[Convention nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *57 jugement qu’il attend avec sécurité ne peut que le rendre à la société et à son commerce aux¬ quels il n’aurait jamais dû être soustrait. En vain, la fausse application de l’article 5 de la même loi et l’obéissance pleine et entière que lui a portée le citoyen Gaudon, comme cet article 10 est totalement étranger à la position de ce dernier, il prie seulement les jurés et le tribunal de confronter ces deux articles entre eux et de s’assurer d’avance que le premier seul détermine la condition de Gaudon ; que Gaudon l’a observé strictement et complètement, que Gaudon, enfin, est parfaitement au pas et que nulle puissance n’aurait dû l’inquiéter. 2e question. Mais supposons, pour un moment, et contre toute vraisemblance, que le citoyen Gaudon ait péché contre le vœu de l’article 10 qui ne peut évidemment peser sur lui, et examinons s’il est possible de supposer qu’il ait commis la réti¬ cence dont il est accusé sciemment et à dessein de nuire. D’abord, Gaudon ne peut être soupçonné de l’intention de nuire : 1° parce qu’il est pur dans sa déclaration; 2° parce qu’il a affiché à sa porte, et en gros caractères, son nom et sa profession double; opération qui caractérise sa bonne foi et sa volonté d’exécuter la loi; on pourrait, tout au plus, lui reprocher de s’être trop légèrement laissé séduire à la lecture de l’article 5 et de n’avoir pas approfondi assez sérieusement l’article 10 qui lui imposait une obligation plus étendue. Mais dans cette hypo¬ thèse même, il y aurait loin de ce reproche, bien excusable sans doute, au crime vraiment punis¬ sable d’avoir désobéi à une loi aussi indispen¬ sable que salutaire. Et effectivement, toujours en suivant la même hypothèse, de combien de complices ne serait-il pas enveloppé, il compterait parmi eux, et le corps municipal qui, par son arrêté du 3 septembre dernier, a ordonné qu’il serait mis en liberté et que les scellés apposés sur ses mar¬ chandises et magasins seraient levés et le juré d’accusation du tribunal du 4e arrondissement qui, en pareille circonstance et dans la même espèce, a déclaré que Isaac Gaudon, frère de Pierre, demeurant même maison, faisant le même commerce et n’ayant rempli que les mêmes formalités était parfaitement en règle, en s’étant borné à ce qu’exigeait de lui l’article 5 et, qu’en conséquence, il n’y avait pas lieu à accusation contre lui.- Si donc, il était permis de soupçonner que ces deux autorités constituées se fussent trom¬ pées aussi grossièrement, combien serait excu¬ sable un citoyen qui fut toujours étranger aux affaires et qui, séduit par une première disposi¬ tion de la loi, a pu croire que l’autre ne l’attei¬ gnait pas, ainsi que l’ont estimé le corps muni¬ cipal et le directeur du juré dont nous avons parlé. Tout démontre donc la vérité des deux pro¬ positions développées dans ce précis. Que Gaudon a absolument rempli le vœu de la loi en se soumettant à l’article 5. Et que, quand on n’admettrait pas cette pre¬ mière vérité, il est constant même d’après ces citations qui ne sortent pas de la cause, qu’il y aurait tout au plus de sa part erreur, très excu¬ sable, et nullement intention de nuire, ni même ’ de se soustraire à l’empire de la loi. Gaudon sera donc évidemment acquitté de l’ accusation contre lui intentée, et sa confiance à cet égard, a toujours été si parfaite que, lui-même, il s’est rendu en prison et qu’il n’a jamais redouté un seul instant le jugement solennel qui doit lui rendre à la fois son repos, son état et sa liberté. Le Kay, gendre du citoyen Gaudon. Extrait des minutes du greffe du, tribunal criminel du département de Paris (1). Ce jourd’hui, dix-neuf août mil sept cent quatre-vingt-treize, l’an deuxième de la Répu¬ blique française, une et indivisible, nous, com¬ missaire Leclert, nous ayant transporté chez le citoyen Gaudon, l’ainé, marchand de vins en gros, demeurant rue Saint-Paul, numéro trente-cinq, accompagné du citoyen Boncour, mon pro¬ posé (sic), lui ayant demandé, en vertu de la loi du 26 juillet, même année, concernant l’acca¬ parement. Le citoyen ayant fait sa déclaration au comité de sûreté générale de la section de l’Arsenal, de la quantité des vins et eau-de-vie qu’il tient dans ses magasins, dont le premier en son domicile, rue Saint-Paul, n° 35, ayant remarqué, qu’à sa porte, il n’avait seulement mis que son nom comme occupant un magasin, mais n’avait pas mis la quantité et qualité du vin à lui appartenant. Après nous avoir trans¬ porté dans une de ses cours, nous n’avons trouvé que 34 pièces de vin évaluées Orléans (sic), et nous étant transportés de suite dans une de ses salles à manger nous avons trouvé 16 pièces Orléans et un quart de vinaigre, et de suite dans la cour, vingt et une pièces et demie Orléans, plus trois pipes eau-de-vie un peu en vidange. Nous nous transportâmes de suite dans une cave où nous avons trouvé treize pièces demi-Orléans, et dans une seconde cave appartenant au boulanger, quatre-vingt pièces de vin de Poitou. De suite, dans un magasin rue Saint-Paul, n° 26, y avons trouvé trois pipes de Roussillon, de même rue des Lions, n° 21, nous avons trouvé 18 pièces de vin de Mâcon. Dans un magasin rue des Jardins, n° 37, il y avait quatre-vingt-douze pièces de vin d’Anjou. Et de suite, rue de la Mortellerie, hôtel de Sens, nous y avons trouvé quatre-vingt-quinze pièces de vin, tant de Poitou que Saintonge. Après visite faite, ayant lu l’article 10 de ladite loi, nous avons observé que tous négo¬ ciants qui tiennent des marchands (sic) en gros, sous corde, en balles ou en tonneaux, et les marchands débitants en détail, connus pour avoir des magasins, boutiques ou entrepôts ouverts sont tenus, huit jours après la publica¬ tion de la loi, d’afficher sur leur porte par chaque magasin la quantité et la qualité de ;eurs mar¬ chandises et denrées de première nécessité. Et, après lui avoir fait remarquer qu’il ne s’était point conformé à la loi, puisque aucun de ses magasins n’indiquait la quantité de ce qu’ils contenaient. En conséquence, nous l’avons déclaré en contravention suivant l’article 10 (1) Archives nationales, carton Dm 263. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { IbS de la loi précédente et l’ ayant; nterpellé de nous dire si ledit citoyen était propriétaire de ladite marchandise, a répondu : oui. Lui ayant demandé s’il pouvait nous produire les factures de ses achats, a répondu que non. A lui demandé les motifs qui l’empêchaient à nous les produire, a répondu que les factures étaient à Boynes, son pays natal, département du Loiret, district de Pithiviers. A lui demandé s’il a d’autres magasins que ceux qu’il nous a montrés, a répondu que non. A lui demandé, d’après la facture (sic) à lui faite, s’il veut signer, a répondu que non. A lui demandé, de plus, s’il n’avait d’autres denrées à nous déclarer, mentionnées à l’ar¬ ticle 4 de ladite loi, a répondu que non, qu’il avait à son usage pour sa boîte (sic) deux pièces de cidre. A lui demandé s’il n’a d’autre local que celui qu’il occupe maintenant, a répondu que non. Et, nous ayant trouvé conforme à ladite décla¬ ration (sic); avons fait et clos ledit jour et an que dessus, Ainsi signé : Leclerc, commissaire, et Gaudon, Mercier. Et au moment où la clôture dudit procès-verbal se faisait, le citoyen Gaudon les (sic) a redemandé à signer, après laquelle une seconde lecture faite, a signé avec nous, Ainsi signé : Gaudon, Mercier et Le¬ clerc, commissaire, et Gaudon-Mercier Au moment où nous nous en allions, nous avons aperçu qu’au moment où nous dressions procès-verbal, on avait fait afficher la quantité et qualité de vin appartenant au citoyen Jacques Gaudon et avons remarqué avec quelle affecta¬ tion le citoyen Gaudon l’aîné avait demandé, par deux reprises, la permission d’aller parler à la cuisinière, et lui ayant permis, à la deuxième fois il s’absenta un instant; étant revenu un instant après, il s’absenta une deuxième fois. A lui demandé si cette affiche qui est mainte¬ nant sur la porte y était lorsque nous sommes entrés, a répondu qu’il n’y avait point pris garde. Demandé à la citoyenne femme de Jacques Gaudon si c’était elle qui avait fait mettre cette dite affiche; a répondu, par l’organe du citoyen Gaudon l’aîné, que non. Et le citoyen Leclerc, commissaire, accom¬ pagné du citoyen Boncour, attestent hautement et formellement que cette affiche n’était point à la porte à notre arrivée, et pour affirmer vérité du fait, nous avons été voir que l’affiche était toute fraîche collée, avec quatre pains à cacheter, en présence des deux factionnaires, dont les noms sont Jacques Hervieux, rue Saint-Antoine, vis-à-vis celle des Ballets, n° 213, et de Michel Nicolas, rue Saint-Antoine, n° 246, pré¬ sent à ladite vérification, et demande faite à la citoyenne femme Gaudon et au citoyen Gau¬ don l’aîné, et ont signé avec nous. A eux demandé s’ils savent signer, ont répondu qu’ils déclarent ne savoir signer. Ainsi signé : Leclerc, commissaire; Bon-court, et deux croix à la minute. Pour copie conforme : Ainsi signé ; Caillouet, secrétaire-greffier. Copie du procès-verbal du comité de surveillance de la sec tion de l’Arsenal. L’an deuxième de la République française, 1793, le lundi 19 août, trois heures de relevée, devant nous commissaire du comité de surveil¬ lance de la section de l’Arsenal, s’est présenté le citoyen Claude Leclerc, commissaire nommé par l’assemblée générale, conformément à la loi du 26 juillet dernier, contre les accapareurs, lequel nous a dit qu’étant à remplir sa mission én cette dite qualité, et s’étant présenté cejour-d’hui chez le citoyen Gaudon l’aîné, marchand de vins en gros, demeurant rue Saint-Paul, de cette section, n° 35, il avait remarqué avant d’entrer que ledit Gaudon n’avait pas satisfait à l’article 10 de la susdite loi, qui veut que les négociants qui tiennent des marchandises en gros ou en tonneaux, et qui ont des magasins, boutiques ou entrepôts ouverts aux acheteurs, soient tenus de mettre à l’extérieur de chacun de ces magasins, entrepôts ou boutiques, une inscription qui annonce la nature et la quantité des marchandises et des denrées de première nécessité qui pourraient y être déposées, et que, ledit citoyen Gaudon l’aîné n’y ayant point satis¬ fait,' il avait dressé son procès-verbal, qu’il nous représente et qui constate ladite contra¬ vention à chacun des cinq magasins dudit Gau¬ don l’aîné, que la visite et vérification des vins appartenant audit Gaudon l’aîné, qu’il avait pareillement remarqué que ledit Gaudon jeune était aussi en contravention à l’inscription exi¬ gée par la loi, mais que pour l’instant, il n’était pas chez lui qu’il n’a trouvé que son épouse qui lui a dit que son mari était à la campagne; que cependant et tandis qu’il faisait la susdite .visite, ladite citoyenne Gaudon a fait subitement placer sur la porte une inscription des vins apparte¬ nant à son mari ; qu’au surplus, son procès-verbal fait mention du tout et qu’il nous a fait amener ledit Gaudon l’aîné pour être par nous inter¬ rogé et prendre tel parti que les circons¬ tances nécessitent aux termes de la susdite loi, et a ledit citoyen Leclerc, signé à la minute. Ainsi signé ; Leclerc, commissaire; Leolier, président dudit comité, et Riviere-Sebire. Et, après avoir entendu la lecture du procès-verbal dudit citoyen Leclerc, et obtempérant à la demande par lui faite, nous avons fait entrer ledit citoyen Gaudon l’aîné, que nous avons interpellé de nous déclarer ses noms, âge, pays de naissance, profession et demeure, A répondu se nommer Pierre Gaudon, âgé de cinquante -deux ans, natif de Boynes, dépar¬ tement du Loiret, district de Pithiviers, mar¬ chand de vins en gros, demeurant rue Saint-Paul, n° 35. A lui demandé pourquoi il n’a pas satisfait à la loi du vingt-six juillet dernier, en ce qu’il n’a pas fait mettre l’inscription voulue par ladite loi, concernant la nature et la quantité des marchandises qu’il a dans les magasins, A répondu qu’il a été absent pendant très long¬ temps et ignorait la loi, que n’ayant jamais vendu de marchandises dans Paris, c’est ce qui lui a fait négliger de s’empresser de la connaître. A lui demandé s’il a d’autres magasins de vins dans Paris que ceux désignés dans sa déela-I ration, j A répondu qu’il n’a point d’autres magasins [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. � nivôse an II 159 i 2m décembre llau que ceux portés en sa déclaration et que même celui des Célestins est vide, et que celui de la rue Saint-Paul, n° 26, tire à sa fin. A lui demandé s’il a du vin mêlé parmi celui de son frère, A répondu qu’il y a des caves où il y en a quelque peu. A lui demandé depuis quand il est de retour de la campagne, A répondu, depuis trois jours. A lui demandé de quel pays il revient, et à quelle époque il est parti, A répondu qu’il revient de la Brie, Picardie, Flandre et Vexin français. A lui demandé quel est le dernier endroit qu’il a quitté pour revenir à Paris, A répondu, de Beaumont-sur-Oise. A lui observé qu’il n’a dû faire sa déclaration au comité qu’en conformité de la loi, et par conséquent il ne’ peut] prétexter cause d’igno¬ rance de cette loi, puisqu’il nous a fait sa décla¬ ration le cinq du présent, signée de lui et enre¬ gistrée sous le numéro 26 et que par conséquent il était à Paris, A répondu qu’il l’avait envoyée de la cam¬ pagne où on lui a écrit qu’il fallait qu’il la fît, sans lui donner plus ample connaissance de ladite loi. A lui demandé s’il a ses factures et lettres de voitures, et s’il peut nous les exhiber, A répondu qu’elles étaient dans son pays, à Boynes et que si l’on veut, il les fera venir et que dans quelques jours il nous les remettra. A lui demandé s’il a quelques agents ou per¬ sonnes préposées par lui pour conduire tout ou partie de son commerce, et s’il a en outre des associés, A répondu qu’il n’a pas d’associés, non plus que personnes préposées par lui pour conduire son commerce, qu’il faisait tout par lui-même. A lui demandé s’il n’a jamais fait que le com¬ merce de vins, depuis combien de temps il le fait, A répondu qu’il n’a jamais fait d’autre com¬ merce que celui de vins et une très petite quan¬ tité d’eau-de-vie, qu’il y a vingt-sept ans. A lui demandé depuis combien de temps il est fixé et établi à Paris, et particulièrement dans la section de l’Arsenal, A répondu qu’il est fixé et établi à Paris depuis dix-huit mois et qu’il n’a jamais de¬ meuré dans d’autres sections. A lui demandé si ses réponses contiennent vérité et s’il y persiste et s’il les signera, lecture à lui faite du présent, A répondu que ses réponses contiennent vé¬ rité, qu’il y persiste et qu’il les signera, et a signé avec nous. Ainsi signé : Gaudon-Mekcier, Rivière, commissaire; Leollier, président et Lam¬ bert, secrétaire. Sur quoi, nous commissaire du comité, consi¬ dérant que ledit citoyen Gaudon est en contra¬ vention à la loi du 26 juillet dernier, en ce qu’il n’a pas inscrit à l’extérieur de chacun de ses magasins la nature et la quantité de ses mar¬ chandises, disons qu’il sera conduit par la force armée ès-prisons de la Force, pour y être cons¬ titué prisonnier jusqu’à ce qu’il en soit autre¬ ment ordonné, et qu’expédition du présent pro¬ cès-verbal, ensemble celle du procès-verbal fait par ledit citoyen Leclerc, lequel demeure annexé au présent, seront remis à l’accusateur public du tribunal criminel du département de Paris, et avons chargé le citoyen Deheque, caporal de garde du poste de Birague, de conduire ledit citoyen Gaudon à la Force et de nous en rapporter décharge, ce qu’il a accepté, et a signé avec nous les dit jour, mois et an que dessus. Ainsi signé : Deheque, Rivière, commissaire, Leottier, président; Sebibe, commissaire et Lambert, secrétaire. Délivré pour expédition conforme à la minute déposée au greffe du tribunal criminel du dépar¬ tement de Paris, par moi greffier, soussigné, Drié. Extrait des minutes du greffe du tribunal criminel du département de Paris (1). L’an mil sept cent quatre-vingt-treize, second de la République française, le lundi vingt-six août, onze heures et demie du matin, nous An¬ toine-Jean-Jacques Carsenac, juge du tribunal du quatrième arrondissement du département de Paris, directeur du juré d’accusation dudit tribunal, assisté d’Antoine-Marie Crespy, gref¬ fier commis près ledit tribunal, avons fait venir de la prison de la Force, comme maison d’arrêt, un particulier y détenu en vertu du mandat d’arrêt, étant en suite du procès-verbal dressé par le commissaire nommé pour les accapare¬ ments, nommé par la section de l’Arsenal, en date dn dix-neuf du présent mois, lequel nous avons interrogé ainsi qu’il suit. A lui demandé ses nom, surnoms, âge, lieu de naissance, profession et demeure : A dit se nommer Pierre Gaudon, âgé de 52 ans, natif de Boynes, département du Loiret, taille de cinq pieds, cheveux et sourcils ch⬠tains, front large et élevé, nez ordinaire, yeux bleus, bouche moyennne, menton rond et plein, figure ovale, pleine et colorée, marchand de vins et eaux-de-vie en gros, demeurant rue Saint-Paul, n° 35, section de l’Arsenal. Interrogé s’il sait la cause de son arrestation? A répondu pour raison de n’avoir pas satis¬ fait au décret qui ordonne que chaque marchand ait une inscription indicative de toutes ses mar¬ chandises en dehors de sa boutique. A lui demandé s’il n’a rien à se reprocher dans la déclaration qu’il a faite le 5 du présent mois, enregistrée au comité sous le numéro 26 et [si] on n’a rien eu à lui reprocher après vérifi¬ cation faite; A répondu qu’il a fait la plus scrupuleuse déclaration et qu’il 11’a rien à se reprocher de ce côté. A lui observé qu’il ne pouvait cependant pas ignorer que le défaut d’affiche des déclarations faites dans les comités était de rigueur ( sic), la loi prononçant la même peine, qui est celle de mort contre les non-déclarants par affiches comme réputés accapareurs : A répondu qu’il n’y a nulle mauvaise inten¬ tion en lui d’avoir manqué à l’exécution d’une loi dont il ignorait tellement le contenu, de même que l’établissement de ladite loi, qu’étant (1) Archives nationales, carton Dm 263. 160 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J L'�rmhr ‘5 toujours en campagne d’un côté et d’autre pour objets de son commerce, qui détournent toute son attention généralement des autres objets, il se fût trouvé dans le cas de passer pour acca¬ pareur lui-même s’il n’en eût été prévenu à temps, étant en voyage, ce à quoi il a satisfait sur-le-champ, n’ayant rien de plus à cœur que d’exécuter les lois de son pays; mais qu’il était absolument ignorant de l’article de la loi qui prescrit l’affiche au-devant des boutiques ou magasins, et pour raison de quoi on ne peut lui soupçonner aucun mauvais sens. A lui demandé si dans sa déclaration il a compris toutes les marchandises contenues dans tous ses magasins, que celles qui peuvent être déposées pour son compte dans des caves ou magasins étrangers : A répondu qu’il a fait sa déclaration dans la plus exacte vérité, qu’on ne pourra trouver nulle part, tan à Paris que dans les départe¬ ments aucunes marchandises pour son compte, de plus qu’il n’en a déclarées. A lui observé qu’il est convenu dans son interrogatoire devant le commissaire du dépar¬ tement de police, d’avoir quelque peu de vin de mêlé dans ceux qui sont à son frère et dans sa cave et que c’est de ces marchandises dont nous entendons parler, déposées chez son frère : A répondu qu’il n’y a nulle erreur dans sa déclaration, qu’il a tout fait voir au commis¬ saire lui-même, qui a suivi toutes les caves, et que celle dont nous lui parlons est spécifiée au procès-verbal ce dont nous pouvons nous con¬ vaincre par la lecture des pièces, et qu’il n’y a nulle fraude de sa part, que le fait de son arres¬ tation est seul causé par l’ignorance dans la¬ quelle il était que la loi prescrivait l’inscription des marchandises emmagasinée3. A lui demandé s’il n’a jamais été repris de justice ni mis en prison : A répondu que non. Lecture à lui faite du présent interrogatoire, a dit ses réponses contenir vérité, y a persisté, et a signé avec nous et notre greffier. Ainsi signé : Carsenac, Gaudon et Crespy. Délivré pour expédition conforme à la minute déposée au greffe du tribunal criminel du dépar¬ tement de Paris, par moi greffier soussigné : Brié. Extrait des minutes du grejje du tribunal criminel du département de Paris (1). Le directeur du juré du tribunal du quatrième arrondissement du département de Paris, expose qu’il a été remis au greffe du tribunal un procès-verbal dressé le 19 août dernier, par le citoyen Leclerc, commissaire aux accaparements de la section de l’Arsenal, porteur d’un mandat d’ar¬ rêt contre le nommé Pierre G-audon, marchand de vins et eaux-de-vie en gros, demeurant lors de son arrestation rue Saint-Paul, n° 35, section de l’Arsenal et actuellement détenu ès-prisons de la Force comme maison d’arrêt, prévenu d’accaparement; que le directeur du juré ayant entendu ledit Gaudon et procédé à l’examen des motifs de sa détention et arrestation, et vérifié la nature du délit qui lui est imputé, il a trouvé qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 26 juillet dernier, contre les accapareurs, le délit dont il s’agit était de nature à mériter peine afflictive. D’après ce, le directeur du juré a dressé le présent acte, pour, après les forma¬ lités requises par la loi, être présenté au juré d’accusation. Le directeur du juré déclare, en conséquence, qu’il résulte de l’examen des pièces et notam¬ ment du procès-verbal dressé le 19 août der¬ nier, que visite faite dans les lieux occupés par le nommé Gaudon, dont la déclaration s’est trouvée juste avec la vérification, néanmoins il était en contravention à l’article 10 du décret qui veut qu’en outre la déclaration en dehors des boutiques, magasins ou entrepôts, il y ait un tableau indicatif de la quantité et qualité de marchandises spécifiées par l’article 3 de ladite loi, attendu qu’il n’y avait à sa porte qu’un tableau sur lequel était inscrit son nom, comme Occupant un magasin; que ledit Pierre Gaudon a déclaré au directeur du juré qu’il n’a rien à se reprocher dans la déclaration qu’il a faite de ses magasins, dont vérification faite au¬ cun reproche n’a pu lui être fait, sinon le défaut d’affiche au dehors de la quantité et de la qua¬ lité des marchandises qu’il tient, qu’il n’y a nulle mauvaise intention de sa part de se trou¬ ver en défaut, n’ayant pas cru qu’outre la décla¬ ration il eût fallu mettre une affiche qu’il igno¬ rait exigée par la loi, qu’il a exécutée même en voyage, ayant envoyé de l’endroit même où il a eu connaissance du décret la déclaration de ses marchandises; Qu’il résulte de tous les faits qu’un particu¬ lier se trouve en contravention à l’article 10 de la loi du 26 juillet dernier qui porte : « Les négociants qui tiennent des marchandises en gros, sous corde, en balles ou en tonneaux, et les marchands et débitants connus pour avoir des magasins, boutiques ou entrepôts ouverts aux acheteurs, seront tenus, huit jours après la publication de la présente loi, de mettre à l’ex¬ térieur de ces magasins, entrepôts ou boutiques une inscription qui annonce la nature et la quantité des marchandises et des denrées de première nécessité qui pourraient y être déposées ainsi que le nom du propriétaire, faute de quoi ils seront réputés accapareurs. » Sur quoi les citoyens jurés auront à prononcer s’il y a lieu d’accuser le nommé Pierre Gaudon marchand de vins et eaux-de-vie en gros d’avoir méchamment et à dessein de soustraire à la cir¬ culation ses marchandises, négligé de mettre, suivant l’article 10 de la loi du 26 juillet der¬ nier, contre les accapareurs, à l’extérieur de ses magasins et boutiques, une inscription indica¬ tive de la nature et de la quantité des marchan¬ dises qu’il a et, en conséquence, comme tel, le réputer accapareur. Délivré en notre auditoire ce quatre sep¬ tembre mil sept cent quatre-vingt-treize, l’an deuxième de la République française, une et indivisible, ainsi signé, Carsenac. Au-dessous est écrit, La loi autorise. Ainsi signé : Castillon. Plus bas est encore écrit, la déclaration du juré est oui, il y a lieu. Ainsi signé : L'huissier, doyen d’âge. (1) Archives nationales, carton Dm 263. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, \ Ln!,v:ôse “ " 161 1 ' I 22 décembre 1793 Délivré pour expédition conforme à la mi¬ nute déposée au greffe du tribunal criminel du département de Paris, par moi greffier soussigné. Brié. Extrait du registre des délibérations du corps municipal (1). Du mardi 3 septembre 1793, l’an II de la République française, Le corps municipal, sur le rapport des admi¬ nistrateurs de police, et le procureur de la com¬ mune entendu, Arrête que le citoyen Gaudon aura la libre disposition des marchandises qui sont dans ses magasins, à l’effet de quoi les scellés, qui ont été apposés sur les portes desdits magasins ou ailleurs, seront levés par le commissaire qui les a apposés, ou tous autres qu’il appartiendra; les gardiens desquels, si aucuns ont été mis, se retireront. Renvoie, pour l’exécution du présent arrêté et pour la mise en liberté dudit Gaudon au département de police. Signé : Pache, maire; Coulombeau, secrétaire-greffier. Pour extrait conforme : Mettot, sec rétaire -greffier. Compte rendu du Moniteur universel (2). Un secrétaire fait lecture de la lettre suivante : « Citoyen Président, Je ne puis me dispenser de mettre sous les yeux de la Convention un mémoire qui m’a été présenté ce matin par le gendre de Gaudon, con¬ damné à mort par le tribunal criminel du dépar¬ tement de Paris. La loi sur laquelle le tribunal a fondé son jugement, exige la déclaration des objets emmagasinés et l’affiche à la porte du déclarant. Gaudon a rempli la première partie de la loi; il a fait une déclaration reconnue exacte par le tribunal; mais obligé de faire un voyage pour les intérêts de son commerce, il a laissé à son jeune fils le soin d’exécuter la loi dans son entier. Le fils Gaudon a mis à la porte de son père une affiche portant simplement : Magasin de vins en gros, sans détailler la quan¬ tité de ces vins, ni la qualité. Le condamné, pendant l’instruction de son procès, a affirmé que l’inexécution de la loi venait de l’inexpé¬ rience de son fils. « Le tribunal, persuadé que, lorsqu’il s’agis¬ sait de punir un de ces hommes qui spéculent sur la misère publique, l’existence du fait suffi¬ sait seule pour asseoir son jugement, a supprimé dans les questions qu’il a présentées au juré celle qui était la plus favorable au condamné, et qui aurait fait reconnaître son innocence en prouvant qu’il n’y avait aucune mauvaise in-(1) Archives nationales, carton Dm 263. (2) Moniteur universel [n° 93 du 3 nivôse an II (lundi 23 décembre 1793), p. 375, col. 2, et p. 376, col. 2]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 1, p. 176, le compte rendu de la même discussion, d’après divers journaux. lre,SÉRIE. T. LXXXII. tention de sa part dans l’affiche mise à sa porte par son fils. « Dans cette circonstance, le gendre de Gaudon s’adresse avec confiance à la Convention, per¬ suadé qu’à elle seule appartient le droit d’inter¬ préter les lois qu’elle a données à la France. « Signé : Gohier. » Bourdon (de l’Oise). Citoyens, je crois qu’on peut présenter à la Convention des raisons assez fortes pour la porter à surseoir à l’exécution du jugement rendu par le tribunal criminel du département de Paris. J’aperçois dans la lettre dont je viens de vous donner lecture, qu’un marchand de vins en gros a fait à la municipalité une déclaration exacte des marchandises qu’il avait chez lui; je vois cet homme quitter Paris pour son commerce, et laisser à son jeune fils l’exécution entière de la loi, et ce fils sans expé¬ rience se trompe dans l’affiche qu’il met à sa porte. Citoyens, le principal objet de la loi que vous avez portée contre les accapareurs, a été de préserver le peuple de la fraude et de l’avidité des marchands, mais ici l’intention du condamné n’était pas de frauder; il n’y a de la part du père qu’une trop grande confiance dans son fils et de la légèreté de la part de ce dernier. Ci¬ toyens, sauvez un innocent, rendez un père à sa famille et... De toutes parts on demande que le sursis soit décrété. Cette proposition est adoptée à l’unanimité et au milieu des plus vifs applaudissements. Danton. On s’honore quand on sauve un inno¬ cent; je vole signifier moi-même le décret que la Convention vient de rendre. (Il sort.) La salle retentit d’applaudissements. Plusieurs autres membres sortent avec Danton et s’empressent d’aller, arrêter l’exécution du jugement du -tribunal. David. Citoyens, je viens rassurer votre sensi¬ bilité. Quatre conspirateurs viennent de perdre la tête sur l’échafaud. On croyait que le citoyen à l’exécution du jugement duquel vous venez de prononcer un sursis, était du nombre de c s condamnés. L’officier, chargé de veiller à l’exé¬ cution des jugements criminels, m’a assuré le contraire. L’Assemblée témoigne sa satisfaction par de vifs applaudissements. Bourdon (de l’Oise). J’avais accouru du côté de la place do Grève, où l’on m’avait dit que devait se faire l’exécution du malheureux con¬ damné à mort; j’apprends à la Convention qu’il n’a pas subi cette peine; ainsi elle peut se glo¬ rifier d’avoir sauvé la vie à un innocent. L’Assemblée donne de nouveaux applaudisse¬ ments à cette heureuse nouvelle. Collot-d’Herbois. La loi sur les accaparements est obscure; je demande qu’il soit sursis à l’application de la peine qu’elle prononce, jus¬ qu’à ce que la Commission vous ait fait un rap¬ port sur cet objet. Cette proposition est adoptée en ces termes : 11