598 [Convention nationale.] L'orateur de la députation. Les artistes de la musique de la garde nationale parisienne, dont la réunion et le nombre présentent un ensemble de talents unique dans l’Europe, viennent solli¬ citer de votre amour pour tout ce qui peut con¬ tribuer à la gloire de la République, l’établisse¬ ment d’un institut national de musique. L’inté¬ rêt public, lié à celui des arts, doit vous faire sentir toute l’utilité de leur demande. C’est une justice due à leur civisme autant qu’à leur huma¬ nité. Ces artistes, depuis dix mois, ont consacré leurs soins et leurs talents à former de jeunes enfants pris parmi les citoyens les plus pauvres de chaque section. Chénier. On sait combien jusqu’à présent la musique nationale s’est distinguée dans la révolution ; on sait quelle a été l’influence de la musique sur les patriotes, à Paris, dans les dépar¬ tements, aux frontières. Je demande donc qu’on décrète le principe qu’il y aura un institut natio¬ nal de musique, à Paris, et que la Convention charge le comité d’instruction publique des moyens d’exécution. (On applaudit.) Cette proposition est décrétée. Un des musiciens (1). Les citoyens qui vous ont parlé avant moi vous ont dit que la musique de la garde nationale était un établissement uni¬ que en Europe, ils ne vous ont rien exagéré. Nous vous inviterons à venir, le jour de repos de la 3e décade, entendre parmi nous une exécution de musique. Vous entendrez 24 solos d’instru¬ ments à vent ; vous entendrez les élèves que nous avons formés depuis dix mois. Nous défions la République de dire qu’un seul musicien ait fait un acte incivique depuis la révolution. Nous fûmes persécutés par l’état-major de la garde nationale, parce que nous avions assisté à la fête de Châteauvieux ; nous fûmes obligés de prendre des habits de couleur pour y aller. En montant la garde au château des Tuileries, on nous demandait des airs qui satisfissent l’ aristo¬ cratie royale ; un jour Lafayette, se promenant avec le ci-devant roi, nous engagea à jouer l’air : Où peut-on être mieux, etc. Les musiciens s’y refusèrent et jouèrent l’air, çàira. (On applau¬ dit.) Nous allons vous exécuter l’hymne com¬ posée par Chénier, et mise en musique par le Tyrtée de la révolution, le citoyen Grossec, qui nous accompagne. (On applaudit.) La musique exécute cet hymne, aux applau¬ dissements des députés et des spectateurs. Le même orateur. Nos élèves demandent aussi à être entendus. Nos despotes, qui ne savaient pas tirer parti du génie français, allaient chercher des artistes chez les Allemands. Il faut sous le règne de la liberté que ce soit parmi les Français qu’on les trouve (On applaudit.) Les élèves de la musique exécutent une sym¬ phonie et l’air ça ira. (Les applaudissements re¬ commencent.) (1) Ce musicien est Sarrette. Il avait été fondé, vers la fin de 1792, une école de musique instrumen¬ ts le, placée sous la direction de Sarrette et chargée de former des musiciens pour la garde nationale. Cette école comptait 120 élèves, qui avaient été pré¬ sentés par les 60 bataillons de la garde nationale parisienne. L’enseignement y était donné par des artistes du corps de musique de la garde nationale. (J. Guillaume i Procès-verbaux du comité d'instruc¬ tion publique de la Convention nationalet t. II, p. 800.) 18 brumaire an If 8 novembre 1793 &*”« Sur la proposition d’un membre du comité de liquidation, qui a fait lecture d’une lettre du citoyen Salfe, notaire à Golîeeh, département de Lot-et-Garonne, qui abandonne à la pairie le remboursement de son office de notaire; « La Convention nationale décrète mention honorable du don et l’insertion de la lettre au « Bulletin », et renvoie l’original de la lettre au commissaire-liquidateur, pour que l’office ne soit pas compris dans le décret à rendre sur la liqui¬ dation des offices de notaires (1). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de Salut public [Barère, rapporteur (2)], décrète que tout ci¬ toyen qui s’opposera à l’exécution des réquisi¬ tions ou arrêtés faits par le comité de Salut public pour la fabrication des armes, sera mis en état d’arrestation, traduit au tribunal criminel du département et puni de deux ans de fers (3). » Compte rendu du Moniteur universel (4). Barère, au nom du comité de] Salut public. Citoyens, au moment où vous venez d’applaudir au patriotisme des bataillons de première réqui¬ sition qui volent aux frontières, on peut dire que les armes sont à l’ordre du jour. L’Administra¬ tion centrale vous a offert ses premiers travaux, vous les avez déposés dans le temple des lois, et cet honorable encouragement a centuplé le zèle des ouvriers employés à cette nécessaire fabrica¬ tion. C’est un des plus beaux spectacles que l’indus¬ trie humaine puisse offrir à la liberté que les (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 87. Cet article a déjà été inséré au procès-verbal de la précédente séance. Voy. plus haut, p. 577. (2) D’après les divers journaux de l’époque. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 87. (4) ? Moniteur universel [n° 50 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 203, col. 2], D’autre part, le Mercure universel (19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 143, col. 2] rend compte du rapport de Barère dans les termes suivants i « Barère. L’Administration générale des armes, qui doit donner 1,200 à 1,500 fusils, par jour, pré¬ sente le spectacle le plus intéressant. L’on voit, dans un seul atelier, 300 à 400 ouvriers forgeant des armes contre les despotes et chantant Y Hymne de la liberté. (Applaudissements.) Nous avons été obligés de requérir des horlogers, des tourneurs, des ouvriers de toutes les classes et, pour éviter les abus, nous avons voulu que tout citoyen employé dans ces manufactures fût porteur d’un acte du comité. « Nous avons pris sur cet objet un arrêté (Barère en donne lecture). L’on a mis en arrestation des citoyens requis dans plusieurs sections; l’on ne de¬ vait pas méconnaître les pouvoirs du comité et [l’on devait] lui donner connaissance des motifs d’arres¬ tation; mais on savait bien que c’était un des moyens de retarder la confection des armes, et les malveillants se sont servis de ce moyen. Le comité a été obligé de faire mettre en arrestation ceux mêmes qui avaient contrarié les ordres du comité de Salut public; il vous propose de décréter ce qui suit ; « La Convention nationale décrète que tout ci¬ toyen qui s’opposerait à l’exécution des ordres de son comité de Salut public ou de ses arrêtés, sera mis sur-le-champ en arrestation, exclu du départe¬ ment et condamné à deux années de fers. (Décrété.) » ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j