174 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 17 vendémiaire, à prendre des congés, n’en n’ont pas pris, en passant par Rouen, pour alimenter en écorces d’arbres les tanneries de Caudebec [Seine-Inférieure] employées aux services des armées, sont poursuivis pour la confiscation de leurs bateaux, évalués 10000 L, et pour l’amende encourue. L’agent de la commune de Caudebec a requis des bois pour la commune; ils ont été transporté sur un bateau dont le propriétaire n’a pas pris de congé; on poursuit la saisie du bateau et l’amende, et cependant il est évident que, dans l’un et l’autre cas, il n’y a pas eu intention de frauder; mais comme nul ne peut prétexter de son ignorance de la loi, ils seront condamnés si vous ne venez pas à leurs secours. Un aubergiste au Port-Navalo, département du Morbihan, avait chez lui quatre-vingt-douze livres de beurre salé; sous prétexte que l’entrepôt est défendu dans les deux lieues des frontières, on a saisi ce beurre, et le juge de paix a condamné le malheureux aubergiste à 555 L d’amende, qui ont été acquittées. Un soldat, canonnier, en garnison à Bouillon, mettait ses boucles d’argent dans sa poche lorsqu’il voyageait pour leur conserver leur lustre ; un certificat du commandant atteste ce fait, et qu’il les avait depuis longtemps ; d’ailleurs elles sont conformes pour le modèle à celles qu’il avait à ses jarretières ; ce soldat a été condamné à une amende de 500 livres. Un capitaine américain, qui vous apportait du grain de Hambourg et qui avait chargé au Havre, pour Bordeaux, du fer et du charbon de terre, se trouve avoir dans sa malle huit écus de 6 L qu’il avait reçus à Hambourg; il a été mulcté pour une pareille amende. Un cordonnier, voisin d’une commune située sur les frontières, achète pour son travail journalier quelques livres de cuir; il est arrêté et condamné à la même peine. Ces faits, pris entre une infinité de faits pareils, suffisent pour vous convaincre que le législateur, pour être souverainement juste, doit déterminer le mode pour adoucir une disposition de loi qu’il a voulu rendre juste, et non vexatoire, qui ne doit atteindre que l’homme coupable, et non le citoyen dans lequel la bonne foi est caractérisée. Par exemple, n’y a-t-il pas une grande distance dans le délit de celui qui pendant la nuit prend une route détournée pour éviter le bureau des douanes et celui qui, en plein jour, passe sans y arrêter, et est saisi à dix pas pour cette contravention? La loi, de laquelle ne peuvent s’éloigner ceux qui l’appliquent, ne fait cependant point de différence. Il appartient au législateur de prévenir cette erreur qui lui est échappée. Votre comité pense vous en offrir un moyen en vous proposant le projet de décret suivant (15) : (15) Moniteur, XXII, 491-492. Mentionné par Débats, n° 781, 753; J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 54; J. Perlet, n° 782; J. Fr., n° 779 J. Fr., n°779; Ann. R. F., n° 54. Le rapporteur du comité de Commerce et des approvisionnemens obtient la parole, et la Convention rend le décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu [GIRAUD au nom de] son comité de Commerce et des approvisionnemens sur la nécessité de modifier les dispositions des articlesXXI et XXIV du titre VI de la loi du 4 germinal, relative aux défenses de faire aucune remise sur les saisies concernant les douanes, décrète ce qui suit : Article premier. - Lorsqu’une saisie pour contravention aux lois sur les douanes ne sera motivée que sur l’omission d’une formalité, et que les circonstances feront présumer que la contravention est involontaire, la commission des Revenus nationaux est autorisée, d’après le compte qui lui en sera rendu par le receveur et l’inspecteur, à faire, sur la confiscation et l’amende, telle remise qu’elle jugera convenable, à la charge de fournir, à la fin du mois, au comité chargé de la surveillance des douanes l’état des affaires ainsi terminées, avec les motifs de la remise accordée. Art. II. - Les dispositions de l’article ci-dessus auront leur exécution pour les saisies effectuées depuis la promulgation de la loi du 4 germinal (16). 9 Des pétitionnaires sont admis à la barre et demandent la liberté de plusieurs citoyens de la section du Contrat social [Paris] détenus depuis 3 mois. Renvoyé au comité de Sûreté générale pour en faire son rapport dans trois jours (17). 10 Le rapporteur du comité des Secours est entendu. La Convention nationale, après avoir entendu [PAGANEL au nom de] son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Muza, âgé de 81 ans, infirme, qui après avoir consacré 55 ans à l’instruction publique dans le collège de Pontoise [Seine-et-Oise], se trouve réduit à la plus extrême indigence, décrète qu’à la présentation du présent décret il sera payé, par la Trésorerie nationale, audit citoyen Muza la somme de 500 L à titre de secours. (16) P.-V., XLIX, 133-134. Moniteur, XXII, 492, donne l’art. XXIII au lieu de l’art. XTV. Débats, n° 781, 753 et n° 782, 765-766; J. Perlet, n° 782. Rapporteur Giraud selon C* II, 21. (17) P.-V„ XLIX, 134. SÉANCE DU 23 BRUMAIRE AN III (13 NOVEMBRE 1794) - N08 11-13 175 Le présent décret sera imprimé au bulletin de correspondance (18). 11 On fait lecture d’une lettre du citoyen Gleizal, représentant du peuple, qui demande un congé de cinq décades. La Convention nationale accorde un congé de cinq décades au représentant du peuple Gleizal, pour le rétablissement de sa santé (19). [Le représentant du peuple Gleizal au président de la Convention nationale, Paris, le 23 brumaire an III\ (20) Citoyen president Je te prie de demander pour moi à la Convention nationale un congé de cinq décades dont j’ai besoin pour le rétablissement de ma santé. Salut et fraternité. Gleizal. 12 Un membre [JULIEN-DUBOIS au nom] du comité des Finances fait un rapport. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances sur le mémoire des actionnaires de la fabrique des fusils, établie à Grenoble [Isère], tendant à ce qu’il soit fixé des bases aux experts chargés en exécution du décret du premier floréal, d’estimer les bâtimens, bois et autres objets destinés à l’établissement de cette fabrique, décrète comme mesure préparatoire et d'exécution : Article premier. - L’expert que les actionnaires de la fabrique d’armes établie à Grenoble sont autorisés à nommer par le décret du premier floréal, aura voix instructive; il pourra présenter aux experts, chargés de l'estimation, ses observations, en faire charger leur procès-verbal, sauf à ceux-ci d’y avoir tel égard qu’ils jugeront convenable. Art. II. - L’estimation des usines, granges et autres bâtimens d'exploitation utiles pour l’établissement, ainsi que celle des prairies et paquerages, sera fixée d’après le prix commun de chaque nature d’héritage dans les communes où il est situé, conformément à l’article VII de la loi du 3 juin 1793. (18) P.-V., XLIX, 134. Rapporteur Paganel selon C* II, 21. (19) P.-V., XLIX, 135. J. Perlet, n° 782. Rapporteur Duval (de l’Aube) selon C* II, 21. (20) C 323, pl. 1383, p. 10. Art. III. - Les experts estimeront les bâtimens claustraux et autres qui seront reconnus n’être d’aucune utilité pour l'établissement, soit d’après les loyers que l’on pourroit en retirer, s’ils sont susceptibles de location, soit d’après la valeur intrinsèque des matériaux, déduction faite des frais de démolition, s’il est plus avantageux de les détruire. Art. IV. - Pour assurer la stabilité de cette fabrique d’armes, la conservation d’une grande masse de bois, et se procurer des bases sûres d’estimation, les experts ouvriront ce chapitre de leur estimation, par un projet de règlement sur l’exploitation des bois affectés à cet établissement. Ce règlement sera fait d’après les dispositions du code forestier : cependant, d’après la position locale des bois, la nature du sol et la reproduction qu’il convient de conserver, on pourra abattre les bois par partie et à un âge où les pieds d’arbres ont beaucoup de racines et dans les endroits où ils viennent le mieux. Ce règlement servira aux experts à déterminer un produit annuel, lequel, étant approuvé par la Convention nationale, sera obligatoire pour la société des actionnaires. Art. V. - Pour connoître les valeurs des bois et prairies et en déterminer le capital, les experts se fixeront aux prix et aux produits moyens des douze dernières années depuis 1780 jusques et compris 1792, considération faite de la soumission de la société, de ne jamais aliéner et d’exploiter en coupe réglée tout ce qui en sera susceptible. Le présent décret ne sera point imprimé et sera envoyé manuscrit au district de Grenoble pour le faire exécuter (21). 13 Un secrétaire fait lecture de plusieurs adresses dont l'extrait suit : Adresse des administrateurs du directoire du district de [la] Tanargue [Ardèche] ; ils annoncent la mort d'un complice du scélérat Dominique Allier et de l’infâme Saillant. Ce brigand, nommé Louis Pelet, dit Pratety, a eu l’audace de venir au milieu d’une grande route, armé d’un fusil à deux coups, de deux pistolets et d’un sabre : là, il attendoit tous les passans, leur présentoit du vin et les forçoit à boire à la santé de Louis XVII : une municipalité voisine a rassemblé la garde nationale et a délivré la France de ce monstre. Un membre [TAILLEFER] demande et la Convention nationale décrète que la lettre du directoire du district de [la] Tanargue, département de l’Ardèche, qui annonce la (21) P.-V., XLIX, 135-137. Reproduit dans Débats, n° 782, 764-765. Mentionné dans M.U., n° 1342; J. Fr., n° 779. Rapporteur Julien-Dubois selon C* II, 21.