferait qu’irriter les populations, aussi je demande que ceci soit retranché du décret. Ni les troupes de ligne, ni les gardes nationales ne voudront jamais tirer sur leurs concitoyens. (Il s’élève un violent murmure dans la salle. — Des protestations partent des tribunes remplies de militaires et de gardes nationales.) M. Démeunier. Une disposition du décret qui vous est proposé permet d’informer contre les officiers municipaux. C’est une grosse question de savoir si un tribunal peut informer contre une municipalité. Le comité de Constitution prépare un décret sur cet objet ; aussi je demande que cet article soit réservé. M. Briois de Beaumetz. Il y a quelque chose de contradictoire d’envoyer des troupes à la disposition des municipalités et de permettre qu’on informe contre ces mêmes municipalités. 6