PROVINCE DU BOURBONNAIS. CAHIER De l'ordre du clergé du Bourbonnais , remis à MM. TridüN, curé de Rongére; ÂÜRY, curé d' Hérisson ; Laurent, curé d’ Heuillaux (1). L’ordre du clergé de la sénéchaussée du Bourbonnais, assemblé en vertu des lettres de convocation du Roi du 24 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. Grimauld, lieutenant général de ladite sénéchaussée, du 24 février; considérant que Sa Majesté a fait manifester par son ministre à la nation : 1° Que sa volonté est non-seulement de ratifier la promesse de ne mettre aucun impôt sans le consentement des Etats généraux, mais encore de n’en proroger aucun sans cette condition; 2° D’assureirle retour successif des Etats généraux, en les consultant sur l’intervalle qu’il fau-draitmettre entre les époques de leurs convocations et y écoutant favorablement les représentations qui lui seront faites, pour donner à ses dispositions une stabilité durable; 3° Que Sa Majesté veut prévenir de la manière la plus efficace les désordres que l’inconduite ou l’incapacité de ses ministres pourront introduire dans les finances en concertant avec les Etats généraux les moyens les plus propres d’atteindre à ce but; 4° Que Sa Majesté veut que, dans le nombre des dépenses dont elle assure la fixité, on ne distingue pas même celles qui tiennent plus particulièrement à sa personne ; 5° Que Sa Majesté veut aller au-devant du vœu légitime de ses sujets, en invitant les Etats généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s’est élevée sur les lettres de cachet; 6° Que Sa Majesté est impatiente de recevoir l’avis des Etats généraux sur la mesure de liberté qu’il convient d’accorder à la presse, et à la publicité des ouvrages relatifs à 1 administration, au gouvernement et à tout autre objet public; 7° Que Sa Majesté préfère avec raison, aux conseils passagers de ses ministres, les délibérations durables des Etats généraux de son royaume; 8° Que Sa Majesté a formé le projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux, et de former un lien durable entre l’administration particulière de chaque province et la législation générale ; 9° Que Sa Majesté daigne assembler ses fidèles sujets, pour qu’il soit apporté, le plus promptement possible, un remède efficace aux maux de l’Etat, et que les abus de tous genres soient réformés, et prévenus par de bons et solides moyens, A provisoirement arrêté les articles suivants. PREMIÈRE SECTION. Constitution. Art 1er. Que la personne du Roi, dans tous les cas, soit sacrée, et sa sûreté inviolable. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat Art. 2. Que l’antique usage, continué pendant plusieurs siècles, d’attribuer à la primogéniture des mâles la succession au trône, à l’exclusion des femelles, soit formellement consacrée par une loi constitutionnelle. Art. 3. Que l’assemblée des Etats généraux soit reconnue solennellement une puissance compétente pour établir les lois et fixer les impôts avec la sanction du Roi. Art. 4. Que chaque citoyen jouisse de sa liberté, conformément aux lois. Art. 5. Que les lettres de cachet soient supprimées. Art. 6. Qu’il soit statué sur le retour périodique des Etats généraux, et qu’il y soit voté par tête et non par ordre. Art. 7. Qu’il soit statué sur la comptabilité de tous les ministres qui doivent être responsables à la nation de leur administration. Art. 8. Qu’aucun impôt ne puisse, sous aucun prétexte et sous aucune forme, être établi, prorogé et perçu au delà du terme que les Etats généraux auront fixé. « Art. 9. Que les impôts consentis par les Etats généraux, sous quelque forme et dénomination qu’ils puissent l’être, soient supportés également et indistinctement par les trois ordres, d’une manière proportionnée aux fonds, facultés, et à l’industrie de chaque particulier, et que la répartition distributive sur chaque province soit réglée par lesdits Etats généraux. Art. 10. Nous demandons qu’il soit pris connaissance de la dette nationale, sous tous les rapports quelconques, également de celle du clergé qui en doit faire nécessairement partie, et dont il paraît juste que la nation demeure chargée. Art. 11. Que la dette uationale soit vérifiée par les Etats généraux, et que la liquidation en soit faite : 1° Par le prix provenant de l’aliénation et vente perpétuelle et irrévocable des domaines de la couronne, à l’exception des forêts du Roi, dont la police sera attribuée aux Etats provinciaux; 2° Par la suppression de toutes les charges et emplois à la cour, qui seront jugés inutiles; 3° Par la réduction de tous les traitements ou pensions de manière qu’il n’y en ait point de trop considérables et d’accumulés sur une même tête. SECTION II. Jurisprudence. Art. 1er. Qu’il soit fait un nouveau Code civil et criminel, pour remédier aux abus qui se sont introduits dans l’exercice de la justice, sous l’un et l’autre rapport. Art. 2. Que l’on supprime le serment des accusés en matière criminelle, comme étant opposé à la défense naturelle. Art. 3. Qu’il soit conservé ou érigé dans les villes et autres lieux nécessaires, à distance commode, des tribunaux royaux dans l’ordre graduel suivant : 1° Des tribunaux qui jugeront en première in- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [Province du Bourbonnais.] 443 stance toutes les causes, et sans appel, jusqu’à concurrence d’une somme déterminée; 2° Un tribunal dans chaque province, pour juger tous procès dont il y aura appel, et en dernier ressort aussi jusqu’à une somme déterminée; 3° Enfin qu’il sera maintenu ou érigé pour un certain nombre de provinces, une cour souveraine qui jugera définitivement toutes les affaires qui y seront portées, et sans appel ; 4° Que la vénalité des charges soit abolie ; que les places soient inamovibles, si ce n’est pour cas de délit; qu’elles ne s’accordent qu’au mérite et à la vertu ; 5° Que les tribunaux d’exception soient rendus lus utiles et moins à charge, et que dans le cas e suppression, ceux qui en possèdent les charges soient strictement remboursés et dédommagés. SECTION ni. Administration et finances. Art. 1er. Qu’il soit établi généralement des Etats provinciaux, et que les trois ordres y soient appelés conformément au règlement pour la convocation des présents Etats généraux ; Art. 2. Que les Etats provinciaux aient la faculté de s’abonner pour tous leurs impôts respectifs, et qu’ils les versent directement etàlèurs frais dans la caisse nationale. Art. 3. Qu’il soit établi un bureau national, composé de quatre députés de chaque province, nommés par les Etats généraux et renouvelés, par tiers, par les Etats provinciaux, lesquels seront élus, un dans l’ordre du clergé, un dans celui de la noblesse, et deux dans celui du tiers-état : bureau ou commission intermédiaire qui s’occupera des affaires à lui commises par les Etat généraux. Art. 4. Qu’une banque nationale soit établie sous la garantie des Etats généraux, ainsi que des banques provinciales, sous la garantie de chaque province, pour leur utilité propre et la commodité des versements. Art. 5. Que les fermes et régies générales soient supprimées, et tout ce qui en dépend, comme gabelles, aides, traites, etc., et qu’il soit accordé une liberté générale pour les sels, vins et tabacs. Art. 6. Que les contrôles soient conservés pour la sûreté et l’authenticité des actes, mais que les droits soient réduits et fixés par un tarif clair et précis; qu’il en soit fait et exposé un tableau dans le bureau de chaque contrôleur. Art. 7 Qu’il soit statué sur la réduction et fixation des droits domaniaux. Art. 8. Que les douanes et barrières soient portées aux frontières ; que tous droits de leyde soient Brimés, sauf indemnité , que tous péages soient is ; que tous privilèges de roulage -et de messagerie soient réformés. SECTION VI. Police. Art. 1er. La réforme des mœurs, la prohibition rigoureuse de tous les mauvais livres, le renouvellement des édits, déclarations et ordonnances concernant le maintien de la religion. Art. 2. Qu’il soit statué que les communautés d’hommes seront employées à l’enseignement public dont elles offrent de se charger, et que celles de filles le seront aux écoles des personnes de leur sexe, ou qu’elles seront dévouées aux soins des hôpitaux. Art. 3. Qu’il soit fait un pian d’éducation commun à tous les collèges, et propre à former des citoyens utiles dans tous les états; que ce plan contienne les principes élémentaires du christianisme et de la constitution fondamentale du royaume, pour être lu et suivi uniformément. Art. 4. Qu’il soit aussi établi des maîtres d’école dans chaque paroisse. Art. 5. Qu’il y ait dans chaque paroisse, selon leur étendue, une ou deux sages-femmes jurées. Art. 6. Que de distance en distance il soit fondé des hôpitaux, pour être le refuge des pauvres de la campagne, et qu’on en donne, autant qu’il sera possible, la conduite aux Filles de la Charité. Art. 7. Qu’il soit rendu aux curés les droits que leur accorde, dans l’administration de ces hospices, la déclaration du Roi du 12 décembre 1698, et qu’il soit dit qu’ils présideront à la distribution des œuvres publiques de charité. Art. 8. Qu’il soit pourvu à la conservation des enfants trouvés jusqu’à l’âgede neuf ans, et qu’on les rende ensuite propres à exercer quelque vacation aux frais de chaque province. section v. Clergé. Art. 1er. Que les conciles provinciaux, qui sont le nerf de la discipline ecclésiastique, soient renouvelés, qu’ils se tiennent tous les trois ans ; que le rang et la préséance y soient réglés suivant l’ordre hiérarchique. Art. 2. Que les lois qui défendent la pluralité des bénéfices soient renouvelées et exécutées, et que le revenu de chaque bénéficier soit proportionné à la dignité, au rang et à la place qu’il occupe dans l’Eglise. Art. 3. Qu’il n’y ait plus de distinction quelconque de naissance pour posséder les places du clergé, et que la préférence soit toujours donnée au mérite. Art. 4. Que toute prévention en cour de Rome soit abolie. Art. 5. Qu’il soit assuré aux curés, vicaires et desservants des paroisses un revenu suffisant, et en denrées, pour obvier aux variations, et que la ressource odieuse du casuel forcé soit prohibée. Art. 6. Que la préséance qui doit appartenir, en vertu de la hiérarchie, aux pasteurs du second ordre, soit reconnue, et qu’ils en jouissent incontestablement ; à l’égard de tous les corps séculiers et réguliers, qu’ils soient conservés dans le droit d’exercer toute fonction pastorale dans les églises où il y a chapitre ou communauté. Art. 7. Qu’on accorde aux curés, vicaires et desservants, que l’âge ou les infirmités mettent dans l’impuissance de continuer leurs fonctions, des pensions qui seront assignées sur des fonds ecclésiastiques. Art. 8. Qu’il soit fixé un fonds pour les fabriques qui ne se trouveraient pas suffisamment dotées. Art. 9. Que le droit que prétendent certains évêques de réclamer le lit des curés après leur décès, soit aboli, ainsi que le droit de déport et celui de pro fam. Art. 10. Que l’échange des biens ecclésiastiques soit permis, du consentement des Etats provinciaux, tel qu’il se pratique en Rourgogne. Art. 11. Que dans le cas où les assemblées générales du clergé, relativement aux décimes et autres impositions, continueraient à avoir lieu (contre le vœu général), elles soient composées d’un nombre de députés de chaque classe, élus librement, en proportion des besoins d’une juste défense, pour qu’aucun n’y soit opprimé, et que les représentants soient nommés par leurs confrères, et changés tous les trois ans. Art. 12. Qu’il soit établi des bureaux diocésains d’une manière analogue à celle ci-dessus, pour 444 [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bourbonnais. procéder à la répartition diocésaine. Que la répartition particulière des curés soit faite par doyenné ou archiprêtré, dans une assemblée des curés dont elle sera composée, et que l’assiette en soit posée par le doyen et quatre curés nommés par leurs corps. Art. 13. Que le tableau des impositions soit public et affiché dans chaque archiprêtré ou doyenné, et communiqué à tous les intéressés. Ârt. 14. MM. les chanoines et communalistes non suffisamment dotés, demandent qu’on réunisse à leurs prébendes des bénéfices simples, afin de supporter toutes les charges auxquelles ils sont assujettis, comme portions congrues, réparations, et que le revenu net de leurs prébendes ne soit jamais au-dessous des portions congrues de MM. les curés, et qu’il ne soit nommé auxdites prébendes que des prêtres. Art. 15. Que les édits portant que les communautés ecclésiastiques et autres gens de mainmorte ne peuvent bâtir sur leur terrain des maisons sans payer les droits d’amortissement, soient supprimés. Art. 16. Tous demandent encore qu’il leur soit permis de placer leur argent indifféremment sur toute sorte de particuliers. Art. 17. Les ordres religieux demandent enfin qu’il soit pourvu à la subsistance de ceux d’entre eux qui ne sont pas suffisamment rentés, et que toutes quêtes leur soient interdites. Tels sont les vœux du clergé que nous recommandons à MM. les députés nommés aux Etats généraux : nous attendons de leur zèle qu’ils les feront approuver, et qu’ils répondront à la confiance que nous avons placée unanimement en leurs personnes. CAHIER De Vordre de la noblesse du Bourbonnais et pouvoirs remis à MM. Denis-Michel-Philibert Djbuisson, comte de Douzon, seigneur de Monté gut et de Pocenat. brigadier des armées du Roi, chevalier de l’ordre de Saint-Louis ; Antoine-Louis-ClaüDE Destutt, comte de Tracy , seigneur de Paray-le-FrezU , colonel commandant le régiment de Penthièvre-Infanterie , chevalier de l’ordre de Saint-Louis ; HENRY COIFFIER, baron de Breuille , ancien lieutenant des vaisseaux du Roi, chevalier de l’ordre de Saint-Louis ; Députés aux Etats généraux (1). L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée. du Bourbonnais, assemblé en vertu des lettres de convocation du Roi du 24 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. Grimauld, lieutenant général de ladite sénéchaussée, du 24 février, considérant que Sa Majesté a fait manifester par son ministre à la nation : 1° Que sa volonté est non-seulement de ratifier la promesse de ne mettre aucun impôt sans le consentement des Etats généraux, mais encore de n’eri proroger aucun sans cette condition; 2° D’assurer le retour successif des Etats généraux, en les consultant sur l’intervalle qu’il faudrait mettre entre lesépoques de leurs convocations, et y écoutant favorablement les représentations qui lui seront faites, pour donner à ces dispositions une stabilité durable; 3° Que Sa Majesté veut prévenir de la manière (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat la plus efficace les désordres que l’inconduite ou l’incapacité de ses ministres pourront introduire dans les finances, en concertant avec les Etats énéraux les moyens les plus propres d’attein-re à ce but ; 4° Que Sa Majesté veut que dans le nombre des dépenses dont elle assure la fixité, on ne distingue pas même celles qui tiennent plus particulièrement à sa personne; 5° Que Sa Majesté veut aller au-devant du vœu légitime de ses sujets, en invitant les Etats généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s’est élevée sur les lettres de cachet; 6° Que Sa Majesté est impatiente de recevoir l’avis des Etats généraux sur la mesure de liberté qu’il convient d’accorder à la presse et à la publicité des ouvrages relatifs à l’administration, au gouvernement ët à tout autre objet public ; 7° Que Sa Majesté a préféré, avec raison, aux conseils passagers de ses ministres, les délibérations durables des Etats généraux de son royaume. 8° Que Sa Majesté a formé le projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux, et de former un lien durable entre l’administration particulière de. chaque province, et la législation générale, A unanimement arrêté les articles ci-après. première section. Art. 1er. Que la personne du Roi, dans tous les cas, soit sacrée et sa sûreté inviolable. Art. 2. Que l’antique usage, continué pendant plusieurs siècles, d’attribuer la succession au trône à la primogéniture des mâles, à l’exclusion des femelles, soit formellement consacré par une loi constitutionnelle. Art. 3. Qu’il soit reconnu que toute espèce d’ordonnance, quelque dénomination qu’on puisse lui donner, n’aura force de loi que lorsqu’elle aura été consentie par lesEtats généraux libresdu royaume, et sanctionnée par le Roi, et pour qu’elle puisse être obligatoire, qu’elle soit précédée et suivie des formules ci-dessous. Les Etats libres et généraux du royaume de la France, déolarent que la volonté générale est 1° : ...... ......... En conséquence, lesdits Etats généraux supplient respectueusement Sa Majesté, de vouloir bien sanctionner lesdits articles par l’adhésion de sa volonté royale. Art 4. Que tout homme en France ait la sûreté de sa personne, sous la sauvegarde des lois, qu’il ne puisse, dans aucun cas, être détenu plus de vingt-quatre heures sans être remis entre les mains de ses juges naturels. Art. 5. Que les Etals généraux soient déclarés périodiques, qu’eux seuls aient le droit de statuer sur la forme de leur convocation, leur nombre et leur organisation, et qu’il soit déclaré comme loi constitutionnelle qu’ils ne pourront jamais être éloignés de plus de trois ans. Art. 6. Qu’en l’absence des Etats, les Parlements de France soient chargés d'empêcher que pour aucune raison il soit porté atteinte aux lois et ordonnances faites par les Etats généraux; qu’ils soient tenus de poursuivre les délinquants, et en ordonner la punition selon la rigueur des lois, sans se permettre aucune extension ou interprétation, à peine d’être responsables auxdits Etats généraux. Art. 7. Que les ministres soient responsables de tous les ordres signés ou visés par eux, sous peine d’être poursuivis et punis des infractions ou vio-