[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 juin 1790.J Qg M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angely) propose cette rédaction : « L’Assemblée nationale autorise le premier ministre des finances à recevoir de clerc à maître le compte de l’administration et des dépenses delà caisse d’escompte depuis le 1er jan-vier 1790, pour, sur le rapport qui sera fait à l’Assemblée, être statué ce qu’il appartiendra. » La priorité est demandée pour le projet de M. de La Rochefoucauld. La priorité est accordée et l’amendement adopté. En conséquence, l’article 1er se trouve rédigé ainsi qu’il suit : Art. 1er « D’après l’examen et le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale décrète qu’elle autorise le premier ministre des finances à recevoir de la caisse d’escompte son compte de clerc à maître, de la distribution de numéraire qu’elle a faite depuis le premier janvier 1790, et qui sera continuée jusqu’au premier juillet prochain, jour auquel elle devra cesser, et des frais qu’elle aura faits pour cette distribution, afin que ladite caisse soit indemnisée, s’il y a lieu; lequel compte ainsi que les pièces justificatives seront remises au comité des finances, pour, sur son rapport, y être statué par l’Assemblée nationale. » M. de liaTour-du-Pin, ministre delà guerre, est introduit. (On applaudit .) Le ministre ayant obtenu la parole prononce le discours suivant, sur Y organisation de l'armée et le pacte fédératif des troupes avec les gardes nationales. Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de remettre à votre comité militaire le nouveau travail que le roi m’avait commandé de faire sur l’armée ; Sa Majesté m’envoie aujourd’hui vous informer des nombreux désordres dont elle apprend chaque jour les affligeantes nouvelles. Le corps militaire menace de tomber dans la plus turbulente anarchie. Des régiments entiers ont osé violé à la fois le respect dû aux ordonnances, au roi, à l'ordre établi par vos décrets, et à des serments prêtés avec la plus imposante solennité. Forcé par les devoirs de ma place de vous faire connaître ces excès, mon cœur se se serre quand je songe que ceux qui les ont commis, ceux contre qui je ne puis m’empêcher de vous porter les plus amères plaintes, font partie de ces mêmes soldats que je connus jusqu’à ce jour si loyaux, si remplis d’honneur, et et dont, pendant cinquante années,!’ ai constamment vécu le camarade et l’ami. Quel inconcevable esprit de vertige et d’erreur les a tout à coup égarés? Tandis que vous De cessez de travailler à établir dans tout l’Empire l’ensemble et l’uniformité ; quand le Français apprend à la fois de vous et le respect que les lois doivent aux droits de l’homme, et celui que les citoyens doivent aux lois, l’administration militaire n’offre plus que trouble, que confusion : je vois dans plus d’un corps les liens de la discipline relâchés ou brisés ; les prétentions les plus inouies affichées sans détour, les ordonnances sans force, les chefs sans autorité, la caisse militaire et les drapeaux enlevés, les ordres du roi, même, bravés hautement, les officiers méprisés, avilis, menacés chassés, quelques-uns même captifs au milieu de leur troupe, y traînant une vie précaire au sein des dégoûts et des humiliations : et, pour comble d’horreur, des commandants égorgés sous les yeux et presque dans les bras de leurs propres soldats. Ces maux sont grands, mais ne sont pas les pires que puissent entraîner ces insurrections militaires ; elles peuvent, tôt ou tard, menacer la nation même, et l’intérêt de sa sûreté réclame ici votre intervention. Le corps militaire n’est qu’un individu par rapport au corps politique, essentiellement fait pour être mû par une force unique, et toujours suivant la direction indiquée par les lois et les besoins de la patrie; tout sera perdu, si jamais il est mû par des passions individuelles; dans l’irrégularité de ses mouvements, il choquera sans cesse tout ce qui l’entoure, et souvent le corps politique lui-même. La nature des choses exige donc que jamais il n’agjsse que comme instrument ; du moment où se faisant corps délibératif, il se permettra d’agir d’après ses résolutions, le gouvernement, tel qu’il soit, dégénérera bientôt en une démocratie militaire, espèce de monstre politique qui toujours a fini par dévorer les Empires qui t’ont produit. Qui peut, d’après cela, ne pas s'alarmer de ces conseils irréguliers, de ces comités turbulents, formés dans quelques régiments par des bas-officiers et soldats, à l'insu, ou même au mépris de leurs supérieurs, dont, au reste, la présence n’eût pu légitimer ces monstrueux comices ? Le roi n’a cessé de donner ses ordres pour arrêter ces excès ; mais dans une crise aussi terrible, Messieurs, votre concours devient indispensable pour prévenir les maux qui menacent l’Etat. Vous unissez à la force du pouvoir législatif celle de l’opinion, plus puissante encore. Déployez-les en cette occasion ; que de graves et sévères principes, énoncés par le corps national, donnent aux proclamations du monarque ce caractère auguste et sacré du vœu général. Qu’à votre voix les têtes les plus indociles se courbent sous le joug de la loi. Assurez l’Etat, l’honneur et peut-être la vie de généreux officiers, qu’on a vus, dans ces jours de troubles, aussi patients, aussi modérés, aussi respectueusement soumis à vos décrets, qu’ils avaient paru, dans les dernières guerres, audacieux et fiers avec nos ennemis. Garantissez pour jamais l’édifice que vous venez d’élever des secousses violentes qu’il pourrait un jour éprouver de la part du corps militaire, si les lois négligeaient d’enchaîner au-dedans son énergie et son activité. L’union de tous les cœurs, dans le respect le plus profond pour les lois, peut seule affermir la Constitution. Le roi, qui s’en est déclaré le chef, est pénétré de cette vérité. C’est avec la plus vive satisfaction qu’il a vu ceux de ses régiments qui n’ont, dans aucun instant, secoué le joug de la discipline, être, en même temps, les plus soumis à vos décrets, et toujours les plus prêts à se dévouer pour le maintien des lois et la conservation de leurs concitoyens. Plusieurs municipalités viennent de signaler par des actes publics leur reconnaissance, leur estime et leur fraternelle amitié pour leurs garnisons respectives; c’est à la fermeté de ces derniers corps, mais en même temps à leur modération, que ces villes ont dû leur sûreté et leur tranquillité ; ce sontleurs expressions mêmes que j’emploie, telles que je les trouve dans les diverses lettres qui constatent leur gratitude. Au reste, ces régiments, honorés des suffrages publics de leurs concitoyens, ne sont pas les seuls dont la conduite ait toujours mérité des éloges ; leur nombre est heureusement le plus grand encore ; et cette considération laisse l’espérance de pouvoir rétablir dans toute son énergie la discipline militaire. Le roi ne doute pas que l’administration, renforcée par le concours de votre autorité, ne puisse promptement arrêter le mal.