Séance du 18 fructidor an II (jeudi 4 septembre 1794) Présidence de BERNARD (de Saintes) 1 La séance est ouverte à onze heures. Un membre de la commission des dépêches donne lecture des adresses de félicitations, dont l’énumération suit. La société des Amis de la constitution de Mille sept cent quatre-vingt-treize, du canton de Sosa, département du Lot-et-Garonne; les membres du conseil-général de la commune de Fleurance6, [département du Gers]; la société populaire de la même commune0; la société populaire du Blanc d, département de l’Indre; la société populaire montagnarde de Verdun-sur-Garonne e, département de Haute-Garonne; les maires et officiers municipaux de Montfianquin f, département du Lot-et-Garonne; le comité de Surveillance de la commune de Martel, département du Lot; les secrétaires-commis de la municipalité et les commissaires de police de Nancy � la société populaire de Moissac; la société régénérée des sans-culottes montagnards de Mont-Libre*, [ci-devant Mont-Louis] département des Pyrénées-Orientales; les administrateurs du département des Pyrénées-Orientales '. Toutes ces adresses expriment avec énergie l’horreur et l’indignation sur la dernière conspiration du tyran Robespierre et de ses complices; elles félicitent la Convention nationale, en l’invitant à conserver cette attitude fière et courageuse digne des hommes libres. Mention honorable, insertion au bulletin, et les adresses de la société de Moissac et du comité de Surveillance de Martel sont renvoyées au comité de Sûreté générale (1). a [La société des Amis de la constitution de 1 793 du canton de Sos, département du Lot-et-Garonne, à la Convention nationale, le 20 thermidor an II\ (2) (1) P.V., XLV, 36-37. (2) C 320, pl. 1 315, p. 5. Dignes représentans du peuple ! Toujours des nouveaux triomphes sur les ennemis de la Liberté, telle est donc votre destinée. Il faut pour établir son règne, que vous renversiés tout les obstacles que le crime ne cesse de faire renaître, et de présenter à votre courage énergique. Jusques au 9 du mois Thermidor, vous n’aviez eu à combattre que des hommes d’une immoralité profonde, avilis par le penchant rapide qui portait leur âme sous les chaînes de l’esclavage. Mais ce jour à jamais mémorable a présenté à votre fierté républicaine toujours inaccessible à la crainte, un prétendu patriote qui profitant des avantages d’une confiance qu’il ne devait qu’au dehors d’une vertu hypocrite, vouloit s’en servir pour porter le poignard dans le seing d’un chacun de vous, et s’ériger un throne par l’infamie. Vous avez déjoué ses complots, frappé du glaive de la loi le trop fameux Robespierre et ses complices, et sauvé encore une fois la Patrie. Ainsi périront tout les hommes qui à son exemple oseroit disputer au dieu de la liberté le droit exclusif de régner sur nos cœurs. Restés donc à votre poste dignes représentans jusques à ce que votre ouvrage ne connoisse plus d’ennemis qui puisse lui porter atteinte, tels sont nos vœux, tels doivent être ceux des vrais amis de la patrie. Descomps (président), Labeyrie, Clerdosse (secrétaires). b [Les membres du conseil général de la commune de Fleurance à la Convention nationale. s.d .] (3) Représentans, Par où commencer et comment vous peindre les frémissements d’horreur que nous avons éprouvé à la nouvelle des attentats de Robespierre ?... Le voilà donc cet homme fameux, ce républicain austère, incorruptible, ce phénomène vanté de la révolution et de la morale ! Hélas ! il n’étoit (3) C 319, pl. 1305, p. 9, Débats, n° 714, 308-309; Moniteur, XXI, 675, C. Eg., n° 751; J. Fr., n° 714. 15 226 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE grand que parcequ’il s’étoit roulé dans le manteau de la vertu, et qu’il avoit emprunté l’éloquence et les dehors du sage. Vos regards l’ont enfin pénétré; l’enveloppe s’est déchirée; et le héros a disparu. Il s’est évanoui, et il n’a resté qu’un conspirateur audacieux, que l’hippocrite le plus effronté, qu’un tyran. Quelques heures plus tard, c’en étoit fait de la représentation nationale, c’en étoit fait de la liberté, c’en étoit fait de la patrie ! la tyrannie aux pieds d’airain, s’avançoit à pas de géant, suivie de ses satellites et de ses bourreaux. Seule, mais armée de toute la sublimité du courage, vous vous êtes levés, et le tyran tout couvert d’opprobre, est descendu dans le tombeau des scélérats. Illustres monuments ! héros des temps passés ! disparroissés et cachés vous : vous ne sauriez plus nous servir de modèles. Et toi, riche trésor, charte du peuple ! ferme désormais tes pages. Sans toi nous avons apris à ne plus nous fier à la vertu des hommes; sans toi nous saurons les compter pour rien devant la Liberté. Ou si tu veux être encore utile à l’univers parle lui de la gloire des français, et du courage de ses représentans. Vive la République ! Vive la Convention ! Vivent les parisiens ! périssent les traitres et les tyrans. Percin (maire), Fim (agent national) et dix autres signatures. c [Les membres de la société populaire de Fleu-rance à la Convention nationale, le 19 thermidor an II] (4) Représentans, Qui s’y fut attendu !... quoi ? Ce Robespierre que la France révéroit comme l’arche de toutes les vertus, ce Robespierre que l’opinion publique avoit placé vivant au sanctuaire de l’immortalité, n’étoit en effet que l’accapareur occulte de toutes les factions, qu’un conspirateur atroce et permanent, qu’un lâche altéré de sang, affamé de tyrannie ?... C’est au pied des autels qu’il avoit élevés à la probité, que l’hippocrite cultivoit le crime, qu’il méditoit ses attentats ?... 0 surprise ! 0 indignation ! Oui, c’en étoit fait de la Patrie, sans la stoïque énergie que vous avez déployée, et sans la fidélité des Parisiens. C’en étoit fait pour toujours... que disons nous pour toujours ? Ses maux auroient été grands sans doute, multipliés, immenses; le vaisseau de la Liberté eut disparu sous les flots, un homme eut pris la place des loix; mais la Liberté est impérissable : le triomphe du tyran eut été de courte durée, nous le jurons par les vertus du peuple, par les vainqueurs de Fleurus et de Fontarabie, par le chêne immortel qui couronne vos fronts. Mais il n’appartenoit qu’à vous seuls, d’opposer à la plus violente de toutes les tempêtes, la sublimité d’un courage qui ne peut être comparé (4) C 320, pl. 1 315, p. 6. qu’à lui-même; il n’appartenoit qu’à vous de l’arrêter dans sa marche effrayante et terrible, de surmonter tous ses efforts, debout au sommet de la Montagne, vous avez saisi le Trident de la Liberté, et la tête hideuse des tyrans, déjà glacée à votre aspect, a roulé sur l’échaffaut, et la conjuration s’est dissipée comme une vapeur, et la surface de la France n’en a pas été ébranlée. Vive la République !... Vive la Convention ! Vivent les Parisiens !... périssent à jamais les traîtres, et tous ceux qui tenteraient encore de marcher sur les traces de l’usurpateur ! Représentans ! quelle époque brillante pour la République ! Quelles pages pour l’histoire ! quelle gloire, quelle jouissance pour vous ! que vous étiez grands dans ces moments de péril et de calamité !... Ah ! nous eussions acheté de la moitié de notre vie, l’honneur de perdre l’autre en vous déffendant. Mais ce n’est pas tout que de nous livrer avec transport à la joye d’une pareille victoire, à la volupté d’un pareil sentiment. Il faut encore que cette leçon terrible ne soit pas perdue pour la liberté. Assez l’expériance nous a enseigné à connoître les hommes : leurs grandes qualités ne sont presque toujours que le faux visage de leurs passions. Apprenons donc enfin à ne plus croire aux miracles d’une vertu qui court après la puissance et la renommée. Mettons au pied de l’arbre de la Liberté le dragon de la méfiance; et surtout, n’oublions jamais que chez un peuple libre, la louange est un encens perfide, qui commence par faire une idole, qui finit par faire un tyran. Bigourdeau (président), Lamy, Cartaride (secrétaires). d [La société populaire du Blanc, département de l’Indre, à la Convention nationale, le 19 thermidor an II] (5) Citoyens Représentans, Au récit du complot affreux du Néron moderne et des scélérats qu’il s’était associés, nos cœurs ont été glacés d’effroy; nos yeux un instant ouverts sur les dangers de la patrie se sont fixés sur vous. Remplis de cette confiance, qu’inspirent la vertu et la justice, nous nous sommes écriés : la Convention est à son poste; la patrie est sauvée. Représentants fidels vous tenez les renes du gouvernement; ne laissez plus conduire son char par des hipocrites ambitieux. La Convention devra désormais marcher toute entière; celui qui voudrait s’élever au-dessus d’elle, pour l’influencer ou la maîtriser, celui qui tenterait de se distinguer du peuple et blesser les principes de la sainte égalité, ne sera à nos yeux qu’un tiran, un despote, que le glaive national doit frapper. (5) C 320, pl. 1 315, p. 8.