70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 novembre 1789.] Lettre de M. le garde des sceaux. « M. le garde des sceaux s’empresse de communiquer à M. le président l’arrêt que le Roi vient de rendre pour casser un arrêt rendu par le parlement de Metz. « L’Assemblée nationale y reconnaîtra sûrement la fidélité du Roi à ses principes, et son zèle pour réprimer tout ce qui pourrait tendre à affaiblir dans l’esprit des peuples le respect dû aux décrets de l’Assemblée sanctionnés par Sa Majesté. « Signé : Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. « 16 novembre 1789. » Extrait des registres du Parlement de Metz, du 12 novembre 1789. Vu par la Cour, toutes les chambres assemblées, lettres patentes du Roi, données à Paris le troisième jour de novembre présent mois, signées Louis, et plus bas : Par le Roi, La Tour-du-Pin, et scellées du grand sceau de cire jaune; portant sanction d’un décret de l’Assemblée nationale, concernant les parlements : Ouï Regnier, doyen des substituts du procureur général du Roi, qui en a requis l’enregistrement en la manière accoutumée. La Cour , pénétrée des sentiments de fidélité qu’elle doit au Roi et à la nation, incertaine sur la manière de remplir , dans les circonstances actuelles , les engagements qu’elle a contractés par son serment, et croyant ne pas reconnaître dans le décret de l’Assemblée nationale du 3 du courant , et dans la sanction du Roi qui y est jointe , le caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires, a protesté et proteste contre ledit décret, ainsi que contre ladite sanction. Mais, pour prévenir de plus grands maux, et jusqu’à ce que l’opinion du peuple français soit fixée sur cet objet, ordonne provisoirement que ledit décret et ladite sanction seront enregistrés, ouï, et ce requérant le procureur général du Roi, pour être exécutés selon leur forme et teneur; que copies collationnées en seront incessamment envoyées dans tous les présidiaux , bailliages et autres sièges ressortissants dûment en la Cour, pour y être pareillement exécutés ; enjoint aux substituts du procureur général du Roi sur les lieux, de tenir la main à leur exécution, et d’en certifier la Cour au mois. Fait à Metz, en Parlement, toutes les chambres assemblées, le 12 novembre 1789. Signé : Collignon. Collationné. Signé : Gimel. Pour copie conforme à l'expédition qui m’a été adressée. Signé : La Tour-du-Pin. Arrêt du Conseil d'Etat du Roi. Sur le compte rendu au Roi en son conseil, de l’arrêt rendu par le Parlement de Metz en enregistrant les lettres patentes du 13 de ce mois, portant prorogation de la chambre des vacations , Sa Majesté aurait reconnu qu’au lieu d’enregistrer lesdites lettres purement et simplement, et de les exécuter, ledit Parlement se serait permis de supposer que le décret de l’Assemblée nationale du 3 de ce mois, et la sanction de Sa Majesté, sont dépourvus du caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires , et n’aurait pas craint de protester, tant contre ledit décret que contre ladite sanction; qu’ enfin ledit Parlement présente pour motif unique de son obéissance, le désir de prévenir de plus grands maux, en attendant que l’opinion du peuple français soit fixée sur cet objet; Le Roi doit au maintien de son autorité et de celle de l’Assemblée nationale, de réprimer promptement de pareils écarts. Il doit à ses peuples fidèles de les prévenir contre des suppositions et des protestations aussi téméraires. A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport, le Roi étant en son conseil, a cassé et annullé, casse et annulle l’arrêt rendu par le Parlement de Metz le 12 de ce mois, en tout ce qui excède l’enregistrement pur et simple des lettres patentes du 3 du présent mois ; fait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses aux officiers de son Parlement de Metz d’en rendre à l’avenir de semblables. Et sera le présent arrêt imprimé, publié et affiché partout où besoin sera. Fait au Conseil d’Etat du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Paris le 15 novembre 1789. Pour copie conforme à la minute, Signé : La Tour-du-Pin. L’Assemblée renvoie au lendemain la discussion sur cet objet. M. le Président. La séance s’ouvrira demain à 9 heures. Le rapport du comité des finances est mis à l’ordre du jour de mardi à 2 heures. La séance est levée. annexe à la séance de l’Assemblée nationale du 16 novembre 1789. PLAN DE travail présenté à l’Assemblée nationale , au nom du comité des finances, par M. le marquis de Montesquiou (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée.) Messieurs, l’Assemblée nationale, constamment occupée du grand travail de la Constitution, n’a pu s’en détourner encore pour se livrer à la restauration des finances. En vain, les besoins du moment l’ont assaillie de toutes parts : lorsqu’ils ont exigé des sacrifices, elle n’a point hésité à les faire : mais elle n’a employé que des moyens provisoires, et sa sagesse ne lui permettait pas d’en employer d’autres. Il suffisait de soutenir quelque temps encore ce vieil édifice prêt à s’écrouler, tandis que vos mains en élevaient un nouveau sur des bases inébranlables. Avant que ces bases fussent posées, toute décision importante et définitive eût été prématurée. Le système entier des finances doit en elfet dériver de la Constitution. (1) Le rapport de M. le marquis de Montesquiou n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 novembre 1789.] 74 Les impositions du pouvoir arbitraire ne doivent avoir rien de commun avec les contributions consenties par un peuple libre. Les dépenses publiques, faites pour soutenir la dignité et non pour alimenter le faste d’une cour, doivent payer des serviteurs utiles, au lieu d’enrichir, comme par le passé, d’oisifs courtisans, ou d’avides financiers. L’ordre le plus sévère doit économiser les efforts d’un peuple généreux ; et c’est la Constitution qui, liant les diverses parties de ce grand tout, doit les faire correspondre ensemble, et les diriger vers le bonheur général, but essentiel de toute association politique. Mais pour former ce grand ensemble, il fallait en bien connaître toutes les parties. Avant de vous déterminer sur chacune d’elles , il fallait que l’ancien régime et ses abus, soit de parcimonie sur les dépenses nécessaires , soit de profusion sur les dépenses inutiles, pussent être approfondis. Il fallait vous mettre en état de condamner ce qui devait l’être , et de créer ce qui nous manquait. Aussi , votre prévoyance a chargé, depuis longtemps , un comité nombreux de prendre une connaissance exacte de tout ce qui existait dans l’ordre ancien, de faire la vérification de vos revenus et de vos dépenses , et d’examiner la situation du Trésor public, la nature et la quotité de vos dettes : c’est l’ordre de ce travail que votre comité m’a chargé de vous présenter. Vos décrets ont déjà marqué la route que nous aurons à suivre. Un nouvel ordre judiciaire va s’établir. La justice était ci-devant une ressource abondante pour le fisc -, le Trésor public ne s’enrichira plus de nos discordes particulières ; les fonctions de vos nouveaux juges, gratuites pour les citoyens qui y ont recours, seront, comme tous les services publics, salariés par la nation. Vos armées, que surchargeaient tant de frais inutiles , et dont les soldats n’avaient pas même le nécessaire, vont recevoir une organisation nouvelle, et leur dépense, mieux répartie, sera moins accablante. Vos perceptions, eulevées à des mains avides pour être remises dans celles des citoyens, rendront en entier au Trésor public les sacrifices du peuple , et ces sacrifices ne seront exigés que dans la juste mesure des besoins de l’Etat. Les récompenses, proportionnées aux services et dirigées par une sage économie , recevront du puissant aiguillon de l’honneur, ce qui donne la véritable énergie aux âmes : en dépensant bien moins, vous serez sûrs d’obtenir bien davantage. Votre comité des finances n’a pas le droit de préjuger vos décisions sur les différents objets que vous avez confiés à d’autres comités, ou que vous vous êtes réservés. 11 s’est borné aux fonctions auxquelles vous l’avez destiné ; mais composé, comme il l’est, des coopérateurs de tous vos travaux, il a dû se pénétrer des principes sur lesquels vous établissez la constitution française, et il en a fait la base de son travail. Lorsque votre ouvrage n’était qu’ébauché, il ne vous a présenté que des vues générales : il croit que le moment est arrivé de réduire en pratique ce qui n’a encore été qu’en spéculation. Il est prêt à répondre à ce que vous attendez de lui. Les recherches sur la dépense et sur la recette l’ont mis en état de juger le passé et de vous offriras ressources de l’avenir. Ce travail est nécessairement aride ; il est plus composé d’observations que de combinaisons, et par conséquent n’est guère susceptible d’un autre mérite que celui de l’exactitude ; mais notre ambition est satisfaite, si nous avons le bonheur d’être utiles, et c’est sans peine que de bons citoyens consentent, à ce prix, à renoncer à toutes les jouissances de l’amour-propre. Nous avons divisé notre travail en différentes sections. C’est sur l’ordre dans lequel nous l’avons partagé que nous supplions l’Assemblée nationale de nous faire connaître ses intentions. Nous comptons faire passer successivement sous vos yeux tous les objets de dépenses. Il nous a paru que votre détermination à cet égard devait précéder toutes les autres : 1° parce que nous devons compte à la nation du motif et de l’emploi de ses contributions ; 2° parce que votre décision sur les dépenses servira de base à l’établissement des contributions mêmes. Chaque partie des dépenses dont nous vous rendrons compte vous sera présentée dans l’état où elle était au moment où nous l’avons examinée, et ensuite dans l’état de réduction dont nous l’avons jugée susceptible. L’administration des dépenses publiques sera divisée en deux parties entièrement distinctes, et que nous vous présenterons séparément. La première, celle qui renferme les objets d’une utilité commune à tout le royaume, comprendra, en différents chapitres, tout ce qui doit être dirigé par le gouvernement, et dépendre immédiatement du pouvoir exécutif. Ce sera la collection des objets qui composeront la dépense du Trésor public et qui vous seront garantis par la responsabilité des ministres. La seconde partie, absolument séparée de la première , ne renfermera que les objets d’utilité particulière à chaque département du royaume. Ces dépenses doivent être entièrement soumises à l’administration des assemblées de district et de département ; elles doivent varier suivant les années , les circonstances et les besoins du moment et du lieu. Ce genre de dépense ne pouvant être compris dans l’emploi des fonds provenant des contributions générales, la somme à laquelle il s’élèvera dans chaque département doit servir de base à une contribution particulière et locale. Sur chacune de ces parties, nous commencerons par vous présenter les titres des chapitres, et dans le détail nous vous présenterons de suite chaque chapitre particulier de manière à mettre sous vos yeux tout ce qui nous a paru propre à fixer vos déterminations. La première partie sera divisée en sept chapitres. PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE PREMIER. Dépense de la liste civile. Il contiendra la dépense personnelle du Roi et de la reine, celle des enfants de France, des princesses, tantes et sœurs du Roi; les bâtiments, menus -plaisirs, garde-meuble, etc. Le Roi a demandé qu’une somme de 20 millions lui fût assignée pour ces différents objets. Votre comité ne pense pas que l’Assemblée nationale, en déférant à cette demande d'un Roi qui lui est cher à tant de titres, soit dans l’intention de porter un examen sévère sur l’emploi qu’il fera de 72 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 novembre 1789.] cette somme; il suffira sans doute à l’Assemblée d’avoir la certitude que le Roi sera en état de soutenir la dignité du trône, que rien ne manquera aux agréments de sa vie, et aux besoins de son auguste famille, qu’enfin il n’aura point à regretter les sacrifices que lui-même il nous a offerts. Nous croyons convenable que cette somme de 20 millions, qui pourrait commencer à être payée du 1er janvier de cette année, soit dégagée de toute dette antérieure à cette époque. CHAPITRE il. La maison des princes, frères du Rot. Quoique les princes aient été mariés par le Roi leur grand-père, que leur contrat de mariage leur assure, tant à eux qu’aux princesses leurs épouses, les sommes annuelles qu’ils ont perçues jusqu’à présent, quoiqu’ils aient à leur charge l’intérêt des finances payées au Trésor royal parla plupart des officiers de leur maison, dès que le Roi a témoigné le désir de leur voir imiter les sacrifices qu’il faisait, Monsieur a consenti à tous ceux qu’il lui demandait, et y a consenti sans la moindre représentation. M. le comte d’Artois pensera sûrement comme lui, et ne réclamera de plus que le traitement accordé par le Roi pour les deux princes ses enfants. La réduction projetée sur ce seul chapitre de dépense monte à 3,540,000 livres. CHAPITRE III. Administration des trois grands départements. 1° Les affaires étrangères ; 2° La guerre, l’artillerie, le génie, les fortifications et les maréchaussées ; 3° La marine et les colonies. Nous vous rendrons compte du premier article. Vous avez chargé deux comités particuliers du travail relatif aux deux autres. CHAPITRE IV. Les Pensions. Le comité vous présentera l’état des pensions telles qu’elles étaient dans l’origine, et telles qu’elles sont depuis les réductions qui ont été faites en 1787. 11 vous les présentera ; 1° classées par départements; 2° classées suivant les sommes auxquelles elles s’élèvent. 11 y joindra, si vous l’ordonnez, son opinion sur les pensions qui paraissent excessives, et il achèvera son travail d’après les règles qui lui seront prescrites par l’Assemblée. Nous joindrons à ce chapitre le traitement accordé aux Hollandais réfugiés. CHAPITRE v. Administration de la justice. Ce chapitre contiendra tout ce que coûte aujourd’hui l’administration de la justice, les frais des prisonniers, et ceux des procédures criminelles. Il renfermera : les gages actuels du conseil, le traitement et les bureaux du garde des sceaux et du ministre chargé delà correspondance avec les provinces ; Le traitement dont jouissaient les intendants et leurs subdélégués, et les sommes accordées pour leurs frais de bureau. Un second état sera dressé d’après la réduction ou la suppression des gages du conseil, des intendants, etc. Lorsque l’Assemblée aura fixé la dépense du nouvel ordre judiciaire, nous pensons qu’il faudra compléter ce chapitre par les sommes destinées à payer les tribunaux supérieurs, le tribunal de révision, et la cour suprême. Quant aux tribunaux de canton, de district et de département, nous estimons que leur dépense doit faire partie de celle qui sera confiée aux assemblées d’administration. CHAPITRE VI Administration intérieure. Nous vous rendrons compte dans ce chapitre ; 1° De la dépense en primes et encouragements pour le commerce et les manufactures ; 2° Des universités, académies, collèges et travaux littéraires ; 3° Des passe-ports pour la marine royale, et pour les ambassadeurs et ministres étrangers ; 4° Du jardin des plantes, du cabinet et de la bibliothèque du Roi; 5° Des ponts et chaussées, turcies et levées; 6° Des dépenses anciennes de la police et de la garde de Paris ; 7° Des travaux de charité ; 8° Des dépôts et des dépenses relatives à la mendicité; 9° Du moins imposé ou remises accordées sur les impositions ; 10° Des entretiens ou constructions de bâtiments publics ; 11° Des dépenses diverses et variables dans les provinces. Un second état vous présentera notre projet de réduction sur les trois premiers articles; savoir : les primes et encouragements pour le commerce et les manufactures, les universités, académies, collèges et travaux littéraires, et les passe-ports des ambassadeurs. Quant au quatrième, le jardin des plantes, le cabinet et la bibliothèque du Roi, nous désirerions qu’il fut compris dans les dépenses de la liste civile, d’autant que c'est un objet peu considérable, et que les bâtiments qui en dépendent font partie de ceux que le Roi a gardés à sa charge. Quant au cinquième, les ponts et chaussées, nous ne doutons pas que l’intention de l’Assemblée ne soit de remettre cette dépense tout entière à l’administration des assemblées de département. Cependant, il serait possible que l’Assemblée nationale considérât que certains ouvrages d’art extraordinaires, comme des ponts sur de grandes rivières, et autres entreprises de ce genre, peuvent être utiles à tout le royaume, et supérieurs aux facultés ordinaires d’une seule province, et qu’il serait bon qu’il existât au Trésor public un fonds particulier, dont l’Assemblée nationale ferait l’application, d’après les demandes qu’elle recevrait, et les comptes qu’elle se ferait rendre. L’Assemblée ordonnera, si elle veut, que son comité lui propose d’employer une somme pour cet objet, dans le tableau des dépenses générales. 73 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 novembre 1789.] Un article principal à placer dans ce chapitre sera la dépense des Assemblées nationales. Les six derniers articles, savoir : les dépenses de la police et garde de Paris, les travaux de charité, les dépenses pour la mendicité, les remises sur les impositions, les entretiens ou constructions des bâtiments publics, les dépenses diverses et variables dans les provinces, nous ont paru de nature à être remises entièrement aux soins et à la direction des assemblées de département, et nous pensons que les fonds qui y seront employés ne doivent pas entrer dans le Trésor public. CHAPITRE VII. Administration des Finances . Ce chapitre contiendra : 1° Les appointements du contrôleur général et des intendants des finances, la dépense des bureaux de l’administration générale, celle des mines, des monnaies, de la caisse de commerce, et de l’ancienne compagnie des Indes; 2° L’administration du Trésor public et les payements des rentes ; 3° Les traitements des receveurs généraux et particuliers, les honoraires, droits de présence, etc., des fermiers généraux, des régisseurs et administrateurs de tous les revenus, et généralement tous les frais de perception dans l’état actuel ; 4° Les dépenses imprévues. Un second état vous présentera le projet de réduction de tous les frais de bureau, un plan d’administration et d’organisation pour le Trésor public, qui en simplifierait infiniment la gestion et en modifierait les frais, ainsi que les réductions convenables sur le traitement des fermiers, régisseurs et administrateurs. Quant aux receveurs généraux et particuliers, la nouvelle division du royaume rend indispensable le changement de leur administration. Nous avons pensé que tout ce qui était relatif à la perception ordinaire des impositions et à la remise. des deniers au Trésor public devait être confié aux assemblées de département, et que le fonds de cette dépense ne devait plus entrer au Trésor public. Quant aux dépenses imprévues, l’Assemblée seule peut les évaluer. Les sept chapitres ci-dessus renferment la totalité des dépenses dont les fonds doivent être versés dans les caisses nationales ou d’administration. Vous ne trouverez dans aucun de ces chapitres les articles de dépenses que vous avez supprimées par un de vos précédents décrets ; savoir : Les haras; Les engagements à terme avec le clergé ; L’emploi en actes de bienfaisance d’un fonds réservé sur le produit de la loterie royale et sur la ferme du Port-Louis; Les dépenses pour des communautés et maisons religieuses, etc. ; Les dépenses des plantations dans les forêts, curements de rivières. Nous allons passer à la seconde partie des dépenses d’administration, celle qui nous parait faite pour être régie et administrée par les assemblées de département, sur les fonds d’impositions particulières au département, et non versés au Trésor public. Nous nous contenterons de réunir ici les objets qui nous paraissent devoir y entrer : 1° La dépense des assemblées primaires, de celles de district et de celles de département; 2° La dépense des tribunaux de caifton, de district et de département ; 3° La levée des impositions et les frais quelconques, tant de perception que de remise au Trésor public; 4° La dépense d’administration, des caisses de district et de département; 5° La dépense des milices nationales; 6° La dépense des chemins et de tout ce qui y est relatif; 7° Les travaux de charité ; 8° La destruction de la mendicité; 9° Les secours pour les épidémies et calamités locales, et les encouragements pour l’agriculture; 10° La garde et police des villes ; 11° L’entretien et construction des bâtiments publics. Nous avons parcouru sous ces deux grandes divisions l’administration entière du royaume. Les dépenses que nous avons comprises dans la première partie seront déterminées par les décrets qui suivront le travail des comités de la guerre, . de la marine et le nôtre ; les décisions que vous rendrez alors fixeront irrévocablement la dépense entière du Trésor public. Dès à présent, si vous l’ordonnez, nous aurons l’honneur de faire passer successivement sous vos yeux les articles dont nous sommes chargés. La seconde partie des dépenses, celle qui doit être confiée aux départements, sera sujette à des différences locales; cependant, d’après des bases connues, nous pourrons aussi vous présenter un aperçu au moins vraisemblable des sommes auxquelles elles pourront monter. Votre comité, après avoir terminé le tableau des dépenses publiques, entrera dans le détail de la dette. Elle se divise naturellement en onze articles : DETTES. 1° L’ancienne dette constituée en rentes perpétuelles, à différents taux. Elle vous sera présentée avec les époques de chaque emprunt et les édits de création, l’historique des différentes réductions qu’elle a éprouvées, et son montant actuel; 2° La dette constituée en rentes viagères avec le détail des conditions de chaque emprunt ; le montant de ces rentes à leur origine et l’état de ce qui en existe aujourd’hui; 3° La dette remboursable à époques fixes, classée suivant chaque édit de création, avec l’état de ce qu’elle était dans le principe, des remboursements qui en ont été faits, de ceux qui auraient dû l’être, et la situation actuelle de chacune de ces parties ; 4° La dette provenant d’acquisitions faites par le Roi à différentes époques, l’état de ce qui a été payé et de ce qui reste dû sur chacune; 5° La dette provenant de différentes finances de charges qui ont été supprimées, l’état des remboursements faits et de ceux qui restent à faire; 6° La dette résultant des cautionnements et fonds d’avance fournis par toutes les compagnies de finances, et l’état des conditions attachées à cette espèce de créance ; 7° La dette résultant du prix des charges des 74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 novembre 1789.] receveurs généraux et particuliers, des receveurs des décimes et autres officiers du clergé, officiers des eaux et forêts, trésoriers, et généralement de tous ceux qui, en vertu d’une charge ou d’un office, perçoivent une partie des revenus publics ; 8° Les prêts fait3 à titre de dépôt au Trésor public ; 9° Les intérêts actuels et les capitaux de toutes les charges de judicature; 10° Les indemnités accordées pour des non-jouissances ou pour des sacrifices de propriétés ; 11° La dette du clergé de France. Lorsque votre comité vous aura présenté les détails de chacune des parties qui constituent la dette de l’Etat, il vous proposera en même temps le seul moyen d’acquérir la connaissance entière d’une autre espèce de dettes, que les plus exactes recherches ne feraient jamais découvrir avec certitude, si vous ne les soumettiez à une vérification particulière : cette partie de dettes est l’arriéré. Nous appelons ainsi tout ce qui reste dû au 1er janvier 1790, de toutes les dépenses dont le gouvernement est chargé. Votre comité vous propose donc dès à présent de nommer une commission chargée de faire la liquidation de tout ce qui est dû pour les dépenses de toute espèce, jusqu’au premier janvier 1790, et d’ordonner que tous les créanciers seront tenus de se présenter à cette commission, dans le plus court délai, pour faire reconnaître et allouer le titre de leur créance. Cette liquidation sera mise sous les yeux de l’Assemblée nationale, et elle jugera, en connaissance de cause, des moyens qui lui paraîtront les plus propres à éteindre ce capital, en distinguant les dépenses les plus pressées de celles qui peuvent être retardées, en se livrant à toutes les considérations de sagesse et de prudence qui pourront se concilier avec le bien du service. Lorsque vous aurez acquis la connaissance de la somme entière de l’arriéré, ce sera le 12e article de la dette publique, et aucune partie n’aura échappé à vos recherches. Votre comité vous présentera ensuite un projet de division des différentes parties de recettes et de dépenses, et la distribution et organisation des différentes caisses. Il y joindra le plan de comptabilité qui lui paraîtra le plus simple, le plus facile, et en même temps le plus sûr, pour que chaque législature puisse connaître à chaque instant le tableau de toute l’administration, et que l’Etat soit à l’abri de l’infidélité des différents comptables. Lorsque vous aurez, par vos différents décrets, fixé et classé toutes les dépenses, lorsque vous aurez reconnu et constaté chaque partie de la dette, avec la distinction des intérêts et des remboursements exigibles, vous connaîtrez avec certitude le total des besoins publics et par conséquent du montant des contributions qu’il faudra établir. C’est de ce point que votre comité partira pour vous proposer l’établissement de l’impôt. C’est l’objet de ses méditations actuelles. Il ne se permettra, dans ce moment-ci, que d’indiquer les premières bases. Les détails exigent les combinaisons les plus profondes et l’étude la plus suivie des résultats. Les impositions paraissent naturellement devoir être divisées en trois classes: droits sur les consommations, contributions territoriales, taxes personnelles. Les droits sur les consommations, pourvu qu’ils ne portent pas sur les objets d’une nécessité indispensable, ont le grand avantage d’une liberté apparente, puisque chacun est le maître d’user ou de ne pas user de l’objet imposé ; ils ont encore l’avantage de se rapprocher des facultés du consommateur, qui proportionne ordinairement ses dépenses à ses revenus. Ils sont les seuls qui puissent faire contribuer les étrangers qui voyagent ou demeurent dans un pays ; mais l’inconvénient inévitable d’employer à leur perception un grand nombre d’individus rend leur recouvrement fort dispendieux. La contrebande, suite ordinaire des prohibitions, nécessite un code pénal pour des crimes qu’elles ont créés; et si les plus sages combinaisons n’ont pas présidé au tarif de ces droits, ils étouffent l’industrie, anéantissent ou font languir le commerce. Tous les principes de la liberté civile repoussent l’assujettissement aux visites domiciliaires; ceux du commerce s’opposent à tout ce qui embarrasse la circulation : ainsi les droits sur les consommations ne peuvent se percevoir qu’aux frontières et à l’entrée des villes, et même avec toutes les précautions et restrictions possibles; au reste, ce genre d’impôts qu’on accuse de retomber, en dernière analyse, sur le territoire qui produit tout, est le moins dur de tous pour le consommateur qui le paye, parce que le droit et le prix de la marchandise se confondent ensemble à ses yeux. L’incertitude du produit des droits sur les consommations oblige de les mettre en ferme ou de les faire régir, et ces deux modes d’administration sont fort coûteux. Dans la classe de ces droits sont compris aujourd’hui tous les revenus qui composent la ferme générale, la régie des aides et droits réservés, les marchés de Sceaux et de Poissy, et une partie des droits domaniaux. Le revenu territorial des domaines et forêts, les droits féodaux, les fermes des postes, la régie des poudres, les monnaies, les affinages, les loteries composent une autre classe de revenus, La contribution territoriale est la véritable richesse de la nation. La défense du territoire et la sûreté de ses cultivateurs étant les premiers besoins communs à tous les propriétaires, la charge qu’ils imposent doit leur être commune : ainsi personne n’a le droit d’en être exempt ; mais cet impôt ne peut excéder certaines limites, sans attaquer et détruire la propriété. Les frais de culture, de semence, les entretiens de tout genre, doivent en être exceptés. C’est sur-le revenu net que doit porter l’imposition. La taxe personnelle répugne infiniment à la liberté; et, dans la malheureuse nécessité de l’admettre, il semblerait qu’elle ne devrait porter que sur les hommes qui, ne possédant pas de territoire, ne peuvent s’acquitter autrement de la rétribution que chaque citoyen doit à l’Etat. Cette taxe a l’inconvénient de manquer de bases certaines, et par conséquent d’être voisine de l’arbitraire : ce sera toujours à regret que nous vous proposerons de la faire entrer dans nos calculs. Il serait au moins à désirer qu’on pût la soumettre à des règles assez sûres pour atteindre, dans des proportion justes, les fortunes purement mobilières. L’impôt de consommation ne doit donc porter que sur les objets qui ne sont pas de première nécessité. Il doit être modéré, pour ne pas exciter la contrebande : son tarif doit être favorable aux productions de l’industrie nationale. [4ssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1789.] *7« Il ne doit être perçu qu’aux entrées des villes et aux extrémités du royaume, et ne doit ni gêner le commerce, ni exposer les citoyens à la violation de leur domicile. L’impôt sur les propriétés ne doit porter que sur le revenu net, et ne rien excepter de ce qui est productif ; mais il ne doit frapper sur rien de ce qui est nécessaire à la reproduction. L’impôt sur les personnes doit être soumis à des règles de proportion aussi justes qu’il est possible de les établir, et ne peut être considérable que sur les citoyens qui ne payent aucune autre imposition de propriété. C’est d’après ces règles que votre comité médite et travaille à rédiger le système d’imposition qu’il aura l’bonneur de vous présenter lorsque vous aurez déterminé la somme des besoins de l'Etat. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant que rien n’est plus important à l’établissement et au maintien d’un ordre permanent dans les finances du royaume et dans la comptabilité du Trésor public, que de mettre au courant les départements, et de ne comprendre à l’avenir dans le compte de chaque année que la dépense effective de ladite année ; Considérant en outre qu’elle ne pourrait, sans s’écarter de l’esprit de justice qui l’anime, se dispenser de prendre des moyens sûrs et prompts pour constater le montant de ce qui restera dû à l’époque marquée par elle pour le nouvel ordre d’administration et de comptabilité, afin de satisfaire tout à la fois à ce que lui prescrivent l’intérêt de la nation et celui de ses créanciers légitimes, a décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er. Le payement de toutes les dépenses des départements, autres que la solde des troupes, sera et demeurera suspendu, pour tout ce qui se trouvera dû au 1er janvier 1790, jusqu’après la liquidation qui va en être ordonnée. Art. 2. A compter du 1er janvier 1790, le Trésor public acquittera exactement toutes les dépenses ordinaires de l’année courante, mois par mois, sans aucun retard, et il ne sera alloué dans les comptes de la dépense ordinaire de ladite année que les sommes provenant de la dépense que l’Assemblée nationale aura décrétée pour l’année 1790. Art. 3. Il sera nommé incessamment une commission de douze membres de l’Assemblée, pour procéder à la liquidation de toutes les créances dont le payement est suspendu par l’article 1er du présent décret. Art. 4. Les administrateurs de chaque département et les ordonnateurs de toutes les dépenses feront remettre en conséquence, dans le délai d’un mois au plus tard, à ladite commission, l’état, distingué par nature de dépenses, de toutes celles qui peuvent être arriérées dans leurs différents départements, et ledit état signé d’eux sera certifié véritable. Les entrepreneurs et autres qui auront personnellement des titres de créance reconnue à à produire, pourront se présenter devant la commission et lui remettre leurs titres. Art. 5. N’entend, l’Assemblée nationale, comprendre dans la suspension prononcée par le présent décret les arrérages de rentes et pensions échues avant le 1er janvier 1790, qui continueront d’être payées dans l’ordre de leurs échéances, et dont elle se propose de rapprocher les payements par tous les moyens qu’elle aura en son pouvoir. Elle excepte également de ladite suspension les intérêts de toutes les créances auxquelles il en est dû, ainsi que les obligations contractées pour achats de grains, assignations et rescriptions sur les revenus de 1790, et tous les frais relatifs à l’Assemblée nationale. Art. 6. Le payement de tous les arrérages sera continué, ainsi qu’il a été dit par l’article 4, pour toutes les rentes et créances de l’Etat ; mais les pensions qui écherront après le 1er janvier 1790 ne pourront être acquittées, à partir de celte époque, que d’après l’état qui en sera arrêté par l’Assemblée nationale et publié par ses ordres. Art. 7. La commission chargée deprocéder, en vertu du présent décret, à la liquidation de l’arriéré, rendra compte à l’Assemblée nationale, le plus tôt qu’il sera possible , de la liquidation qu’elle aura faite des créances incontestables ; et lui soumettra le jugement de celles susceptibles de contestation. Art. 8. Sur le compte qui lui sera rendu par ses commissaires, l’Assemblée nationale avisera aux moyens qui lui paraîtront les plus convenables et les plus justes pour acquitter les créances dont la légitimité aura été reconnue. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mardi 17 novembre 1789, au matin [ 1). M. le vicomte de Mirabeau, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la veille et des adresses ci-après. Adresse des officiers municipaux de la ville de Grandpré où ils adhèrent, avec une admiration respectueuse à tous les décrets de l’Assemblée nationale et déclarent ennemis de la nation et traîtres à la patrie tous ceux qui auraient osé, ou qui oseraient par la suite, sous quelque prétexte que ce fût, s’opposer à leur exécution. Délibération de la commune de Saint-Laurent-du-Pont, en Dauphiné, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale, et la protestation la plus formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire. Délibération de la commune de la ville de Salies en Comminges, contenant félicitations, re-mercîments, adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale; elle demande une justice royale. Adresse des municipalités de la ville de Romo-rantin et de plusieurs paroisses de son élection et district, tendant à obtenir l’établissement d’un département et d’un tribunal du second ordre dans cette ville. Adresses de différentes villes et communes d’Auvergne; elles demandent toutes l’établissement d’un tribunal souverain à Clermont, et quelques-unes demandent un tribunal royal pour Maringues, Mauriat, Maurs. Adresse de la ville de Bort en Limousin ; elle demande sa réunion à l’Auvergne, un tribunal (1) Cette séance est incomplète au Moniteur ,