44 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j SéÏÏbr/nga dus que vous ne connaissez point, par des moyens également inconnus. Bourdon (de l'Oise). Je demande à la Con¬ vention d’ajourner cette question-ci : Est-il bon de laisser au peuple l’établissement connu sous le nom de Mont-de-piété? Selon moi, c’est un véritable privilège d’usuriers, qui est incompa¬ tible avec les principes de la République : je veux savoir s’il peut être conservé. Je crois qu’on peut organiser des maisons de secours plus humaines. Charlier. Je demande le renvoi au comité des propositions que vous ont faites Bourdon (de l’Oise) et Léonard Bourdon. Le premier vient de vous dire une grande vérité. Le Mont-de-piété est un véritable privilège pour exercer publiquement l’usure. Il est certain qu’il pèse surtout sur les citoyens les plus infortunés. Il ne leur procure des secours qu’en les dépouillant. Il leur fait payer, par une détresse entière, quelques efforts momentanés contre les atteintes de la misère. Simond insiste sur la question préalable. Dubouehet demande le renvoi de toutes les propositions au comité. Simond craint que l’aristocratie ne profite des mouvements qui pourraient s’ensuivre, pour inquiéter les bons citoyens. Fayau. Léonard Bourdon vous propose |de rendre aux citoyens les objets qu’ils ont déposés au Mont-de-piété, en linge et en couvertures, sans qu’ils soient obligés de faire aucune remise. On a demandé qui faisait les fonds de ce vide. Mais, observez que l’établissement du Mont-de-piété est entre les mains de la République. Or, qu’importe que la République accorde des secours directs aux pauvres, ou qu’elle leur fasse remettre leur linge et leurs couvertures. Je ne vois de différence que dans les moyens. L’objet est toujours le même. Il faut bien que la nation vienne au secours de ses membres infortunés. Si la Convention ne se trouve pas assez éclairée, ce n’est pas un motif pour rejeter la motion de Bourdon, mais bien pour la renvoyer au comité. Quant à la proposition de Charlier, relative au ministre, elle doit être adoptée sur-le-champ. La Convention renvoie au comité des finances les propositions de Léonard Bourdon et de Bourdon (de l'Oise). Elle enjoint au ministre de l’intérieur de rendre compte dans trois jours de la distribution des fonds de bienfaisance. ANNEXE N° 3 à la séance de la Convention nationale du 1« frimaire an II au matin. (Vendredi O décembre 4 903.) Comptes rendus, par divers journaux, des nouvelles données par Barèro sur les opérations militaires des diverses ar¬ mées (1). I. Compte rendu du Mercure universel (2). Lettre du général Dugommier, datée d'Ollioules, le 7 frimaire (3). « J’ai reçu le décret qui me nomme au com¬ mandement de l’armée devant Toulon. Il n’y a point de républicain qui ne soit flatté de l’es¬ time de ses concitoyens. Je répondrai à la con¬ fiance nationale. Nous travaillons tous les jours et je partage les travaux de mes frères. Le comité de Salut public pourra, s’il le juge à propos, vous donner connaissance de nos dispositions ; en attendant, nous allons tous disposer l’exécution. Nos prières sont des hymnes à la liberté et notre cri de ralliement est pour l’exécution. Vive la République! » Barère, au nom du comité de Salut public, présente les dépêches reçues des armées du Rhin, de la Vendée, de Toulon; en voici le précis : Lettre de Soubrany et Richaud, représentants du peuple près l'armée du Rhin, du 7 frimaire, datée de Schoneberg (4). « Les troupes de la République ont battu l’ennemi; une attaque dirigée sur trois points différents et qui a duré trois jours de suite, a prouvé que les républicains sauraient vainore, quoi qu’ayant un ennemi supérieur en nombre. L’une des trois colonnes, ayant attaqué seule, l’a fait infructueusement, et a donné le temps à l’ennemi, qui déjà se composait de 30,000 hom¬ mes, de se recruter de 10,000, ce qui l’a rendu plus fort que nous du double. Le 10, l’attaque s’est faite avec 22 pièces de canon. L’on a voulu emporter le poste de Kaiserslautern ; des postes et des redoutes ont été enlevés la baïonnette en avant. L’un des généraux de division, en char¬ geant en tête, a été fait prisonnier, et cette sur¬ prise eût entraîné la déroute, si nous ne nous fussions portés à l’instant sur le champ de (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 33, le compte rendu du Moniteur. (2) Moniteur universel [17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793), p. 265, col. 2 et 269, col. 1]. (3) Voy. ci-dessus, même séance, p. 33, le texte exact de la lettre de Dugommier, datée d’Ollioules, 7 frimaire. (4) Voy. ci-dessus, même séance, p. 30 et 31, le texte exact des deux lettres de Soubrany et Richaud, datées de Schoneberg, 11 frimaire, et de Deux-Ponts, d’après M. Aulard, 12 frimaire. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 45 bataille pour rallier les bataillons. Ce n’est pas que la cavalerie et l’infanterie n’aient chargé avec vigueur; mais l’ennemi étant supérieur du double en force, et nous, manquant de muni¬ tions, il a fallu se résoudre à la retraite. Elle s’est faite en bon ordre; seulement l’une des colonnes, en faisant sa retraite sur Homburg, a perdu son trésor, montant à 300,000 livres, et quelques pièces de canon. Si nous n’avons pu faire rentrer la contribution imposée sur les Deux-Ponts, vu que les riches sont en fuite, nous ne rapporterons pas moins de notre mission 7,000 sacs de blé, des cuirs, des draps, de l’eau-de-vie pour nos républicains, et plus de 2,000 tê¬ tes de bestiaux que nous ramenons. » (Applau¬ dissements.) Barère. Nous passons à ce qui regarde la Vendée. Il a donné lecture de plusieurs lettres. « Les brigands ont évacué Laval, disent les administrateurs d’Indre-et-Loire, en date du 11 frimaire. Ils se portent sur La Flèche, Sau-mur et Chat eau - Gontier . Sous 24 heures ils peuvent être près de nous. Ils ont pris Chemillé. Nous avons découvert un complot de prêtres de Château-Gontier et cantons adjacents. Envoyez-nous un représentant. Nous vous jurons que les rebelles n’entreront dans notre cité qu’en passant sur nos cadavres. « Les brigands sont entrés à Commières, Pes-signy, disent les mêmes administrateurs en date du 13. Le 12, ils ont quitté la Flèche où ils ont passé avec 30 pièces de canon. Ils ont été quatre heures à défiler; ils espèrent hiverner à Angers. Les maladies et la famine les assiègent ; quelques-uns sont restés morts de misère sur la route. Des prêtres, des femmes, composent en partie cette armée. » Lettre de Guimberteau, représentant. De Tours, le 14 frimaire (1). « Les rebelles viennent de se porter sur An¬ gers. Depuis trois heures, le canon gronde. Une partie de l’armée de Mayence, réduite à quel¬ ques centaines d’hommes, s’était portée à leur rencontre. L’armée d’Angers a fait une sortie; les brigands sont cernés. L’affaire a été vive; ils ont laissé 300 hommes sur la place. Les administrateurs de Tours se sont mis à la tête des bataillons, et c’est bien à tort que l’on a dit que cette ville était contre-révolutionnaire. C’est une calomnie dont la Convention doit la venger. Envoyez-nous seulement des canons et des fusils. Nous avons tout disposé pour em¬ pêcher les brigands de traverser la Loire, et nous avons fait le serment qu’ils nous passe¬ raient sur le corps avant de pénétrer dans notre ville. » ( Applaudissements .) Barère. Malgré que l’on ait dit et imprimé que le comité de Salut public cherchait à dimi¬ nuer le nombre des brigands de cette armée, et à faire croire qu’elle n’existait plus, quelle que soit cette armée, elle sera attaquée sur tous les points; le comité de Salut public a pris à cet égard des mesures. Je viens à ce qui concerne Toulon. Le ministre (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 32, le texte exact de la lettre de Guimberteau, datée de Tours, 14 frimaire. de la guerre nous a communiqué ce matin une lettre surprise, de Londres, dans laquelle on dit que le général Ohara a été nommé commandant en chef des armées de Toulon ; « et avec d’autant plus d’intérêt, ajoute-t-on, que la division se propage dans les troupes alliées, chaque puis¬ sance se dispose à fournir son contingent et le pape doit fournir à lui seul 2,000 hommes. » (On rit.) Lettre de Saliceti , représentant du peuple, datée d'Ollioules, le 10 frimaire (1). « L’ennemi commence à s’apercevoir qu’il lui sera difficile de soutenir notre feu. Hier, il a fait une sortie; nos avant-postes ont été forcés et nos batteries emportées; mais la valeur répu¬ blicaine a tout réparé. Tout a été repris; une redoute a été emportée et l’ennemi mis en dé¬ route. Il a laissé 400 hommes sur la place, pres¬ que tous Anglais. Nous avons fait 200 prison¬ niers, dont un colonel espagnol blessé, plusieurs officiers de marque et le général anglais Ohara, qui a reçu une balle au bras droit. (Applaudis¬ sements.) Nous n’avons eu que 40 hommes tués et une centaine de blessés, dont est le général Dugommier, mais très légèrement. Nos répu¬ blicains, emportés par leur courage, sont entrés, malgré un feu très vif de l’ennemi, dans Malbos¬ quet, et y ont enlevé les tentes des Anglais. » ( Applaudissements.) « Un parlementaire anglais, dit une lettre du général Dugommier, est venu réclamer les traîtres et les prisonniers, notamment le général Ohara. Le comité, ajoute Barère, a pris des mesures sur cet objet. » II. Compte rendu du Journal de la Montagne (2). • Barère donne connaissance des dépêches parvenues au comité de Salut public, sur notre situation militaire. Il en résulte qu’au nord notre contenance est imposante, que vers le Rhin nos succès ont été retardés, que sous les murs de Toulon tout présage la ruine des traîtres et que dans l’intérieur, du côté de l’ouest, les brigands cherchent à regagner leurs anciens repaires en repassant la Loire. Les représentants du peuple mandent de Schoneberg, le 11 frimaire (3), que trois jours de suite, la colonne commandée par le général Hoche s’est présentée devant Kaiserslautern et a fait des prodiges de valeur, mais qu’elle n’a pas été secondée par les autres colonnes, qui de¬ vaient tourner l’ennemi de droite et de gauche et se sont égarées dans les bois; la division s’est retirée en bon ordre à Limbach. Les représentants, qui se trouvent à Deux-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 33, le texte exact de la lettre de Saliceti, datée d’Ollioules, 10 frimaire. (2) Journal de la Montagne n° 24 du 17e jour du 3e mois de l’an II (samedi 7 décembre 1793), p. 190, col. 2, et n° 25 du 18e jour du 3e mois de l’an II (dimanche 8 décembre 1793), p. 198, col. 2]. (3) Voy. ci-dessus, même séance, p. 30, le texte exact de la lettre de Soubrany et Richaud, d’après M. Aulard, datée de Schoneberg, 11 frimaire.