642 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f§ SéceXe�lS Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Levasseur croit qu’un moyen efficace pour affaiblir tout à coup les brigands et pour nous procurer des armes serait d’accorder une amnistie aux habitants des campagnes qui n’auraient été qu’entraînés. La proposition est renvoyée au comité de Salut public. La séance est levée à 4 heures](2). Signé ; Voulland, Président; Reverchon, Richard, Ducos, Bourdon (de VOise), Chaudron-Roussau, Marie-Joseph Che-nier, Secrétaires. PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTION¬ NÉS AU PROCÈS-VERBAL, MAIS QUI SE RAPPORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAPPORTER A LA SÉANCE DU 28 FRIMAIRE AN n (MERCREDI 18 Dɬ CEMBRE 1793). il.;: Rapport sur la suppression de la Commis¬ sion du Muséum par le citoyen David (3). (Imprimé par ordre de la Convention natio¬ nale {£).) C’est dans le moment où tout se régénère, qu’il faut aussi que le vrai talent succède à l’impéritie et au charlatanisme, le patriotisme pur au lâche égoïsme, à la faiblesse et à l’inertie. C’est trop permettre aux ennemis de la chose publique de calomnier les Français en leur reprochant leur insouciance pour les arts, pour les sciences, pour les lettres, pour tout ce qui doit étendre leur gloire, en les faisant admirer des nations, en même temps qu’ils s’en font res¬ pecter par leurs armes. Les ministres déchus et leur maître avaient senti l’une de ces vérités, et ne laissaient pas que d’écraser j l’autre par l’oubli 1 coupable de tout ce qui pouvait lui donner de la force. La Convention nationale toujours juste et puissante a saisi toutes les occasions de rani¬ mer les arts appauvris, en leur donnant une direction nouvelle, et des forces proportionnées (1) Journal de la Montagne (n° 37 du 30 frimaire an II (vendredi 20 décembre 1793), p. 294, col. 2]. D’autre part, le Journal de Perlel [n° 453 du 29 fri¬ maire an II), jeudi 20 décembre 1793), p. 148] rend compte de la motion de Levasseur dans les termes suivants : Levasseur propose d’accorder une amnistie aux cultivateurs forcés de suivre lesÿbrigands, qui avaient passé la Loire, et qui reviendraient en France dans un délai déterminé. Cette motion n’a pas de suite. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 309. (3) Le rapport de David sur la suppression de la Commission du Muséum n’est pas mentionné au pro¬ cès-verbal, mais il y est fait allusion dans les comptes l'endus donnés par tous les journaux de l’époque de la séance du 28 frimaire. . (4) Bibliothèque nationale * 8 pages in-8° Le38, n° 652. Bibliothèque de la chambre des députés : Collection Portiez (de i’Oise), t. 444, n° 13 et t. 96, n» 28. au colosse immortel qu’ils auront à soutenir. En confiant le soin de cette direction pré¬ cieuse au ministre de l’intérieur, son intention n’a jamais été de perpétuer les abus qui la déshonoraient, mais bien au contraire de les frapper jusque dans leurs fondements. Son intention n’a jamais été de confier la garde du Muséum à des hommes qui ne sauraient rien moins que le garder, le soin de restaurer [les monuments à des hommes qui à peine se dou¬ tent de la peinture; à des froids mathémati¬ ciens, celui d’en décrire les beautés. Son intention n’a pas été que ces hommes, quand ils réuniraient assez de talents pour rem¬ plir chaque partie de leur mission, fussent dis¬ pensés de cet amour brûlant de la liberté sans lequel il est impossible de servir utilement ni les arts, ni la patrie. Elle a voulu que le ministre de l’intérieur secondât ses vues en protégeant, en aidant tous les arts, et que, le ministre lui-même se péné¬ trât de cette utile et grande vérité : que ce n’est pas assez d’avoir bâti le temple de la liberté, qu’il convient encore à un grand peuple de l’embellir et de l’orner d’une manière digne de lui. Si ce principe est démontré consacré dans toutes les pages des annales de la Convention, il est instant d’arracher la Commission du Mu¬ séum à l’insoucience coupable où elle est plon¬ gée, et de chercher, par de grandes vues, le moyen de tendre tous ses ressorts à ce précieux établissement. Il y va de la gloire de Paris , il y va de la gloire de la France entière, de toutes parts accusée de laisser périr les immortels chefs-d’œuvre des arts. L’expérience n’a que trop prouvé que l’igno¬ rance, mère de tous les vices et de tous les maux, est le plus grand obstacle au bonheur de l’espèce humaine que la Convention se propose de fonder. Examinons donc quelle fut l’organisation ancienne de la Commission du Muséum, et de qui elle était composée; et si nous parvenons à prouver tout le mal qu’elle a déjà fait aux productions du génie, on en sentira mieux la nécessité de l’organiser d’une manière nouvelle, et de substituer à des hommes inhabiles et intrigants, des artistes éclairés et patriotes. 1° Cette Commission est à la nomination du ministre de l’intérieur; 2° Elle est composée de six membres. Chaque membre est salarié à 3,000 livres par année, et est logé au Louvre, comme gardien du Mu¬ séum ; 3° Les membres sont : Jollain, ancien garde des tableaux du roi; Coffard, peintre, mais qui n’en a que le nom; Pasquier, ami intime de Roland; Renard, Vincent; ceux-ci ont du talent, mais leur patriotisme est sans couleur; L’abbé Bossut, géomètre. En confiant au ministre le choix de ceux qui doivent composer la Commission du Mu¬ séum, on laisse un vaste champ à l’intrigue. L’artiste éclairé et philosophe n’est guère propre à courir dans les bureaux des ministres pour obtenir le poste auquel son talent l’ap¬ pelle. L’homme médiocre, au contraire, accoutumé à ramper, sait prendre toutes les formes qui plaisent à ceux qui sont en place. Pendant que l’artiste amoureux de son art, consacre tout i Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 28 lrimaire an II 18 décembre 1793 son temps à l’étude, l’intrigant s’agite pour se faire remarquer; il ne néglige aucunB des petits moyens capables de séduire, et finit presque toujours par écarter celui qui n’a que son mé¬ rite et sa franchise. En laissant à la Convention le soin de cette nomination, d’après la présentation du comité d’instruction publique, chargé de révolutionner les arts, les inconvénients n’existent plus; l’ar¬ tiste franc et loyal, la basse et présomptueuse ignorance trouveront des juges capables de les apprécier l’un et l’autre, et le génie n’aura plus à gémir des coups funestes qui lui ont été portés jusqu’à ce jour. Ceux qui composent la Commission actuelle ont perdu plusieurs chefs-d’œuvre en employant des hommes inhabiles pour les réparer. Pour se convaincre de cette vérité, il faut üre les observa¬ tions sur le Muséum, publiées par les citoyens les plus éclairés de l’Europe dans cette partie. Qu’on examine l’état des restaurateurs des tableaux et des personnes qu’ils ont employées à détruire les tableaux de la République, on y verra les prix arbitrairement distribués, sans ordre, sans principes et sans base déterminée; dans de telles mains, plus il en coûte pour la réparation des tableaux, et plus ils sont gâtés. D’un autre côté, n’est -il pas honteux que les logements du Louvre, qui ne devraient être accordés qu’à des hommes d’un talent et d’un patriotisme prononcés, n’aient été donnés par Roland et ses dignes amis qu’à leurs viles créatures et à leurs valets. Que la Convention se hâte de réparer les torts de la malveillance et de l’ignarerie; qu’elle confie promptement à des artistes, aussi éclai¬ rés que patriotes, le soin de conserver et de transmettre à la postérité les sublimes travaux des grands artistes de tous les pays. C’est ainsi qu’elle rendra l’Europe entière tributaire de son génie; et en n’offrant aux jeunes élèves des arts que de beaux modèles, l’on verra bientôt disparaître ce goût factice et maniéré qui a caractérisé jusqu’à présent presque tous les maîtres de l’école française. La composition du muséum des arts était répréhensible sous le rapport du patriotisme, je vous en propose la réforme; son organisa¬ tion était vicieuse, je vous présente un mode nouveau propre à diriger et à garantir son action. Le mot de Commission était devenu insignifiant, parce qu’il signifiait tout; je vous présente l’idée et la dénomination d’un Conser¬ vatoire du muséum des arts, qui sera sans cesse, par son nom même, rappelé à ses devoirs; son objet qui a un centre commun se ramifie en plusieurs branches assez distinctes, pour exiger des hommes particulièrement éclairés dans chacune des parties principales. Ainsi plusieurs des membres du conserva¬ toire seront attachés à la peinture, plusieurs à la sculpture, quelques-uns à l’architecture, et d’autres aux antiquités, ce qui formera quatre sections résultant naturellement de la différence des objets. On conçoit que ces sec¬ tions travailleront séparément ou en commun, selon les divers objets qui seront renvoyés au conservatoire par ie ministre de l’intérieur. Le ministre, de son côté, trouvera par ce moyen des artistes disponibles et prêts à four¬ nir les matériaux des rapports que le corps législatif pourra lui demander. Il me reste, citoyens, à vous dire un mot sur ces motifs qui ont dirigé le choix fait par votre comité d’ins-643 truction publique pour composer le nouveau conservatoire du muséum des arts. Eragonard a pour lui de nombreux ouvrages; chaleur et originalité, c’est ce qui les caractérise; à la fois connaisseur et grand artiste, il consacrera ses vieux ans à la garde des chefs-d’œuvre dont il a concouru dans sa jeunesse à augmenter le nombre. Bon voisin : ü a pour lui son talent, ses vertus, et un refus de la ci-devant académie. Le... jeune et intéressant paysagiste, entendant très bien la tenue administrative que l’on peut établir dans un conservatoire. Picault restaurateur de tableaux, le plus entendu dans cette partie. Voilà, citoyens, pour la section de peinture. Pour la sculpture, nous vous proposons Dar-del, tête active et républicaine, rempli de talent et doué d’une heureuse imagination. Julien, je n’en dirai qu’un mot : il a sculpté Jean La Fon¬ taine et Jean La Fontaine est tout entier dans son image. En architecture, nous vous indiquons De-launoy, artiste, à la fois correct et grand, autant que ces deux qualités peuvent se réunir faisant sortir le beau de l’utile, l’ornement du sein de la simplicité même. David Leroi, artiste et homme de lettres, connu par ses recherches et par ses écrits sur l’architecture civile et navale des anciens. Pour les antiquités, nous vous proposons Wicar, dessinateur justement célèbre, connais¬ seur exercé par le long séjour qu’il a fait en Italie, et notamment à Florence. On a gravé, d’après ses dessins, toutes les pierres antiques du Muséum, de Florence. Varon, avantageusement connu comme ar¬ tiste et homme de lettres; c’est lui qui a composé les hymnes chantés à la fête de la Réunion, le 10 août; il a fait deux voyages en Italie, afin de perfectionner son goût pour les arts; sans toutes les persécutions qu’ont éprouvées les artistes français à Rome, il eût achevé un ou¬ vrage pour servir de suite aux Monumenti ine-diti de Winkelmann, ouvrage presque fini, et dont la nation saura bien faire assurer la con¬ tinuation. Tels seraient les citoyens qui composeraient le conservatoire du Muséum des arts ; nous avons jugé convenable de donner à cet établissement un secrétaire, homme de lettres à la fois et ins¬ truit dans les arts; le citoyen Sevieys est celui que nous vous proposons, également recom¬ mandable par ses lumières et par son goût dans cette partie. Citoyens, d’après cet exposé; voici le projet de décret que votre comité d’instruction pu¬ blique m’a chargé de vous soumettre Projet de Décret Art. 1er. « La Commission du Muséum”estjsupprimée. Art, 2. r La garde du‘|Muséum sera confiée à un conservatoire Art. 3. « Il sera composé des citoyens dont la liste est annexée au présent décret.