SÉANCE DU 6 BRUMAIRE AN III (27 OCTOBRE 1794) - N° 18 127 Le télégraphe vient de m’annoncer une victoire remportée sur les Anglais et les Hollandais, près Nimègue ; il annonce aussi que 700 prisonniers, 4 canons et un drapeau ont été le prix de la victoire. Cette nouvelle, qui paroît être la même que celle qui a été annoncée hier à la Convention par le comité, n'a probablement pas été portée directement à Lille pour être communiquée par le télégraphe, qui, si mon préposé en eût été informé, vous l'eût fait connoître beaucoup plus tôt. Signé, Chappe, ingénieur-télégraphe. Gillet, représentant du peuple près l'armée de Sambre-et-Meuse, au comité de Salut public, au quartier général de Maestricht, à Peetershem, le 3 brumaire l'an troisième de la République une et indivisible (60). Je m'empresse chers collèques, de vous annoncer que Coblentz, ce repaire fameux des émigrés, est en notre pouvoir; la division de l'armée de Sambre-et-Meuse, commandée par le général Marceau, s'en empara hier : c'est ce que j'apprends par des dépêches que je reçois à l'instant du général en chef, Jourdan et de Marceau. L'ennemi étoit retranché devant cette ville ; il a été battu ; ses redoutes ont été emportées de vive force, et il a été obligé de passer le Rhin. Marceau mande qu'il lui a tué beaucoup de monde, fait des prisonniers et pris une pièce de canon. Salut et fraternité. Signé, Gillet. P. S. Je vous annonce aussi la prise de Clèves par les troupes de l'aile gauche de l'armée de Sambre-et-Meuse, et nous occupons Gueldre. [DELMAS : Coblentz, ce repaire des émigrés, est au pouvoir de la République. ( L'Assemblée se lève toute entière. Les applau-dissemens et les cris de « vive la liberté » font longtemps retentir la salle.)] (61) Jourdan, commandant en chef de l'armée de Sambre-et-Meuse, au comité de Salut public. Au quartier général à Cologne, le 3 brumaire, l'an troisième de la République française une et indivisible (62). (60) Débats, n° 764, 519-520 ; Moniteur, XXII, 352 ; J. Paris, n° 37 ; Rép., n° 37 ; J. Mont., n° 14; Ann. Patr., n° 665; Ann. R. F., n° 36; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; Mess. Soir, n° 801 ; J. Fr., n° 762 ; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796; Gazette Fr., n° 1029; M. U., XLV, 107. (61) Débats, n° 764, 520. (62) Débats, n° 764, 520-521. Moniteur, XXII, 352 ; J. Paris, n° 37 ; Rép., n° 37 ; J. Mont., n° 14 et n° 15 ; Ann. R. F., n° 36 ; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; J. Fr., n° 762; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796 ; Gazette Fr., n° 1029 ; M. U., XLV, 107-108 et 117-118. Citoyens représentans, Aussitôt que votre collègue Gillet m’eut communiqué que vous désiriez que l'armée de Sambre-et-Meuse dirigeât des troupes sur Coblentz, je donnai ordre au général Marceau de partir avec la division qu'il commande pour marcher sur cette ville ; ce général est arrivé le premier brumaire à Andemach, il y a rencontré des hussards ennemis, et il les a chargés vigoureusement : plusieurs ont été tués, et 50 bien montés et équipés ont été faits prisonniers. Nous avons eu trois hommes tués ou égarés dans cette affaire. Le général Marceau a continué sa marche, et s'est rendu hier devant Coblentz. Il a trouvé l'ennemi retranché dans une position avantageuse, en avant de cette ville ; il l'attaque vigoureusement. Les redoutes ont été enlevées de vive force [vifs applaudis-semens.] (63) par l'infanterie et tournées par la cavalerie. Enfin, l'ennemi a été forcé de passer le Rhin et de laisser au pouvoir des troupes de la République la ville de Coblentz. [Les applau-dissemens se renouvellent.] (64) L'étendar tri-color flotte maintenant sur les murs d'une ville jadis le repaire des déserteurs de la patrie, qui avoient pris pour devise : L'honneur est à Coblentz. Oui, sans doute, c'étoit là qu'on devoit trouver l'honneur, mais il appartient aux soldats fidèles de la cause de la liberté, et non à de vils émigrés. Je ne peux pas vous donner dans ce moment des détails circonstanciés sur cette affaire, parce que le général Marceau n'a pas eu le temps de me les faire passer. Je vous les enverrai aussitôt que je les aurai reçus. Je vous préviens que l'aile gauche de l'armée occupe la ville de Clèves et correspond par ce moyen avec l'armée du Nord. Salut et fraternité. Signé, Jourdan. {On applaudit longtemps). DELMAS : Cette lettre répond à ceux qui, hors de cette enceinte, disent que l'intention du gouvernement étoit de faire rétrograder les armées sur les places fortes de première ligne, pour faire la paix. On conviendra du moins que les armées et ceux qui les dirigent, ne sont pas dans le secret. On applaudit. [L'Assemblée ordonne l'insertion de ces nouvelles au bulletin.] (65) Décret : La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète que le représentant du peuple Merlin (63) Débats, n° 764, 520. (64) Débats, n° 764, 520. (65) Débats, n° 764, 521. Rép., n° 37, attribue cette intervention à Bréard. Ann. R. F., n° 36 ; J. Perlet, n° 764 ; Mess. Soir, n° 801 ; J. Fr., n° 762; Gazette Fr., n° 1029; M. U., XLV, 108 ; Moniteur, XXII, 366. 128 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE (de Thionville) se rendra sans délai aux armées du Rhin et de la Moselle, avec les mêmes pouvoirs qui sont donnés aux représentans du peuple envoyés près les armées (66). 19 Un membre du comité des Finances [LOFFICIAL] présente la rectification de la loi du 3 de ce mois, elle est adoptée en ces termes : La Convention nationale, ouï le rapport de son comité des Décrets, procès-verbaux et archives, qui lui a rendu compte d'une omission commise dans la rédaction du l'article VI de la loi du 3 de ce mois, décrète que ledit article VI sera ainsi rédigé : « Le dépositaire des archives de la section domaniale sera logé immédiatement au dessous des archives dans les appartemens qu'occupent la citoyenne Delaître et Neveu, peintre » (67). 20 La Convention nationale renvoie à son comité des Finances la pétition des citoyens Bernard Nieuwenhuissen, laboureur à Epinay-sous-Senart et Louis Blondet, laboureur à Boussy-Antoine [Seine-et-Oise], qui ayant été ravagés par la grêle le 23 messidor dernier et ayant fait constater leur perte par différens procès-verbaux, réclament l'indemnité nécessaire pour cultiver leurs terres et faire de nouveaux travaux (68). 21 Sur la demande des inspecteurs des procès-verbaux, la Convention les autorise à ajouter au procès-verbal du 23 thermidor la mention honorable et l'insertion au bulletin, aux deux articles des dons faits à la patrie par le citoyen Joseph-Allain Fromy, père, de Port-Malo [ci-devant Saint-Malo, Ille-et-Vilaine] et la citoyenne Anne-Thérèse Dufresne, veuve de Jean de la Motte Lesnuge, aussi de Port-Malo (69). (66) Ann. R. F., n° 36; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; J. Fr., n° 762 ; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796 ; Gazette Fr., n° 1029 ; M. U., XLV, 108. (67) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Lofficial selon C’ II 21, p. 18. (68) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Crassous selon C*II 21, p. 18. (69) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Becker selon C* II 21, p. 18. 22 Un membre [RAFFRON] fait une motion d'ordre relativement au procès qui s'instruit au Tribunal révolutionnaire contre le comité révolutionnaire de Nantes [Loire-Inférieure]; il demande que la Convention se fasse rendre compte de cette affaire, dans son rapport avec le représentant du peuple Carrier (70). Raffron demande la parole pour une motion d'ordre (71). La parole lui est accordée. RAFFRON : Citoyens, depuis plusieurs jours, et certes depuis trop longtemps, le Tribunal révolutionnaire vous a fait connaître que l'instruction dans l'affaire de Nantes se trouvait arrêtée par l'importance des déclarations des accusés ; qu'il était nécessaire que Carrier, notre collègue, intervint aux débats ; que jusque-là ce procès horrible resterait suspendu; et en effet il reste suspendu. Dans cet intervalle il s'est élevé une question très raisonnable et très importante : celle de savoir quelle forme doit être employée à l'égard des députés accusés de crimes. Vous avez chargé vos comités de vous présenter un mode ; je demande qu'ils s'acquittent très promptement de ce devoir, attendu l'urgence; la chose est très pressée, sans doute ; le peuple atrocement outragé demande vengeance. Venger le peuple, c'est faire le premier, le plus essentiel acte de la justice sociale ; il attend avec impatience, et n'a pas dissimulé sa douleur de voir siéger au milieu de vous un homme environné de si affreuses préventions. La voix publique l'accuse d'atrocités qui font frémir, et outragent la nature et l'humanité; cent mille bouches déposent contre lui; des accusés, des témoins même le chargent, et on est autorisé à penser que le comité de Salut public a sur les événements de Nantes, des renseignements dont les détails doivent faire horreur. Heureusement le temps n’est plus où on venait à cette tribune vous présenter de telles atrocités comme des formes acerbes ; et si Barère a eu l'impudeur d'associer les cruautés féroces de Joseph Le Bon aux immortels lauriers que nos braves défenseurs ont remportés à la bataille de Fleurus, sans doute, oui sans doute, il ne sera pas imité, et Carrier ne trouvera pas un avocat aussi effronté. Je vous demande donc que, séance tenante, vos comités vous présentent leur travail, qui doit se réduire, par rapport à Carrier, à un choix de pièces. A-t-il fait ou n'a-t-il pas fait les (70) P.-V., XL VIII, 80. (71) Moniteur, XXII, 363. Débats, n° 764, 522-523; Ann. Patr., n° 665; Ann. R. F., n° 36; J. Perlet, n° 764; Mess. Soir, n° 802 ; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796 ; M. U., XLV, 108. L'ensemble de la presse situe cette motion d'ordre immédiatement après l'intervention de Merlin (de Douai), présentée ci-dessous : Archiv. Parlement., n° 23.