[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1791.] du roi, et que par là il se serait fait un mont d’or. Après cette explication entre M. Bataille et les sous-officiers et dragons, sur l’inculpa ion faite au premier, il a été prouvé que le propos avait été tenu par M. Gouy, et non par M. Bataille. Le sieur Groffroi reprenant alors la parole, a prié instamment M. Bataille, de la part de tout le régiment, de se désister de sa première résolution, et de conserver le commandement, la caisse et les guidons, protestant que la défiance des officiers, sous -officiers et dragons envers M. Bataille n’exist.iit plus; mais M. Bataille persista et jura sur son honneur qu’ayant abandonné le commandement, rien ne pourrait l’engager à le reprendre, ajoutant qu’il avait depuis longtemps l’eu vie de donner sa démission, qu’il voulait aller vivre tranquillement près de sa femme et de ses enfants qui étaient en Suisse. « D’après plusieurs prières très instantes de la part de MM. les officiers, sous-officiers et dragons , les différentes explications tendant à prouver à M. Bataille qu’il devait reprendre le commandement d’après le vœu du régiment assez fortement manifesté, M. Bataille a cru devoir insister ainsi que les sous-ofticiers désignés ci-dessus, pour ne plus être comptés pour rien au régiment. En conséquence, M. Querampuil, capitaine, a pris le commandement. « Avant do se séparer, un maréchal des logis a pris la parole et a dit qu’un propos tenu à M. Bourselot, maréchal des logis, par M. Chéne-viôre, capitaine du détachement commandé pour aller porter du secours à Varennes, où la famille royale avait été heureusement arrêtée, avait été douloureusement remarqué par M. Bourselot, et fait une égale unpre-sion dans l’esprit des sous-ofticiers, à qui il avait été rendu ; que M. Ché-nevière avait demandé quelles étaient les dispositions des dragons du régiment , si l’on pouvait compter sur eux pour favoriser l’évasion du rot, M. Bourselot ayant répondu que non, M. Chéne-vière avait demandé si les sous-ofheiers pensaient comme les diagons; le sieur Bourselot ayant protesté qu’ils pensaient absolument de même, que M. Chénevière s’etait retiré peu satisfait de sa réponse. « M. Bourselot a encore observé à MM. les officiers, ci-devant dits de naissance, que leur conduite avait depuis trop longtemps affiché leur incivisme et fait naître de justes soupçons sur leur volonté à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale ; que leur société constamment séparée de celle des officiers ci-devant dits de fortune, leur mépris pour la garde nationale, les differents propos tendant à décrier les opérations des représentants de la nation, et enfin d’autres traits d’aristocratie trop nomoreux à rappeler, devaient naturellement faire craindre que des officiers faits par leur état pour défendre à la tête de leurs troupes la Constitution française, ne se comportassent pas toujours avec la loyauté que nous demandons à tous les officiers du régiment. « Après nulle défense de la part des officiers grièvement inculpés, le régiment s’est relire dans son quartier : les sous-officiers et dragons ont à l’instant arrêté qu’une députation irait instruire le département de ce qui s’était passé. Les députés sont allés au lieu ue ses séances, et après avoir rendu Je précis des événements ci-dessus détaillés, le député qui avait la parole a ajouté que les sous-oificiers, les dragons du 12e régiment priaient instamment Messieurs du département de faire une adresse à l’Assemblée 557 nationale à l’effet de la supplier qu’il soit nommé un colonel pour remplacer le ci-devant commandant François d’Ëscars , émigrant depuis l’année 1790, de faire également nommer à toutes les places qui se trouveraient vacantes par la démission des officiers dé.-ignés dans le procès-verbal ci-dessus. Messieurs les membres du département, ayant accueilli favorab'ement les députés du douzième de dragons, ont demandé que copie dudit procès-verbal soit remise sur le bureau. Ce qui a été exécuté après avoir fait mettre tes signatures. « Fait à Metz, le vingt-cinquième jour du mois de juin 1791. » Adresses des administrateurs composant le directoire du district d' Argentan, de ceux du district de Joigny, du district d’Amiens, du district de Mantes, du district de Chartres, du district de Dieppe, du district de Sedan, du district de Mont fort-l' Amaury, du district de Bar-sur-Aube, du district de Longwy , du district de Montmédy, et des juges composant le tribunal du district d’Evreux, qui expriment les mêmes sentiments que les administrateurs des départements et annoncent des nouvelles aussi satisfaisantes. Le directoire du district de Joigny sollicite la vengeance des lois contre les auteurs et complices de l’enlèvement du roi. Le district d'Amiens supplie l’Assemblée de poursuivre et prolonger le cours de ses travaux, jusqu'à ce que ses ennemis, vaincus et découragés, aient appris à respecter la majesté d’un peuple libre. L'adresse du directoire du district de Chartres contient ces paroles : « L’orage qui nous agite hâtera notre entrée dans le port. Semblable à un coup de tonnerre qui meut et embrase l’atmosphère, la nouvelle de l’évasion du roi nous a tous électrisés. Le feu du patriotisme s’est rallumé. Nous jurons tous avec vous de sauver la patrie ; avec tous nos braves guerriers, de vivre libres, ou de périr. L’arrestation du roi redouble notre courage et augmente nos espérances. La divinité sans doute aide à la sagesse humaine à rétablir la dignité de l’homme, et assurer la liberté des peuples. » Le district de Dieppe annonce qu’à la nouvelle de l’arrestation du roi, tous les corps, sur la demande du peuple, se sont réunis dans la principale église pour y assister à un Te Deum. « L’événement, dit-il, qui pouvait couvrir de deuil tout l’Empire, n’a pas troublé un seul instant la tranquillité publique. Jamais le peuple n’a montré tant d’énergie et de confiance dans les chefs qu’il s’est donnés; jamais il n’a manifesté un amour aussi vif et plus ardent pour la liberté qn’it a conquise ; jamais il n'a montré plus de reconnaissaDce envers ses généreux représentants. Enün, si, comme nous n’en pouvons douter, le même esprit a régné dans tous les points de l’Empire français, il est impossible d’en asservir les habitants ; et, pour y réussir, il faudrait se déterminer à ne regner que sur des cadavres et sur des ruines. » Le district de Sedan mande ce qui suit : « La seule mesure que nous ayons prise, et qui les renferment toutes, est de rester strictement unis. Le directoire et le conseil générai de la commune sont assemblés sans iutenuption. Un comité fiasse la nuit et tout se traite de concert. Le plus grand ordre règne parmi nos concitoyens. Le mouvement de plusieurs régiments, qui devaient partir de noire ville ou s’y croiser, avait été ordonné par M. Bouille. Les commissaires du 558 département réunis avec nous ont pensé qu’il était sage de suspendre provisoirement tout mouvement de troupes et tout changement de garnison. « Le seul fait important dont nous ayons à vous instruire est l’arrestation du lieutenant-colonel du régiment ci-devant Royal-Allemand (le sieur Mandel), et de deux autres officiers qui s’évadaient à l’étranger, et en partie travestis, quoique deux d’entre eux eussent conservé le petit uniforme; il résulte, tant de leurs aveux que des dépositions, que le lieutenant-colonel avait reçu de M.de Bouillé, sur la route de Stenay àVarennes, un ordre signé du roi seul, pour aller lui donner main-forte; qu’il a été promis aux cavaliers, par le lieutenant-colonel, qu’ils seraient pris par le roi pour lui servir de garde; et qu’il a été distribué, sur les chemins, 25 louis par compagnie et 100 livres au premier escadron. Nous transmettons à l’instant les informations au directoire du département, et lui envoyons sous bonne garde les trois détenus. « L’Assemblée électorale s’ouvre demain. » M. Prieur. Je demande que les trois officiers du Royal-Allemand ainsi que MM. Damas, Choiseul et Floriac, détenus à Verdun, soient transférés dans les prisons de celui des tribunaux de Paris chargés de l’instruction de l’affaire. (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’adresse aux comités des rapports et des recherches réunis et adopte la motion de M. Prieur.) M. Merle, secrétaire continue la lecture des adresses. Le district et la municipalité de Bar-sur-Aube mettent sous les yeux de l’As-emblée un procès-verbal d’ammtation d’un fourgon portant, entre autres choses, 17 caisses contenant la somme de 482,212 1. 10 s. 6 d., dont 480,000 livres paraissaient destinées pour Soleure en Sai. se. M. Aubert. Je demande qu’il soit fait mention honorable au procès-verbal du zèle et de la vigilance des citoyens ne Bar-sur-Aube, et que l’adresse soit renvoyée au comité des rapports et des recherches réunis. (L’Assemblée renvoie l’adresse et les pièces y jointes aux comités des rapports et des recherches réunis.) M. Merle, secrétaire, poursuit. Le directoire du district de Longwy envoie le procès-verbal de la marche du département, composé des gardes nationales de Longwy et des trouies de ligne, qui se sont portées sur Varen-nes, d’après sa réquisition. Il mande ce qui suit « M. de Bouillé était à Longwy le 16 juin ; le lendemain, il passe en revue toute la garnison. Les bons citoyens virent avec peine les couleurs autrichiennes dans les plumets de ses aides de camp. On remarqua particulièrement l’air inquiet et rêveur de ce général et l’on pensa qu’il tramait quelque complot contre la nation. Il partit de Longwy le 17, disant qu’il allait à Monimédy; mais on a su depuis qu’il allait à l’abbaye d Or-val, afin de donner ses ordres pour les préparatifs qu’on y faisait pour y recevoir le roi. M. de Bouillé n’arriva que le 2U à Montmédy, en môme temps que le régiment de Nassau; on observa qu’il en avait fait partir Je régiment de Bouillon, parce qu’il n’avait pu parvenir à le corrompre. Pour rassurer les habitants de la ville de Metz, il avait donné des ordres pour qu’on lui préparât à dîner chez lui le 22. (27 juin 1791.] « Le 21, il se rendit à Stenay, et il prit son lo' gement hors de la ville. En entrant dans la ville, il reçut avec dédain les honneurs que lui rendirent la inunicii alité et les gardes nationales. Il sortit de Stenay dans la matinée avec Royal-Allemand pour le faire manœuvrer. En remrant en ville, il distribuait de l’argent p*our faire boire les soldats. On remarquera que les officiers dudit régiment arrêtèrent le même soir leurs comptes dans les auberges à la nuit tombante. M. de Bouillé envoya un détachement à Mouza, village situé sur la route de Dun à Stenay. Ces soldats y sont restés chez les habitants. Ces dispositions ont éveillé des soupçons. Plusieurs citoyens s’étant répandus dans la campagne ont aperçu M. de Bouillé qui allait à la découverte et qui entrait dans la forêt de Saint-Dagobert, par le chemin de fonds qui conduit à Bazon ; il avait disposé des hussards de Lauzun sur la route de Mouza à Dun. » (L’Assemblée renvoie cette adresse aux comités des rapports et des recherches réunis.) L'adresse du directoire du district de Montmédy contient 7 procès-verbaux relatifs à l’évasion et à l’arrestation du roi. Elle mande ce qui suit ; « Messieurs, « Un général qui jouissait de la confiance du Corps législatif vient de tromper la confiance publique. Les bruits de la formation d’iio camp près de Montmédy se répandaient depuis quelques jours. M. de Bouillé, accompagné du sieur Klin-gin et de quelques autres officiers, se rend dans la place le sam di 18 juin et le lundi 20 à Stenay. L’opinion commune est qu’il vient reconnaître le pays. Le mémo jour 20, plusieurs régiments de troupes allemand* s se mettent en marche, mais l’idée du rassemolement qui doit s’effectuer dans Montmédy, les ordres donnés par le général pour cuire dans cette ville 18,000 rations de pam, toutes ces circonstances empêchent d’approfondir le mouvement des troupes, et maintiennent la sécurité. « Le même jour lundi 20, vers les 11 heures du soir, M. de Bouillé loge avec les officiers de sa suite, hors des portes de Stenay; donne ordre à un détachement du ci-devant Royal-Allemand, en garnison dans cette vil e, de monter à cheval et de se porter au village distant de trois quarts de lieue. A 3 heures du matin, le reste du régiment, à l’exception des chevaux de remonte et "des recrues, reçoit l’ordre de se réunir au détachement. « La municipalité de Stenay n’est pas avertie du départ de sa garnison, ni du lieu où elle se rend. Cotte ignorance et ce départ subit et nocturne excitent la défiance et l’inquiétude. Cependant un bataillon du 96e régiment, ci-devant Nassau, passe à Montmédy; reçoit, au milieu de la même nuit, par un aide de campdeM.de Bouillé, l’ordre de se rendre à Dun, petite ville sur la Meuse, à 4 lieues de Varennes. Un détachement de chasseurs, ci-devant Champagne, en garnison à Montmédy, part au même instant, et par une autre route, sous les ordres de M. Klin-gin. Plusieurs compagnies de chasseurs partaient aussi de Dun et prenaient la route de Varennes. « Ces mouvements extraoidinaires, pendant la paix, des aides de camp par toutes les routes, rendent l’alarme générale. On court aux armes, les gardes nationales se réunissent et se mettent en marche. Deux heures après on apprend que le roi et la famille royale sont arrêtés àVarennes; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.