80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE en sorte qu’on a été arrêté dans cette vérification importante. Les ci-devant fermiers généraux, qui communiquaient librement avec leurs commis, n’ont pas plutôt eu connaissance de ces faits qu’incertains du succès et craignant de voir mettre au jour des opérations faites dans le secret, ils se sont hâtés d’en prévenir les effets. Ils ont (comme ils l’annoncent dans leur mémoire) , rendu à la nation une somme de 22.500,000 liv., et ont préféré de donner, à titre de sacrifice, ce qu’ils eussent été obligés de payer à titre de restitution. Voilà donc, indépendamment des restitutions immenses que les ci-devant fermiers généraux feront à la nation, une somme de 22.500,000 liv. restituée par eux, et qui n’est due qu’à la surveillance des citoyens réviseurs. Si les ci-devant fermiers généraux n’avaient pas attendu avec impatience le retour de l’ancien régime, auraient-ils différé pendant deux ans à obéir à vos décrets en s’occupant sérieusement de la reddition de leurs comptes ? Ici ce sont les commissaires liquidateurs qui sont très coupables. C’est cette résistence à la loi qui a déterminé la Convention à rendre, le 4 frimaire, un décret de rigueur contre eux. Eh bien, ils n’ont pas plus obéi à ce décret qu’à ceux déjà rendus; car les commissaires de la comptabilité ont présenté un mémoire à vos Comités. Ils annoncent formellement que, de la manière dont les comptes sont présentés, il leur est impossible de les examiner; que ces comptes ne sont que des bordereaux incomplets, tellement informes qu’il est extrêmement difficile de constater d’une manière certaine la situation de cette ci-devant compagnie financière. Les commissaires de la comptabilité finissent par dire qu’il est de leur devoir d’en informer la Convention nationale, pour qu’elle puisse prendre les mesures que l’intérêt public semble exiger. Voilà, citoyens, comme vos décrets sont exécutés. Tel est, citoyens, le tableau rapide des découvertes faites par les citoyens réviseurs. Vous les aurez suivis avec plus de détail dans le mémoire qui vous a déjà été distribué; votre commission les a surveillés avec l’activité la plus constante. Elle n’a rien négligé pour répondre à la confiance dont vous l’aviez investie et remplir la tâche pénible que vous lui aviez imposée. Voici le décret que je suis chargé de vous présenter (1) [Adopté comme suit] : » La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DUPIN, au nom de] ses Comités de sûreté générale, des finances et de l’examen des comptes, réunis à la commission; » Attendu que les ci-devant fermiers généraux sont prévenus : » D’avoir, au lieu de se borner, pendant le bail de David, à la jouissance des intérêts à 4 pour 100 que leur accordoit le bail enregistré dans les cours, tant sur les 72 000 000 de cautionnement que sur les 20 000 000 de prêt remboursables par sixième et par année, se sont attribué des intérêts à 10 et 6 pour 100, tant sur ces som-(1) Mon., XX, 387. mes que sur la mise des fonds nécessaires à leur exploitation antérieure, et que, par les attributions qu’ils ont introduites dans les frais de régie, ils se sont procuré des bénéfices non alloués, dont les capitaux ont fructifié dans leurs mains; » D’avoir exercé sur le peuple une concussion, en introduisant dans le tabac, après sa préparation, de l’eau dans la proportion d’un septième, et en lui faisant payer cette eau au prix du tabac; concussion aussi dangereuse pour la santé du consommateur que nuisible à ses intérêts; » D’avoir enfreint les clauses du bail qui les assujétissoit à verser, chaque mois, le produit des droits qui leur étoient donnés en régie; » D’avoir préjudicié aux droits du gouvernement, en faisant substituer aux dixièmes établis par l’édit de 1764 et l’arrêt du 4 février 1770, sur les bénéfices résultans du bail, les dispositions de l’arrêt du 21 janvier 1774; » D’avoir sollicité et obtenu une indemnité pour la distraction d’une partie de perception qui leur etoit confiée, lorsqu’il est évident que cette distraction ne leur étoit point onéreuse; » D’avoir retenu dans leurs mains des fonds provenant de bénéfices, lesquels dévoient être versés dans le trésor public au moment où ils se sont répartis la portion qui leur en revenoit; » D’avoir accordé des gratifications extraordinaires à des personnes qui n’y pouvoient prétendre, et qu’ils ont en outre ordonné des dépenses contre les principes consacrés, et ont disposé, par ce moyen, de ce qui appartenoit au gouvernement; » D’avoir enfin liquidé les débets des comptes qui concernoient leur administration avec l’argent qui provenoit de l’administration nationale; » Renvoie les ci-devant fermiers généraux intéressés dans les baux de David, Salzard et Mager, au tribunal révolutionnaire, pour être jugés conformément à la loi. » La Convention nationale se réserve de statuer sur les restitutions, indemnités, amendes et confiscations dues à la nation, et à exercer contre les ci-devant fermiers généraux, croupiers, pensionnaires, héritiers, donataires ou ayans-cause, pendant les baux de David, Salzard et Mager. Article additionnel. » Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que la conduite des membres composant les ci-devant cour des aides et chambre des comptes sera examinée, et qu’il lui en sera fait rapport par sa commission» (1). (. Adopté au milieu des applaudissements.) (1) P.V. XXXVII, 20. Minute de la main de Dupin (C 301, pl. 1070, p. 20). Décret n° 9036. Reproduit dans Bin, 16 flor.; Débats, nos 594, p. 215, et 598, p. 280; M.U., XXXIX, 269 ; 280; 284-287 ; 298-301; J. Univ., nos 1624 et 1625; J. Perlet, n° 591; Ann. patr., n° 490; C. Eg., n° 626; J. Sans-Culottes, n° 445; J. Sablier, n° 1300; J. Paris, nos 491 et 492; J. Mont., n° 10; Rép., n° 137; Ann. R.F., nos 157 et 158; J. Lois, n° 585; J. Matin, n° 684; Feuille Rép., n° 307; Mess. soir, nos 626 et 627; Audit, nat., nos 590 et 593. 80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE en sorte qu’on a été arrêté dans cette vérification importante. Les ci-devant fermiers généraux, qui communiquaient librement avec leurs commis, n’ont pas plutôt eu connaissance de ces faits qu’incertains du succès et craignant de voir mettre au jour des opérations faites dans le secret, ils se sont hâtés d’en prévenir les effets. Ils ont (comme ils l’annoncent dans leur mémoire) , rendu à la nation une somme de 22.500,000 liv., et ont préféré de donner, à titre de sacrifice, ce qu’ils eussent été obligés de payer à titre de restitution. Voilà donc, indépendamment des restitutions immenses que les ci-devant fermiers généraux feront à la nation, une somme de 22.500,000 liv. restituée par eux, et qui n’est due qu’à la surveillance des citoyens réviseurs. Si les ci-devant fermiers généraux n’avaient pas attendu avec impatience le retour de l’ancien régime, auraient-ils différé pendant deux ans à obéir à vos décrets en s’occupant sérieusement de la reddition de leurs comptes ? Ici ce sont les commissaires liquidateurs qui sont très coupables. C’est cette résistence à la loi qui a déterminé la Convention à rendre, le 4 frimaire, un décret de rigueur contre eux. Eh bien, ils n’ont pas plus obéi à ce décret qu’à ceux déjà rendus; car les commissaires de la comptabilité ont présenté un mémoire à vos Comités. Ils annoncent formellement que, de la manière dont les comptes sont présentés, il leur est impossible de les examiner; que ces comptes ne sont que des bordereaux incomplets, tellement informes qu’il est extrêmement difficile de constater d’une manière certaine la situation de cette ci-devant compagnie financière. Les commissaires de la comptabilité finissent par dire qu’il est de leur devoir d’en informer la Convention nationale, pour qu’elle puisse prendre les mesures que l’intérêt public semble exiger. Voilà, citoyens, comme vos décrets sont exécutés. Tel est, citoyens, le tableau rapide des découvertes faites par les citoyens réviseurs. Vous les aurez suivis avec plus de détail dans le mémoire qui vous a déjà été distribué; votre commission les a surveillés avec l’activité la plus constante. Elle n’a rien négligé pour répondre à la confiance dont vous l’aviez investie et remplir la tâche pénible que vous lui aviez imposée. Voici le décret que je suis chargé de vous présenter (1) [Adopté comme suit] : » La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DUPIN, au nom de] ses Comités de sûreté générale, des finances et de l’examen des comptes, réunis à la commission; » Attendu que les ci-devant fermiers généraux sont prévenus : » D’avoir, au lieu de se borner, pendant le bail de David, à la jouissance des intérêts à 4 pour 100 que leur accordoit le bail enregistré dans les cours, tant sur les 72 000 000 de cautionnement que sur les 20 000 000 de prêt remboursables par sixième et par année, se sont attribué des intérêts à 10 et 6 pour 100, tant sur ces som-(1) Mon., XX, 387. mes que sur la mise des fonds nécessaires à leur exploitation antérieure, et que, par les attributions qu’ils ont introduites dans les frais de régie, ils se sont procuré des bénéfices non alloués, dont les capitaux ont fructifié dans leurs mains; » D’avoir exercé sur le peuple une concussion, en introduisant dans le tabac, après sa préparation, de l’eau dans la proportion d’un septième, et en lui faisant payer cette eau au prix du tabac; concussion aussi dangereuse pour la santé du consommateur que nuisible à ses intérêts; » D’avoir enfreint les clauses du bail qui les assujétissoit à verser, chaque mois, le produit des droits qui leur étoient donnés en régie; » D’avoir préjudicié aux droits du gouvernement, en faisant substituer aux dixièmes établis par l’édit de 1764 et l’arrêt du 4 février 1770, sur les bénéfices résultans du bail, les dispositions de l’arrêt du 21 janvier 1774; » D’avoir sollicité et obtenu une indemnité pour la distraction d’une partie de perception qui leur etoit confiée, lorsqu’il est évident que cette distraction ne leur étoit point onéreuse; » D’avoir retenu dans leurs mains des fonds provenant de bénéfices, lesquels dévoient être versés dans le trésor public au moment où ils se sont répartis la portion qui leur en revenoit; » D’avoir accordé des gratifications extraordinaires à des personnes qui n’y pouvoient prétendre, et qu’ils ont en outre ordonné des dépenses contre les principes consacrés, et ont disposé, par ce moyen, de ce qui appartenoit au gouvernement; » D’avoir enfin liquidé les débets des comptes qui concernoient leur administration avec l’argent qui provenoit de l’administration nationale; » Renvoie les ci-devant fermiers généraux intéressés dans les baux de David, Salzard et Mager, au tribunal révolutionnaire, pour être jugés conformément à la loi. » La Convention nationale se réserve de statuer sur les restitutions, indemnités, amendes et confiscations dues à la nation, et à exercer contre les ci-devant fermiers généraux, croupiers, pensionnaires, héritiers, donataires ou ayans-cause, pendant les baux de David, Salzard et Mager. Article additionnel. » Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que la conduite des membres composant les ci-devant cour des aides et chambre des comptes sera examinée, et qu’il lui en sera fait rapport par sa commission» (1). (. Adopté au milieu des applaudissements.) (1) P.V. XXXVII, 20. Minute de la main de Dupin (C 301, pl. 1070, p. 20). Décret n° 9036. Reproduit dans Bin, 16 flor.; Débats, nos 594, p. 215, et 598, p. 280; M.U., XXXIX, 269 ; 280; 284-287 ; 298-301; J. Univ., nos 1624 et 1625; J. Perlet, n° 591; Ann. patr., n° 490; C. Eg., n° 626; J. Sans-Culottes, n° 445; J. Sablier, n° 1300; J. Paris, nos 491 et 492; J. Mont., n° 10; Rép., n° 137; Ann. R.F., nos 157 et 158; J. Lois, n° 585; J. Matin, n° 684; Feuille Rép., n° 307; Mess. soir, nos 626 et 627; Audit, nat., nos 590 et 593.