| Assemblée nationale.] M. Frétean lit l’article deuxième qui est également décrété à l’unanimité en ces termes : Art. 2. «-L’Assemblée nationale, instruite des plaintes portées par ledit ambassadeur du roi de Hongrie, et voulant maintenir les principes de justice qu’elle a annoncé prendre pour base de ses décrets, et pour unique motif des armements qu’elle ordonnera, charge son président de se retirer par devers le roi, pour prier Sa Majesté de donner des ordres précis à l’effet d’entretenir la police la plus sévère, et de prévenir toute infraction au droit des gens. » M. Fréteau fait lecture de l’article troisième. Art. 3. « En attendant les réclamations de plusieurs municipalités des frontières, à l’effet d’être armées pour soutenir la Constitution qu’elles ont jurée, et assurer la tranquillité publique, l'Assemblée décrète que le roi sera supplié de fairç distribuer des armes aux citoyens partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce,' sur la demande des directoires des assemblées administratives. » M. Du Châtelet ( ci-devant duc). Il est nécessaire auparavant que vous demandiez aux ministres de vous faire connaître la quantité d’armes qui restent dans les arsenaux. M. de Nenon. II r/est pas nécessaire de faire connaître à toute l’Europe l’état de nos armes. M. Dubois. Quand tous les bons citoyens en auront pris contre les ennemis de la Révolution, il n’en restera plus guère. M. Démeunier. J’adopte le projet présenté par le rapporteur; mais je propose un amendement que je crois indispensable : c’est d’y ajouter que le ministre sera tenu de rendre compte à l’Assemblée du nombre d’armes qu’il aura délivrées. M! de Cazalès. Il faut aussi ajouter au décret, qu’il sera gardé dans les arsenaux assez d’armes pour renouveler celles de l’armée qui sont mauvaises. M. Dupont (de Nemours). Il n’est pas vrai que les armes de l’armée soient mauvaises : elles ne valent pas des armes neuves; mais elles sont bonnes encore et redoutables. On peut donner aux gardes nationales les armes actuelles de l’armée, et renouveler l’armement de celle-ci avec les armes neuves qui sont dans les arsenaux. Les gardes nationales ne devant jamais être dans le cas de faire la guerre d’une manière aussi active que les troupes réglées, les armes actuelles seront excellentes pour les gardes nationales; et celles de l’armée de ligne étant renouvelées, chacun sera armé comme il doit l’être. M. de Bonnay. Il y a une manière d’énoncer vos vues, sans annoncer à l’Europe l’état de vos forces; c’est-à-dire avant de faire droit sur les demandes des municipalités, le ministre sera tenu de s’entendre avec le comité militaire. M. Charles de Lameth. Je demande aussi ue l’Assemblée nationale décrète que les ministres onneront des ordres aux manufactures pour fabriquer des fusils et baïonnettes. Un très grand nombre de municipalités m’ont écrit de parler à M.de ta Tour-du-Pin pour demander des armes; sans cela elles ne pourraient résister aux efforts des [28 juillet 1790.] 393 ennemis de la Révolution. S’il y en avait eu à Mon-tauban, le parti patriote n’aurait pas succombé. J’ai communiqué plusieurs lettres au ministre; tantôt il m’a dit qu’il ferait tout son possible] tantôt il m’a répondu négativement. Qu’on réfléchisse un peu sur les circonstances, et on verra qu’on veut nous mettre sur les bras toutes les puissances voisines. Sous Louis XIV, un peuple esclave leur a tenu tête ; sous le règne de la liberté, nous ne devons avoir aucune inquiétude : mais pour que le courage de la nation inspire une juste confiance, il faut qu’elle soit armée. Une révolution a, comme une maladie, ses périodes et ses crises. Vous avez vaincu les ennemis du dedans; il reste à combattre les ennemis du dehors. En un seul jour la ville de Paris rendit la France libre ; c’est son exemple qu’il faut suivre : mais pour cela, je le répète, il faut des armes. Je demande donc que le ministre donne des ordres pour la fabrication continue des armes. M. Dupont (de Nemours). Je demande aussi que les fabriques de canons et de boulets soient mises dans la plus grande activité; car ce sont principalement des boulets, et non pas seulement des balles, qu’il faut envoyer à l’ennemi. M. Fréteau, rapporteur , s’appropriant les divers amendements présentés, propose une nouvelle rédaction de l’article troisième. Cette nouvelle rédaction est adoptée, à l’unanimité, en ces termes : Art. 3. « Décrète, en outre, que le roi sera prié de prendre, vis-à-vis les puissances actuellement en guerre, les précautions nécessaires pour la liberté du commerce français, et notamment sur la Meuse; « Et attendu les réclamations de plusieurs municipalités des frontières, à l’effet d’être armées pour soutenir la Constitution qu’elles ont jurée, et assurer la tranquillité publique; « L’Assemblée décrète que les ministres du roi seront tenus de donner au comité militaire connaissance des demandes d’armes et munitions qui seront faites par les municipalités des frontières, de l’avis des directoires de départements, et d’y joindre l’état des armes et munitions distribuées à ces municipalités; « Décrète, en outre, que le roi sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour la fabrication des canons, fusils et autres armes, et pour les munitions nécessaires : le tout suivant les prix et conditions qui auront été communiqués au comité militaire ; que le roi sera prié de faire distribuer des armes aux citoyens, partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce, sur la demande des directoires. » (On demande que la discussion soit ouverte sur la motion de M. d’ Aiguillon.) M. de Bonnay. L’Assemblée nationale a formellement adopté la motion de M. Rœderer, où il n’est fait aucune mention de celle de M. d’Ai-guillon. Je ne prétends point disculper la conduite du ministre des affaires étrangères; je ne la connais point; mais comme elle doit être aussi inconnue à tous les membres de cette Assemblée, je ne crois pas qu’on puisse l’improuver, sans avoir auparavant entendu le ministre. Je sais qu’il a donné des preuves de patriotisme et d’amour pour la Révolution. (Il s’élève des murmures.) Je ne vois pas ce que cette assertion a de ridicule. Un membre du comité des recherches ne ARCHIVES PARLEMENTAIRES 304 lAssemiilée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {28 juillet 1790.1 vient-il pas de vous (lire que, dans une conversation conüdentielle, ce ministre avait manifesté ses craintes sur M. de Condé? J’invite à faire une attention sérieuse à la coalition du corps germa* nique, à la réclamation des princes d’Allemagne, - à 36 millions employés par l’Angleterre pour un armement. Rien n’est plus effrayant qu’un armement qui commence par une dépense de 36 millions. M. Robespierre. Ce n’est pas parce que je crois le ministre innocent, que je m’oppose à la motion de M. d’Aiguillon; mais parce qu’elle n’est point analogue au parti qu’on doit prendre. Quand il s’agit du salut de l’Etat, la nation ne doit pas fixer son attention sur un particulier. Ce qui nous a été rapporté, par les six commissaires, n’est qu’une branche des manœuvres qu’on emploie contre nous. L’Assemblée nationale doit voir que M. de Montmorin n’est pas seul coupable; elle ne doit pas prendre un parti qui fasse supposer qu’elle regarde sa conduite particulière comme le but de ses mesures et l’unique objet de sa rigueur. Il est suffisamment indiqué, par toutes les circonstances, que les auteurs de la conspiration qui nous menace et dont nous nous apercevons bien tard, ce sont tous les ministres. Je conclus à ce que l'Assemblée n’adopte pas le projet de décret de M. d’Aiguillon, et à ce qu’il soit fixé un jour pour s’occuper des moyens d’enchaîner tous les ennemis de la Révolution. M. Frétean. On propose d’improuver la conduite du ministre des affaires étrangères; mais il n’a pag pu donner les ordres dont on se plaint; il a écrit à M. de la Tour-du-Pin de prendre les ordres du roi sur l’exposé du comte de Mercy. Lorsquenousen avonspariéà M. delaTour-du-Pin, il nous a dit d’unemanièresi simple que le décret du 28 février lui était échappé, que nous avons cru que c’était réellement une inadvertance. M. de Castellane. Je demande la question préalable sur la partie de la motion qui tend à improuver ta conduite du ministre. J’ai été plus que personne solliciteur de la loi qui demande la responsabilité; ce n’est pas dans une circonstance où les intentions du ministre sont évidemment bonnes, qu’il faut les improuver : vous ne voulez pas donner un effet rétroactif à l’explication de votre décret du 28 février. (U s'élève des murmures,) Il ne faut pas attaquer l’honneur des ministres; cesontlesbras du pouvoir législatif. ( Nouveaux murmures.) On a beau m’interrompre par des murmures, il y a de l’énergie à résister à l’opinion publique, qui n’est jamais plus énergique que quand elle demande vengeance. (L’Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour.) M. Voidel. Sur l’interpellation faite au comité des recherches, j’ai déclaré qu’il y avait une dénonciation signée, d’une conspiration et d’un projet de base de manifeste. Cette dénonciation a été faite à la municipalité de Cette par le commandant de la garde nationale de la même ville, par lequel elle est signée. M. Voidel fait lecture de cette dénonciation, dont voici l’extrait : — « Je viens vous donner l’avis d’un projet trop certain, contre lequel il est urgent de nous prémunir. Il est question d’une contre-révolution : les contre-révolutionnaires ont pour eux l’Espagne, la Sardaigne, l'Autriche et la Prusse. L’Espagne fournira des hommes et de l’argent ; la Sardaigne, 30,000 hommes; l’Autriche, 30,000 hommes; et la Prusse, 30,000 hommes, quoiqu’on dise n’en avoir demandé que 24,000. M. le prince de Condé sera le généralissime; les contre-révolutionnaires entreront par le pays de Comminges ; ils feront précéder leur marche d’un manifeste dans lequel il sera porté qu’il sera rendu au roi les droits que la nation a repris; que la noblesse contribuera à toutes les charges sans exception, que le clergé sera moins bien traité qu’il ne t’est par les décrets de l’Assemblée nationale; que la dîme sera entièrement abolie; que les assignats auront hypothèque sûre; que tous les hommes participeront indistinctement aux emplois civils et militaires, et qu’il sera conservé une partie de la garde nationale. « Il résulte de l’espoir de tant d’avantages qu’il est bien à craindre que le peuple ne se laisse séduire. (Une voix s’élève : Nous les tenons ces avantages.) J’ajoute qu’il est d’autant plus urgent de prendre des précautions, que le projet est à la veille d’être exécuté; il est nécessaire d’augmenter nos forces, notre artillerie, d’armer notre garde nationale, de lui fournir des sabres, des fusils et des gibernes; il faudrait que l’Assemblée nationale autorisât notre ville à faire un emprunt de 1 5,000 livres, pour subvenir à l'achat de ces objets. À Cette, le 16 juillet. Signé : François Gas-tillon, commandant de la garde nationale. » — Suit une délibération du conseil général de la commune. (L’Assemblée�décide que la lecture de cette délibération ne sera pas entendue.) Un membre. Les 15,000 livres sont le motif de cette dénonciation. M. de Foucault. Je demande que cette dénonciation soit payée sur les 5,000 livres promises par M, de Laborde. M. de Mirabeau l'aîné. L’existence OU la fausseté de la conspiration, la certitude ou la frivolité du prétendu manifeste ne sont rien. Un homme qui se trouve éloigné de sa patrie doit se croire trop heureux de pouvoir y rentrer par le moyen d’une simple dénégation. M. de Mirabeau lit une seconde fois l’expositif de son projet de décret, auquel il a fait quelques changements. M. Robespierre. Sans être plus indulgent envers les ennemis de la patrie que M. de Mirabeau, il est facile de prouver que sa motion est inadmissible et dangereuse. Gomment nous proposer un décret solennel contre un homme, d’après l’énoncé d’un manifeste que nous né connaissons pas, sans savoir s’il est de telle personne plutôt que de toute autre? Pourquoi, parmi tant d’hommes ennemis de la Révolution, n’aperçoit-il que lui? Est-il le seul qui ait donné des preuves d’opposition ? Et s’il fallait un exemple exclusif, je le demande à tous les hommes impartiaux, faudrait-il tomber sur un homme qui, attaché par toutes les relations possibles aux abus de tout genre, n’a pas goûté nos principes? Pourquoi jeter les yeux sur un ci-devant prince, plutôt que sur d'autres plus coupables, puisqu’ils ont des raisons de s’attacher à la Constitution, puisque, par leur état, ils doivent accélérer le cours de la Révolution? Pourquoi, au milieu de tant de grands objets, allez-vous fixer votre attention sur un manifeste qui n’est peut-être