271 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, inlra muros.J Art. 20. Qu’on établisse une nouvelle forme de lever la milice, celle qui existe étant vexatoire pour les campagnes. Art. 2i. Qu’on proscrive l’agiotage et les loteries comme contraires aux bonnes mœurs, en ce qu’elles ruinent lepeuple et commandent le crime. Art. 22. Qu’on supprime au moins les petits spectacles de. la capitale, source féconde de toute sorte de corruption. Art. 23. Qu’on supprime les privilèges exclusifs, contraires à l’industrie et au commerce. Art. 24. Qu’il soit formé une commission qui s’occupe promptement du grand objet d’une éducation nationale, seule capable de rétablir les moeurs et les vertus civiles. Art. 25. Qu’on fasse remarquer le vice et l’immoralité des rentes viagères. Art. 26. Qu’il soit pourvu au moyen de conserver l’inviolabilité des lettres confiées à la poste. Tous lesquels articles rédigés par nous, commissaires nommés à cet effet, et soussignés, ont été généralement et unanimement arrrêtés et approuvés par l’assemblée. Signés L’abbé de Balestrier de Canilhac ; Pignol de Saint-Amant, vicaire général de Lescar ; l’abbé deMenardeau, ancien avocat général du parlement de Bretagne ; Gappeau , prêtre ; Grosnier , prêtre Thomas, prêtre. Et par une suite de l’esprit d’union et de charité fraternelle que ledit clergé désire maintenir parmi tous les ordres de l’Etat, MM. Guyot, vicaire général de Cambrai, député électeur de l’assemblée ; de Menardeau ; Pignol de Saint-Amant ; de Balestrier de Canilhac et Gappeau ont été chargés de se transporter, l’assemblée tenant, en celle de Messieurs de la noblesse, formée sur la même paroisse, cloître Saint-Louis, et en celle de Messieurs dutiers, en l’église Saint-Gervais, à l’effet de solliciter leur avis et une discussion plus utile sur les articles ci-dessus, par la réunion des lumières et la conciliation des intérêts respectifs. Lesquelles deux assemblées ayant successivement entendu la lecture, et pris communication desdits articles, les ont unanimement et respectivement adoptés dans tout leur contenu, avec acclamation et mandat spécial à leurs députés électeurs d’en solliciter et acquérir l’admission de tous et chacun, dans les cahiers généraux et particuliers des trois ordres de la ville de Paris. Et incontinent ont été députés, de la part delà noblesse, MM. le comte Dussis, le comte de Saint-Marc, Meunier de Pleignes, de Vouges, Chapentier de Foefelles et de Monthelon; et de la part du tiers, MM. Denis, Petit de la Motte, Legendre et Bellon, à l’effet de notifier à l’assemblée au clergé de la paroisse de Saint-Paul ladite détermination, et aussi de donner communication de leurs cahiers et arrêtés particuliers, lesquels ont obtenu le suffrage général. Le clergé de la paroisse Saint-Louis en l’Ile a aussi député MM. de La Roque, vicaire général de Perpignan ; Pétrement, licencié en théologie de la faculté de Paris ; de Gassius, licencié en théologie, et vicaire de la paroisse, à Saint-Louis en l’Ile, tous trois commissaires rédacteurs des cahiers de leur paroisse, pour communiquer à l’assemblée les articles formant le vœu dudit clergé ; lesquels elle a entendu avec applaudissement, et à l’effet de témoigner la même confiance, et de former un accord des mêmes sentiments , MM. Gappeau , Merle, archiprêtre de Tours, et Le Tellier de Bro-thonne, ont été nommés pour porter au clergé de Saint-Louis lesremercîmenls et les vœux de l’assemblée. Fait et arrêté les jour et an que dessus, avec toutes protestations de droit, tant sur l’illégalité et l’insuffisance de ladite convocation, que sur celles de la représentation à l’assemblée générale des trois ordres. Bossu, curé de Saint-Paul, prédicateur du Roi, censeur royal, et président de l’assemblée. Par mandement de l'assemblée : Dieulouard, vicaire de la paroisse Saint-Paul, secrétaire de l’Assemblée, et député électeur. CAHIER Des citoyens nobles de la ville de Paris (1). Députés. Le comte de Clermont-Tonnerre. Duc de la Rochefoucauld. Comte de Lally-Tollendal. Comte de Rocnechouart. Comte de Lusignhem. Dionis Du Séjour. Duc d’Orléans. Duport. De Saint-Fargeau. Premier président de Nicolaï. M. de Nicolaï et M. le duc d'Orléans n'ayant pas pu accepter , ont été remplacés par M. le comte de Alirepoix et M. le marquis de Montesquiou-Fezensac. L’assemblée des électeurs représentant tous les citoyens nobles de Paris, avant de procéder à la nomination des députés qu’elle doit envoyer aux Etats généraux , et avant de s’occuper de ce qu’elle doit leur prescrire, a arrêté que les pouvoirs de ces députés ne dureraient qu’une année. Le vœu des citoyens nobles de Paris est que l'on opine par ordre aux Etats généraux ; que sur cette question même, les Etats ne délibèrent que par ordre; et si une décision contraire à ce vœu prévalait dans l’ordre de la noblesse, les députés demanderont acte de ce qu’ils sont restés dans la minorité : et cependant les Etats généraux aviseront dans leur sagesse aux moyens d’empêcher que le veto d’un des ordres ne puisse s’opposer à la confection des lois qui intéresseront lebonheur général de la nation. L’assemblée, après avoir lu, extrait et comparé tous les cahiers fournis par les vingt départements de la noblesse, a cru devoir diviser en deux parties celui qu’elle doit remettre aux députés. Dans la première, elle comprendra , sous le ti tre de cahier général , les demandes qui intéres sent toute la nation, et parmi ces demandes elle distinguera les articles impératifs d’avec ceux de pure instruction. Dans la seconde, qui sera intitulée cahier particulier, elle s’occupera de ce qui intéresse spécialement la ville de Paris. CAHIER GÉNÉRAL. ARTICLES IMPÉRATIFS. Constitution. Les députés demanderont avant tout qu’il soit fait une déclaration explicite des droits qui appartiennent à tous les hommes, et qu’elle constate leur liberté, leur propriété, leur sûreté. Immédiatement après celte déclaration, ils demanderont qu’il demeure reconnu comme pre-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé delà Bibliothèque d u, Corps législatif . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 272 mier principe de la constitution, que le trône est héréditaire dans l’auguste maison régnante, de mâle en mâle, suivant l’ordre de primogéni-ture, et à l’exclusion des femmes et de la ligne féminine. (Les Etats généraux décideront la manière de déférer la régence dans les cas où elle devra avoir lieu.) Ils demanderont ensuite qu’il soit statué : Que les lois ne pourront être faites que par le concours des Etats généraux et du Roi. Que le pouvoir exécutif appartient tout entier au Roi seul. Que la liberté individuelle sera assurée par une loi contre toutes les atteintes arbitraires. Que la presse sera libre, et qu’une loi particulière définira clairement et avec précision quels seront les délits en pareille matière, et par quelles peines ils seront réprimés et punis. Que la propriété sera sacrée ; qu’aucune portion ne pourra en être détachée que pour l’utilité publique, et ce, moyennant une indemnité complète, fixée contradictoirement, et préalablement acquittée. Que les Etats généraux seuls pourront accorder les subsides, en déterminer la nature, la modicité, la durée; qu’aucun emprunt ne sera ni ouvert ni étendu ; qu’aucune création d’offices, aucune levée de deniers ne sera faite sans leur consentement. Que les subsides accordés sont répartis dans une égalité entière et proportionnelle, dans la môme forme, et sous la même dénomination entre les citoyens de tous les ordres et de toutes les classes, la noblesse ne se réservant que ses privilèges honorifiques. Qu’il ne sera fait aucun changement dans les monnaies sans le consentement des Etats généraux. Que les Etats généraux seront périodiques, et convoqués tous les trois ans au plus tard, et que jamais les subsides ne pourront être accordés que pour le temps qui s’écoulera d’une tenue d’Etats à l’autre. Que la responsabilité des ministres et de tous les dépositaires de pouvoirs sera établie par une loi constitutionnelle, qui fixera d’une manière invariable le cas et le mode légal de cette responsabilité. Que les juges seront de nouveau déclarés inamovibles; qu’aucun citoyen ne pourra jamais être soustrait sous aucun prétexte à ses juges naturels, soit en matière civile, soit en matière criminelle, et que le cours de la justice ne sera jamais interrompu. Qu’il sera établi, dans les provinces qui n’ont pas d’Etats particuliers, des Etats provinciaux formés de membres librement élus et pour un temps limité, lesquels, sans aucun pouvoir ni pour le consentement des impôts, seront chargés uniquement et exclusivement d’asseoir, lever, verser tous les subsides, ainsi que toutes les parties d’administration de leurs provinces, et ne pourront jamais être ni l’élément ni le supplément des Etats généraux, auxquels iis seront subordonnés. Que dans aucun temps les représentants de la nation ne pourront être soumis, pour raison de ce qu’ils auront dit ou écrit aux Etats généraux, qu’à la police intérieure qui aura été établie par les Etats eux-mêmes; et que pendant le temps de la tenue de ces Etats, la personne des représentants sera inviolable dans les cas et suivant le mode qui seront fixés par les Etats généraux. Que toutes les lois qui auront été faites pen-[Paris, intra muros.] dant une tenue d’Etats, seront promulguées, publiées et déposées, les Etats tenant. Tels sont les droits sacrés dont les députés n’abandonneront jamais la défense ; et jusqu’à ce que ces droits aient été reconnus et confirmés par des lois positives, telles que l’assemblée nationale voudra les régler, ils ne pourront consentir aucuns subsides ni aucun emprunt. INSTRUCTIONS. Les citoyens nobles de la ville de Paris désirent : Subsides , dettes. — Que les Etats généraux ayant toujours dû être seuls compétents pour octroyer les subsides, déclarent tous ceux qui existent aujourd’hui supprimés de droit ; que néanmoins ils les rétablissent à l’instant pour le temps de leur tenue seulement, alin qu’aucune dépense nécessaire ne reste suspendue, et que, passé cette époque, il soit enjoint aux tribunaux de poursuivre comme concussionnaire quiconque percevrait des subsides non consentis par les Etats généraux. Que les Etats généraux, au moment de leur ouverture, annoncent, par une proclamation qui sera publiée sur-le-champ, qu’il va être procédé incontinent à recevoir Ta déclaration de la dette publique, à la vérifier, à en constater le montant, et qu’aussitôt que les lois constitutionnelles se-rout établies et promulguées, ils reconnaîtront cette dette, la constitueront dette nationale, et pourvoiront, tant au payement des arrérages qu’aux remboursements successifs des capitaux. Que la dette une fois vérifiée et reconnue, il soit affecté pour son acquittement un subside qui durera autant que la dette, qui diminuera graduellement et s’éteindra entièrement avec elle. Que la destination de ce subside ne puisse jamais être changée ni dénaturée, et que les fonds qui en proviendront soient versés directement dans une ou plusieurs caisses nationales, dont l’administration restera entre les mains de ceux que les Etats généraux auront commis à cet effet. Que les sommes qui doivent être allouées à chaque département soient arrêtées et fixées en raison des besoins qui auront été examinés et reconnus. Que, quant aux dépenses de la maison du Roi, Sa Majesté soit suppliée de les régler elle seule, avec l’économie nécessaire et la dignité convenable. Que les subsides qui seront affectés à ces départements respectifs ne puissent, en aucune circonstance, être distraits de leur destination ; qu’ils soient soumis pour la durée et pour l’étendue à la limitation fixée par les Etats généraux, et qu’ils soient versés directement au trésor royal. Que les Etats généraux s’occupent d’accélérer la comptabilité, et d’en assurer et simplifier les règles. Que les états et les comptes des différents départements, ainsi que ceux de la caisse ou des caisses nationales, soient rendus publics, tous les ans, par la voie de l’impression. Que tout ordonnateur soit comptable aux Etats généraux, et qu’aucun acquit comptant ne soit admis dans les comptes. Qu’indépendamment de la publication des comptes de chaque département, entre lesquels les diverses gratifications et pensions accordées dans l’année se trouveront séparément énoncées, il soit également rendu public, par la voie de l’impression, et tous les ans, un état général et nominatif de toutes ces pensions réunies, de ceux qui les auront obtenues, et des motifs qui les auront fait accorder. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.J 273 Que l’état nominatif de toutes les pensions actuelles soit imprimé et publié. Que tous les emplois civils et militaires , jugés inutiles, soient supprimés ; que les remboursements compris dans la dette nationale soient acquittés de préférence , et que les traitements des emplois conservés soient fixés à un taux convenable. Que l’on cherche le moyen de faire supporter aux capitalistes une imposition proportionnelle. Que le droit de franc-fief soit supprimé. Que les loteries françaises et le bureaux de loteries étrangères soient supprimés. Qu’enfin l’assemblée de la nation s’occupe de supprimer cette foule d’impôts désastreux, tels que les aides, la gabelle, le droit de contrôle des actes, le droit d’échange et autres qui, soit par eux-mêmes, soit par le mode de leur perception, écrasent le contribuable, et qu’ils soient remplacés par des subsides justes, faciles à percevoir, moins onéreux et plus productifs. Qu’avant cette conversion et ce nouvel ordre de choses, les Etats généraux constatent le déficit actuel, qu’ils remontent à sa source, qu’ils en examinent les causes, qu’ils permettent, et même qu’ils enjoignent à tous ceux à qui on l’impute particulièrement, et à tous autres administrateurs dont la conduite leur paraîtrait intéressante à examiner, de venir rendre compte. Administration. — Que des commissaires nommés par les Etats généraux soient autorisés à faire une visite exacte de tous les lieux de détention, pour connaître toutes les victimes du pouvoir arbitraire qui pourraient encore y être renfermées. Que le Roi soit supplié de vouloir bien ordonner la démolition de la Bastille. Que l’administration secrète de la poste soit supprimée, et que l’inviolabilité des lettres soit assurée par tous les moyens possibles. Que toutes les fonctions d’administration , confiées jusqu’ici aux intendants, soient attribuées désormais exclusivement aux Etats provinciaux, formés d’après la circonscription qui sera réglée par les Etats généraux. Que dans chaque circonscription il soit établi des assemblées de district , formées sur les mômes principes que les Etats provinciaux, et qui leur seront subordonnées. Qu’enlin sous des assemblées de district, se forment des assemblées des communautés, qui correspondent aux asssemblées de district, et qui soient librement élues comme elles. Que les Etats généraux s’occupent des moyens d’affecter aux dépenses de chaque province les sommes provenantes de ses subsides, et que la seule partie de subsides qui excédera ces dépenses, sorte de la province. Que l’administration des villes soit confiée à des officiers municipaux qu’elles auront librement élus. Que le domaine soit déclaré inaliénable ; que tout autre domaine que les forêts puisse être vendu quand il aura été porté à sa juste valeur ; que les forêts soient encore conservées, et que la vente des uns et l’administration de tous soient confiées aux Etats provinciaux. Que les principes soient fixés sur le commerce des grains. Que les biens des maisons religieuses qui sont ou seraient supprimées, ceux des prieurés ou des menses d’abbayes commendataires, au moment de leur vacance, soient appliqués, sauf les droits des fondateurs, à la dotation des hôpitaux, à l'entretien des collèges, aux constructions et réparais Série, T. V. tions des églises et presbytères et autres fondations pieuses, pour remplacer les impôts et octrois qui sont aujourd’hui consacrés à les soutenir. Que les Etats généraux examinent la question des annates et des droits de dispense en cour de Rome. Que les Etats provinciaux cherchent tous les moyens d’éteindre la mendicité, et de laprévenir en procurant du travail. Qu’en conséquence, et pour que tant de jours ne soient pas enlevés au travail, le nombre des fêtes soit réduit le plus qu’il sera possible. Que toute distinction qui pourrait donner à quelques familles des droits ou un rang que n’aurait pas la noblesse française , soit anéantie, les citoyens nobles de la ville de Paris ne reconnaissant à aucune famille le droit de prince étranger. Que le Roi soit supplié de prendre en grandecou-sidération l’abus des survivances. Que les Etats généraux fixent leur attention et leur intérêt sur la noblesse pauvre, qui a si peu de moyens et de ressources pour subsister et pour élever et placer ses enfants. Qu’aucun emploi, qu’aucune profession n’emporte la dérogeance, sauf les exceptions que pourront faire les Etats généraux. Que la noblesse ne s’acquierre plus à prix d’argent; que les anoblissements ne soient désormais que la récompense ou de services importants ou de vertus éclatantes, et que le Roi fasse proclamer, dans les Etats généraux, les noms de ceux auxquels il aura conféré la noblesse. Que les Etats généraux prennent en considération l’édit de novembre 1787 concernant les non catholiques, et s’occupent de la porter à toute la perfection dont il est susceptible. Que la régie établie sous le nom de régie des biens de religionnaires fugitifs soit supprimée; que ces biens soient restitués à leurs vrais propriétaires, et que le compte de cette régie qui n’a jamais été rendu à personne le soit aux Etats généraux. Que les Etats généraux s’occupent de la question des mariages mixtes. Qu’ils abolissent entièrement la signature du formulaire, qui a produit près de cent mille lettres de cachet. Qu’ils prennent en considération le sort des juifs. Que le rétablissement des mœurs publiques soit un des objets de leur attention. Que l’éducation publique soit perfectionnée ; qu’elle soit étendue à toutes les classes de citoyens; qu’il soit rédigé pour tout le royaume unlivre élémentaire, contenant sommairement les points principaux de la constitution ; qu’il serve partout à l’éducation de la jeunesse, à la première instruction de l’enfance, et que les Français apprennent, en naissant, à connaître, à respecter et à chérir leurs lois. Qu’il soit institué une fête nationale, pour perpétuer à jamais le souvenir du jour où sera signée la charte sur laquelle vont être fondés, hors de toute atteinte, les droits, le bonheur et la confiance réciproques du monarque et de la nation. Justice. — Que les Etats généraux forment une commission pour s’occuper, sous leur inspection, de réformer les lois civiles, criminelles et de police. Que la justice civile soit moins dispendieuse et plus prompte. Que surtout la publicité de la procédure criminelle soit établie, et que dès cet intant, un juge seul, quel qu’il soit, ne puisse placer ni lancer un décret, ni recevoir une déposition. 18 374 (États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra mures.] Qu’en laissant à l’accusateur tous les moyens de conviction, on assure à l’accusé tous les moyens de défense, et à l’innocent tous les moyens de réparation, et que, dès cet instant, il soit donné un conseil à tout accusé. Que la caution soit admise dans tous les cas où elle sera jugée possible, et que ces cas soient déterminés par une loi. Que les prisons, qui renferment quelquefois l’innocent avec le coupable, et qui renferment toujours des hommes, ne soient pas un supplice anticipé par leur construction, leur insalubrité et leur régime vexatoire ; qu’il n’y ait pas un seul cachot. Que tous les juges, même les cours souveraines, soient tenus de motiver leurs arrêts en matière criminelle. Que la confiscation des biens, qui punit toute une famille pour le crime d’un seul, ne soit plus prononcé. Que la peine de mort soit rendue plus rare; qu’elle se borne uniquement à la privation de la vie, et que tous ces supplices, stérilement barbares, qui répugnent aux mœurs d’une nation si douce, et qui ont. la funeste conséquence de détourner l’horreur du crime par la pitié qu’inspire le coupable, soient à jamais proscrits. Que l’effet des lettres d’abolition accordées au chevalier d’Etalonde soit étendu jusqu’à la mémoire du chevalier de La Bare. Que tous les tribunaux d’exception soient abolis. Que les capitaineries soient supprimées, comme attentatoires à la propriété, et nuisibles à l’agriculture; qu’il soit fait au code des chasses tous les changements nécessaires pour rendre ses dispositions compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la sûreté des citoyens, et que la connaissance des délits y relatifs soit portée par-devan t les juges ordinaires. A griculture; commerce. — Que tous les arrêts de surséance, lettres d’Etat, sauf-conduits, etc., soient supprimés. Que l’agriculture et te commerce soient libres ; que l’on supprime toute entrave mise à l’industrie et au libre exercice que tout homme doit avoir de ses facultés. Que toutes les traites soient abolies dans l’intérieur du royaume. Qu’on s’occupe des moyens de parvenir à l’uniformité de poids et de mesures. Que le prêt à terme portant intérêt soit autorisé par la loi. Armée. — Qu’il soit donné à l’armée une constitution digne de l’esprit national. Que les coups de plat de sabre soient supprimés. Que les Etats généraux délibèrent sur les moyens de concilier les devoirs du service militaire avec les devoirs de citoyen, et la nécessité et la subordination avec les droits de la liberté. Que l’honneur et l’état des militaires soient à l’abri des atteintes arbraires. Que M. le comte de Moreton-Ghabrîllant obtienne un jugement qu’il réclame depuis si longtemps; qu’il soit aussi donné des juges à M. le chevalier de La Devèze. CAHIER PARTICULIER. L’assemblée générale des électeurs, représentant tous les citoyens nobles de la ville de Paris, tant au nom de leurs commettants qu’en leur propre et privé nom, proteste solennellement contre le règlement et les ordonnances en vertu desquelles s’est faite la convocation intérieure de Paris. Elle déclare que si elle n’eût pas regardé comme Une espèce de crime public de retarder les Etats généraux, elle n’aurait pu consentir à exécuter ce règlement, et qu’elle ne cessera jamais de réclamer : 1° Pour le droit de la commune anéanti par la séparation des trois ordres ; 2° Pour le droit de la noblesse, qui, dès qu’on l’assemblait séparément, ne devait pas subir plus de réduction que les nobles de toutes les autres parties du royaume, mais surtout devait, comme eux, transmettre immédiatement ses vœux et envoyer directement ses députés à rassemblée de la'nation ; 3° Pour la liberté d’élections, altérée par les formes du règlement, qui ont soumis ces premières élections à des circonscriptions arbitraires. L’assemblée charge expressément ses députés de porter cette protestation aux Etats généraux. Elle les charge non moins expressément d’y porter le vœu unanime qu’elle a déjà manifesté, mais qu’elle se plaît à répéter, pour la suppression des impôts distinctifs, et leur conversion en subsides communs, répartis également, proportionnellement, dans la même forme et sous la même dénomination, entre les citoyens de tous les ordres et de toutes les classes. L’assemblée a examiné, avec une attention scrupuleuse, les demandes, les mémoires, les objets gui intéressaient particulièrement la ville de Paris. En comparant l’immensité de ces objets avec le peu d’instants qu’elle aurait pour s’en occuper, elle a reconnu qu’elle ne pourrait jamais obtenir du travail le plus forcé qu’un résultat extrêmement incomplet qui ne devant pas être acheté par le délai de la nomination de ses députés aux Etats généraux déjà ouverts, et qu’il nuirait à la chose même; que c’était compromettre les intérêts de la ville de Paris, que de ne pas les défendre comme ils doivent être défendus ; et qu’il valait mieux ne pas parler d’un détail, quelque important qu'il fût, que de risquer d’en omettre un autre peut-être plus important encore. L’assemblée a trouvé dans les diverses instructions fournies par les départements un plan qui lui a présenté une grande idée , qui n’entraîne aucun détail pour l’instant, qui les comprend tous pour l’avenir, et qui est le remède le plus efficace, peut-être le seul, à l’impuissance forcée où elle se trouve de s’occuper, comme elle le voudrait, d’intérêts si chers et si dignes de son attention. En conséquence, elle charge ses députés aux Etats généraux de demander : 1° Que les quarante députés qui vont y être envoyés par la ville de Paris soient autorisés à s’assembler entre eux, dans l’intervalle des séances successives des Etats, pour dresser les cahiers de la1 ville. 2° Que lesdits quarante députés, constamment réunis à cet effet, soient impérativement chargés de se procurer tous les renseignements nécessaires à la formation d’un corps municipal vraiment constitutionnel et librement élu dans toutes les classes de citoyens, auquel puissent être restituées toutes les parties de l’administration qui n’auraient jamais dû en être séparées, notamment la généralité des fonctions administratives de la police, fonctions également importantes parle nombre des avantages qu’elles procurent et des abus qu’elles entraînent. 3° Que l’assemblé nationale, quand elle aura réglé les grands intérêts du royaume, statue sur le rapport qui* lui sera fait par les quarante dé- [États'gén. 1789. Cahiers.] pUtés, et que la villê de Paris, où se concentre la trentième partie de la population totale du royaume, et peut-être la sixième partie de sa richesse et de sa puissance, ait enfin une municipalité digne d’elle, une représentation constitutionnelle, d’où résulteront nécessairement et la reconnaissance exacte et la réforme complète des innombrables abus dont elle a lieu de se plaindre. Plusieurs membres de cette assemblée, ayant remis à MM. les commissaires des mémoires aussi remarquables par le patriotisme que par l’étendue de connaissances qui les caractérissent, et dont ils ont regretté que le temps ne leur permit pas de faire usage , l’assemblée à ordonné, sur leur rapport, que ces mémoires seraient, joints au cahier comme instruction ; elle a autorisé ses députés à les présenter aux Etats généraux, et a demandé même que leurs auteurs fussent admis à les discuter en présence des Etats. L’assemblée, en terminant son travail, a été ramenée à former encore quelques vœux qui intéressent la prospérité générale du royaume, et à en exprimer un, dicté par l’intérêt de l’humanité, et autorisé par l’exemple de plusieurs grandes nations. Elle désire : Que les Etats actuels règlent la convocation, la composition et l’organisation future des assemblées nationales. Que les délibérations des Etats généraux soient publiques, et qu’il en soit dressé un journal authentique, qui sera imprimé et publié chaque jour. Que les colonies françaises soient réputées désormais provinces de France, soustraites au pouvoir arbitraire du département de la marine, assimilées aux autres provinces, et participantes comme elles à tous les avanîanges qu’elles doivent attendre de lois constitutionnelles. Que ces nouvelles provinces soient convenablement représentées aux Etats généraux. Que quand leurs députés y seront admis, et non avant, les Etats généraux s’occupent des moyens d’améliorer le sort des noirs. Enfin, les citoyens nobles de Paris, après avoir arrêté impérativement les bases sur lesquelles ils désirent que soit établie la constitution; après avoir rassemblé dans leurs instructions les demandes les plus importantes qu’ils croient devoir soumettre à l’assemblée nationale; sûrs de la fidélité de leurs députés, et n’ayant rien à leur rappeler à cet égard* leur recommandent seulement de modérer leur zèle pour le rendre fructueux, et ne pas compromettre le bien en voulant le faire trop précipitamment. Qu’ils respectent tous lés principes ; qu’ils concilient tous les devoirs ; qu’ils songent que les vues les plus pures ont besoin d’être secondées par des mesures sages; et que le désir séduisant de réparer de longs désordres et de créer la félicité générale, ne les entraîne pas à vouloir trop de changements à la fois, et à ébranler l’édifice social, sans être encore assurés, ni des moyens, ni de l’opinion générale, nécessaires au succès de toutes leurs opérations. Arrêté dans l’assemblée des citoyens nobles de la ville de Paris, tenue à l’arclievêclié, le dimanche 10 mai 1789. Commissaires : Signé Le duc de La Rochefoucauld ; Huguet de Semonville ; le marquis de Condorcet ; le marquis de Lusignhem ; de Laclos ; le comte de Roche-chouart; Ferrant; le comte d’Espinchal; le marquis de Montesquiou-Fezensac ; Nicolaï, premier président de la chambre des comptes ; Du Port; fe comte de Riccé. 275 Stanislas, comte de Clermont-Tonnerre, président. Duval d’Esprémesnil, premier secrétaire. Le comte de Lally-Tollendal, second secrétaire. CAHIER ET INSTRUCTIONS De .Messieurs de la noblesse du premier département séant au Châtelet , remis à MM. les représentants dudit département , en la personne de M. le marquis DE BOULAINVILLIERS. ASSEMBLÉE PARTIELLE DE LA NOBLESSE DU PREMIER DÉPARTEMENT, RÉUNIE AU CHATELET (1). M. le comte de Cbabrillant, représentant Monsieur, pour le fief du Luxembourg. M. le comte de Bourbon-Busset, représentant Monseigneur comte d’Artois, pour le fief de la Pépinière. M. le marquis de Champigny, pour le fief de la TrémôUille. M. Du Tremblay de Rubelle, pour le fief de la Grosse, dit Saint-Yon. ÉLECTEURS. MM. le marquis de Boullainvilliers, président. Duval d’Espreménil, conseiller au parlement. Perrot, président de la chambre des comptes. Boucher d’Argis, conseiller au châtelet. L’Héritier, conseiller à la cour des aides. Marchais, auditeur des comptes. le marquis Turgot, officier aux gardes françaises. le comte de Coubert. Hémant, maître des comptes. d’Avesne de Fontaine, correcteur des comptes. Du Tremblay de Saint-Yon, auditeur des comptes. de Vins de Fontenay, conseiller au parlement. Boulât de Colombiers, conseiller au parlement. Fagnier deMardeuil, conseiller au parlement. le chevalier Aubert du Petit-Thouars. Perrot, président de la cour des aides. Gallois, auditeur des comptes. de Hémant père, maître des comptes. Daniel, chevalier de Boisdenemets, lieutenant des vaisseaux du Roi. le chevalier Montret de Régnât. Chassepot de Beaumont. Silvy. de Leris. Marchais père, correcteur des comptes. de Santeuil, greffier des dépôts du parlement. Gosseron, avocat au parlement. Martin, trésorier de France. Gailliet de Bonfret, président de la cour des monnaies. Touvenot de Caillois. Marchais de Villeneuve, avocat au parlement. Huart-üuparc. de Ruël de Belle-Isle, capitaine de cavalerie. Baudin de la Ghesnaye. Mercier de la Rivière. Colin, secrétaire du Roi. . Moreau d’Esclainvilliers. Gillet, avocat au parlement. Le chevalier de Gillon de Millevoye. Desprez, secrétaire du Roi. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la bibliothèque du corps législatif. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.]