[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] dans un arrêté solennel, àM. de Curt, peuvent diminuer un peu la force de l’inculpation qui m’est faite. Le 4 de ce mois, M. de Curt, dans un rendez-vous auquel assistaient deux de nos collègues, me dit que la Guadeloupe était très contente du ministre, et que dans une dénonciation j’aurais dû ne porter la parole qu’au nom de Saint-Domingue. M. de Curt avait l’air de penser que j’avais influé sur les choses désagréables qui lui avaient été adressées. (On observe que ce n’est pas là l’objet de l’interpellation de M. de Curt.) Je crois avoir le droit de demander qu’on me représente la lettre dont il s’agit. Quoiqu’on ne soit pas coupable pour avoir donné à ses commettants des détails de la mission qu’ils ont confiée... (Plusieurs membres s’écrient : La lettre est-elle de vous, oui ou non?) M. le Président. Il me semble qu’après l’interpellation qui vous est faite, vous devriez répondre catégoriquement. Cependant on ne doit pas vous refuser une certaine latitude. M. de Gouy. Il me semble que ma réponse pourrait se réduire à l’examen de ces quatre questions : Ai-je écrit la lettre qu’on m’impute ? A qui ai-je adressé cette lettre? Est-ce à une assemblée administrative, ou à un particulier seulement? Les principes qu’elle contient sont-ils inconstitutionnels ? En est-il résulté quelque inconvénient, et le décret rendu par l’assemblée générale de Saint-Domingue, le 28 mai, a-t-il été motivé sur une lettre qui n’a été reçue que le 16 juin? Mais je ne traiterai point aujourd’hui ces questions ; je me bornerai à déclarer : que j’ai écrit à M. Larchevêque-Thibault, alors simple particulier à Saint-Domingue, à l’époque à peu près de la lettre que l’on m’impute ; que je lui ai fait le récit de ce qui s’était passé au sujet de l’instruction envoyée à Saint-Domingue; que j’ai pu raconter que MM. de Lameth et Gérard avaient demandé la question préalable, sans chercher à leur nuire, parce que la question préalable n’a rien de criminel eu elle-même ; mais qu’il y aurait de la folie à moi de désavouer ou d'avouer toutes les expressions d’une lettre écrite il y a six mois, dont on ne présente qu’un manuscrit informe, copié sur un imprimé non authentique, d’après un extrait qui peut être infidèle, jusqu’à ce que l’on m’ait représenté l’original, que j’avouerai bien hautement, dès que je le verrai revêtu de ma signature. M. de Gouy signe sa déclaration et la dépose sur le bureau. Elle est ainsi conçue : « Je ne nie point avoir écrit à M. Larchevêque-Thibault, particulier, habitant de Saint-Domingue, à l’époque à peu près de ia lettre dont extrait a été lu. « Je ne nie point de lui avoir raconté tout ce qui s’élait passé au sujet de l’instruction, ce que j’ai dit à la tribune, et même les opinions de MM. Gérard et de Lameth, que je n’ai pas cru inculper, en disant qu’ils avaient proposé la question préalable. * Je ne nierai même peut-être aucune des expressions de Ja lettre citée, lorsqu’elle m’aura été présentée en original, et que j’aurai vérifié si j’ai écrit littéralement ce que l’on m’objecte aujourd’hui, d’après un manuscrit copié sur un exemplaire, imprimé d’après un original, lequel, dit-on, a élé écrit par moi il y a cinq ou six mois, et je signe volontiers la présente déclaration. A Paris, ce 20 septembre 1790. « Signé ; De G OIT. » M. de Charles Lameth. Je me suis entendu nommer dans la lettre dont on dit que M. de Gouy est l’auteur. Le nom de M. Gérard s’y trouve aussi ; il ne peut parler en ce moment, à cause d’une infirmité qui prive l’Assemblée de beaucoup de lumières. La question préalable que nous demandâmes, lors de la délibération du 4 mai, avait seulement pour objet l’intention où l’Assemblée nous paraissait devoir être d’appeler tous les citoyens de la colonie à manifester leur vœu dans les assemblées : M. de Gouy a peut-être été trompé dans le désir de jouer un grand rôle dans une colonie importante ; il n’a pu avoir l’intention de me faire tout le mal qu’il m’a fait : on a brûlé une habitation de mon beau-père, sur la foi de la lettre écrite par M. de Gouy, qui n’a eu absolument que le désir d’être publiciste. M. de Gouy. Si j’avais voulu jouer un rôle dans la colonie, j’aurais écrit directement à la colonie, et non à M. Larchevêque-Thibault. Au reste, je ne nie pas d’avoir écrit; je ne me défends pas d’avoir donné des détails sur les délibérations de l’Assemblée nationale. Oa me représentera la lettre dont il s’agit, je la reconnaîtrai. Je ne désavouerai jamais ce que j’ai écrit et signé. M. de Curt. Je vous ai rendu compte de cette lettre, parce que j’ai cru qu’elle avait un grand rapport avec ce qui se passe dans les colonies. Je demande que ma conduite soit examinée par un comité, afia que je puisse prouver que je ne suis pas indigne de la confiance dont on m’a honoré. On propose successivement de renvoyer la lettre de M. de Gouy aux comités des rapports, de la mariue, des recherches et colonial. Le renvoi à ce dernier comité est décrété. La séance est levée à onze heures. - PREMIÈRE ANNEXE À LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 20 SEPTEMBRE 1790. Supplément au rapport de M. fermer , fait au nom du comité des finances, sur les dettes de M. le comte d’Artois (1). Du rapport fait à l’Assemblée nationale, au nom du comité des finances, il résultait que la nation devait acquitter 3,600,000 livres restantes des dettes exigibles, et en outre les intérêts des rentes viagères ou constituées, dont le roi avait bien voulu se charger, à l’acquit de M. le comte d’Artois, parle bon du 28 décembre 1783; sur ce rapport il fut décrété : « 1° Qu’il serait imprimé; que l’on y ferait « connaître les associés et co-intéressés de M. de « Chalandray; « 2° Que l’on y joindrait les preuves que M. de « Chalandray et ses co-associés avaient fait les « services et avances dont il était fait mention « dans le rapport; « 3® Que l'on produirait l’état actuel de l’actif « et du passif des affaires de M. d’Artois *, (1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur» [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] « 4« Qu’il y aurait huit jours d’intervalle entre « la distribution du rapport, des pièces jointes, « et la discussion qui serait faite de ce rapport « dans l'Assemblée. » Pour remplir ce qui a été ordonné, on a fait imprimer le premier rapport tel qu’il a été présenté, afin qu’on puisse mieux juger des motifs qui ont déterminé le décret. On fera connaître l’associé de M. de Ghaiaa-dray. On fournira les preuves que ces associés ont f3.il» Ig service. On produira l’état actuel de l’actif et du passif de M. d’Artois. La distribution du premier rapport, de ce supplément et des pièces jointes, précédera de huit jours la discussion, Avant de présenter sous différents paragraphes les preuves ordonnées, il convient d’écarter préliminairement l’erreur et la méprise où ont pu tomber quelques membres de l’Assemblée, d’après un rapport peut-être trop succinct, et qui n’a point été discuté, en sorte que les faits n’ont pas été suffisamment éclaircis : il est donc important de les lixer irrévocablement. 11 n’est point ici question de savoir si l’on payera ou non les dettes du comte d’Artois telles qu’elles existent aujourd’hui, cet objet 11e regarde que le comité des domaines. Ce comité, en fixant les apanages, a probablement pris une détermination à cet égard. Il s’agit seulement d’examiner si l’on ratifiera Rengagement souscrit en décembre 1783, par le chef et le représentant avoué de la nation ; si l’on complétera le payement de 11,600,000 livres dont il reste à acquitter 3,600,000 livres savoir : 1,600,000 livres eu 1790, et 2,000,000 livres en 1791. Le payement des intérêts des rentes viagères ou constituées, compris dans le même titre (on veut dire dans la décision dn roi, du mois de décembre 1783), est bien un accessoire ou une partie intégrante de cet engagement; mais cet accessoire est absolument étranger aux sieurs de Gha-landrav et associés, il n’intéresse que la nation. L’opinion adoptée par le comité des finances, qui tend à donner une pleine exécution au : bon du roi, est fondée sur la justice la plus rigoureuse, sur un engagement formel, sur l’exécution et la confirmation qu’il a reçues, sur le contrat solennel qui vient d’être si authentiquement renouvelé et juré entre la nation et son chef. Le roi (nous devons partir de ce point) était le représentant, l’administrateur avoué de la nation ; les engagements qu’il a contractés doivent être par elle approuvés et ratifiés : or il a fait sa dette propre de celles qui étaient énoncées dans le bon du 23 décembre 1783 ; on ne peut donc aujourd’hui, à raison du changement de circonstances, improuver ce qu’il a fait, ce qu’il était en droit de faire ensuite d’un consentement tacite, toléré et confirmé par l’usage. Si l’on pénètre dans les motifs qui font déterminé, on les trouvera dignes de sa bonté et de sa bienfaisance. Le comte d’Artois, son frère, était vivement poursuivi par ses créanciers il fallait venir à son secours, ou l’exposer à une faillite inévitable, et livrer tous ses créauciers à une ruine certaine. Le roi, en accordant, en 1781, des premiers secours à son frère, lui fit espérer qu’il payerait ses dettes, s’il n’en contractait pas de nouvelles et s’il établissait un ordre constant dans ses finances. En 1783, on assura le roi que ce prince n’avait point contracté de nouvelles dettes dès cette première époque ; ou réclama l'exécution de sa promesse, on fit entrevoir la possibilité de remplir cet engagement de manière à ce que le Trésor public n en souffrît pas ; il en fallait, sans doute, bien moins pour émouvoir une âme sensible et généreuse; et, en dernière analyse, le roi favorisait ses propres sujets, par les bienfaits qu’il versait sur son frère. Au surplus, quetsqu’aient été, quels qu’aient pu être les motifs qui ont déterminé cette bienfaisance; l’engagement est contracté, il doit donc être rempli et exécuté. La dette, dont le roi avait fait la sienne propre, a réellement été regardée comme dette de l’Etat, que les termes de 1785, 1786, 1787, 1788, 1789, qui étaient de 1,601), 000 livres chacun, ont été exactement payés, il reste à acquitter sur la dette exigible le terme de 1790, qui est de 1,600,000 livres et celui de 1791 de 2,000,000 livres. Abstraction faite de ce que les lois rigoureuses de la justice nous prescrivent impérieusement, conviendrait-il, après tant de sacrifices, et pour les deux payements qui restent à faire sur la dette exigible, de méconnaître des engagements aussi sacrés, aussi inviolables, et surtout quand l’exécution de ces engagements concerne des tiers qui eux-mêmes ont contracté sur la foi d’un titre dont personne jusque-là ne s’était avisé de contester ou de suspecter la validité? Laissons de côté, si l’on veut, les convenances et toutes les considérations de l’équité, pour ne s’attacher qu’aux lois de la justice la plus stricte et la plus rigoureuse; il se présente ici un nouveau moyen qui, en confirmant ceux qui précèdent, doit faire cesser toute discussion. Il s’est formé à cet égard un nouveau contrat tacite, mais authentique et solennel, entre le roi et la nation : voici d’où ce nouveau contrat est résulté. L’Assemblée nationale, en fixant la liste civile, d’après le vœu du roi, a présupposé que tous les engagements souscrits de sa part seraient exécutés, que cette liste civile resterait affranchie des dettes antérieurement codtractées. D’après cette idée vraie et incontestable sous tous les rapports, on doit se rappeler que Sa Majesté, par sa lettre du 9 juin, observa à l’Assemblée : « qu’elle croyait que les 25,000,000 lui « suffiraient; mais qu’il lui serait impossible d’ac-« quitter, sur un fonds annuel et limité, la dette « arriérée de sa maison, dont l’Assemblée avait « connaissance, pourquoi elle désirait que la na* « tion comprenne cet objet dans ses plans géné-« raux de liquidation ». Si Sa Majesté eût pu penser ou prévoir qu’il dût s’élever quelque équivoque sur l’engagement dont il s’agit ici, nul doute qu’elle ne se fût expliquée à cet égard. Mais cela devenait inutile et superflu, parce qu’il était tacitement entendu et présupposé que toutes les dettes comprises dans les comptes présentés à l’Assemblée, seraient acquittées par la nation, indépendamment de la liste civile. Oc, on a vu que la dette dont il s’agit, que l’engagement dont elle émane, sont nommément rappelés dans les comptes de 1787, 1788, 1789, dans l’aperçu des dépenses des huit derniers mois de 1790, et dans les états de dettes fournis par le comité des finances, notamment dans ceux de M. Lebrun et de M. de Montesquiou; on doit même remarquer que, dans l’état de la dette publique, troisième partie, page première, ou lit ce qui suit : « La seconde partie présente l’état de tout ce 96 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [20 septembre 1790.] « qui est exigible, ou le sera au 1er janvier 1791,