[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [12 octobre 1790.] 544 les lieux où se trouvera le plus grand concours d’acheteurs, suivant l’indication qui sera donnée par les directoires de district. Art. 8. « Quant aux livres , manuscrits, médailles, machines, tableaux, gravures et autres objets de ce genre, il sera incessamment statué sur leur destination. Art. 9. « Les dépositaires des objets ci-devant énoncés, seront tenus de les représenter à la première réquisition, à peine d’y être contraints même par corps. Art. 10. « En cas de soustraction ou de recelé desdits objets , si les soustracteurs ou receleurs ne les représentent pas dans la quinzaine de la publication du présent décret, ou ne se soumettent pas d’en rapporter la valeur, ils seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois. Art. 11. « Sont et demeurent exceptées , quant à présent, des dispositions des articles précédents relatifs à la vente, les cloches des églises, monastères et couvents, sur la destination ou emploi desquels il sera statué séparément. Art. 12. « Les registres, les papiers, les terriers, les chartes, et tous autres titres quelconques des bénéficiers, corps, maisons et communautés, des biens desquels l’administration est confiée aux administrations de département et district, seront déposés aux archives du district de la situation desdits bénéficiers ou établissements avec l’inventaire qui sera fait préalablement. Art. 13. « A cet effet, tous dépositaires seront tenus, dans le délai fixé par l’article 10vci-dessus, de les remettre auxdites archives, à peine d’y être contraints même par corps; et en cas de soustraction ou de recelé, si les soustracteurs ou receleurs ne rapportent pas, dans le même délai, ce qu’ils ont enlevé, ou s’ils ne se soumettent pas de le rapporter, ils seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois. » M-Chas«et, rapporteur, lit les articles 14 et 15. Après une longue discussion ils sont ajournés et renvoyés aux comités féodal et ecclésiastique. M. le Président lève la séance à neuf heures et demie du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN. Séance du mardi 12 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. 'Vernier, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi soir, 11 octobre Ce procès-verbal est adopté. Cl) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Vairac, député de Bordeaux , demande que l’affaire des deux officiers du régiment de la Martinique, placée à l’ordre de ce soir, soit ajournée et jointe à l’affaire générale de la Martinique. M. Moreau de Saint-Méry. Cette motion dilatoire doit être repoussée . La municipalité de Saint-Pierre de la Martinique, qui ne subsiste plus maintenant, a jugé à propos, pour étouffer de prétendus troubles, de prononcer, au mois de février dernier, une déportation contre deux officiers du régiment de la Martinique qui est en garnison dans l’île dont il porte le nom. Ces deux officiers ont été transférés en France et dénoncés à l’Assemblée nationale. Qu’y a-t-il de commun entre les troubles survenus dans l’îleau mois de juillet dernier et cette affaire, qui soit la matière d’un rapport du comité colonial ? Il n’y a aucune connexité, il ne doit donc pas y avoir de jonction. D’ailleurs, l’affaire de ces deux officiers est suffisamment instruite. Les dénonciations ont fourni contre eux cinq mémoires. Il est bien temps qu’on fasse cesser l’incertitude, plus cruelle qu’un jugement, dans laquelle trouvent les deux accusés. Je réclame l’ordre du jour sur la proposition de M. Nairac. (L’ordre du jour est prononcé.) Les ecclésiastiques non prêtres de la Congrégation de Saint-Joseph, dévoués à l’instruction de la jeunesse, demandent d’être membres de cette société comme ceux qui sont promus au sacerdoce. Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution. Il est rendu compte d’un travail utile fait par M. Bernadau, avocat à Bordeaux, qui, voulant propager parmi les cultivateurs de son pays les principes de la Constitution, a traduit en leur idiome la déclaration des droits de l’homme et de citoyen. L’Assemblée nationale, applaudissant à cet acte de civisme, ordonne qu’il en sera faitune mention honorable dans son procès-verbal. M. de Langon demande et obtient un congé de quinze jours. M. Cigongne demande et obtient également un conge d’un mois. M. Thouret, rapporteur du comité de Constitution, propose des articles additionnels aux décrets déjà rendus sur l' organisation des tribunaux. Ces articles sont décrétés, presque sans discussion, ainsi qu’il suit: Art. 1er. « Les juges élus pour composer les tribunaux de districts seront installés sans délai, et commenceront leur service aussitôt qu’ils auront reçu les lettres patentes du roi ; et si le commissaire duroiprès d’un tribunal n’était pas nommé, ou ne se présentait pas pour prêter son sermenbde réception, les juges de ce tribunal commettront un gradué qui en remplira provisoirement les fonctions. Art. 2. « En attendant le prochain établissement de la procédure par jurés, les anciens tribunaux, tant qu’ils resteront en activité, ensuite les tribunaux de districts, lorsqu’ils seront installés, pourront, dans toute l’étendue du royaume, et nonobstant toutes lois et coutumes locales contraires, informer, décréter, instruire et juger en ma- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790-1 [Assemblée uatiouale.] tière criminelle; à cet effet, les tribunaux de district commettront un gradué qui fera provisoirement les fonctions d’accusateur public de la même manière que les anciens procureurs du roi. Art. 3. « Les tribunaux de district suivront provisoirement, en toutes matières civiles et criminelles, les formes de la procédure actuellement existantes, tant qu’il n’en aura pas été autrement ordonné. Art. 4. « Les procès civils et criminels pendants en première instance dans les tribunaux supprimés dont le ressort se trouve divisé en plusieurs districts, continueront d’être instruits devant le tribunal de district où était le chef-lieu du tribunal supprimé, et y seront jugés. Art. 5. « Les procès civils pendants aux parlements, conseils supérieurs, présidiaux et autres tribunaux d’appel supprimés seront renvoyés aux tribunaux de district qui remplacent les anciens tribunaux qui ont jugé ces procès en première instance, et les parties y procéderont, conformément aux dispositions du titre V du décret du 16 août dernier, au choix d’un tribunal d’appel sur les sept qui composeront le tableau pour le tribunal substitué à celui qui a rendu le jugement; ce qui n’aura lieu toutefois que dans le cas où toutes les parties ne consentiraient pas à être jugées par les tribunaux de district établis dans les villes où étaient les présidiaux, conseils supérieurs, parlements et autres tribunaux d’appel saisis de ces procès. Art. 6. « Les procès pendants en première instance ou par appel, dans quelques tribunaux ou devant quelques commissions extraordinaires que ce soit, en vertu de committimus ou autres privilèges, ou en vertu d’évocation ou attribution quelconque, seront renvoyés aux tribunaux de district qui remplacent ceux qui auraient dû naturellement connaître de ces procès, soit pour y être instruits et jugés en première instance, soit pour y être procédé au choix d’un tribunal d’appel, ainsi qu’il est dit en l’article précédent. Art. 7. « Seront comprises dans le précédent article les affaires dont la connaissance a été attribuée, par des décrets de l’Assemblée nationale, à quelques-uns des anciens tribunaux dont les fonctions vont cesser, à l’exception seulement des accusations pour crimes de lèse-nation attribuées au Châtelet de Paris, sur lesquelles l’Assemblée nationale se réserve de prononcer ultérieurement. Art. 8. « Les procès criminels pendants aux anciens sièges prévôtaux et présidiaux, et ceux pendants par appel aux anciens parlements, conseils supérieurs et autres tribunaux d’appel, seront nécessairement jugés par les tribunaux de district établis dans les villes où étaient les sièges prévôtaux et présidiaux, les parlements, conseils supérieurs et autres tribunaux d’appel saisis de ces procès. Art. 9. « L’appel des procès criminels qui seront jugés en première instance après la publication du présent décret, même de ceux qui auront été lro Série. T. XIX. 545 jugés antérieurement, lorsque les accusés n’auront pas été transférés aux prisons près les tribunaux d’appel, sera porté et jugé en dernier ressort dans l’un des sept tribunaux de district dont le tableau sera incessamment proposé et arrêté pour le tribunal de district qui aura rendu le jugement, ou qui se trouvera substitué à l’ancien tribunal qui aura jugé. Art. 10. « Le choix d’un tribunal, entre les sept qui composeront le tableau, appartiendra aux accusés; et, dans le cas où ils n’auront pas usé de leur droit, ce choix sera dévolu au gradué faisant les fonctions d 'accusateur public près le tribunal de district qui aura rendu le jugement, ou qui se trouvera substitué à l’ancien tribunal qui aura jugé. Art. 11. « Les tribunaux de district qui jugeront les appels en matière criminelle ne pourront prononcer qu’au nombre de dix juges lorsque le titre de l’accusation pourra mériter peine afflictive, et au nombre de sept, lorsque le titre de l’accusation pourra mériter peine infâmante; à l’effet de quoi ils appelleront les suppléants, et autant de gradués qu’il en sera besoin. Art. 12. « Les dispositions du présent décret relatives à l’instruction et jugement des procès criminels n’auront lieu que provisoirement, et jusqu’à ce que la forme du jugement par jurés soit mise en activité. Art. 13. « Dans les villes où les tribunaux de district vont être installés, le conseil général de la commune notifiera, au moins quatre jours d’avance, aux officiers municipaux des autres villes et lieux du district dans lesquels il y a des tribunaux supprimés et dont les fonctions doivent cesser, le jour qu’il aura fixé pour l’installation ; et, la veille de ce jour, les officiers municipaux se rendront en corps aux auditoires des tribunaux supprimés, dont ils feront fermer les portes ainsi que celles des greffes, après avoir fait mettre par leur secrétaire-greffier le scellé sur les armoires et autres dépôts de papiers ou minutes en leur présence et en celle de l’ancien greffier de chaque tribunal, qui sera tenu de s’y trouver. Art. 14. « Dans les lieux où les papiers et minutes des greffes se trouveront déposés dans la maison du greffier, le scellé sera mis provisoirement en cette maison sur les armoires et autres lieux de dépôt qui contiendront les papiers et minutes ; il sera ensuite dressé inventaire de ces papiers et minutes contradictoirement avec l’ancien greffier, et ils seront remis au greffe du tribunal du district. Art. 15. « Sont exceptées de la disposition de l’ar« ticle 13 ci-dessus les amirautés et les maîtrises des eaux et forêts dont l’activité ne va cesser que pour l’exercice de la juridiction contentieuse seulement ; mais il sera procédé incessamment au triage des papiers et minutes de leurs greffes, en distinguant ceux qui concernent l’exercice de la juridiction, de ceux qui ne sont relatifs qu’aux parties d’administration confiées à ces tribunaux; les premiers seront remis au greffe du tribunal 35 546 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [12 octobre 1790.] de district, et les autres laissés à la� disposition dés officiers des amirautés et des maîtrises. » M. Andri«*u observe que l'Assemblée nationale a décrété un sursis indéfini à l’exécution des jugements prëvôtaux, et qu’il conviendrait qu’on s’occupât enfin de statuer sur un objet aussi important. (L’Assemblée nationale l'envoie la motion au comité de Constitution, et ordonne que le rapport, du comité sera imprimé et distribué avant la discussion.) M. lé President. L’or d ré du jour est la suite du rapport du comité colonial sur tes tfôùbles de Saint-Domingue. M. Barnave, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des colonies m’â chargé de mettre sous vos yeux la situation des âfféireê de Saint-Domingue, et dé vous bropbser les membres que lui a paru exiger l’état attuel de cette colonie. Le§ événements qui s’y sont succédé sans interruption, et dont les nouvelles nous sont parvenues presque au même instant, ne nous ont pas périfiiS, Messieurs, de vous en occuper plus tôt. A peine eümes-noüs reçu l’envoi officiel de quelques décrets de l’Assemblée, qu’une lettre de l’assemblée générale provinciale du nord nous Supplia de suspendre ü’eH délibérer jusqu’à la prochaine réception d’üne adresse dont elle nous annonçait l’envoi. Cette adresse est arrivée en effet, à été lue et renvoyée au comité des colonies, le 19 dü mois dernier. Presque au même instant nous avons appris que rassemblée générale était parvenue à se faire confirmer par une faible majorité. Dès lors les événements së sont pressés, et chaque jour nous en a annoncé de nouveaux. Enfin la conduite de rassemblée générale nous avait paru telle après sa confirmation, que nous nous étions déterminés à voüs proposer de la dissoudre, de casser ses arrêtés, d’envoyer des forces dans la colonie, et nous rédigions les motifs de cette résolution, lorsque l’arrivée du Léopard a présenté une nouvelle situation des choses. Dés députés dü Port-aü-Prince et de là GrOix-deS-Bouqüets ont suivi de prés l’arrivée des membres de rassemblée générale. Vous avez entendu les Uns et les autres. Il reste à votre comité à mettre sous vos yeux le tableau fidèle des faits tel qu’il résulte des pièces qui Sont dans ses mains. Les mesures et fes dispositions que voüs avez à décréter en ce moment;, en seront la conséquence naturelle. Lâ question des choses, Messieurs, nous a paru poüvoir se séparer de celle dés personnes; toutes les mesures nécessaires pour rétablir dans la colonie l’état légal et la tranquillité, toutes les marques d’approbation qui doivent rassurer et encourager ceux dont le zèle et le patriotisme Ont prévenu les maux dont elle était menacée, nous ont paru ne pouvoir se retarder. Ces dispositions doivent être dictées par une stricte justice. Aucun motif dé considération ne peut ni les atténuer ni les suspendre, et nous avons dans les mains plus de preuves qu’il ne faut pour prendre à cet égard Uü parti avec une pleine sécurité. (1) Le rapport de M. Barnave est incomplet au Moniteur. Lu en partie dans la séance du 11 octobre et terminé dans la suivante, nous l’insérons en entier dans celle du 12, par les motifs que nous avons donnés page 542. Mais sur les personnes accusées, U est bied moins pressant de prononcer; si leurs actes sont condamnés, il faut leur laisser encore le temps de justifier leurs intentions; l’Assemblée nationale désirera toujours n’y trouver que des erreurs, elle Voudra sans doute leur donner tous les moyens de l’en convaincre. C’est donc uniquement sur. ies aptes, Messieurs, que j’arrêterai votre attention. Je les laisserai parler eux-mêmes, autant qu’il sera possible; vous m’accorderez volontiers quelques moments de plus pour acquérir de cette affaire une connaissance plus intime. On a cherché à répandre tant d’erreurs qu’il est plus nécessaire que jamais de mettre la vérité dans le plus grand jour. Mes réflexions ajouteraient peu à la clarté de lâ narration ; je les abrégerai pour laisser s’exprimer par leurs écrits ceux qui sont respectivement en cause. Les premiers mouvements de Saint-Domingue vous sont connus : ils furent dus à l’impression qu’excita dans les colonies la nouvelle de lâ convocation des Etats généraux en France. Àii moment où la nation se mit en mouvement pour conquérir sa liberté, un sentiment commun parût animer ies Français dans toutes les parties dü monde. Saint-Domingue le ressentit. Les oppressions que ses habitants avaient éprouvées leur devinrent insupportables : iis formèrent entre eui des assemblées pour présenter en commun leurs doléances; un comité fut institué dahs chacune des trois provinces; des électeurs nommés dans chaque paroisse élurent les députés que voüs avez admis à voter parmi ies représentants de là nation. Pendant cette première époque, les provinces de l’Ouest et du Sud demeurèrent paisibles. La province du Nord fut seule agitée, soit que le mouvement y fut imprimé par quelques causes secrètes, soit que tous les principes fussent naturels et qu’ils fussent uniquement puisés dans les alarmes qui s’étaient répandues, relativement aüx principes de la déclaration des droits, et dans le sentiment des abus irrité par la résistance que le ministre du département fut accusé d’opposer à toutes les demandes des colons. L’assemblée provinciale du Nord se permit, dès lors, plusieurs actes de puissance; elle ordonna notamment et elle effectua, le 1er janvier, le rétablissement du conseil supérieur du Gap, supprimé par un édit de 1787. Cependant on voulut former une assemblée unique et propre à représenter toute la colonie. Un plan de convocation, envoyé d’ici par le ministre de la marine, fut rejeté par les trois provinces. Leurs trois comités en concertèrent un autre, suivant lequel l’assemblée coloniale de Saint-Domingue a été formée par la députation des paroisses, et composée de 212 membres; elle s’est réunie à Saint-Marc et s’est constituée, le 14 avril, sous le titre d’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Cette assemblée formée, les trois assemblées provinciales ne subsistèrent pas moins; mais leur composition fut changée : plusieurs de leurs membres furent élus à l’assemblée générale, et quelques autres se retirèrent. L’assemblée de la province du Nord a seule conservé une activité constante. Le comité de l’Ouest, presque anéanti, lors de la formation de l’assemblée générale, fut ensuite ranimé pour soutenir ses opérations. Le comité du Sud ne lui était pas favorable ; il a été détruit par une association qui s.’est formée dans la ville des Gayes, où il était établi.