364 [27 mars 1790.] {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. du reste, quoi qu'il arrive, bon patriote, j’aurai du moins la gloire d’avoir immolé, avec le plus grand plaisir, une année de mes jours sur l’autel de la patrie, dont vous. Monseigneur, et tous les représentants delà nation, êtes les respectables ministres. Je demande seulement qu’il me soit permis de retenir, de mon sacrifice, de quoi payer l’imposition de 1790, et deux années de décimes que j’avoue devoir encore ; la misère des deux dernières années m’ayant ôté entièrement, pour y satisfaire, le courage et les moyens de me faire payer de ceux à qui j’avais affermé mes dîmes. J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, et le plus sincère dévouement à la nation, « Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, « Fleury, curé de Sormery, arrondissement de Saint-Florentin. » « Ce 21 mars 1790. » Il est ensuite fait lecture de plusieurs adresses, dont voici l’analyse : Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Saint-Paul-de-Léon; elle annonce qu’elleentre dans le pacte fédératif des ci-devant Bretons et Angevins, et fait part à l’Assemblée qu’un de ses membres, M. l’abbé Expilly, a contribué de tous les efforts de son zèle à la félicité dont elle jouit, en conciliant la commune avec l’ancienne municipalité. Autre adresse de la commune de Villeneuve-le-Roi-sur-Yonne, réunie aux députés de vingt-cinq paroisses qui l’avoisinent, par laquelle ces citoyens expriment l’enthousiasme avec lequel ils ont entendu la lecture de l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français, et l’indignation dont les a pénétrés le récit des lâches manœuvres employés par les ennemis de la Révolution pour empêcher la main bienfaisante du patriotisme de fixer le berceau de la liberté sur les ruines du despotisme et de l’aristocratie. Autre de la municipalité d’Ailly-sur-Noye, district de Montdidier, département de la Somme; elle offre en don patriotique le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, formant une somme de 1,025 livres. Elle assure l’Assemblée nationale de son profond respect pour elle, et de son entière adhésion à ses sages décrets. Adresse de la garde nationale de la ville de Montbrison, qui a prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux, avec le plus grand zèle et la plus grande solennité. Adresse de la communauté de Saint-Maurice-des-Lyons ; elle fait don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, montant à la somme de 2,400 livres. Adresse delà ville de Saint-Dizier; elle annonce qu’indépendamment d’un don patriotique d’envi-viron 2,400 livres, fait par un citoyen de cette ville, de 37 marcs 2 onces 6 gros d’argenterie, et de 7 gros 37 grains d’or, envoyés par ses habitants à l’Assemblée, sa contribution patriotique monte à 25,225 livres. Adresse des troupes patriotiques de la campagne de Bordeaux, réunies sous les ordres de M. de Duras, généralissime des gardes nationales bordelaises et de plusieurs autres sénéchaussées; elles prient l’Assemblée d’organiser le plus tôt possible les milices nationales. Adresse de la nouvelle municipalité de Melesse, près de Rennes, par laquelle elle porte des « plaintes contre le recteur, deux curés, le juge et le procureur fiscal, qui ont refusé de prêter le serment civique, et qui mettent tout en œuvre pour subverlir la nouvelle municipalité. » Cette adresse est renvoyée au comité des rapports. M. le Président fait lecture d’une léttre de M. l’abbé Demandre, par laquelle cet artiste invite l’Assembléeà honorer de sa présence les expériences qu’il se propose de faire à côté de la salle, dans le cloître des Feuillants, des machines que l’Assemblée lui a permis de déposer en petit dans ses bureaux et même dans sa salle, pour que chacun puisse juger “par lui-même que son invention mérite le rapport favorable qui en a été lait à l’Assemblée par ses commissaires, et l’approbation qu’elle lui a donnée. M. le Président fait également part à l’Assemblée que M. Juville, chirurgien-herniaire, lui offre un traité sur les machines relatives à son art. M. le comte de Marsanne-Fontjulianne demande qu’il soit fait un rapport incessamment, par le comité des domaines, sur la restitution des biens des religionnaires fugitifs qui avaient été mis en régie. L’Assemblée place cette affaire à son ordre du jour de ce soir. M. le Chapelier donne lecture de la rédaction des articles dont les bases ont été décrétées hier , relativement à la contribution patriotique. La discussion s’engage sur cette rédaction. M. Martineau. M. Bouche ayant déjà proposé de soumettre à la contribution patriotique le produit de l’industrie, l’Assemblée décida qu’il n’y avait pas lieu à délibérer : sans doute, elle fut frappée de l’injustice que présentait une semblable idée. Le produit industriel peut cesser momentanément; l’incertitude de sa durée le met hors de la classe du revenu sur lequel doit porter la contribution. L’artisan, le portefaix, le colon partiaire ne retirent, pour la plupart, de leur travail, qu’une subsistance journalière; le négociant ne doit que l’intérêt légal de son fonds; il ne pourrait faire une évaluation exacte du surplus : le bénéfice d’une année supporte les pertes du passé et même celles de l’avenir. Que tous les rentiers, que tous tous les propriétaires, que tous les créanciers de l’Etat fassent des déclarations fidèles, et la contribution patriotique s’élèvera au delà même de vos espérances. M. Bouche. La question dont il s’agit a été enveloppée dans une question préalable, invoquée contre un grand nombre d’amendements qui embarrassaient une délibération importante. La proposition renouvelée par M. Martineau n’a donc pas été particulièrement rejetée. Si le système du préopinant était adopté, les deux tiers du royaume ne contribueraient pas et, au lieu de 720 millions, on en aurait à peine 250. Les médecins, les avocats, les procureurs, etc., ne paieraient pas, et se trouveraient libres de se soustraire a leurs devoirs de citoyens. M. lie Chapelier. Personne ne respecte plus que moi l’industrie ; mais l’Assemblée ne doit pas faire à cette classe respectable l’injure d’une 365 I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] exception qui l’affligerait sensiblement. Ce sont les gens riches qu’il faut forcer à déclarer ; les indigents industrieux se sont empressés de venir au secours de la patrie, et leurs déclarations ont été faites les premières. Divérs amendements sont ensuite présentés et adoptés pour comprendre les femmes et les filles au nombre des personnes sujettes à la contribution et pour en exempter les hôpitaux et les maisons de charité. Le décret est ensuite adopté en ces termes : « Art. 1er. Toute personne jouissantde ses droits et de ses biens, qui a au delà de 400 livres de revenu net, devant payer la contribution patriotique établie par le décret du 6 octobre dernier, sanctionné par le roi, ceux dont les revenus ou partie des revenus consistent en redevances en grains ou autres fruits, doivent évaluer ce revenu sur le pied du terme moyen du prix d’une année sur les dix dernières. « Art. 2. Tous bénéfices, traitements annuels, pensions ou appointements, excepté la solde des troupes; tous gages et revenus d’offices, qui avec les autres biens d’un particulier excéderont 400 livres de revenu net, doivent servir, comme les produits territoriaux ou industriels, de base à sa déclaration, sauf à lui à diminuer ses deux derniers paiements dans la proportion de la perte ou diminution des traitements, pensions, appointements ou revenus quelconques, qui pourraient avoir lieu par les économies que l’Assemblée nationale se propose de faire, ou par l’effet de ses décrets. « Art. 3. La perte d’une pension, d’un emploi ou d’une partie quelconque de l’aisance, n’est pas une raison pour se dispenser de faire une déclaration, et de payer la contribution patriotique, si, cette perte déduite, il reste encore plus de 400 livres de revenu net. « Art. 4. Tout fermier ou colon partiaire doit faire une déclaration, et contribuer à raison de ses profits industriels, s’ils excèdent 400 livres de revenu net. « Art. 5. Les tuteurs, curateurs et autres administrateurs sont tenus de faire les déclarations our les mineurs et les interdits, et pour les éta-lissements dont ils ont l’administration, excepté les hôpitaux et maisons de charité ; et la contribution qu’ils paieront, leur sera allouée dans leurs comptes. « Art. 6. Les officiers municipaux imposeront ceux qui, domiciliés ou absents du royaume, et jouissant de plus de 400 livres de rente, n’auront pas fait la déclaration prescrite par le décret du 6 octobre. Ils feront notifier cette taxation à la personne ou au dernier domicile de ceux qu’elle concernera. « Art. 7. Dans un mois du jour de cette notification, les personnes ainsi imposées par les municipalités pourront faire leurs déclarations, lesquelles seront reçues et vaudront comme si elles avaient été faites avant la taxation de la municipalité, ces personnes affirmant que leurs déclarations contiennent vérité. Ce délai d’un mois expiré, la taxation des officiers municipaux ne pourra plus être contestée ; elle sera insérée dans le rôle de la contribution patriotique, et le premier paiement sera exigible conformément au décret du 6 octobre. « Art. 8. Tout citoyen actif, sujet à la contribution patriotique parce qu’il posséderait plus de 4U0 livres de revenu net, sera tenu, s’il assiste aux assemblées primaires, de représenter avec l’extrait de ses cotes d’impositions, tant réelles que personnelles, dans les lieux où il a son domicile ou ses propriétés territoriales, l’extrait de sa déclaration pour la contribution patriotique, et ces pièces seront, avant les élections, lues à haute voix dans les assemblées primaires. « Art. 9. Les municipalités enverront à l’assemblée primaire le tableau des déclarations pour la contribution patriotique ; ce tableau contiendra les noms de ceux qui les auront faites, et les dûtes auxquelles elles auront été reçues; il sera imprimé et affiché pendant trois années consécutives dans la salle où les assemblées primaires tiendront leurs séances. «Art. 10. S’il s’esttenu des assemblées primaires et fait des élections avant la publication du présent décret, elles ne seront pas recommencées, et on ne pourra en attaquer la validité sur le motif que les dispositions de ce décret n’y auraient pas été exécutées. « Art. 11. L’Assemblée nationale charge son président de présenter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. » M. Démeunier demande à rendre compte d’une sentence d' adjudication des étaux des boucheries de la ville et faubourgs de Paris. La parole lui est accordée. M. Démeunier. Par un décret du 5 novembre, vous avez établi pour Paris un tribunal provisoire de police. Il y a trois ou quatre jours que vous avez autorisé les municipalités à exercer les fonctions de la police. Ces deux décrets jugent d’avance la question que le comité de constitution m’a chargé de vous soumettre. Le comité de police a rendu une sentence d’adjudication des étaux de boucherie ; les bouchers ne veulent pas se soumettre à cette sentence, que vous ne l’ayez reconnue. Le tribunal de police a suivi les anciens règlements de police ; il a fait une chose très utile et très urgente ; il a usé du droit que lui accordaient vos décrets. — Le comité de constitution propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale déclare que le tribunal de police, en rendant, le 16 de ce mois, une sentence d’adjudication des étaux de boucherie, s’est conformé aux termes des décrets, et en conséquence ordonne que ladite sentence sera exécutée selon sa forme et teneur. » M. Camus. Le préopinant n’est pas très instruit des faits; il y a, par uh ancien privilège, des maisons qui ont exclusivement le droit d’étalage; vous avez supprimé les privilèges en général; vous avez particulièrement supprimé ce droit avec ceux de minage, etc. Je m’oppose à ce que la sentence soit confirmée, et j’observe d’ailleurs que vous ne devez pas vous occuper d’une sentence. M. Démeunier. M. de Vauvilliers, administrateur au département des subsistances, a établi, dans un mémoire que j’ai entre les mains, que si la sentence n’est pas confirmée, il lui est impossible de répondre de l’approvisionnement de Paris. Au reste, l’Assemblée peut renvoyer ce projet important au comité de commerce. M. Camus. Je demande la question préalable et je fonde cette proposition sur ce que la liberté de commerce vaudra toujours mieux que les privilèges pour approvisionner Paris. M. le Président consulte l'Assemblée qui prononce le renvoi au comité de commerce. M. le Président. Un courrier extraordinaire,