020 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 125 juillet 1791.] DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 25 JUILLET 1791. Rapport et PROJET de DÉCRET sur le service de santé des armées et des hôpitaux militaires, présentés au nom des comités militaire et de salubrité , par M. Victor Desèste, député du département de la Gironde. — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.) Messieurs, Le projet de décret sur les hôpitaux militaires, renvoyé par votre ordre au comité de salubrité, y a été discuté avec tout l’intérêt que commande un objet très important par lui-même, plus important encore par les circonstances qui appellent sur le service de santé de l’année votre attention la plus vigilante, et sollicitent de votre sagesse les mesures les plus promptes. Déjà, dans un rapport assez étendu, un membre du comité militaire vous a développé les principales bases du projet qui avait été soumis à votre délibération. Nous ajouterons quelques réflexions importantes pour vous faire connaître l’état actuel du service des hôpitaux militaires, et éclairer davantage votre décision. L’établissement d’hospices permanents pour le traitement des soldats malades ou blessés est dû à l’humanité de Henri IV. Avant son règne, ils étaient soignés dans les camps ou dans les casernes. Ce que Henri IV avait commencé, Louis XIV l’acheva. Son amour effréné de la guerre lui inspira du moins une affection attentive pour le soldat, instrument de ses victoires et de sa renommée. Il éleva, pour lui servir d’asile dans ses maladies, des édifices nombreux, vastes, trop somptueux peut-être, où l’on réunit les secours les plus abondants et les soins Rs plus éclairés. De sages ordonnances en réglèrent le régime. On en a fait beaucoup depuis, et il en e�t fort peu qui tracent avec plus de précision les devoirs de tous les employés au service de santé. De grands établissements sont bons en eux-mêmes. C’est, quoi qu’en aient pu dire ceux qui avaient d’autres projets à faire adopter, le mode le plus sûr, le moins dispendieux pour l’Etat, le plus avantageux aux malades, pour leur administrer des secours utiles, surtout en temps de guerre où le besoin en est plus impérieux. Néanmoins, il est impossible que bien des abus ne se glissent à la longue dans un service aussi compliqué, lorsque, les ressorts du gouvernement venant à se relâcher, toute surveillance s’affaiblit et tout esprit public s’éteint. C’est surtout dans la partie économique du régime des hôpitaux militaires que les abus ont été les plus sensibles. Une funeste instabilité de principes changeait continuellement leur administration. C’est ainsi qu’on a vu tour à tour s’accroître ou se restreindre l’autorité des intendants et des commissaires des guerres, s’établir ou s’anéantir la prépondérancé des officiers des troupes de ligne et des commandants des places, paraître et disparaître, devant l’intérêt des régisseurs et des entrepreneurs, jusqu’à la salutaire influence des officiers de santé chargés du service. C’est ainsi qu’à différentes époques on a créé, réformé, puis recréé des contrôleurs pour les supprimer encore ; qu’on a proscrit les infirmiers-majors pour les remplacer par des commis aux salies, proscrits ensuite eux-mêmes; qu’on a multiplié ou réduit le nombre des inspecteurs, celui des médecins, des chirurgiens, des pharmaciens ou des servants. C’est ainsi que souvent des places étaient fondées ou réformées, selon les hommes à qui on les destinait, ou ceux à qui elles ne convenaient plus ; que souvent l’addition aux appointements était attribuée à la diminution ou même à la nullité des fonctions, tandis que, dans l’exercice pénible du service le plus important, l’homme zélé et assidu était quelquefois réduit à chercher sa récompense dans ses propressentiments, et à s’estimer heureux lorsque les efforts de l’intrigue et de la malveillance avaient échoué contre l’ascendant irrésistible d’une conduite franche et sans reproche. C’est ainsi encore qu’en substituant l’entreprise à la régie, la régie à l’entreprise, sans autre motif de. choix de l’une ou de l'autre méthode, que l’intérêt particulier de ceux qui la proposaient et le crédit dont ils avaient su s’entourer, la vie des hommes devenait l’objet d’un infâme trafic. A des entrepreneurs cupides succédaient des régisseurs infidèles. On donnait aux uns des indemnités pour des marchés qui les avaient enrichis, aux autres des avances pour les enrichir à leur tour. L’Etat se ruinait en dépenses énormes; les malades, toujours le prétexte de ces changements, n’en étaient que plus mal soignés ou servis, et les débris de la fortune publique ne servaient qu’à nourrir un luxe insolent et une corruption contagieuse. Et ce n’est pas que la loi n’eût accumulé toutes les précautions de surveillance; qu’elle n’eût, pour cet objet, multiplié les places, et souvent à l’excès; qu’elle n’eût prescrit, avec la plus minutieuse exactitude, tous les détails de la comptabilité; mais la loi était sans cesse éludée; elle l’était par les employés, par ceux qui étaient chargés de les contrôler ou de les inspecter ; elle l’était par les ministres eux-mêmes qui l’avaient faite. Des lettres ministérielles, des décisions arbitraires, ce qu’on appelait des suppléments interprétatifs , augmentaient les appointements, changeaient la nature des dépenses, les transportaient d’une caisse à une autre. On en perdait ainsi facilement la trace, et les bienfaisantes intentions du monarque qui croyait faire le bien, qui croyait le faire avec sagesse, avec économie surtout, restaient sans effet. Ces abus nombreux, évidents, intolérables, exigeaient sans doute une sévère, une prompte réforme; mais ils n’étaient pas inhérents à l’établissement en lui-même ; ils tenaient au défaut absolu d’esprit public; ils tenaient surtout à ce vice général de l’arbitraire qui rendait nulles les meilleures luis, corrompait toutes les p orties de l’administration, et dissolvait peu à peu ce gouvernement ministériel, que nous avons vu crouler tout à coup sous ses étais vermoulus. L’établissement restera et les abus disparaîtront sous l’influence d’une Constitution libre, sous l’influence de ces lois régénératrices qui rendent tous les services honorables et 'tous les devoirs faciles, de ces lois immuables, inflexibles, qui laissent à chacun l’espoir des récompenses, et ne laissent à personne l’espoir de l’impunité. Ces abus, dont tout le monde convenait, mais qui n’étaient jamais dénoncés avec plus d’énergie [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2a juillet 1791.] que par ceux qui voulaient y substituer un régime plus abusif, servirent de prétexte au changement du service hospitalier de l’armée qui a été tenté en 1788. Une ordonnance, dont les conséquences ont été multipliées au point d’une grande partie de ses dispositions, n’a pu être exécutée; au lieu de grands hôpitaux on établit des hospices régimentaires. On revenait ainsi à l’enfance de l’art et le gouvernement rétrogradait d’un siècle dans cette partie de l’administration publique. Toute l’institution militaire fut refondue alors sur les mêmes principes d’imitation servile des usages étrangers, par ce conseil de la guerre dont le génie étroit et maladroitement novateur, heurtant sans précaution tous les préjugés, toutes les habitudes du soldat français, était parvenu à lui infliger le dégoût de la discipline ancienne, sans lui inspirer d’attachement à la nouvelle. Nous ne rappellerons qu’en peu de mots les effets de ce système désastreux, qui sont exposés avec autant de force que d’étendue dans l’ouvrage (1) que le premier médecin des armées a présenté à l’Assemblée nationale, après avoir épuisé, en 1788, les efforts les plus constants pour faire adopter au ministre d’alors des vérités qu’on ne méconnaît plus aujourd’hui. En substituant un hôpital pour chaque régiment aux hôpitaux collectifs qui réunissaient dans une même garnison les militaires de toutes les armées, on a nécessité une augmentation évidente sur la dépense des bâtiments, sur celle des feux, des lumières, des fournitures de tout genre, sur celle des aliments et des médicaments, dont le prix est toujours plus modéré lorsqu’il porte sur des approvisionnements en grand, que lorsqu’il a lieu sur des marchés partiels. Les premiers frais de tous ces établissements morcelés ont concouru avec la dépense de l’entretien nécessaire des anciens hôpitaux et l’indemnité qu’une résiliation de bail forcée a contraint d’accorder aux entrepreneurs. En renvoyant des médecins instruits, expérimentés, dont le constant attachement à leurs devoirs ne s’était jamais démenti, pour attribuer leurs fonctions à des hommes nouveaux, d’un talent incertain, qui du moins n’avaient pas l’habitude de les exercer, on a augmenté à grands frais, et dans une proportion hors de toute règle, le nombre d’officiers de santé et de servants en activité, tandis qu’on surchargeait le Trésor public de retraites qu’on ne sollicitait pas, et onéreuses même à ceux dont elles étaient loin de récompenser les services. On a attribué beaucoup trop d’autorité aux officiers des troupes de ligne, qui jusqu’à cette époque n’avaient pas concouru assez efficacement au service des hôpitaux. On n’a pas craint de charger les états-majors des corps de l’entreprise des aliments et des remèdes, sans songer que le soldat malade peut redouter leur négligence et s’abandonner à des soupçons injustes, mais qui altèrent la confiance qu’il doit à ses chefs. On ne voulait pas saisir le contraste frappant entre le caractère de la surveillance désintéressée et celui de l’entreprise, qui expose à faire regarder comme les juges du soldat mala ie, ceux qui, dans tous les temps, ne doivent être que ses protecteurs et ses amis. Relativement aux malades, on est allé, pour (1) Du service des hôpitaux militaires rappelé aux vrais principes, par M. Coste, premier médecin des armées.. Paris, 1790. In-8°. 627 ainsi dire, jusqu’à fixer le nombre de ceux qui pouraient l’être, comme si une ordonnance eût pu changer l’influence des saisons on des climats, ou de la constitution des individus, ou les causes qui dérangent leur santé; et tandis que la médecine était confiée, dans la plupart des régiments, au chirurgien-mojor ; que l’exercice, la fourniture même de la pharmacie, l’étaient à son aide, sans la moindre appréhension de cette double inconséquence, les 8 hôpitaux conservés avaient un nombre d’officiers et de servants quelquefois supérieur à celui des malades, et dans tous on avait eu l’inhumaine parcimonie de retrancher, sur la somme des aliments destinée aux convalescents, une quantité qui de tout temps avait été reconnue, et que nous vous poposerons encore de décréter comme absolument indispensable. Et cependant on annonçait avec assurance une économie de 630,008 livres sur le service de santé, tandis qu’il est démontré, delà manière la moins suscnpiible de réplique, que le nombre d’employés quelconquedans les hôpitaux militaireset les régiments, ne montant qu’à 1216 d’après l’ordonnance de 1781, s’était élevé tout à coup, par celle de 1788, à 2,275, et que la dépense du service de samé, qui n’allait auparavant qu’à la somme de 915,930 livres se trouvait portée, en 1788, à 1,338, 581 livres. Ainsi, en résultat, le nombre d’employés avait été augmenté de 1,059 personnes, et la dépense de 422,724 livres. Il se trouvait donc non seulement absence de diminution, mais augmentation réelle ; de manière qu’en ajoutant l’erreur en plus à l'erreur en moins , la somme de l’erreur réelle, qui n’est cependant qu’une somme fictive, se trouve être de 1,052,724 livres. Enfin, un des effets les plus funestes de ce système d’hospices régimentaires, c’est qu’il tendait à éloigner pour jamais la réalisation de ce vœu de l’humanité, que les malades soient couchés seuls dans un lit, vœu qui ne peut plus être repoussé, depuis que la nation met au nombre de ses plus précieuses économies toutes les dépenses qui conservent les hommes ou soulagent les infortunés. Nous n’ajouterons pas d’autres détails au tableau rapide que nous venons de vous tracer de ces désastreuses opérations : leur simple exposé doit suffire pour vous convaincre de la nécessité d’y apporter un remède prompt et efficace, qui mette une barrière éternelle aux abus que nous vous avons dévoilés. Le bien des malades a toujours servi de prétexte aux ordonnances qui le contrariaient le plus, comme l’économie aux réformes les plus dispendieuses. 11 est temps que ces intérêts soient les seuls consultés; il est temps que le soldat, retenu dans nos hôpitaux, s’aperçoive qu’il est le seul objet des dispositions prévoyantes delà loi ; qu’il sente, dans tous les soins attentifs qu’il reçoit, que c’est la patrie reconnaissante qui acquitte envers lui sa dette sans regret, comme il a acquitté envers elle la sienne avec courage. Que la Constitution elle-même fournisse les bases de l’édifice que la nation consacre à la conservation de ses défenseurs ! Durable comme la Constitution dont ilserafun des bienfaits, même lorsque les circonstances particulières forceraient à modifier les règlements de temps et de lieux, le système entier de nos établissements de santé, militaires reposera sur des principes de raison et de justice qui ne changent jamais. Qu’une économie nécessaire proscrive toute [Assemblée nationale.] AKCIUN LS PARLEMENTAIRES. ]23 juillet 17Ô1.J 628 place inutile, toute dépense dont les malades ne tirent aucun avantage; mais qu’une pieuse libéralité prévienne tous leurs besoins et ne laisse aucun genre de service sans la perspective de sa récompense. Rien d’insuffisant, mais rien d’inutile: telles sont les conditions essentielles du plan qui vous est proposé. Il établit, comme principe fondamental et constitutionnel, le droit de tout militaire en exercice d’être traité, dans ses maladies, aux frais du Trésor public. Jusqu’ici aucune ordonnance n’a consacré ce principe, quoiqu’elles en soient la conséquence. Mais, dans un moment où des ci-tovens armés, associés aux troupes de ligne pour défendre la liberté, s’exposent à mourir pour la patrie, il ne doit rester aucun doute sur Rengagement solennel que l’Etat contracte envers eux. Considérant ce qu’ont été les hôpitaux militaires, ce qu’ils sont dans leur état actuel, ce qu’ils peuvent et doivent être sous l’influence des règles sages et justes que vous allez établir, vos comités ont pensé que les hôpitaux collectifs pour les malades de tontes les armes, réunissent tous les avantanges qu’on doit désirer, et que ne peuvent offrir ces hospices régimentaires; la salubrité et l’isolement du local, Je meilleur emploi des dépenses, l’économie dans les frais, et les secours d’une expérience plus consommée. Quoiqu’il y ait un désavantage réciproque pour le soldat el pour le pauvre d’être réunis; quoique souvent des administrateurs avides aient calculé que la journée du soldat était productive et celle du pauvre onéreuse; quoique le despotisme soit parvenu à s’introduire jusque dans les asiles de la bienfaisance, pour y chasser le pauvre du lit qui lui était destiné, et quoique, d’un autre côté, le soldat puisse y être quelquefois reçu trop facilement, y prolonger trop son séjour, y contracter des vices, s’y adonner à la paresse, vos comités ont néanmoins pensé qu’au moyen de sages précautions, on pourrait traiter les soldats dans les hôpitaux civils, là où il n’y aurait pas d’établissement militaire, mais seulement lorsqu’il se trouverait, pour ce service, des salles séparées ; qu’il serait utile aussi d’établir, dans chaque corps militaire, une infirmerie régimen-tale, destinée uniquement aux indispositions et blessures légères, sons la conduite de l’officier de santé du régiment. Il serait plus inconséquent encore de ne pas lui attribuer des fonctions, que de les lui attribuer toutes, comme l’avait fait indiscrètement l’ordonnance de 1788. Il est des dispostions d’humanité dont il serait sans doute inutile de parler dans le décret qui vous est présenté, qui ne renferme que les bases du service des hôpitaux militaires, si jamais elles n’avaient été méconnues ; mais, quoique leur objet soit sacré, plusieurs fois on s’est permis de les enfreindre. Il importe donc de les consacrer d’une manié: e plus solennelle. IL faut que le soldat voie que vous faites pour lui tout ce que vous pouvez faire ; que rien de ce qui peut contribuer à lui rendre la santé, ou même à adoucir son sort, n’échappe à votre sollicitude. Nous vous proposons donc de consacrer, par une volonté invariable, ces trois principes : Que les médicaments doivent toujours être d’une qualité supérieure; Que le maximum des aliments sera toujours de la quantité que l’expérience a fait reconnaître nécessaire ; Que chaque malade doit être couché seul. Quoiqu’il fût possible aujomrd’hui de former daus les villes de guerre, pour la fourniture des hôpitaux, des entreprises locales, qui seraient moins susceptibles des hasards de la cupidité, eo les assujettissant à des formes de surveillance plus rigoureuse; et quoiqu’il faille espérer qu’un des changements heureux que la Constitution apportera dans les mœurs publiques sera de détruire cet esprit fiscal, financier, spéculateur, qui se mêlait à tous les objets qui intéressaient directement la nation; cependant ce sera toujours une méthode immorale. La tentation qui en résulte est vile, odieuse; lors même que l’entrepreneur est honnête, il est toujours soupçonné de ne l’être pas: ce soupçon n’abandonne jamais l’âme du soldat qui croit qu’on fait des profits sur sa vie; il aigrit ses maux et ses inquiétudes. Vous devez donc proscrire à jamais la méthode de l’entreprise, au moins poiir ce qui concerne les aliments et les remèdes; car, pour toutes les autres fournitures, elle n’a que des avantages et point d’inconvénients. Si le bien de l’humanité exige qu’il y ait des écoles où les hommes qui se destinent à l’art de guérir reçoivent tous le même enseignement, pour être tous en état d’exercer toutes lès parties de la science et de \' opération, il sera toujours nécessaire, dans de grands établissements de séparer du traitement des maladies internes, l’exercice des opérations de chirurgie qui exige un homme versé particulièrement dans cette partie. Déjà, dans les grands hôpitaux de Lille, Metz et Strasbourg, le roi avait établi des écoles d’instruction et de pratique pour la médecine militaire; et elles avaient eu beaucoup de succès. Nous vous proposons de rendre ces écoles encore plus utiles, en y rendant l'instruction plus complète. Cette instruction ne sera poiut onéreuse à l’Etat. Les mêmes hommes attachés au soin des malades, rempliront ces devoirs. Ils se formeront des successeurs; ils mériteront ainsi doublement de la patrie. C’est de ces écoles que seront tirés les officiers de santé des régiments; et ils auront, la perspective de retourner y occuper les premières places. Les comités ont été d’avis de fixer des examens pour l’admission des surnuméraires , d’établir des concours pour les 2 grades qui suivront immédiatement, et d’attribuer ensuite les places des titulaires à l’ancienneté, pour les 2 tiers, et au choi.; du roi, pour l’autre tiers. Ce sont des principes aussi simples qui ont dirigé vos comités daDs les bases qu’ils proposent pour l’administration économique des hôpitaux militaires; ils vous ont déjà été développés dans un premier rapport; nous ne ferons que les résumer ici. Dans chaque administration locale, un directoire appointé, et chargé de toute l’exécution, sera surveillé par un conseil désintéressé, composé d’officiers militaires et d’officiers civils. Les officiers de santé, longtemps exclus de ces fonctions de police et de surveillance, seront admis à les partager. Qui plus qu’eux désire le soulagement des malades, et le succès des soins qu’ils leur donnent? Ce succès est leur seule gloire. Toutes ces administrations isolées et partielles seraient plus funestes qu’utiles, si elles ne venaient se rattacher à un centre commun qui peut comparer leurs divers résultats et éclairer leur vigilance. Chacune d’elles correspondra à un directoire central, composé d’hommes dont les talents, l’honnêteté et la longue expérience dans chaque partie du service de santé des armées ne puissent être révoqués en doute. Ce directoire, qui vérifiera tous les comptes des administra- [Assemblée nationale.) ARCHIVES i\VRLEME;\'fAiRE5. [23 juillet 1791.] tions particulière?, sera aux ordres du ministre de la guerre, responsable de tout le service. La publicité des comptes justifiera, chaque année, à la législature et la nation, l’emploi des sommes affectées à cette partie du service, et déterminera la fixation nécessaire pour l’année suivante. Enfin, quoiqu’en pareille matière, l’économie soit le point le moins essentiel, et quoique l’on ne doive s’y attacher qu’en ce qu’elle donne le moyen de faire plus de bien et de le faire mieux, les comités qui ne se feront pas un mérite de diminuer de 1,482 le nombre des personnes employées par l’ordonnance de 1788, ni de réduire la somme de 1,346,277 livres à celle de 696,850 livres, vous observeront au moins qu’au lieu de 1,216 employés et 915,857 livres de dépense, que comportait le service de 1781, le projet de décret qui vous est soumis fixe le nombre des employés à 787, et la dépense à la somme de 696,850 livres; d’où résulte, même sur le service de 1781, une diminution de 429 personnes employées, et une économie de 219,U07 livres. Mais la considération la plus importante, celle à laquelle vous devez vous fixer, c’est qu’on obtiendra un meilleur service, sous tous les rapports. C’est que l’administration désintéressée sera toujours à l’abri de la séduction, et même du soupçon. C’est qu’elle n’aura que des agents intéressés à la bonté du service, et dont l’action concourra avec elle à le maintenir dans l’état le plus rapproché de la perfection. C’est qu’elle sera éclairée, encore plus que surveillée, par une administration centrale, qui n’aura aucun intérêt qui puisse la détourner de diriger l’ensemble de tous les détails d’exécution, d’après les seuls principes éternellement bons de l’unité, de l’égalité et de la justice. Les devoirs de chacun seront à côté de ses droits. Il ne pourra s’écarter de ceux-là, sans renoncer à ceux-ci. Au despotisme des intendants et des sous-ordres, vous substituez des règles fixes d’admission et de hiérarchie, qui mettent chacun à sa place, et bannissent à jamais l’ignorance et l’intrigue. L’olficier de santé ne répondra que de sa conduite et de sa science. Il ne dépendra que d’elles : il sera désormais plus considéré, et par conséquent plus utile. Son zèle ne l’exposera plus aux vexations, aux menées ténébreuses de la jalousie, ou aux inquiétudes des chefs; et le soldat malade, commis à sa tutelle, n’en retirera que plus de fruit de ses soins compatissants. Tous les surnuméraires auront la perspective d’émulation offerte aux talents et aux mœurs; tous les employés, celle d’une retraite honnête et honorable. Plus de fortunes scandaleuses; plus de grâces clandestines ; plus de marchés couverts : la publicité des comptes préviendra jusqu’au soupçon ; l’intérêt des hommes honnêtes sera de placer les succès à côié du tableau des dépenses, et ce désir même multipliera les succès. Enfin il ne sera aucune partie de cette administration intéressante, et jusqu’ici trop négligée, qui ne soit dirigée d’une manière conforme aux principes et aux conséquences de la Constitution. Déjà, dans toutes les branches de l'institution militaire que vous avez décrétée, votre soin le plus vigilant a été d’améliorer la condition phy-629 siqae et morale du soldit. Une paye plus proportionnée à ses besoins lui assure des vêtements plus sains et une nourriture plus salubre. L’espoir d’un avancement promis à ses efforts excite son émulation et fortifie son courage. Toute la dignité de l’homme libre lui est rendue, sous le joug même des lois les plus impérieuses. Par l’effet de ces dispositions justes et bienfaisantes, sa santé raffermie souffrira moins de la fatigue des camps et de la rigueur des exercices militaires, en même temps que ses mœurs épurées par l’enthousiasme de la liberté et par le désir des honneurs et de la gloire, le préserveront davantage des excès de la licence et des ravages de la corruption. Voilà, Messieurs, ce que vous avez fait pour le soldat français; voilà les avantages qu’il retire de ces lois nouvelles, auxquel es on s’étonne qu’il soit attaché, dont on s’efforce en vain de lui inspirer la h;