Assembles nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] 449 plaisir aussi, dans la déclaration expresse du premier ministre des finances, la réponse à tous ceux qui ont accusé les différents rapports d’être inexacts ou hypothétiques. M. Necker entre dans quelques détails sur la balance à venir des revenus et des dépenses. II pense que les réductions sur ces dernières, qui ont été proposées par le comité des finances, et fixées provisoirement par votre décret à 60 millions, ne s’élèveront pas au delà de 52. Ce n’est pas ici le lieu ni le moment de cette discussion. Nous pouvons seulement vous assurer que si les réductions sur les départements de la guerre, de la marine et de la maison du roi sont telles que nous avons dû les présumer, nous vous fournirons pour 1791 une réduction de dépense, qui excédera les 60‘ millions que vous avez décrétés (I). Le ministre nous indique le renvoi aux provinces, de quelques articles de dépense publique, tels à peu près que votre comité des finances vous les avait présentés. Seulement nous avions pensé que le Trésor public, en cessant de faire ces dépenses, cesserait aussi de percevoir les sommes qui y étaient précédemment appliquées. M. Necker paraît désirer que ces fonds prennent une autre destination, qu’ils continuent d’être versés au Trésor public, et soient appliqués à des remboursements. Nous pensons, en effet, qu’il serait d une haute importance de travailler, le plus tôt qu’il sera possible, à une libération graduelle et constante de la dette publique; mais obligés, avant tout, de veiller aux intérêts du peuple, c’est lorsque nous aurons achevé d’acquérir des connaissances positives sur ses nouvelles ressources, sur ses charges et sur ses moyens, que nous pourrons vous présenter cette question sous son véritable aspect. En attendant, nous ne pouvons qu’applaudir à la prévoyance du ministre et aux vues d’ordre qu’il vous présente. Il ne peut encore vous offrir que des notions incertaines sur la dette arriérée. Le comité que vous en avez chargé vous la fera connaître avec certitude. M. Necker vous demande, au nom du roi, de joindre à la liste de vos dettes le dédommagement, non pas rigoureusement exact , mais sagement équitable que les nouveaux départements, après en avoir pris connaissance, jugeraient devoir accorder aux citoyens dont les habitations ont été brûlées, et les possessions ravagées. La manière dont cette proposition a été reçue dans cette assemblée, dispense votre comité de vous pré-(1) M. Necker observe, dans une note, que le comité a Eorté les réductions à 60 millions, parce qu’il a compté le énéfice des pensions, d'après la somme à laquelle e'Ies se montaient avant la réduction opérée sous te ministère de M. l’archevêque de Sens. Or, cette réduction était de 4,889,000 livres ; elle était portée en recette pour le compte de 1789, et ne pouvait par conséquent être présentée comme un bénéfice relatif au résultat du compte de 1789. Cette observation est juste en elle-même; mais, dans le rapport que cite M. Necker, elle était imprimée au bas de la page; ainsi elle n’a pas échappé au comité des finances. D’ailleurs, la somme entière des pensions, telle qu’elle était avant la retenue de 1787, formant le chapitre de dépense du compte de M. Necker, il fallait bien y opposer la somme entière 4 la réduction. Quant à la réduction sur la dépense des compagnies de finances, il est certain qu’elle ne sera pas complète cette année; mais, dès que le nouveau système d’imposition sera établi, cette réduction aura lieu, et s'élèvera au moins 4 l’évaluation du comité des finances. senter un avis que vos applaudissements ont prévenu. Le reste du mémoire du premier ministre des finances porte sur Je remplacement des impôts, surtout sur celui du sel, el sur le système des autres impositions. Le rapport que le comité des finances vous a fait, au sujet du remplacement de la gabelle, s’accorde parfaitement avec les principes du ministre ; et cependant son mémoire n’avait été communiqué, ni au grand comité des finances, ni à la portion de ce comité, destinée à correspondre directement avec lui. Cet accord de principes nous paraît heureux, et nous avions besoin de ce dédommagement. 11 nous en a assez coûté, dans ce rapport, de nous trouver quelquefois d’un avis opposé à celui d’un ministre cher à la nation, cher à cette assemblée, et dont la santé chancelante nous inspire un intérêt d’autant plus grand, que son altération, nous ne pouvons nous le dissimuler, est le fruit des nombreux sacrifices qu’il a faits à la chose publique. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, ayant pris en considération l’étal du Trésor public pour l’année 1790, a décrété et décrète : 1° Qu’à partir de ce jour, aucune anticipation, rescription, ni assignation sur les revenus ordinaires, destinés à être perçus en 1791, ne pourront être renouvelées ; 2° Qu’il sera formé incessamment et dégagé de tout service public une masse de 400 millions de biens du domaine et du clergé, dont les capitaux seront mis en vente, pour les fonds en être versés dans la caisse de l’extraordinaire, conformément au décret du 19 décembre dernier; 3° Qu’en attendant le complément des ventes, les revenus desdits biens seront versés dans ladite caisse de l’extraordinaire ; 4° Que le receveur de cette caisse, aussitôt après la déclaration faite de l’abandon de chaque immeuble, sera autorisé à délivrer au Trésor public une somme en assignats, égale au montant de l’estimation de chacun des objets mis en vente ; lesquels assignats porteront intérêt à 5 0/0 qui seront payés tous les six mois à la caisse de l’extraordinaire; 5° Quant à l’emploi desdits assignats dans le commerce, rassemblée se réserve de prononcer après l’examen du projet qui lui a été présenté par la commune de Paris ; 6* Que les derniers, provenant de la vente des biens ci-dessus désignés, seront spécialement affectés à l’acquittement desdits assignats, et qu’il ne pourra en être distrait aucune partie, pour aucun autre usage, sous quelque prétexte que ce soit; 7° Que les 170 millions dus à la caisse d’escompte seront - incessamment acquittés par la même somme en assignats, que les administrateurs de ladite caisse seront autorisés à échanger contre les billets qu’ils ont dans la circulation; 8° Que 132 millions desdits assignats seront remis au Trésor public, pour assurer le reste du service de la présente année ; 9° 11 sera présenté incessamment à l’assemblée, par le comité des finances, un plan de régime et d’administration de la caisse de l’extraordinaire, relativement àl’exécution des décrets de ce jour. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport et du projet de décret présentés par M. le marquis 150 [Assemblée national#! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [If mars 4790.] de Montesquiouet ajourneladiacussion à demain.) M-Guillaume, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du mémoire de M. Necker pour l'établissement d'un bureau de trésorerie. Il est ainsi conçu : MÉMOIRE DU PREMIER MINISTRE DES FINANCES (1), Messieurs, je crois l’établissement d’un bureau de trésorerie destiné à diriger, sous les ordres du roi, tout ce qui tient au Trésor public, si utile en tous les temps, si nécessaire dans les circonstances particulières où nous nous trouvons, que l’Assemblée nationale me permettra, j’espère, d’ajouter quelques réflexions à celles déjà pré** sentées dans mon dernier mémoire. J’entends dire que l’Assemblée, en approuvant l’idée de l’établissement d’un bureau de trésorerie, ne paraît pas disposée à consentir qu’aucune des personnes dont Sa Majesté composerait ce bureau, fût choisie dans l’Assemblée nationale. Il est de mon devoir de la prévenir qu’une telle condition mettrait absolument obstacle à l’exécution des intentions paternelles du roi ; et pour appuyer cette proposition, je dois d’abord faire observer que la principale utilité de ce bureau serait perdue, si aucun de ses membres ne pouvait être en même temps député à l’Assemblée nationale : car il importe, et surtout aujourd’hui, qu’il existe une communication de tous les jours et de tous lesinstants, entre le corps législatif et l’administration des finances, il ne peut suffire que celte communication soit établie par de simples mémoires, qu’on hésite, qu’on diffère de donner, qui font toujours événement, et qu’on ne peut ni expliquer ni défendre, à moins d’être présent habituellement à votre assemblée. Ge n'est pas d’ailleurs seulement aux époques éparses d’une discussion par mémoire, que les intérêts du Trésor public doivent être manifestés et soutenus, car, à chaque instant, il existe un rapport entre ces intérêts et vos délibérations, et personne ne peut avoir toujours présent à l’esprit ce qu’exige le soin du Trésor public ; personne ne peut s’en occuper avec prévoyance, s’il n’est pas associé de quelque manière à son administration, et s’il n’est pas rappelé aux soins de celte partie de la chose publique, par tous les motifs d honneur et de devoir qui agissent sans interruption sur les hommes. Je dois vous présenter une seconde considération, c’est qu’il serait impossible aujourd’hui de former convenablement un bureau de trésorerie, si on voulait le composer en entier de personnes étrangères à l'Assemblée nationale. Qui voudrait s’immiscer dans l'administration du Trésor de l'Etat en des moments si difficiles ? Qui voudrait s’exposer et aux faux jugements du public, et aux chances d’une censure journalière de la part d’une assemblée nombreuse où l’on n’est jamais présent, et où l’on n’est pas sûr de trouver constamment des préjugés favorables ? C’est librement qu’on se dévoue à l’administration ; ainsi il faut être attiré par de la considération, quand on ne peut plus attendre des récompenses de fortune. J’ai senti souvent dans mes travaux ie (1) Ce mémoire est l’objet d'une simple mention au Moniteur. besoin d’être soutenu par votre estimé êt par la confiance de la nation, et ce sentiment, celui quelquefois de mon long dévouement à la chose publique, m’ont rendu votre empire fort doux; mais les membres nouveaux d’un bureau de trésorerie n’auraient, en commençant, aucune de ces compensations; il est donc nécessaire qu’ils réunissent au mérite de leurs fonctions, l’honneur de faire partie de votre assemblée, afin qu’ils aient à ce double titre l’autorité de détail et l’ascendant nécessaire pour diriger convenablement l’administration dont ils seront chargés. Chacun voit aujourd’hui si bien que les chefs de département ne peuvent faire ni bien ni mal à personne, qu’ils éprouvent les résistances les plus minutieuses de la part même de ceux qui se trouvent dans leur dépendance naturelle. 11 n’y a donc plus aucun genre d’attrait pour se livrer aux pénibles travaux de l’administration, et de toutes parts chacun n’aspire qu’à se placer aux bancs des juges. Les comités que vous avez établis pour examiner différentes parties de finances et pour vous rendre compte, ne peuvent pas non plus suppléer à l'établissement d’un bureau actif de trésorerie; chacun de ces comités est uniquement occupé dé la mission particulière dont il est chargé; ils visent tous à mériter dans leur partie, et de justes éloges et de prompts applaudissements; et pour y parvenir, aucun, même le comité général des finances, n’a besoin de concilier le résultat de ses travaux avec la situation instantanée du Trésor public, et avec les inquiétudes prochaines de l’administration qui le régit. Il faut un peu d’espace, un peu de large pour les règlements généraux; ainsi ceux qui doivent les préparer, ont souvent besoin de se détacher des combinaisons particulières à l’administration des finances, à cette pénible régie qui, dans des temps difficiles se trouve contrainte de combattre sur un terrain resserré, et qui ne peut et ne doit s’étendre que par degrés. Aussi tous ceux qui sont placés extérieurement à l’administration, même avec les meilleures intentions, ne revêtissent jamais qu’imparfaitement son esprit. Les intérêts de cetteadministrationnepeuventdone être bien confiés qu’à elle-même, et rarement elle pourra tirer une assistance réelle et constante d’un comité latéral qui voit les choses sous d’autres rapports, et qui peut trouver aussi bien son compte de gloire dans une idée brillante, mais désassortie au moment, que dans l’aplanissement des difficultés de tous les jours, et dans la conciliation laborieuse de l’avenir avec le présent. Cependant, puisqu’il est naturel que vous désiriez tout connaître par l’entremise des personnes qui composent votre assemblée, pourquoi n’adopteriez-vous pas un moyen qui, en satisfaisant ce vœu raisonnable, laisserait à l’administration toute la force et toute l’unité dont elle a besoin pour lutteravec avantage contre les difficultés dont nous sommes environnés? de double but serait parfaitement rempli par l’établissement d’un bureau de trésorerie dont le roi choisirait presque tous les membres parmi les députés à votre assemblée ; ils n’auront pas conduit pendant un mois le Trésor public, que vous éprouverez ce que je fais par expérience ; c’est que leurs avis, leurs avertissements, leurs éveils seront d’une grande utilité, ne fût-ce que pour diriger ou pour ramener votre réflexion vers les objets qui intéressent le Trésor public d’une manière instante; ne fût-ce que pour vous faire part d’une multitude de connaissances et d’observations qui ne viennent qu’à