306 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1791.] de tuer aura été effectuée, mais lorsque personne n’aura perdu la vie, par l’effet dudit attentat, la peine sera de 20 années de chaîne. « Art. 13. L’homicide par poison, quoique non consommé, sera puni de la peine de mort, lorsque l’emuoisonnement sera effectué, lorsque le poi-on aura élé présemé ou mêlé avec des aliments ou breuvages spécialement destinés à l’usage delà personne contre laquelle ledit attentat aura été dirigé, soit à l’usage de tout une famille, société ou habitant d’une même maison, soit à l’usage du public ; mais lorsque personne n’aura perdu la vie, par l’etfet dudit attentat, la peine sera de 20 ans de chaîne. « Art. 14. Si avant l’empoisonnement effectué, ou avant que l’empoisonnement des aliments et breuvages ait été découverte, l’empoisonnement arrêtait l’exécution du crime, soit en supprimant lesdits aliments ou breuvages, soit en empêchant qu’on en fasse usage, l’accusé sera acquitté. » M. Moreau. Vous voyez, Messieurs, que le système du comité est absolument changé. Certainement la matière est assez grave pour que l’Assemblée et chacun de ses membres doivent désirer d’y réfléchir. Je demande donc l’impression et l’ajournement des articles. Un grand nombre de membres s’opposent à cette motion et demandent que les dispositions présentées par le rapporteur soient discutées article par article sur-le-champ. (Cette dernière motion est adoptée.) M. I�e Pelletler-Saint-Fargeau, rapporteur, donne une nouvelle lecture de l’article 1er, ainsi conçu : « En cas d’homicide commis involontairement, par un accident qui ne soit l’effet nt de la négligence ni de l’imprudence de celui qui l’a commis, il n’existe point de crime et il n’y a lieu à prononcer aucune peine, ui à admettre aucune action civile. » M. Carat aîné. La première disposition de l’article me paraît juste et nécessaire; et je n’ai rien à lui opposer. 11 n’en est pas de même de la seconde, qui regarde l’action civile. L’article va jusqu’à refuser même l’action civile à une famille qui souffre de la mort de son chef, qui est réduite à un état de misère et d’in igence par ce cruel événement. Je demande si la faute ne doit pas retomber sur celui qui en a été l’instrument, même aveugle. Il faut dédommager la famille malheureuse qui en a souffert : je crois que cela est nécessaire. Je demande donc qu’il y ait lieu à action civile et que celte action sait laissée à l’arbitrage du juge. M. Thévenot de Maroise. Je suis absolument de l’avis du préopinant et je demanderais qu’on rédigeât l’article comme suit : « En cas d’homicide commis involontairement, par un accident qui ne soit l’effet ni d’aucune sorte de négligence, ni d’aucune sorte d’imprudence de la part de celui qui l’a commis, il n’existe point de crime et il n’y a lieu à admettre aucune peine. » Plusieurs membres combattent la motion de M. Garat. M. le Pelletler-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici ma nouvelle rédaction : Art. 1er. « En cas d’homicide commis involontairement, s’il est prouvé que cYst par un accident qui ne soit l’effet d’aucune sorte de négligence, ni d’imprudence de la part de celui qui l’a commis, il n’existe point de crime et il n’y a lieu à prononcer aucune peine, ni même aucune condamnation civile. > (Cet article est adopté.) M. le Pelletler-Saint-Fargeau , rapporteur, donne lecture de l’article 2, ainsi conçu : <> En cas d’homicide commis involontairement, mais par l'effet de l’imprudence ou de la négligence de celui nui l’a commis, il n’existe point de crime et il n’y a lieu à admettre aucune action criminelle; mais il sera statué par les juges sur les dommages et intérêts et sur les peines correctionnelles suivant les circonstances. » Un membre propose de remplacer les mots : « Et il n’y a lieu à admettre aucune action criminelle » par ceux-ci : « et l'accusé sera acquitté ». M. le Pelletler-Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte. M. de Menonville-Villiers. Il est indispensable d’ajouter un mot à l’article, car si vous dites que l’accusé sera acquitté, les juges ne pouirout plus prononcer de peine. Je demande que l’on mette : « sera acquitté du crime ». M. Moreau. C’est aussi un sentiment d’humanité, c’est un sentiment de pitié qui m’anime; mais je pense que l’imprudence ou la négligence qui entraîne un homicide doit être regardée comme criminelle (Murmures.)-, je le soutiens et je demande qu’on retranche de l’article les mots : « il n'existe point de crime ». Au surplus, celui qui tue par négligence ou par imprudence se rend coupable au moins de délit grave et il y a lieu d’appliquer à ce cas une peine proportionnée. M. le Pelletler-Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte l’addition proposée par M. de Me-nonville. Quant à la proposition de M. Moreau qui voit un crime dans un homicide commis involontairement, je crois qu’il est absolument hors de principe, M. Moreau oublie d’ailleurs que quiconque, par imprudence ou négligence, a eu le malheur de tuer quelqu’un p* ut être puni d’une manière fort grave, encore qu’il soit acquitté du crime, car il peut être condamné correction nel-lemeut par les juges en 100,000 livres de dommages et intérêts et en 10 ans de détention. M. de Menonville-Filliers. Avant de décréter, il faut décider les formules qui doivent être suivies par les juges. M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. M. de Menonville oublie que cette formule est déterminée par le décret sur l’établissement du juré. Voici la rédaction que je propose sur l’article : Art. 2. « En cas d’homicide commis involontairement, [18 juin 1791. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mais par l’effet de l’imprudence ou de la négligence de celui qui l’a commis, il n’existe point de crime et l’accusé sera acquitté : mais, en ce cas, il sera statué par les juges sur les dommages et intérêts, et même sur les peines correctionnelles, suivant L s circonstances. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Le Pelletier-Salnt-Fargeaw, rapporteur, donne lecture des 3 articles suivants : « Art. 3. En cas d’homicide légal ou d’homicide légitime, il n’existe point de crime : il n’y a lieu à prononcer aucune peine ni admettre aucune action civile. » « Art. 4. L’homicide est commis légalement lorsqu’il est commandé par la loi, ou par une autorité légitime, pour la défense de l’Etat ou pour le salut public. » « Art. 5. L’homicide est commis légitimement lorsqu’il est nécessité par la défense naturelle de soi-même ou d’autrui. » M. Prieur. Il y a une distinction essentielle à faire enhe l’homicide légal ou l’homicide légitime. M. le rapporteur les a confondus, et il a eu tort, selon moi, dans l’homicide légitime, c’est-à-dire dans celui qui est commis par la légitime défense, personne, je crois, ne disconviendra qu’il y a dans ce cas-là même lieu à instruction contre la personne qui a été obligée d’en tuer une autre pour la défense. Dans l’homicide légal, au contraire, il ne peut y avoir jamais heu à transaction contre celui qui n’a fait' que s’acquitter de son devoir. Ainsi il faudrait dire : quant à l'homicide légal, il n’y aura lieu à aucune accusation; et quant à l’homicide légitime, il serait dit : ii n’y aura lieu à aucune peine. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. L’homicide est commis légalement lorsqu’il est commandé par la loi, et ordonné pour la défense de l’Etat ou le salut public. M. Duport Je demande qu’on raye les deux derniers mots de l’article. Il ne faut pas le donner à la discussion de ceux qui exécutent : il ne faut pas que les soldats, par exemple, lorsqu’ils sont commandés par une autorité légitime, examinent si c’est pour le salut public ou non. Je demande d’abord que l’on raye a s mots : « La défense de l'Etat et le salut public », et que l’on mette : « ordonné par une. autorité légitime ». Ensuite j’observe, relativement à l’observation de M. Prieur, qu’il peut y avoir de l'ambiguïté, et j’en vais donner la preuve. M. Prieur prétend qu’un homicide légal ne peu! jamais donner lieu à une accusation; mais entendons-nous, car il y a ici une équivoque, S’il veut dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation criminelle ou civile pour l’homicide légal, je suis de son avis; mais s’il veut dire qu’on ne peut pas même commencer la procédure, dans ce cas-là, je ne suis plus de son avis. Je le prouve : en Angleterre tout le monde sait avec quelle rigueur juridique les lois s’exécutent. Il y a là un acte qui correspond à notre loi martiale, et d’après lequel, aussitôt que la loi est lue, le soldat peut faire feu : et dès ce moment, le meurtre qu’il commet, ou plutôt l’hombide est justifié : mais si l’on parvenait à prouver que les soldats ont tiré avant que la loi ait été lue, avant que la réquisition légitime ait été faite, alors ils seraient condamnés comme coupables de meurtre, et c’est ce qu’il faut faire ici ; il faut que l’on 307 puisse réprimer par la force les attroupements et autres moyens qui, dans ce cas, peuvent avoir lie i contre la sûreté publique; mais il faut que cela soit déterminé par une autorité légitime. f Si, auparavant la réquisition de cette autorité légitime, les soldats ou of liciers avaient fait feu, très certainement ils seraient dans le cas u’être punis comme homicides; dès lors s’élève la question de savoir si la _ réquisition a été ou n’a pas été faite, et si l’homicide est légal ou ne l’est pas. Lorsque l’homicide sera déclaré légal, il n’y a aucun doute qu’ii n’y a aucune action criminelle ou civile; mais si l’homicide n’est pas déclaré légal, alors il y aura évidemment lieu à accusation. Je crois qu’on ne peut pas admettre l’opinion de M. Prieur, qui tend à séparer l’homicide légal de l’homicide légitime. Si vous voulez faire deux articles, j’en suis d’avis; mais qu’il soit dit également, pour l’un et l’autre cas, que ce n’est que par l’examen du procès qu’on verra que l’homicide a été légal, comme l’on verra si l’homicide a été légitime. Alors c’est une rédacton à faire. M. Prieur. Lorsque l’homicide légal est autorisé par la loi, il est impossible que vous disiez jamais qu’il peut y avoir lieu à une accusation criminelle contre ceux qui l’ont commis ; et vous voyez qu’il n’y a aucun danger dans ma rédaction qui vient même d’être adoptée par M. le rapporteur. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. La réponse de M. Prieur ne détruit nas la solidité des objections faites par M. Duport. Certainement l’homicide est legal lorsqu’il est ordonné par la loi, et lorsqu’il a été commandé par nne autorité légitime. Mais, comme il faut parvenir au point ue savoir si les loi mes prescrites par la loi ont été remplies, et si l’aut >rité qui l’a ordonnée a agi légitimement ; comme c’est un point de fait qui ne peut s’éclaircir que par l’instrm tion, il me paraît qu’il serait très danger, ux de dire qu’il n’y aurait rien à intenter, aucune action à commencer une instruction. Il en e�t de même pour le cas d’homicide involontaire; et. certainement, pour savoir si l’homicide est involontaire ou non, il faut une instruction. Je suis donc de l’avis de M. Duport, et de maintenir dans les deux cas que l’instruction pourra être commencée, et que ce ne sera que d’après l’instruction qu’on prononcera qu’il n’y a lieu à prononcer aucune peine, ni à admettre aucune condamnation civile. Voici, Messieurs, la rédaction que je propose : Art. 3. < Dans le cas d’homicide légal, il n’existe point de crime, et il n’y a lieu à prononcer aucune peine, ni même aucune condamnation civile. Art. 4. L’homicide est commis légalement lorsqu’il est ordonné par la loi, et commandé par une autorité légitime. » (Ges deux articles sont successivement mis aux voix et a .optés.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lectu e des articles suivants : « Art. 5. En cas d’homicide légitime, il n’existe point de crime ; il n’y a lieu à prononcer aucune peine, ni même à admettre aucune condamnation civiie.