684 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 décembre 1790.] flétrir d’abord d’un jugement qui le déclarera prévenu du crime, et le retenir provisoirement dans une prison jusqu’à ce que le directeur du jury ait rendu un second jugement provisoire sur sa liberté! Je cherche en vain, je l’avoue, en quoi l’ancien régime était plus vicieux que celui-là. Je ne sais pas même s’il ne pourrait pas nous faire regretter jusqu’à la juridiction prévotale, m oins odieuse sous beaucoup de rapports, et qui parut un monstre politique précisément parce qu’elle remettait dans les mêmes mains une magistrature civile et le pouvoir militaire. M. Gompil s’appesantit particulièrement sur l’idée désastreuse qu’entraîne après soi un jugement qui ne laisse aucun moyen de révision. Rappelant à l’Assemblée un décret rendu, qui admet la rédaction des témoignages au civil, il demande si l honneur et la vie des citoyens sont moins précieux que leurs richesses et leur fortune. Il demande donc que les témoignages soient rédigés par écrit. (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 27 DÉCEMBRE 1790. Nota. M. Hell, député de Ragueneau, fit imprimer et distribuer son opinion sur V organisation de la justice. Ce discours, quoique n’ayant pas été prononcé, fait partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale et c’est à ce titre que nous l’insérons dans les Archives. M. Hell, député de Hagueneau (1). Messieurs, le salut du peuple est la première loi; c’est le salut du peuple qui est le précieux objet de nos travaux. G’rst d’après ce principe sacré que vous vous dé erminerez à adopter la forme la plus salutaire d’administrer la justice. C’est d après le meme principe que vous déciderez la question de savoir si vous adopterez oui ou non des jurés. Pour connaître par qui la justice peut être administrée le plus fidèlement et ie plus promptement, il faut auparavant déterminer I s formes dans lesquelles la justice doit être administrée. Pour déterminer cette forme, il faut connaître ce qui, dans l’ancien régime, peut avoir été bon, et ce qu’il y a eu de vicieux. Avant que d’adopter une nouvelle forme, il est essentiel de se garantir des attraits d’une brillante théorie : si cette forme se trouve établie quelque part, il faut interroger l’expérience et juger la loi par ses effets. Le législateur doit la justice au peuple, il doit la lui taire parvenir par le chemin le plus court possible, et lui causer le moins de dépensé de temps et d’argent qu’il est possible. Revêtus de cette fonction divine, vous voulez (1) L’opinion de M. Hell n’a pas été insérée au Moniteur. être instruits, vous voulez connaître avant que de décréter la loi. De mon côté, il est de mon devoir de mettre sous vos yeux ce que ma longue administration de la justice m’a appris. Je ne crains pas, Messieurs, de vous dire que les formes qui devaient assurer le salut du peuple, sont devenues des armes meurtrières, dont les suppôts et la justice dévastent nos campagnes. Les abus sont si grands dans la ci-devant province d’Alsace, que la chicane y a fait plus de mal que les impôts et tous les autres lléaux et vexations dont elle a été accablée. Enfin, Messieurs sa position est telle, que si vous ne la délivrez pas de la chicane, quelque avamageuse que puisse lui être d’ailleurs votre Constitution, vous n’aurez rien fait pour elle. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit dans mon projet de réforme de l’administration de la justice, imprimé chez Knapen et fils, en 1789, sur ce qui précède, accompagne et suit les procès. Je ne répéterai pas les moyens de les empêcher que j’y propose; je hasarderai uniquement de soumettre à vos lumières la marche que je désirerais être tracée aux habitants de la campagne qui se croiront dans le cas de recourir à la justice, et un moyen simple et fidèle de les préserver de la voracité de ses satellites. Je vous supplie de me permettre d’en faire la lecture. 1° Nul ne pourra intenter d’action en justice réglée sans y avoir été autorisé par avis de cinq de ses parents on alliés, à son choix, et à leur défaut d’amis. 2° Cet avis sera exprimé dans une délibération, qui sera laite par-devant la municipalité du lieu de la demeure du demandeur, sur un mémoire combinant la vérité des faits appuyés de pièces jnstilicatives. 3° Si le demandeur est autorisé de plaider, il laissera ses pièces pendant quinze jours au greffe de la municipalité, ou le défendeur sera averti d’en prendre communication, et le défendeur ne pourra être assigné par-devant le juge, qu’après cette quiezaine. 4° Après laquelle quinzaine, le demandeur déposera ses pièces au greffe de la justice, sur un état dont le greffier lui délivrera copie avec l’acte de dépôt au bas signé de lui ; pour être publié par la municipalité du lieu de la demeure du défendeur, de laquelle publication il sera fait mention dans le livre de la municipalité, et sur cette copie, qui sera rendue au demandeur, après que le président aura signé le certificat de publication qui tiendra lieu d’assignation. 5° Celui qui aura été aligné passera par les mè nes formalités, et il ne pourra fournir ses éfenses qu’après y avoir ém autorisé par une délibération, et après la quinzaine, à compter du jour de l’avertissement fait au demandeur, pendant laquelle ses titres resteront au grelfe de la municipalilé pour la communication. G0 Tous les avertissements se feront par publication, de la part de la municipalité du lieu de la demeure des parties; et lorsqu’elles ne seront pas les deux du même lieu, la municipalité qui aura reçu une délibération portant permission d’attaquer ou de défendr y priera celle du lien de la de meure de la partie adverse, de faire faire cette publication et de lui envoyer le certificat. 7° Lorsque tes deux parties auront été trouvées fondées à plaider, leurs parents et alliés ou amis respectifs qui oui fait les délibérations, seront tenus de s’assembler devant la municipalité, 27 décembre 1790.] {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 685 d’examiner conjointement les raisons des deux plaideurs, et de proposer des moyens de les concilier. S’ils parviennent à les arranger, il en sera passé acte dans le livre. S’ils sont unanimes sur les articles de l’arrangement, et si l’une des parties refuse de l’accepter, la cause ne pourra être portée à l’audience du juge, que deux mois après le jour auquel l’arrangement aura été proposé, à moins que les deux parties ne sollicitent conjointement sa décision. Et si la partie contre laquelle les avis des délibérants s’étaient réunis succombe, elle subira toutes les condamnations d’un plaideur de mauvaise foi. 8° Les titres et pièces déposés par les plaideurs aux greffes des justices, étant non seulement devenus communes entre eux mais publics, les greffiers seront tenus de les communiquer sans déplacer, à toutes les personnes, même étrangères, qui demanderont à les voir, et de leur en donner des copies ou des extraits, s’ils en sont requis (11. 9° Les causes seront portées à l’audience du juge dans l’ordre du dépôt fait des pièces du greffe; pour lequel effet il en sera fait un rôle tous les mois, au bas duquel ie juge mettra la date du jour auquel elles devront être jugées, pour ledit état être adressé à toutes les municipalités du bailliage, et y être publié et al fiché (2). 10° Ces publications et affiches serviront d'avertissement ou d'assignation aux parties de se préparer à plaider elles-mêmes on à faire plaider par qui elles voudront leurs causes, à prendre communication et copie des pièces au gre fe du siège, et de se trouver à l’audience du juge au jour, lieu et heure lixés. 11° Les as ignations, Jes avenirs, les sommations ou autres significations par écrit n’auront plus lieu, et les honoraires des avocats et procureurs ne pourront pas être récupérés. 1 i° Si les deux parties comparaissent, la cause sera plaidée et jugée u’après les principes et dans les formes qui seruui indiquées. 13° S’il n’en comparait qu’une, il en sera simplement fait mention sur les registres d’audience, et la cause sera remise sur le rôle du mois suivant. Si la même partie fait encore défaut à l’audience suivante, les conclusions de celle qui se sera présentée, lui seront adjugées, sans que celle qui aura fait defaut puisse en revenir, à moins de commencer par satisfaire en plein au jugement par défaut, et ensuite seulement de passer de nouveau par les mêmes formalités ci-dessus prescrites, pour être autorisée a se pourvoir. 14° Si les parties ne comparaissent ni l’une ni l’autre aux joui s lixés, leur cause sera remise au rôle six mois de suite, après lesquels elle eu sera iayôe, et elle ne pourra y être remise que sur la demande que les deux parties en auront. faite conjointement, ou par une seule après qu’elle aura de nouveau rempli les foi malin s ci-devant prescrites. 15° Lorsqu'une des parties voudra employer (1) Je propose cclLe publicité, parce que c’est un moyeu de plus d’empèclier les �roccs et de lixer l’opimou publique. (z) Ces publications suffiront, parce que les parties sont prévenues par les avertissements et les démarches préliminaires faites par devant les municipalités ; i attaque étant connue, il ne faut plus perdre de vue son ennemi. Outre les publications et les affiches, «tans les j lieux où on a l’occasion de la presse, on pourra faire j imprimer les assignations et les avertissements ainsi j que la liste des jugements. une autre pièce que celles produites lors de sa délibération, elle sera obligée de supporter tous les irais et les dommages-intérêts de ses parties adverses jusqu’à la présentation de la nouvelle pièce, sans pouvoir en rien récupérer. 16° Lorsque l’audience sera close, ie greffier en fera un précis portant ce qui aura été fait ou prononcé sur chaque cause, pour être envoyé à la municipalité de chaque endroit, et y être publié et affiché. 17° Lorsqu’une cause aura été jugée et qu’elle sera de la nature de celles d >nt on pourra appeler, la sentence ne pourra être mise à exécution qu’un mois après que le précis de l’audience aura été publié et affiché dans le lieu de la demeure des parties, et ensuite seulement huit jours après un avertissement d’y satisfaire, que la municipalité fera faire. 18° Après lequel temps elle sera exé utée nonobstant appellation, mais sans y préjudicier. 19° Aucun appel ne pourra plus être interjeté que sur de nouvelles délibérations que les appelants seront tenus de faire faire, et les mêmes formalites s-ront observées au tribunal d’appel, qu’a celui de première instance, tant pour la manière de procéder que pour l’éxécutiou des jugements. Voilà, Messieurs, un des moyens de diminuer les procès. La crainte d’abuser de votre temps précieux m’empêche de repéter tous les autres moyens que j’ai proposés dans mon imprimé sur cetie matière. Mais il m’en reste un de diminuer les effets désastreux de ta guerre gnplio-cralique, qui mérite tome votre attention. Son extrême importance me ramène aux devoirs du législateur, le salut du peuple. Je remonte à ce principe pour en poser d’autres qui en découlent immédiate tient. Le salut du peuple est ie fruit de la paix. Sans la paix, point de salut pour le peuple. La paix repose sur des lois qui unissent les tio unies. La paix est conservée par l’exécution de ces lois. LAxécution des lots est confiée à l'administration de la justice. Plus elle sera prompte et brève, plus tôt l’ordre presciit par les lois, que l’erreur, la passion ou les eh eomiances pourraient avoir dérange, sera rétabli. Le salut du peuple exige donc q