26 (Convention nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES-j g* décembre ’ 1793 rieusoment à raffermir but des bases inébran¬ lables, lorsqu’elle fit partir une colonie de citoyens-soldats qui, réunis à leurs frères d’armes de cette commune et de tous les dépar¬ tements, renversèrent dans un clin d’œil le tyran et le sceptre qu’il avait usurpé. De vils ambitieux, de perfides mandataires du peuple sortis de votre commune, ies Rebec-qui, les Barbaroux, ont voulu vous faire perdre tout l’honneur de cette première victoire; ils ont cherché, pendant quelque temps d’erreur sans doute, à relever de vos propres mains un trône que vous aviez abattu. Sans le généreux dévoue¬ ment de la onzième section de Marseille, soute¬ nue par quelques bons citoyens de votre com¬ mune, dont vous êtes dans ce moment les organes, ses portes auraient été fermées aux troupes de la République, l’autorité de la Con¬ vention méconnue dans cette circonstance, eût exigé que la souveraineté du peuple qu’elle représente fût vengée à Marseille comme on la venge à Commune-Affranchie, et comme on ne tardera pas do la venger dans l’infâme Toulon. Que le reste du peuple de Marseille se rallie à la onzième section ; qu’il marche contre les rebelles de Toulon; qu’il les combatte, et qu’il en triomphe : à ce prix, la Convention rappellera le souvenir des anciens exploits civiques de votre commune; elle proclamera dans la Répu¬ blique entière que les enfants de Marseille sont encore dignes de servir la patrie, et de marcher sur les traces des communes qui n’en ont jamais démérité. La Convention nationale se fera rendre compte de votre pétition; elle pèsera dans sa sagesse les réclamations qui en sont l’objet; elle vous accorde les honneurs de la séance. Extrait du procès -verbal de la Convention natio¬ nale du 30 frimaire, Van II de la République française, une et indivisible. Des citoyens do Marseille présentent à Ja barre une pétition de la onzième section de cette ville. Un membre demande l’impression de leur pétition, des pièces à l’appui, de la réponse du président, et le renvoi aux comités de Salut public et de sûreté générale réunis. Cette proposition est décrétée. Visé par l’inspecteur. Signé : S.-T. Monnel. Collationné à l’original, par nous, secré¬ taires de la Convention, à Paris, le 3 nivôse de l’an II de la République. Signé : A.-B. Thibaudeau, Perrin. EXPOSÉ de la conduite de la section nQ II de Marseille. A la Convention nationale. « Représentants, « Vous connaissez la cause de nos maux, vous savez qu’ils naquirent des divisions et des défiances que la faction scélérate qui dominait au milieu de vous avait semées parmi les pa¬ triotes et sur toute la surface de la République; vous savez comment l’aristocratie, d’autant plu? afircite qu’elle connaissait mieux le carac¬ tère indépendant des Marseillais, et d’autant plus furieux qu’elle avait été plus longtemps comprimée, s’empara enfin de tops les pouvoirs. Déjà les représentants Moyse, Bayle et Boisset vous ont présenté ce tableau; et c’est ici le moment où tous les patriotes doivent exprimer le regret d’avoir négligé les avis qu’ils leur don¬ nèrent et les renseignemeots qu’ils leur four¬ nirent sur la véritable situation de Paris et de la Convention nationale. « Cependant, je ne puis me dispenser de faire une observation qui caractérise toujours mieux le véritable mais trop crédule Marseillais; c’est que ce ne fut que par son horreur même pour la royauté, que les partisans des rois parvinrent à l’égarer. « Ce fut au moment où les ennemis de la patrie voulurent porter une main criminelle sur la société républicaine, que la section Onze commença à manifester hautement son indigna¬ tion, et à opposer une résistance déclarée aux tentatives de l’aristocratie. Cette résistance lui en imposa même pendant quelque temps; mais bientôt, fière du triomphe qu’elle avait obtenu sur les malheureux patriotes de Lyon, et se pro¬ mettant sans doute de se baigner aussi dans notre sang, elle profita de la nuit pour faire de nouveau passer dans les sections des pétitions ayant pour but la destruction du club. Notre section, ainsi que la section 9, n’y prirent aucune part; aussi le lendemain, des commissaires de toutes les autres sections se portèrent-ils dans leur sein pour leur arracher leur adhésion. Ces commissaires n’ayant trouvé personne dans le lieu des séanoes de la section Onze, envoyèrent chercher son président, qui leur , déclara avec énergie que les braves sans-culottes qui l’avaient honoré de leur confiance, ne voulaient point prendre part à cet attentat-« La Société républicaine fut donc entourée, le temple de la liberté profané, les bustes de Rousseau, Voltaire et Brutus foulés aux pieds, et les emblèmes de la liberté promenés au milieu d’une pompe funèbre dans les princi¬ pales rues de la ville. Ce n’était point assez; il fallait soulever tous les esprits contre les membres qui composaient cette Société : aussi les bruits les plus extravagants furent-ils répan¬ dus. On avait, disait-on, trouvé 5,000 fusils, des canons chargés à mitraille; et le poignard sus¬ pendu au buste de Brutus, fut présenté au peuple comme le modèle de ceux avec lesquels on devait l’assassiner. « Cependant les patriotes du 10 août ne pou¬ vaient contenir leur indignation de ce que leur drapeau souillé par des mains impures avait figuré au milieu de cette cérémonie dérisoire, et se trouvait placé dans le lieu des séances du comité contre-révolutionnaire des sections. Us s’assemblèrent donc peu de jours après pour l’en arracher et le transporter à la maison com¬ mune. Cette translation s’exécuta avec pompe; la municipalité elle-même marcha à la tête de la cérémonie; des chansons patriotiques firent retentir les airs, et les patriotes, par leur réunion, firent renaître encore un beau jour pour Mar¬ seille; mais les scélérats ne voulurent point nous le laisser goûter dans toute sa pureté, et crai¬ gnant sans doute ce réveil des bons citoyens, l’infâme comité fit appeler tous les commande¬ ments, pour qu’ils fissent prendre les armes à leurs bataillons respectifs. Je refusai d’obéir à cet ordre, et je me hâtai d’en rendre cqmpt6 à _ [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j [£“�“1793 27 ma section assemblée, qui approuva ma con¬ duite et envoya, au même instant une députation à Ja municipalité pour lui témoigner son éton¬ nement sur l’attitude menaçante que prenaient ies sections, à la suite d’une fête civique; lui observer que si c’étaient les patriotes du 10 août que l’on redoutait, ils ne lui paraissaient point à craindre; que les hommes qui avaient renversé le trône ne pouvaient être redoutés que pour les contre-révolutionnaires; lui demander enfin, si c’était par ses ordres que l’appareil des armes s’était déployé, et l’inviter à les faire quitter aux bataillons qui les avaient prises, et leur ordonner de rentrer leurs canons. La munici¬ palité nous répondit qu’elle n’avait aucune part a ce mouvement; nous témoigna qu’elle voyait bien que les contre-révolutionnaires voulaient la paralyser en lui enlevant la réquisition de la force armée; loua nos sentiments, en nous invi¬ tant à nous retirer tranquillement, et eut assez de courage pour braver les ordres qui étaient partis du comité général, et donner aux batail¬ lons celui de se retirer. « Cette conduite énergique de la municipalité qui avait servi de point de ralliement aux pa¬ triotes et les sentiments qu’on lui connaissait, firent sentir aux contre-révolutionnaires la né¬ cessité de la destituer promptement. Aussi, le iendemain, diverses pétitions ayant pour but, et cette destitution, et celle de tous les autres corps administratifs, furent-elles colportées dans toutes les sections. « La section Onze ne reçut ces pétitions qu’avec indignation; et bien loin d’y donner son assentiment, elle exposa dans une adresse la nécessité de soutenir les corps constitués, elle eut même la satisfaction de voir ses principes partagés par les sections 3, 9, 12, 13 et 19 : mais instruit de ces succès, le comité général ne nous donna pas le temps de les toutes par¬ courir, et le lendemain tous les bataillons reçurent l’ordre de prendre les armes pour pro¬ téger le remplacement qui se fit de la municipa¬ lité par deux membres de chaque section. « La section Onze, ferme dans ses principes, refusa de nommer les deux commissaires qu’on lui avait demandés; et si elle prit les armes, ce fut dans l’intention de s’opposer par la force à cette destitution, car une députation fut ins¬ truire la municipalité constituée de nos dispo¬ sitions et l’assurer que le bataillon était prêt à lui faire un rempart de son corps. Mais la municipalité voyant bien que le petit nombre de patriotes courageux ne pouvait opposer une résistance efficace, nous engagea à réserver nos efforts pour un moment plus favorable, et à ne pas verser inutilement un sang que nous pour¬ rions donner à la patrie avec plus de fruit. La section resta donc pendant plusieurs jours sans être représentée dans cette prétendue adminis¬ tration; mais comme il lui importait de con¬ naître ses opérations, elle se décida enfin à y envoyer quelques patriotes qui pussent les sur¬ veiller et l’en instruire. Elle y nomma le citoyen . Charles Giraud, un de ceux qui venaient d’être destitués, et malgré sa résistance opiniâtre, elle le força à continuer ses fonctions. C’est par lui, représentants, ainsi que par les autres pa¬ triotes (1) que nous avions cru politiquement indispensable de placer dans les administra¬ tions illégales, que prévenus du projet que l’on avait formé de désarmer notre bataillon, nous avons resté dix-huit jours en armes dans le lieu de nos séances. « Que je m’acquitte ici, représentants, d’un devoir bien doux à mon cœur, et que je rem¬ plisse en même temps le vœu de tous mes cama¬ rades; car ce serait là, je n’en doute pas, le seul témoignage de satisfaction qu’ils demande¬ raient; prononcez en faveur de tous ces bons citoyens qui se sont dévoués à la chose publique avec tant de courage, puisqu’ils connaissaient les dangers auxquels ils s’exposaient, prononcez, dis-je, en leur faveur, une exception à la loi qui frappe avec tant de justice tout ceux qui ont accepté des places dans les villes en état de rébellion. « Ne craignez pas, représentants, que cette exception arrache au glaive de la loi le véritable coupable, car nous ne l’invoquons point pour ceux qui ont occupé des places où ils n’ont pu que partager les crimes des contre-révolution¬ naires qui les avaient instituées. C’est ainsi que nous livrons à toute la rigueur de la justice quelques-uns de nos membres dont les senti¬ ments inciviques se sont manifestés dans l’exer¬ cice des fonctions que la section leur avait con¬ fiées pour être instruite des complots qui pour¬ raient se tramer; c’est ainsi que nous abandonne¬ rions à toute la vengeance nationale les scélé¬ rats qui, profitant du moment où les patriotes fatigués de leurs travaux, se reposaient tran¬ quillement, et bravant le vœu bien prononcé de notre section qui, par obéissance aux décrets des 12 et 15 mai, nous avait retirés Gaillard et moi du tribunal encore populaire, et s’était, sur notre invitation, opposée à sa réinstallation, parvinrent, un mois après, l’un avec 19 suf¬ frages, et l’autre, avec 14, à se faire placer dans ce tribunal devenu depuis lors rebelle à vos décrets, et vraiment sanguinaire. « Je dois encore, représentants, vous faire entendre nos réclamations en faveur de 21 chas¬ seurs de notre bataillon, qui, abandonnant les drapeaux, de l’armée départementale pour se réunir à celle de la République, furent arrêtés et traduits comme prisonniers, quoique sans armes, dans les prisons d’Avignon. Nous ne demandons pas, représentants, que vous prononciez défi¬ nitivement sur leur sort, mais nous demandons que, retirés de ces prisons, ils soient renvoyés devant le tribunal criminel de notre départe¬ ment, parce qu’ils seront là plus à portée de prouver quels étaient les sentiments qui les dirigeaient. Je pourrais, si je voulais exciter votre sensibilité, vous exposer qu’ayant échoué dans le projet qu’ils avaient tenté, de détruire le comité contre-révolutionnaire des sections, ils se virent forcés de chercher à se mettre à l’abri des poursuites d’un nouveau tribunal prévôtal qui fut établi à cette occasion, et auquel, je dois le dire eu passant, notre section refusa de nommer, je pourrais, si je voulais intéresser votre humanité, vous exposer comment, dans cette démarche, ils virent encore les moyens d’accomplir leur projet avorté, eh jetant le trouble et le désordre dans l’armée déjà peu aguerrie de nos fédéralistes; je pourrais faire (1) Ces autres patriotes sont les citoyens Magne, Payau. J. -J. Martin, Bourrillon fils, Laugier et Chegaray cadet, que leurs services ont rendus chers au bataillon. 28 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j valoir l’intérêt que toutes les administrations et tous les patriotes en général ont pris à leur malheureux sort, et me plaindre aveo quelque raison de ce que, malgré tous nos efforts, des républicains, des hommes du 10 août, car il s’en trouve dans le nombre, languissent dans les fers; mais une accusation pèse sur leur tête, un tribunal doit prononcer, et ils le désirent ce jugement. La seule grâce qu’ils sollicitent et que nous sollicitons avec eux, c’est que ee jugement prompt et rendu par des juges, pour ainsi dire, plus compétents, mette fin aux tourments qu’ils endurent dans des cachots destinés pour le crime, et fasse ressortir avec éclat, non seulement leur innocence, mais encore les titres qu’ils ont à de justes indemnités. « Il est une circonstance que je ne puis pas¬ ser sous silence, et parce qu’elle fait connaître les sentiments qui nous animaient, et la fermeté des administrateurs que l’on' nous enlève; et parce qu’elle eut une grande influence siir la manière dont notre section fut ensuite traitée par les nouvelles administrations, ainsi que par les contre-révolutionnaires eux-mêmes en parti¬ culier. C’est celle, où, malgré la délibération de toutes les autres sections, qui déclarait pertur¬ bateur du repos public et traître à la patrie tout homme qui oserait proposer la lecture de l’acte constitutionnel, nos sans-culottes la deman¬ dèrent avec acharnement, et députèrent auprès du département, pour en obtenir un exemplaire. Cette députation fut accueillie avec transport par les administrateurs, et le brave Granet, qui les présidait, nous dit en nous le remettant : Je désobéis aux ordres du comité général; mais n’importe ! C’est avec joie que je brave le danger. Les acclamations qui interrompirent et sui¬ virent cette lecture, ne laissèrent plus de doute aux contre-révolutionnaires sur nos disposi¬ tions; de là, oubli absolu de notre section, de la part des administrations provisoires, dans la distribution des secours; de là, privation de travail pour tous les sans-culottes qui le com¬ posaient; de là, enfin, leur misère, leurs souf¬ frances et le plus cruel dénuement. Il serait trop long, représentants, de vous faire l’énumération de toutes les pétitions contre-révolutionnaires auxquelles nous avons refusé notre adhésion; j’observerai seulement que l’on avait soin d’annoncer avec affectation que toutes les sections avaient adhéré, excepté la section onze; et je me hâte d’arriver aux deux dernières qui nous firent prendre la résolution de secouer le joug ou de périr. Je vais, représentants, sou¬ mettre la première à vos regards. (Voyez ci-après, la pétition de la 23e section, cotée n° 1.) La lecture de cette pétition, interrompue à chaque instant par des cris d’indignation, prouve que les braves sans-culottes, plus clair¬ voyants que ceux qui avaient moins intérêt de l’être, avaient aperçu le piège qui leur était tendu; aussi délibérèrent-ils sur-le-champ un appel à tous les bons citoyens. (Voyez l’adresse de la section 11, cotée n° 2.) Nous espérions que les sentiments que nous réveillions dans le cœur des Marseillais, que leurs regards que nous tournions vers notre commune patrie, que l’horreur que nous mani¬ festions pour nos ennemis naturels, pourraient éloigner, du moins pendant quelque temps, une mesure qui consommait sans ressource, et la ruine et le déshonneur de notre cité. « Vous pouvez juger, représentants, par la manière dont notre adresse fut accueillie, (voyez les refus d’adhésion, à la suite de la pièce cotée n° 2), et par les dangers que venaient de courir les courageux patriotes qui s’étaient chargés de la présenter, puisque sur huit copies, une seule nous a été rapportée; vous pouvez juger, dis-je, de notre désespoir; aussi lorsque la seconde pétition que je vous ai annoncée, et qui n’avait d’autre but que le massacre des prisonniers (voyez cette pièce cotée n° 3), nous fut communiquée, notre rage fut-elle portée à son comble. Voyant qu’il était inutile de cher¬ cher à ramener les esprits par des adresses, et que le crime marchait à découvert, nous jurâmes de sauver nos pères, notre patrie, et de ne quitter les armes que lorsque l’armée de la République serait entrée dans nos murs. Déjà, quelque temps auparavant, les événe¬ ments que nous voyions se succéder avec rapi¬ dité et nous entraîner toujours davantage vers notre perte, nous avaient fait rester sous les armes, pendant tout un jour, avec notre canon, mèche allumée; nous nous étions flattés que cette démarche pourrait réveiller dans l’âme des patriotes les sentiments que les mesures de terreur, mises en usage par l’aristocratie, avaient comprimés, mais ils n’avaient pas reconnu, sans doute, que nous avions voulu leur offrir un point de ralliement, de sorte que, livrés à nous-mêmes et cernés de toutes parts, nous nous étions vus dans la nécessité de feindre, de céder, et de croire aux promesses des municipaux provisoires; mais dans les circons¬ tances extrêmes où nous étions placés, et au milieu des malheurs qui nous menaçaient, il ne pouvait plus être question d’entendre ni de souscrire aucune espèce d’accommode¬ ment. Des sentinelles furent donc placées aux différentes avenues de notre arrondissement, et notre canon sur notre place d’armes. Il ne nous restait que très peu de canonniers, parce que les nôtres étaient partis pour l’armée des Pyré¬ nées; mais bientôt, il nous en vint de plusieurs autres sections, ce qui nous décida à nous empa¬ rer du canon de la neuvième section. Dans cette attitude, nous crûmes devoir redoubler d’audace et déclarer nos sentiments; nous députâmes donc vers la municipalité, pour lui signifier que notre bataillon n’entendait être ni espagnol ni anglais; mais qu’il voulait mourir Français et républicain, et qu’il ne souffrirait pas que les prisonniers fussent transférés à Toulon. « Cette démarche fit, cette fois, ouvrir les yeux aux patriotes, et des renforts de diverses sections nous arrivèrent ; mais d’un autre côté, elle porta l’alarme dans le cœur des municipaux qui nous firent de nouveau entourer par les autres bataillons. Le premier qui se présenta fut celui de la section 4(1), dont le chef crut nous intimider par des propos menaçants, et qui, témoin des dispositions fraternelles que dés députations des bataillons 14 et 13 vinrent nous manifester, ne tarda pas de changer de langage et s’aperçut qu’il était prudent de céder à la sommation que nous lui fîmes de se retirer. Pen¬ dant que j’étais occupé à congédier ce bataillon (1) Je dois observer que la compagnie des gre¬ nadiers de ce bataillon abandonna l’armée dépar¬ tementale pour venir se réunir à nous, et qu une partie des chasseurs et quelques volontaires des autres compagnies se rendirent également au milieu de nous. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. S 3o déSmbre�l TO3 29 et à exhorter les braves sans-culottes des batail¬ lons 13 et 14 à ne pas nous abandonner, les municipaux se présentèrent sur notre place d’armes, pour nous inviter à rentrer, disaient-ils, dans notre devoir, nous promettant, que de leur côté, ils allaient faire retirer tous les bataillons; mais ils n’obtinrent de Gaillard et Garoute d’autre réponse que ces mots : Nous nous reti¬ rerons lorsque l'armée de la République viendra nous relever; nous restâmes donc fermes à notre poste et nous bivouaquâmes toute la nuit. « Ce fut cependant cette nuit que le capi¬ taine des canonniers de la section 3 vint nous demander du monde, et fut s’emparer, avec le détachement que nous lui fournîmes, d’un des canons de sa section. La matinée fut assez tran¬ quille; mais comme il se réunissait toujours à nous quelques patriotes, les municipaux pro¬ visoires crurent devoir former encore une tenta¬ tive. Ils se présentèrent donc de nouveau vers nous, et après avoir épuisé inutilement leur éloquence, ils nous promirent de nous accorder tout ce que nous leur demanderions. Eh bien ! leur dîmes-nous, il nous faut la Constitution, les prisonniers, nos administrateurs légitimes et Cartaux. A peine cette réponse fut-elle ache¬ vée, que les sans-culottes du bataillon 9 vinrent nous joindre, ayant avec eux leur drapeau. « Cette scène inattendue parut terminer l’irrésolution où notre demande avait plongé les municipaux, ils nous promirent donc de nous faire accorder par les Administrations ce que nous désirions, et se retirèrent. Cependant, ces promesses ne nous firent point négliger nos moyens de défense. Les grenadiers du n° 2 furent s’emparer du canon de leur bataillon, et nous envoyâmes un détachement pour aller chercher un second canon du n° 3; car nous connaissions les dispositions hostiles de nos ennemis, et nous savions qu’ils avaient braqué contre nous diverses pièces de canons dont une du calibre de 18 portait directement sur un des côtés de notre place. « Enfin, sur les 2 heures après midi, un trom¬ pette vint de lapart des municipaux, nous appor¬ ter, pour toute réponse, l’ordre de nous retirer, si nous ne voulions pas qu’on usât de rigueur contre nous : mais une lettre que nous recevions au même instant, occupait toute notre atten¬ tion et toute notre sollicitude; cette lettre nous était adressée par les patriotes incarcérés au fort Saint-Jean, et entre autres par Granet, le digne frère de celui que vous avez toujours vu siéger sur la Montagne, et elle nous était remise par la citoyenne Boude, épouse de l’un d’eux. « Ces malheureux prisonniers, craignant l’effet de la pétition qui demandait leur translation à Toulon, ou plutôt leur massacre, réclamaient notre secours et nous conjuraient de nous oppo¬ ser à ces actes de barbarie. (Voyez ci-après la pièce cotée n° 4). Cette lettre et les larmes de la citoyenne Boude animèrent tellement les esprits, que, ne doutant plus du succès, nous l’enga¬ geâmes à aller promptement annoncer à nos frères qu’ils seraient libres le soir même. Profi¬ tant de cette impression, nous nous ébranlâmes sur-le-champ, pour nous porter sur l’exécrable comité général, nous emparer de ses membres, et avoir par ce moyen des otages qui nous répondissent de la vie des prisonniers. « L’arrivée de la seconde pièce de canon du n° 3 favorisa ce mouvement, car le détache¬ ment qui raccompagnait, menacé par le poste de ce comité, se précipita sur lui le sabre à la main et s’en empara : mais les lâches contre-révolutionnaires avaient pris la fuite, et nous ne gagnâmes que deux nouveaux canons dans cette affaire. « Les satellites de ce comité qui avaient été forcés de se replier, se voyant poursuivis, nous témoignèrent le désir de fraterniser avec nous : ce fut donc avec confiance que nous nous appro¬ châmes; mais par la plus noire des trahisons, ils firent feu sur nous, et c’est ainsi que le com¬ bat s’engagea. Nous eûmes à regretter dans ce premier choc, deux patriotes tués et quelques-uns de blessés. « Dès ce moment la pièce de 18, qui battait notre place, ne cessa de faire un feu continuel. Nous ripostions, mais avec plus de modéra¬ tion, pour ménager les munitions dont nous n’avions pas une très grande quantité. « Nos ennemis connaissaient bien notre situa¬ tion à cet égard, puisque dans un billet adressé à Villeneuve, commandant de l’armée dépar¬ tementale, la municipalité annonçait que nous manquions de munitions (voyez la pièce cotée n° 5); mais elle ne prévoyait pas que nous saurions nous en procurer. En effet, dans la nuit du 23 au 24, nous envoyâmes un détache¬ ment qui s’empara de la poudrière du Lazaret, et à 2 heures du matin, nous avions deux charrettes de munitions. « Nous étions également maîtres du passage de la porte d’Aix; et ce poste devint important, puisqu’il nous procura cette lettre vraiment honorable pour nous (voyez la pièce cotée n° 6), que la municipalité écrivait à Villeneuve et dont nous connaissions déjà le contenu par l’avis que nous avait donné le brave Charles Giraud, puisqu’il coupa les communications de l’armée rebelle, fit tomber entre nos mains son trésor (1); et son trésorier, son fournisseur', un aide de camp et un grand nombre de prison¬ niers, la priva ainsi des avis qu’on lui donnait et la laissa dans un état d’incertitude et de dénuement bien favorable à l’armée de la République, et qui, comme dit Barère au nom du comité de Salut public, a préparé et assuré -le triomphe de Cartaux. « Enfin, après 21 heures du feu le plus con¬ tinuel et qui partait même des fenêtres, les scé¬ lérats voyant qu’ils ne pouvaient nous vaincre ni nous ébranler dans nos résolutions, portèrent la barbarie jusqu’à lancer des bombes sur nous. Quoique nous ne puissions employer les mêmes moyens de défense, nous résistâmes cependant plus de 7 heures à une lutte inégale; mais les cris et les gémissements des enfants, des vieillards et des femmes, dont plusieurs avaient été blessées par des éclats des bombes, joints à l’aspect des désastres que notre arrondissement avait éprouvés, de l’incendie qui s’y manifes¬ tait sur plusieurs points et de plus grands mal¬ heurs qui nous menaçaient encore, nous déci¬ dèrent enfin à une retraite que nous recon¬ nûmes devoir être plus avantageuse au succès de l’armée de la République, qu’une plus (1) Ce trésor consistait en une valise remplie d’as¬ signats, dont la valeur pouvait s’élever à 7 ou 800 000 livres ; une délibération la fit déposer dans ma maison, et laissa la clef entre les mains du tré¬ sorier sur lequel on l’avait saisie; mais après notre retraite, elle fut enlevé, de chez moi, suivant le reçu que mon épouse eut la présence d’esprit d’exi¬ ger. � ' ..... ' ' . - 30 [Convention nationale.] ARCHIVES PAHLEMÉNTAIkES. j frirrt*Si