[Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [39 juillet 4791.) gj[ M. Roussillon. Messieurs, je dois vous faire part des marques particulières de patriotisme données par lés citoyens négociants de la ville de Toulouse. Voici la délibération prise par la chambre de commerce de cette ville : « Les négociants de la ville de Toulouse, disposés à faire tous les sacrifices que la pairie peut exiger de ses enfants, et cherchant à favoriser de tout leur pouvoir la nouvelle conscription civique des gardes nationales, « Ont unanimement délibéré : « 1° Que tons les commis ou élèves de commerce qui, par l'effet de cette conscription, seront obligés de s’absenter pour le service de l’Etat, conserveront le môme traitement pendant la durée de leur service, et reprendront leurs places au retour ; « 2° Qu’il sera ouvert une souscription pour tous les négociants qui n’ont pas de commis, ou ceux dont les commis ne quitteront pas la ville et que les fonds seront employés à l’équipement et à l'entretien des bataillons de la ville de Toulouse.) « bêlibéré en la chambre de commerce de Toulouse, le 15 juillet 1791. » (Vifs, applaudissements.) Je demande qu’il soit fait , mention de cette délibération dans le procès-verbal. (Applaudissements.) (L’Assemblée, , consultée, ordonne qu’il sera fait meniioii honorable, dans le procès-verbal, de la délibération de la chambre de commerce de Toulouse* Vn> membre fait lecture d’une adresse de la municipalité de Yiennetf département de Vhère, contenant son dévouement à la Constitution et son respect pour tes décrets de l’Assemblée relatifs à l'événement du 21 juin. M. Etienne Chevalier annonce à l’Assemblée une découverte impartante à V agriculture. : c’est un procédé simple et peu coûteux pour détruire les insectes qui nuisent à la végétation des plantes* 11 demande que son iaveattea soit renvoyée: au comité d’agriculturo et de commerce, pour ctu’il soit nommé (tes commissaires-pour on faire de nouvelles expériences qui puis sent en constates l’ efficacité, et en faite te rapport très incessamment à l’Assemblée. (Le renvoi est décrété*) M. Uetavl�iM, secrétaire. Voici une lettre dm maÂre de Paris s « Partes lé 3® iuiÜet 1791. e Monsieur te président, « J’ai Plongeur de Vous envoyer, au nom du corps mimicipaF, te procès*- Verbal te* te section du-Théâtre-Français, relatif à �exécution d?nn décret de FAssembtee, pouf te recensement des (Moyens. « Jo joins à ce preéès-vérbaF Pexposifioiï (te ltefrêté que fa municipalité a Cfu devoir prendre, et au nom de te municipalité je sapptiel'Assem-bfee de p rou dre; dans la pins sériteuser considération la nécessité de1 décréter des peines-contre ceux qui essayent te se dérober à-la vigilance te la loi, soit en refusant te faire la déclaration qu’elle exige, soit en employant te* violence pour se soustraire à son exécution. « Je suis,, ôte. « Signé : BAILLY. » Voici, Messieurs, l’arrêté de la municipalité qui est relatif à cette lettre : « Extrait du tegïstre des délibérations de la municipalité de Paris , du 29 juillet 1791 : « Lecture faite d’un procès-verbal dressé hier par les commissaires de la section du Théâtre-Français, relativement à te loi dti recensement, le premier substitut dû procureur-adjoint de la commune entendu, « Le conseil municipal arrête i * lô Qu’expéditiou dudit arrêté Sera envoyé, par M. le maire, à M. le président te l’Assemblée nationale ; « 2° Que T Assemblée nationale sera suppliée te prendre date ta plus grande considération la nécessité de prononcer des peines contre les hommes mal intentionnés qüi essayent d’échapper à la vigilance de la loi, soit en opposant la Violence, soit en refusant de fairè les déclarations nécessaires aux termes de la loi. « Le conseil municipal afrêté, en outré, que le Commissaire de fa section traduira au tribunal de police, tant lé domestiqué de M. Rochébrune, quê M. Rochebrune même, personnellement responsable des faits de son domestique, qui s’est porté à des insultes et â tes violences contre les commissaires de là section exerçant leurs fonctions. « Signé : R&eley, maire. » (L’Assemblée ordonne te renvoi de ces diverses pièces à: son comité des rapports.) M. Carotte, au nom. du comité central de liquidation , fait lecture è’un projet d'instruction à adresser aux administrateurs de district et de département pour la liquidaMon des dîmes dont le remboursement a été ordonné. Ce document est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir supprimé, par ses décrets des 14, 20 avril, 4 août et 10 septembre 1790, toutes tes dîmes, ainsi que les droits, redevances et rentes qui en tenaient lieu, a déclaré, par le décret des 14 et 20 avril 1790, qu’il était dû sur te Trésor publie une indemnité aux propriétaires de dîmes inféodées. « Les administrateurs des districts dans le territoire desquels les dîmes inféodées se percevaient, ont été chargés, par le décret du 23 octobre 1790, te la liquidation de l'indemnité due aux propriétaires de Ces dîmes. Les districts doivent prendre les observations des municipalités sur la valeur de la» dîmey donner un avis, Renvoyer ai* département qui prononcé (décret du 23 octobre). « Les départements doivent adresser l’état des indemnités qu’ils ont estimé devoir être accordées pour la suppression des dîmes inféodées, à . la direction générale* dé1 liquidation (déerët du : Î6 décembre 1790)’; tes* propriétaires des dîmes inféodées doitvent euX-rnémes y remettre tes actes nécessaires pour établir leur propriété et sa valeur (iMé.y. Aux termes d’an decret du 18 janvier î?94, toute demande ett liquidation de dîmes inféodées, doit être communiquée par les corps administratifs1 à l' administration des domaines, pour avoir son avis, ét s’assurer si céS dîmes étaient possédées à* titre d’engagement ou à titre de propriété incommutable. «• Les ba«esdè 1’évaluatiOn des dîmes inféodées 52 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.J sont les titres de propriété, les baux, et des estimations d’experts. « Dans l’évaluation des dîmes et dans les procès-verbaux que font les experts pour parvenir à cette évaluation, il faut faire déduction du capital de la portion congrue, même ce qui en est payable pour les 6 premiers mois 1791, sur le pied de 1,200 livres pour les curés, 700 livres pour les vicaires actuels ; plus, du capital des autres charges, tant actuelles qu’éventuelles, à raison de l’insuffisance possible des dîmes ecclésiastiques (décret du 23 octobre 1790). « Le capital doit être réglé sur le pied du denier 25 du produit net, lorsque le dîme se percevait en nature; sur le pied du denier 20, si elle est réduite en argent par des abonnements irrévocables (décret du 23 octobre). Dans le cas où les dîmes auraient été tenues à titre d’engagement, elles ne seront remboursées que sur le pied de la finance de l’engagement (décret du 18 janvier 1791). « Telle est l’analyse sommaire des décrets prononcés par l’Assemblée nationale et sanctionnés par le roi, sur le remboursement ou l’indemnité due aux propriétaires de dîmes inféodées. Il s’agit actuellement de mettre ces lois à exécution. Les questions qui ont été adressées au comité central de liquidation, tant par plusieurs administrations de districts, que par le commissaire du roi pour la direction de la liquidation, font connaître la nécessité d’entrer dans quelque détail sur la manière de suivre la loi et de remplir complètement le vœu de l’Assemblée nationale.il est important : 1° de bien connaître les objets pour la suppression desquels la loi accorde indemnité ou remboursement; 2° de discerner les titres qui qui peuvent faire la preuve légitime de l’existence du droit qu’on réclame, de ceux qui seraient insuffisants pour cette preuve; 3° de n’omettre aucune des charges qui doivent opérer des retranchements sur la valeur de la dîme à estimer; 4° enfin de ne prendre pour base de la valeur, les charges déduites, que les titres adoptés par la loi. Art. 1er. Dîmes pour la suppression desquelles l'Assemblée nationale a accordé une indemnité . « Les objets à la suppression desquels l’Assemblée nationale a attaché une indemnité, sont : « 1° Les dîmes inféodées ; « 2° Les rentes en argent ou en denrées, moyennant lesquelles les propriétaires de dîmes inféodées les auraient abandonnées à l’Eglise ; <■■ 3° Les dîmes ecclésiastiques acquises pardes laïques propriétaires actuels, ou par leurs auteurs, à titre onéreux; et dont le prix a tourné au profit de l’Eglise. « Les objets pour lesquels il n’est pas dù d’indemnité, sont : « 1° Les dîmes qu’un propriétaire avait droit de lever sur lui-même. L’exemption personnelle de la dîme n’est pas non plus un sujet d’indemnité; « 2° Les dîmes insolites à l’égard desquelles on ne serait pas en état d’établir une possession quarantenaire; « 3° Les dîmes dont il serait prouvé que la perception a été une des clauses du bail de l’héritage, fait à perpétuité ou à titre d’em-phytéose ; « 4° Les droits casuels qui pourraient être dus aux propriétaires des dîmes inféodées lors des mutations des héritages chargés de la dîme inféodée. « Ces droits casuels, ainsi que les dîmes stipulées par le bail de l’héritage, sont seulement susceptibles du rachat par les débiteurs, de la même manière que les droits féodaux. « Tels sont les résultats des décrets des 14 et 20 avril, 23 octobre, 7 novembre 1790. « La conséquence de ces décrets, rapprochés les uns des autres, est que l’Assemblée nationale ne s’est pas attachée littéralement au mot dlme inféodée : puisque, d’une part, un décret ordonne le remboursement de dîmes ecclésiastiques , lorsqu’elles auront été acquises à titre onéreux, et que, d’une autre part, l’Assemblée a déclaré les dîmes inféodées non remboursables, lorsqu’il serait prouvé qu’elles avaient été établies au moment de la tradition du fonds. « Qu’est-ce donc que l’Assemblée a entendu parla dénomination de dîmes inféodées ? Elle a entendu les dîmes possédées par les laïques, et que des idées vraies ou fausses, mais généralement répandues, faisaient regarder comme ayant été ecclésiastiques dans leur origine. C’est parce que son décret s’appliquait à des dîmes présumées ecclésiastiques dans leur origine, qu’elle a ordonné, à plus forte raison, le remboursement de dîmes certainement ecclésiastiques qui ont passé dans la main de laïques, non pas à titre de fief, mais seulement à dire onéreux. C’est par le même motif que, ne s’arrêtant pas à la dénomination de dîmes inféodées, l’Assemblée a déclaré non remboursables les droits qu’on avait appelés dîmes, mais qui, ayant été établis au moment de la tradition du fonds entre le bailleur et le preneur, sont réellement des droits de la classe des ci-devant droits seigneuriaux. C’est encore par la même raison que, dans le décret du 22 juin dernier, sur le cumul de la dîme avec le champart, il est dit (art. 6), que les redevances en qualité de fruits, appartenant à des ci-devant seigneurs de fiefs, encore qu’elles soient appelées dîmes , ne seront point réputées dîmes inféodées, s’il existe dans la paroisse ou dans le canton un décimateur ecclésiastique ou laïque, en possession de percevoir la dîme des gros fruits. Dans ce cas donc, l’indemnité du droit dénommé dlme n’est pas due parla nation ; c’est aux redevables à le racheter, s’ils le jugent à propos. « Lorsque les décimateurs ont contribué à l’acquit des charges affectées sur les dîmes, réparations, portions congrues, il n’y a pas à hésiter sur Ja nature de la redevance qui a supporté des charges de cette nature : c’est une dîme proprement dite. Si cette circonstance décisive et caractéristique ne se rencontre pas, il faut rassembler les divers attributs qui accompagnent la redevance doût on a à déterminer la nature. Les dîmes sont ordinairement quérables et non portables, hors le cas de transactions ou d’usages particuliers dont il est ordinairement possible de découvrir l’origine. Elles se payent par la seule conséquence d’un droit commun, sans reconnaissance écrite des débiteurs, comme sans quittance du créancier. Les dîmes, qui sont un droit purement féodal établi lors du bail d’héritage, ne suivent d’autres limites que celles de l’ancien fief ; les dîmes proprement dites s’étendent indistinctement dans le fief ou hors du fief. Les premières ne se partagent jamais avec des ecclésiastiques , les secondes étaient souvent communes avec eux. Voilà les principaux attributs sur [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] 53 lesquels on doit fixer son attention, non pas pour décider d’après l’existence d’un seul, que tel droit est ou n’est pas supprimé avec indemnité, mais pour conclure de la réunion de ceux qui fieu vent concourir dans chaque espèce particu-ière, que le droit de percevoir la redevance est anéanti ou ne l’est pas ; qu’il est ou n’est pas susceptible d’indemnité. Art. 2. Titres et preuves par lesquelles on doit établir la propriété d'une dîme inféodée. (. Le droit qui est supprimé et pour lequel une inde i nité est promise, n’étant pas un droit quelconque de percevoir une portion des fruits que la terre nourrit, mais un droit particulier, qualifié, soit dîme inféodée , soit dîme ecclésiastique acquise à titre onéreux, et dont le prix a tourné au profit de l'Eglise , il s’ensuit que ce n’est pas assez au propriétaire qui réclame une indemniié de la nation, de justifier qu’il perçoit, sur les héritages de tel canton, une redevance en nature ou une redevance abonnée, s’il ne prouve en même temps qu'à cette redevance appariient le nom de dîme , soit inféodée, soit ecclésiastique, et que, dans ce dernier cas, elle a été acquise, aux termes de la loi, à titre onéreux pour l’ac~ quéreur et avec profit pour l’Eglise. Cette dernière hypothèse, lorsqu’on la présente, doit être la plus facile à établir : car dès que la loi demande qu’il soit justifié d’une acquisition à titre onéreux, dont le profit ait été pour l’Eglise; et comme, d’un autre côté, un pareil fait ne peut s’établir que par la production de l’acte d’acquisition où la nature de l’objet acquis doit être exprimée, il s’ensuit : 1° que, dans ce cas, il faut ou produire l’acte d’acquisition, ou renoncer à toute demande; 2° que l'acte d’acquisition une fois produit, tout est dit, soit en faveur du propriétaire, si l’acte établit une acquisition qualifiée telle qu’elle est dé?irée par là loi ; soit contre le propriétaire, si l’acte n’établit pas une aquisi-tion qualifiée telle que la loi l’exige. « Le premier cas, celui ou il s’agit d’une dîme inféodée, n’est pas aussi facile à décider, parce qu’il n’est pas également facile d’établir qu’une dîme est inféodée. La différence des temps a introduit une diversité dans les conditions qui ont été requises pour qu’une dîme fût regardée comme inféodée; la diversité des usages des lieux nécessite pareillement des différences relativement aux conditions que l’on doit exiger pour le même objet. « Lorsqu’après le troisième concile de Latran, célébré en 1179, on eut posé pour règle générale que les laïques ne pourraient posséder de dîmes qu’à titre d’inféodation, on exigea de ceux qui revendiquaient l’exécution de cette règle, qu’ils justifiassent du titre par lequel la dîme leur avait été inféodée. Le temps auquel la règle venait d’être établie, n’étant pas extrêmement éloigné de celui où les inféodations avaient été consenties, il y avait possibilité de rapporter les actes d’inféodation ; et dès que la possibilité de les produire existait, on devait en demander la production effective : rien n’étant plus naturel et plus juste que n’exiger de celui qui articule un fait, qu’il l'établisse par les preuves directes qui sont en sa puissance. « Telle lut donc la première jurisprudence; on n’était reconnu pour propriétaire d’une dîme inféodée, qu’autant qu’on justifiait de l’acte par lequel on en avait reçu l’inféodation. « A mesure que Ton s’éloignait du temps des inféodations, les guerres, les ravages, cette consomption générale de tous les monuments humains que le temps traîne à sa suite, anéantissaient les actes primitifs d’inféodation. Il aurait été injuste d’exiger, après un laps de 2, 3 ou 4 siècles, les mêmes actes qu’il avait été précédemment facile de produire. « L’impossibilité de rapporter les actes primitifs d’inféodation, était plus certaine encore, si le fait que Ton a raconté est vrai, que tous les titres relatifs à l’établissement des dîmes inféodées ayant été rassemblés par ordre d’un de nos rois, le lieu où ils étaient réunis fut incendié, et que les titres devinrent la proie des flammes. « Les règles subirent donc un changement par la force même des choses. On cessa d’exiger les actes constitutifs de l’inféodation, mais on voulut des actes énonciatifs-, on demanda la production d’actes de féodalité, c’est-à-dire des aveux et dénombrements, des actes de foi et hommage où la dîme fût énoncée comme possédée en fmf. On* tenait toujours fortement au principe que les dîmes ne pouvaient être possédées légitimement par les laïques qu’à titre de fiefs ; on ne se contentait donc pas de la seule possession : elle devait être qualifiée féodale, et prouvée telle par des actes féodaux relatifs à la dîme qu’on réclamait. « Cette jurisprudence fut celle du second âge ; elle existait avant le temps où lë célèbre Dumoulin écrivait, c’est-à-dire avant le milieu du xvie siècle; et elle subsistait encore dans le siècle où nous sommes, vers 1720. « Néanmoins, au commencement de ce même siècle, il avait été promulgué une loi qui attaquait la règle de la nécessité des actes féodaux pour obtenir d’être maintenu en possession d’une dîme sous la qualité de dîme inféodée. L’édit du mois de juillet 1708 avait éiabli que les possesseurs de dîmes inféodées seraient maintenus sur la seule preuve d’une possession centenaire, quand même ils n'auraient autre titre que les preuves de leur possession. Celte loi ne fit pas, au moment où elle fut promulguée, toute l’impression qu’elle pouvait faire relativement aux titres à produire pour conserver une dîme en qualité d'inféodée, parce que la condition écrite dans la loi, que les possesseurs payeraient une somme pour conserver leurs dîmes, donnait à l’édit une apparence de loi bursale; et que les lois bursales ont généralement peu d’inflmnce sur la décision des questions de droit. Cependant on était arrivé à une époque où Ton devait considérer aussi que les actes de féodalité commençaient à êire rares à l’égard de certains domaines. Ces deux causes, la disposition de l’édit de 1708, et la diminution du nombre des actes féodaux, se combinèrent de manière qu’il s’établit, il y a plus de 60 ans, une jurisprudence nouvelle qui n’exigea d’autre preuve, pour maintenir un laïque dans la possession de la dîme,. que celle d’une possession centenaire. On jugea, depuis lors, qu’il suffisait qu’une dîme fût prouvée avoir été librement dans le commerce entre des laïques pendant 100 ans, pour qu’elle dût être réputée et déclarée d’une inféodée. « Ces premières observations sont relatives aux variations de la jurisprudence à raison de la succession des temps; voici d’autres observations relatives à la variété des lieux. « Les reconnaissances féodales, dans le temps que le système féodal régnait, ne s’exigeaient 54 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] pas avec la même exactitude dans toutes les parties du royaume. La France coutumière tenait beaucoup plus à la féodalité que le pays de droit écrit, parce que, dans la France coutumière, presque toutes les dipositions de la loi se rapportaient à la féodalité; au lieu que daos le pays de droit écrit, la loi romaine était au moins étrangère au système féodal. Les actes de féodalité sont donc beaucoup moins fréquents dans la partie méridionale de la France, qu’ils ne le sont dans la partie septentrionale. « Ces actes n’existent point du tout dans certains cantons. Les pays de frane-aleu n’admettaient ni foi et hommage, ni aveux et dénombrement, surtout pour les grandes terres qui n’auraient pu être reportées a la couronne, à titre de fief, qu’en anéantissant le franc-aleu que ces provinces étaient, et. avec raison, jalouses de conserver. Néanmoins, dans ces provinces, les seigneurs laïques possédaient un grand nombre de dîmes. Il est peu de cantons dans le royaume où les dîmes fussent en plus grande quantité entre les mains des laïques, que dans ce qu’on appelait la Soûle, la Navarre, et toute cette lisière de France qui borde l’Espagne. Jamais la possession des dîmes n’y a été contestée aux laïques; ils ne les possèdent cependant pas à titre d’inféodation ; et cependant encore tout annonce que ces dîmes appartinrent originairement à l’Eglise. Le nomd’aè-oès, ou d 'abbats-laïçs qu'on donne à ceux qui les perçoivent (1) ; les possessions qui sont ordinairement jointes à celle de la dîme, attestent qu’elies furent primitivement perçues, soit par les curés, soit par des religieux. Voilà donc des dîmes qui sont certainement de la même nature de celles que nous connaissons en générai sous le nom de dîmes inféodées, et néanmoins à l’égard desquelles on ne pourrait justifier ni d’actes constitutifs, ni d’actes énonciatifs de féodalité. « La conséquence résultant de ces observations, est que l’on aurait tort de vouloir rappeler la reconnaissance de toutes les dîmes inféodées à une seule et unique règle; et de n’accorder l’indemnité prononcée par la loi qu’au décima-teur qui serait en état de justifier que la possession relevait d’un seigneur suzerain. En général, la possession de 100 années avant l’époque du 14 avril 1790, date de la suppression des dîmes inféodées, doit suffire pour avoir droit aux indemnités accordées par la nation. Il faut ensuite, dans chaque département du royaume, avoir égard aux lois particulières qui le régissaient, aux usages qui y avaient interprété la loi ; et dans le centré où toutes les liquidations doivent être rapportées, il faut connaître ces lois particulières et ces usages, pour y déférer lorsqu’ils seront suffisamment établis. « Lors donc que l’on présentera aux administrateurs d’un district les titres d'une dîme inféodée, ils ne doivent pas rejeter tout ce qui n’est point acte de féodalité ; ils doivent au contraire avoir égard aux titres d’une autre nature : mais quand iis admettront ces titres, il faut qu’ils expliquent nettement les motifs de leur admission, afin que le directeur général de la liquidation puisse reconnaître le principe qui les a fait recevoir et s’assurer de la solidité des bases sus lesquelles le principe est fondé. « Passons au troisième objet, la considération des charges dont il doit être fait déduction dans l’estimation de l’indemnité des dîmes» (4) Voyez Y Histoire de Béarn , par De Marça, livre I, page 28, numéros 11 et suivants. Art, 3- Déductions à faire sur la valeur des dîmes supprimées avec indemnité , pour raison des charges dont elles sont tenues. Les déductions à faire sur la valeur des dîmes pour la suppression desquelles il est accordé une indemnité, sont l’évaluation des charges auxquelles elles sont sujettes, et que les objets par lesquels elles seront remplacées ne supporteront pas. Les charges particulières aux dîmes sont la portion congrue des curés et vicaires ; les réparations du chœur et cancel : quelquefois celles de toute l’église, comme dans la Flandre maritime ; quelquefois celles du presbytère , comme en Provence; plus, dans certains lieux, en Dauphiné, par exemple, la vingt-quatrième des pauvres ; dans la même ci-devant province et dans les ressorts des anciens parlements de Toulouse et d’Àix, une somme fixée pour ce qu’on appelait clerc et matière. « Les impositions que les dîmes supportaient, ne sont pas à déduire, parce que les acquisitions auxquelles le prix de l’indemnité des dîmes sera employé, supporteront également les impositions. « Il est; plusieurs cas dans lesquels, d’après la* nature même de l’espèce d’indemnité qui est due, il n’y a lieu à aucune opération particulière pour évaluer les déductions. Ainsi, lorsque la dîme a été donnée à titre d’engagement, l’Assemblée nationale ayant décrété que l’indemnité consisterait dans la restitution delà financede l’engagement, tout antre calcul serait superflu. Il en est dé même d’une dîme qui aurait été acquise de l’Eglise, moyennant Une rente payable à l’Eglise: toute l’indemnité consiste dans l’extinction et la décharge de la rente, « Üne troisième observation générale est que, pour estimer la déduction des charges, il faut prendre les choses en l’état où elles étaient au 1er janvier 1790 : la portion congrue des curés, évaluée à 1,200 livres; celle des vicaires, à 700 livres ; les paroisses, le nombre des cures et celui des vicaires, tels qu’ils existaient alors, sans égard aux suppressions qui existaient postérieurement. « Après ces observations générales, nous allons entrer dans les détails. ' « On se rappelle que les dîmes pour lesquelles la nation a accordé une indemnité aux propriétaires qui les perdent en ce moment, sont les dîmes ecclésiastiques acquises à titre onéreux pour l’acquéreur, profitable pour l’église, et ie i dîmes inféodées, On se rappelle encore ce qui a été observé précédemment, que les dîmes ecclésiastiques qui, dans les temps modernes, sont entrées dans les mains des laïques, y sont arrivées ou par l’effet de l’option de la portion congrue. que le curé n’a pu faire sans abandonner les dîmes dont il jouissait, QU par l’effet d’acquisitions. « Au premier cas, le propriétaire de la dîme n’a aucune indemnité à réclamer. La dîme ne lui avait été abandonnée que sous la condition de payer la portion congrue, Cette charge n’existe plus, et par conséquent il n’y a rien à prétendre pour en être indemnisé, « Au second cas, celui d’acquisition, il faut se faire représenter les actes de l’acquisition pour vérifier les deux conditions que le décret de l’Assemblée exige, savoir : que l’acquisition soit à titre onéreux, et que les engagements pris par I Assemblé# nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791,] §£ l’acquéreur aient tourné au profit de l’église. Cette seconde condition portera à faire, dans ce cas particulier* une grande attention au prix de l’acquisition : parce que, quelle que soit aujourd’hui la valeur de la dîme, il n’y a que les sommes stipulées payables lors de l’acquisition, ou toute autre convention faite à cette époque, qui puissent donner la mesure de l’utilité que l’église a retirée de l’aliénation de la dîme. « Mais ce n’est pas encore le moment de déterminer les actes qui doiveot servir au règlement de l’indemnité ; il s’agit des charges qui peuvent influer sur l’estimation de la dîme, et d'abord des charges générales, savoir : la portion congrue, tant du curé que du vicaire; les réparations du chœur et du cancel ; la fourniture des ornements, linges, livres, vases sacrés; cette dernière charge seulement à défaut de revenus suffisants de la fabrique. L’assujettissement à ces charges n’est pas ici subsidiaire, comme il l’est à l’égard des dîmes inféodées; c’est un assujettissement direct, comme c’est celui de toutes les dîmes ecclésiastiques. Des dîmes de cette nature, aliénées récemment par l’église, et que les laïques ne possèdent pas à titre de fief, conservant toujours leur nature de dîmes ecclésiastiques, demeurent assujetties à toutes les charges des dîmes sur la même ligne que les dîmes ecclésiastiques. « Il faut néanmoins distinguer le cas où la dîme ecclésiastique, dont on estime la valeur, se trouve actuellement même affectée à des charges, du cas où, à raison des circonstances, la contribution aux charges légales n’est pas actuelle, mais possible. Il arrivait, par exemple, souvent* que la cure était tellement dotée en fonds, Soit en dîmes, soit en rentes, que le curé ne pouvait pas être dans le cas de solliciter la portion congrue. A l’égard des réparations même, il n’était pas sans exemple que l’église étant à la charge d’un chapitre qui était établi, ou ayant uné fabrique riche, les décimateurs fussent à l’abri de demandes à cet égard ; à plus forte raison, qu’ils fussent à l’abri de toute demande pour les ornements, livres et vases sacrés. Il faut donc exa-miner ces différentes circonstances. On ne sau*- rait perdre de vue que les dîmes ecclésiastiques sont essentiellement assujetties aux réparations, portions congrues, etc. mais, en même temps, la justice exige que, dans l’évaluation d’une charge, on distingue celle qui est actuelle de cellequi n’est que possible : et lorsqu’on est contraint d’eiitrer dans l’évaluation du possible, il devient indispensable de calculer les degrés plus ou moins nombreux de possibilité. On proposera quelques règles à cet égard, en parlant de l’évaluation des charges des dîmes inféodées. Le résultat de ce qui sera dit alors, appliqué à l’espèce présente, serait qu’il faut réduire au vingtième de l’évaluation des charges, l’estimation de celles que les dîmes ecclésiastiques, possédée par des laïques* ne supporteraient pas actuellement, mais qu’elles pourraient supporter un jour, « Il est un autre cas relatif aux dîmes ecclésiastiques que des laïques ont acquises aux conditions portées par la loi pour obtenir une iudemnité.L’ac-quéreur peut être convenu, soit au moyen d’une augmentation de prix, soit au moyen de tout autre avantage qu’il a fait à l’église, que la dîme serait exempte des charges ordinaires , Cette stipulation privée n’anéantit pas l’obligation aux charges, parce que des conventions particulières ne détruisent pas le droit public; et il est certain que, nonobstant une telle stipulation, la charge des réparations et autres semblables aurait été réalisée sur les dîmes si les circonstances en eussent amené la nécessité . La stipulation n’a donc d’autre effet que de reculer le moment où la charge se réalisera. C’est dans l’ordre des degrés de possibilité de l’assujettissement qu’il faut pla* cer le résultat de ces conventions ; l’assujettissement était toujours réel* mais le moment ou il devait s’effectuer était éloigné par les�conventiona qui autorisaient le détenteur de la dîme à exiger que telles ou telles valeurs fussent discutées et épuisées avant de l’assujettir à une dette personnelle, On pourrait réduire alors l’estimation des charges, du vingtième de leur valeur au quarantième. « Passons aux charges dont l’appréciation doit diminuer la valeur des dîmes inféodées, en considérant ces charges dans le droit qu’on appelle commun, parce qu’il régit la plus grande partie de l’Empire# « Le droit commun assujettit les dîmes inféodées aux charges que les dîmes ecclésiastiques supportent, mais subsidiairement seulement. [/incertitude que les recherches des historiens et les systèmes opposés des jurisconsultes ont laissée sur la nature et l’origine des dîmes inféodées, a porté à un parti mitoyen entre l’exemption des charges de la dîme ecclésiastique et l’assujettissement à ces charges» On n’en a pas affranchi les dîmes inféodées, mais on a voulu qu’elles n’y fussent sujettes qu’après l’épuisement des dîmes ecclésiastiques : elles sont en seconde ligne seulement pour subvenir aux réparations, portiôns congrues, etc. « Il n’est pas rare de trouver des paroisses où l’insuffisance des dîmes ecclésiastiques avait forcé les décimateurs inféodés à contribuer actuellement aux portions congrues, etc. Cette charge n’aurait pas tardé à se réaliser sur un grand nombre de décimateurs inféodés, si la portion congrue des curés ayant été fixée à 1,200 livres, et celle des vicaires à 700 livres, l’une et l’autre fuissent demeurées à la charge des décimateurs. « Mais il reste d’autres paroisses aussi, dans lesqueiles la charge des portions congrues, etc., ne devait être considérée comme susceptible de tomber sur les décimateurs iDféodés que dans un avenir plus ou moins éloigné. « Séparons d’abord de tous les autres cas, celui où le décimateur inféodé supporterait dès à présent la charge de la portion congrue et autres du même genre. Ce cas est susceptible de peu de difficulté : il est facile d’estimer des charges qui existent actuellement et de fait. On remarquera seulement que, d’après le décretdu 23 octobre 1790 (titre V, art. 10), la portion congrue doit être calculée, non pas sur l’ancien pied, mais sur celui de 1,200 livres pour les curés ; de 700 livres pour les vicaires : de manière qu’il serait fort possible qu’un décimateur inféodé, qui n’aurait rien payé sur la portion congrue en 1789, fût regardé néanmoins comme y étant assujetti aujourd’hui de fait, parce que les dîmes eeolésias-tiques auraient été épuisées avant de pouvoir fournir 1,200 livres au curé et 700 livres à chacun des vicaires» « Le cas qui est réellement difficile est celui où le décimateur inféodé n’était encore assujetti de fait à aucune charge, mais où il était seulement possible qu’il y lût assujetti set la difficulté vient des divers degrés de possibilité qu’il faut calculer alors. « La charge de la portion congrue est celle qui dépend d’un moindre nombre de circonstances. On conçoit qu’en supposant dans une paroisse un, 56 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.J curé et un vicaire dont les portions congrues réunies montent à 1,900 livres, la contribution du décimateur inféodé devient possible dès que le produit des dîmes ecclésiastiques n’excède pas 1,900 livres; mais cette possibilité s’éloigne d’autant plus que le produit des dîmes ecclésiastiques excède davantage la somme de 1,900 livres. Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour sentir que dans une paroisse où il y a un curé et un vicaire, 1,900 livres de portions congrues à payer; où la dîme ecclésiastiqueétaitdu produit de 6,000 livres, et où il existait un trait de dîme inféodée du revenu de 300 livres : il était infiniment moins vraisemblable que le décimateur inféodé fût sujet à une contribution pour la portion congrue, que cela n’était vraisemblable dans une paroisse où les dîmes ecclésiastiques auraient été seulement de 2,000 livres de valeur, et où la dîme inféodée aurait été du produit de 3,000 livres. « Le calcul des possibilités relativement à la charge des réparations, est beaucoup plus compliqué. Son premier élément est l’examen du produit de la dîme ecclésiastique, ou plutôt de ce qui en reste après les portions congrues acquittées. Un second élément est l’état de l’église paroissiale. Suivant que le chœur était d’une construction plus ou moins riche , plus ou moins solide, la charge du décimateur inféodé devait être plus ou moins considérable, plus ou moins prochaine. Mais il faut faire entrer ici l’examen d’une autre question extrêmement délicate, savoir comment on devait entendre la disposition des lois qui n’assujettissait les dîmes inféodées aux réparations des églises qu’après l’épuisement des dîmes ecclésiastiques. On convenait assez généralement, que la condition de l’épuisement n’était pas remplie par le seul fait de l’absorption du revenu d’une année ; mais les jurisconsultes étaient divisés sur la manière dont on devait procéder pour opérer l’épuisement de la dîme ecclésiastique ; et il n’existait ni loi, ni règlement, ni même d’arrêt bien positif qui pût rallier leurs sentiments. « La charge de la fourniture des ornements et vases sacrés dépend aussi de plusieurs éléments : 1° ce qui reste de la dîme ecclésiastique après l’acquit des charges annuelles; 2° le plus ou le moins de revenus de la fabrique, parce que ce n’est que l'épuisement de ces revenus qui ouvre l’obligation des décimateurs ; 3° l’état des ornements. « Le premier résultat de ces réflexions doit être de déterminer les experts qui procéderont à l’évaluation des dîmes, à ne pas fixer leur attention seulement sur le produit de la dîme inféodée qu’ils voudront évaluer, mais à l’étendre sur tous les objets de comparaison qui doivent servir à régler l’évaluation. Il faudra qu’ils connaissent les divers objets dont on vient de parler, valeur de la dîme ecclésiastique, état des bâtiments, valeur des revenus de la fabrique. Il faudra que tous ces détails soient consignés dans leur procès-verbal, afin qu’on puisse juger ce qu’ils ont fait, et rectifier leur marche s’il était nécessaire. « Supposant donc les faits établis d’une manière claire et positive, il reste ma intenant à déterminer ce que l’on retranchera du produit annuel de la dîme inféodée pour les charges : non pas pour celles qu’elle supporte actuellement, l’évaluation de ces premières charges n’est pas sujette à difficulté, mais pour les charges dont la dîme inféodée est susceptible. L’Assemblée nationale n’ayant encore rien prononcé à cet égard, il faut chercher ce qui semblera le plus convenable. « Appliquons-nous d'abord à ce qui regarde la portion congrue, et considérons les deux extrêmes ; c’est-à-dire le cas où les dîmes ecclésiastiques étant épuisées par les portions congrues, la dîme inféodée était sujette à être entamée au premier changement que le revenu de la dîme ecclésiastique ou la fixation de la portion congrue auraient éprouvé; et le cas où le revenu des dîmes ecclésiastiques était tel que la possibilité d’une contribution, à la charge de la dîme inféodée, était le moins vraisemblable. Dans le premier cas, on pourrait évaluer la diminution que le revenu de la dîme inféodée devait subir, à un vingtième du montant de la charge, parce que, dans le cas proposé, il y a lieu de croire que la dîme inféodée pourrait supporter, dans l’espace de 29 ans, une fois la charge des portions congrues. Supposant donc toujours ces portions congrues à 1,900 livres, on déduirait, sur le revenu de la dîme inféodée, 95 livres. Cette réduction du vingtième serait la plus forte possible. <* La déduction la plus faible, celle qui aurait lieu dans le cas le moins apparent de la possibilité d’une contribution, serait du centième, parce que, dès qu’une chose est possible, quelque rare qu’elle soit, on peut raisonnablement supposer qu’elle se réalisera dans l’espace d’un siècle. Ainsi, en conservant l’hypothèse proposée, la déduction sur le revenu de la dîme serait de 19 livres. « Si l’on demande ensuite quand on doit être supposé arrivé au point où la contribution est la moins vraisemblable possible, nous répondrons que la contribution la plus vraisemblable, celle qui a lieu quand les dîmes ecclésiastiques sont déjà épuisées, étant évaluée à une année de vingt, le cas le plus éloigné d’une contribution possible doit être lorsque ce qui reste de la dîme ecclésiastique, après les portions congrues acquittées, excède vingt fois la dîme inféodée. « En admettant ces deux extrêmes, celui où la dîme ecclésiastique est zéro, et celui où elle est de vingt fois la valeur de la dîme inféodée; en prenant pour base de déduction Je vingtième dans le premier cas, le centième dans le second, il est aisé d’établir une échelle de proportion pour la déduction, graduée sur la valeur comparée de la dîme ecclésiastique et de la dîme inféodée. Par exemple, si la dîme ecclésiastique vaut dix fois la dîme inféodée, la déduction sera d’un cinquantième. « Mais voici une autre observation importante. La déduction à faire sur les dîmes inféodées, à cause de l’insuffisance possible des dîmes ecclésiastiques, doit se régler sur la valeur comparée des dîmes ecclésiastiques aux dîmes inféodées de la paroisse. Conséquemment, il ne faut pas déduire, sur chaque trait de dîme inféodée, le total de la partie qu’on jugera être à retrancher ; cette déduction doit porter sur le total des dîmes inféodées de la paroisse, et chaque décimateur particulier ne doit supporter que sa portion personnelle de la déduction. Y a-t-il 50 livres à déduire, et la dîme inféodée est-elle divisée entre trois propriétaires, dans la proportion d’une moitié et de deux quarts? Le premier propriétaire supportera une déduction de 25 livres; chacun des deux autres, une déduction de 12 1. 10 s. « Tout ce qui vient d’être dit, est relatif à la déduction pour la portion congrue. Dans celle qui aura lieu pour les réparations, on doit faire entrer la nécessité de l’épuisement du fonds de la dîme ecclésiastique; et la manière la plus convenable de le calculer, est d’estimer le montant du [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] 57 capital à épuiser au denier vingt du produit. Cette évaluation doit diminuer, dans la même proportion, la déduction à subir par la dîme inféodée. La déduction, réduite sur ce pied, sera d’un vingtième au lieu d’un entier, d’un sol au lieu d’une livre; ainsi, la déduction pour la proportion congrue étant de 50 liv. , on y ajouterait le sou pour livre, ou 2 1. 10 s. de déduction pour les réparations. « A l’égard des déductions à faire pour la charge des ornements, il n’y a, ce semble, d’autre observation à faire que celle-ci. Les revenus de la fabrique doivent être employés, aussi bien que ceux de la dîme ecclésiastique, avant que le décimateur inféodé contribue à la fourniture des ornements. 11 faut donc cumuler ces deux revenus, et les comparer ensemble au revenu de la dîme inféodée, pour régler la déduction que cette dîme éprouvera, en opérant d’ailleurs sur les mêmes bases qui ont été admises pour la contribution à la portion congrue. « Nous avons dit qu’il était à propos de constater, relativement aux réparations qui peuvent tomber à la charge des dîmes inféodées, l’état plus ou moins ruineux, plus ou moins dispendieux des églises paroissiales; qu’il était également à propos de constater l’état des ornements. Il pourrait se trouver des cas où l’étal de ces objets forcerait à une déduction plus forte sur le revenu des dîmes inféodées; mais dans lescasor-dinaires et peu marqués, cet état ne doit pas influer sur l’estimation ; autrement il n’existerait plus de règle générale, et chaque estimation particulière, devenant susceptible de contradiction dans une multitude de détails, formerait un procès à juger. <- Les déductions étant une fois établies d’après les règles qui viennent d’être posées, on prendra ce qui restera net pour former la base du capital, soit au denier 25, soit au dernier 20, selon les différentes hypothèses établies par les décrets de l’Assemblée. « Nous ne sommes pas sortis, jusqu’à présent, de ce qui appartient au droit commun : en passant du droit commun au droit particulier des ci-devant provinces, il y a peu d’observations à faire sur le résultat de ce droit particulier. En Flandre et en Artois, les dîmes inféodées sont sujéties aux charges décimales, concurremment avec les dîmes ecclésiastiques. Il s’ensuit qu’il faut opérer, sur leur revenu, la même déduction que sur les dîmes ecclésiastiques, et non pas seulement celle qui a lieu sur les dîmes inféodées. « Dans la Flandre maritime, les décimateurs ecclésiastiques ne sont pas seulement chargés du chœur de l’église paroissiale, ils sont chargés de toute l’église (1). C’est UDe somme plus forte à prendre pour hase de la déduction qui doit être évaluée, ainsi que la déduction pour la portion congrue, comme résultat d’une obligation actuelle et non pas seulement comme résultat d’une obligation subsidiaire. « Ces observations suffisent, par les inductions qu’on peut en tirer, pour tous les cas où il existerait, soit lois, soit usages particuliers. Il est facile d’opérer la réduction pour la vingt-quatrième des pauvres, pour la charge du clerc et matière, pour les presbytères : ce sont autant de sommes à ajouter, soit à la charge annuelle de la portion congrue, soit à la charge casuelle des réparations; et il ne s’agit plus maintenant que (1) Lettres patentes du 13 avril 1773 et 7 septembre 1784. de voir d’après quels titres ou quelles opérations on doit évaluer la masse du revenu des dîmes, masse qui donne le revenu net, base de l’indemnité, lorsqu’on a fait la déduction des charges qui viennent de nous occuper. Art. 4. Titres et opérations qui doivent servir à estimer le revenu des dîmes à la suppression desquelles l'Assemblée nationale a accordé une indemnité. « Il y a un moyen sûr de connaître le produit d’une dîme, c’est de savoir : 1° sur quelle étendue de terre elle se perçoit; 2° quel est le genre de fruits que cette terre donne; 3° à quelle quotité la dîme se perçoit; 4° quels sont les frais à faire pour percevoir la dîme, engranger les grains, et, en un mot, pour réduire la dîme, soit en argent, soit en toute autre valeur commerciale. « Les connaissances dont on vient de parler, s’acquièrent par la remise d’états relatifs à la perception, et par des visites d’experts. L’Assemblée a ordonné ces opérations par les décréta du 23 octobre 1790 et du 5 mars 1791 ; mais, en même temps elle a considéré qu’elles étaient longues et coûteuses; et pendant qu’on pouvait y suppléer par des baux, quand ils ne seraient pas suspects, elle a voulu (décret du 23 octobre, tit. Y, art. 5), que l’évaluation fût faite d’après les baux, lorsqu’on serait en état d’en rapporter un ou plusieurs qui réuniraient les trois condiiions suivantes : être actuellement subsistants, eu 1790; avoir une date certaine, antérieure au 4 août 1789 ; remonter à 15 années au delà de l’époque du 4 août 1789. « Les estimations ou les baux sont les seuls actes d’après lesquels on puisse estimer en masse les revenus des dîmes à la suppression desquelles l’Assemblée nationale a accordé une indemnité. Si les décrets ordonnent la production des titres d’acquisition et de propriétés, ce n’est que pour renseigner la consistance de la dîme dont on demande l’indemnité.On serait8ouvent injuste ou envers l’Etat ou envers les décimateurs, si l’on prenait pour base de leur liquidation, les actes d’acquisition de la dîme. Lorsque l’acte d’acquisition serait ancien, ou que l’acquéreur aurait, par une circonstance quelconque, fait un bon marché, le propriétaire dépossédé ne trouverait pas, dans le dédommagement réglé sur le pied de cet acte, la juste indemnité de ce qu’il perd .Dans le cas, au contraire, où l’acquéreur aurait acheté trop cher, l’indemnité fixée sur le prix de l’acquisition lui donnerait plus qu’il n’avait réellement. « Le décret du 5 mars 1791, article 3, a autorisé les possesseurs des dîmes inféodées à produire, à défaut de baux ayant les conditions requises par les décrets, des contrats d’acquisition postérieurs à l’année 1785, et antérieurs au 4 août 1789; mais cette disposition n’est applicable qu’au cas de la demande d’une reconnaissance provisoire. Le temps nécessaire pour procéder à une estimation, à défaut de baux, aurait rendu à peu près aux propriétaires l’avantage que l’Assemblée a voulu leur procurer par les connaissances provisoires; il fallait trouver un expédient pour suppléer aux baux dans ce cas particulier : l’Assemblée a adopté celui delà production d’un contrat d’acquisition. On doit se conformer à son décret, et sur la seule vue du contrat d’acquisition, on doit délivrer la moitié du prix en reconnaissance provisoire; mais on ne doit pas étendre ce décret à un cas pour lequel 58 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. (30 juillet 1791.] il n’a point prononcé. Le cas particulier de l’acquisition moderne d’une dîme ecclésiastique, celai d’une dîme prise à titre d’engagement, font exception aux règles générales ; pour le premier cas, selon ce qui a été observé dans l’article second (p. 53); pour le second cas, selon ce qui est porté par le décret du 18 janvier 1791. « Le décret du 23 octobre 1790, article 6, autorise les propriétaires de dîmes dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés à l’occasion des troubles survenus depuis 1789, à faire preuve, soit par actes, soit par témoins, d’une possession de 30 ans, antérieure à l’incendie ou pillage, de l’existence, de la nature et de la quotité de leurs droits de dîmes. On a paru apprêt hender que cette disposition ne contrariât en quelque point les principes sur la nature des preuves qui doivent établir le droit de lever une dîme inféodée. Le décret n’a rien d’opposé aux principes. Quand les archives sont brûlées, on ne peut plus prouver directement, par les titres qui y étaient conservés, le fait ou de l’inféodation d’une dîme, ou des reconnaissances féodales, ou de la possession centenaire; il faut alors avoir recours soit à des titres étrangers, mais énûncia-tifs, soit à des dépositions de témoins. Ces titres énonciatifs ou ces témoins doivent établir différents faits qui sont bien distingués dans le décret. Ils doivent justifier : 1° de l’existence du droit, déposer que telle personne jouissait d’une dîme; 2° de la nature du droit, déposer que la dîme était connue pour dîme inféodée, levée comme telle; 3° de la quotité et de la possession depuis 30 ans. Une pareille enquête ne saurait porter atteinte aux principes, au contraire elle les confirme; car, si des témoins, par exemple, déposaient qu’ils ont connaissance que depuis telle époque, un tel jouissait d’une dîme qui passant pour inféodée, mais qu’avant cette époque la dîme appartenait à un corps ecclésiastique et était réputée ecclésiastique, on jugerait que la possession de la dîme comme inféodée n’est pas légitime, et on refuserait l’indemnité. Si les témoins, en attestant la possession trentenaire, n’indiquent pas l’époque à laquelle elle à commencé, il résulte de leur déposition la preuve d’une possession immémoriale, c’est-à-dire telle qu’on ne connaît aucune possession contraire; et cette possession immémoriale doit suppléer à la possession centenaire, dans le cas où les actes qui auraient établi la possession de cent ans se trouvent détruits par une force majeure. « Quant au surplus des questions qui peuvent se présenter, on doit se conformer aux décrets rendus spécialement pour la liquidation des dîmes inféodées ; aux décrets qui contiennent des règles générales sur les liquidations; aux lois anciennes, que l’Assemblée nationale n’a point abrogées, sur les conditions requises pour que les actes dont on prétend induire des conséquences soient reconnus en forme probante. » (La discussion est ouverte sur ce projet d’instruction.) Un membre pense qu’on ne doit pas employer, au sujet des dîmes du Calaisis, dont il est parlé dans l’article premier du projet, des expressions capables de décider sur-le-champ, et sans discussion, une question sérieuse qui s’agite au sujet de ces dîmes, et qui doit être incessamment rapportée. M. Camus, rapporteur, dit que l’intention du comité n’a pas été de rien préjuger sur les dîmes du Calaisis ; il propose d’exprimer seulement que l’Assemblée n’entend rien préjuger sur ces dîmes ou autres semblables. (Cette motion est adoptée.) Un membre demande qu’on exprime nettement que la charge subsidiaire des dîmes inféodées, ne se réalise qu’après l’épuisement non seulement des dîmes ecclésiastiques, mais aussi des revenus propres de la cure. M. Camus, rapporteur, déclare qu’il adopte la proposition, et qu’il l’exprimera ainsi qu’il est demandé. Un membre observe que, dans quelques endroits, il existe certaines dîmes inféodées qui supportaient directement les charges des dîmes ecclésiastiques, tandis que les autres dîmes inféodées du même canton ne supportaient les mêmes charges que subsidiairement ; que cet ordre établi, soit sur des titres, soit sur l’ancienne possession, ne doit pas être changé, et il demande qu’il soit fait mention spéciale de ce cas particulier dans l’instruction. M. Camus, rapporteur, adopte cette observation et propose en conséquence l’addition suivante à la fin de l’article 3 : « Une dernière remarque particulière est relative au cas qui se rencontre dans quelques lieux, où por le résultat, soit des titres, soit d’un usage ancien, quelques dîmes, quoiqu’on les regarde comme inféodées, se trouvent chargées de la portion congrue, des réparations, etc., en première ligne, et comme des dîmes ecclésiastiques pourraient l’être, les autres dîmes inféodées du même canton ne supportant les mêmes charges que subsidiairement. Il faut, en ce cas, se conformer aux titres et à l’usage établi ; faire, sur les dîmes inféodées qui sont sujettes aux charges en première ligne, et non subsidiairement, les mêmes déductions qu’on ferait sur les dîmes ecclésiastiques. » (Cette addition est adoptée.) Un membre demande que l’Instruction soit changée relativement aux trois dispositions suivantes : Celle où il est dit que les propriétaires des dîmes ecclésiastiques entrées dans les mains des laïques par l’effet del’optiondela portion congrue, n’auront d’autre indemnité que celle de la cessation de l’obligation de payer la portion congrue ; 2° Gelle où il est dit que les acquéreurs de dîmes ecclésiastiques, moyennant une rente due à l’Eglise, n’obtiendront pareillement d'autre indemnité que celle de la cessation de la rente; 3° Enfin, les dispositions par lesquelles on propose de compter à la charge de la dîme inféodée, des charges subsidiaires et possibles, autres que les charges actuelles. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces trois amendements et ferme la discussion.) M. Camus, rapporteur, donne en conséquence lecture des modifications introduites dans la rédaction de l’Instruction qui se trouve ainsi conçue :