498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES .PARLEMENTAIRES. [8 février 1780.) ,ment réel que de ne. pas prendre les moyens de ! prouver son innocence, jquaud ils sont offerts par la loi... M. Pétlon de Villeneuve représente l’importance d’une question qui ne. peut-être décidée que par un décret constitutionnel. Il observe que les .assemblées primaires étant chargées de juger de la capacité des individus, ce. décret n’esi, ipàs nécessaire; qu’ainsi il n’y a pas à délibérer, s’il regarde le présent; .que s’il regarde l’avenir, il faut discuter, examiner, et pour cela ajouroer,en renvoyant au comité de constitution. M. Target est d’avis du grand intérêt que présente la-question, et appuie l’ajournement. On se dispose à aller aux voix. M. le vicomte de Mirabeau entre .dans la salle. M. GoiipiHeau. Je demande� que la délibération soit suspendue, pour que les membres qui n’ont pas prêté le serment civique le prêtent, ou se retirent. M. de Rouville. Je suis l’uu de-ces membres : ]’ai eu l’honneur d’écrire mes motifs et d’énoncer le serment que ma conscience me permet de prêter. Je jurerai d’obéir à la constitution, mais je ne puis jurer de la maintenir; et par ce refus, je crois faire quelque chose d’utile à la nation. 11 estimpassibie,de lui enlever le-droit de. changer la constitution ; il est impossible de ne pas convenir que les prochaines législatures sont appelées à faire ces changements. Jurer de maintenir la constitution, ce serait donc jurer de s’opposer aux droits de la nation. Sans doute, on n’a pas attaché ce sens au serment proposé ; mais si c’es t le sens naturel, si c’est l’acception véritable du mot maintenir, on ne peut blâmer monTêfus. M. Saborde de Méréville. L’Assemblée nationale ne se croyant pas liée. par les capitulaires des races passées, elle np pense .pas lier les races futures. L a-constitution conserve au peuple le droit de s’assembler en convention nationale jour réformer cette même constitution. Ainsi le >réopinant, en jurant de la maintenir, jurera éga-ement de maintenir à la nation le droit de la perfectionner. M. le Président. Je ne puis permettre des restrictions. Jeudi dernier,, l’Assemblée ,a décidé que j’ioterpeUerais par omî ou par non les membres qui se présenteront pour prêter le senment .dont la formuler étéiarrêtée; je, dois me conformer à cette décision. . Il ne s’agit, pas de détruire ' le, pouvoir de la volonté générale, mais d’opposer lé pouvoir individuel de celui qui jureau pouvoir individuel de. quiconque essaiera .de porter atteinte à la constitution. M. Démeunier, Le préopinant n’aurait pas montré les scrupules iqu’il. a témoignés, s’il avait voulu se rappeler qu’un article de la déclaration des droits conserve le droit essentiel, inhérefnt à la nation, de changer la loi qu’elle s:est dounée, .et certes on a assez souvent prêché .cette doctrine dans oette assemblée. L’erreur du préopinant vient d’un pur oubli, d’un pur sophisme, développé dans une lettre de M. Bergasse,-et que l’on rend à la porte de cette salle... . Je demanderai à ces consciences .délicates, dans quel principe de droit public elles ont vu qu’ou peut refuser d’obéir aux lois, même imparfaites., Il faut faire observer le décret qui oblige tous -les membres tà prêter le serment. M. le vicomte de Mirabeau imonte à la tribune. M. le Président. On ne peut ouvrir de discussion sur un objet décrété; il ne reste plus qu’à obéir au décret. M. le vicomte de. Mirabeau reste à la tribune pendant quelque temps. 11 en descend ; an croit qu’il :se dispose, à isoctir : an applaudit. Il remonte à sa place; la grande majorité se lève à l’instant. On entend plusieurs voix prononcer,: « Failes-le sortir ! » M. île Président. Des membres refusent de prêter > le serment; le décret de l’Assemblée est connu; mais ne serait-iil pas juste de leur laisser VingLquatre heures pour s’aviser? M. Giraud-Duplessis. Je fais .la motion expresse, que si dans vingt-quatre heures, M. le .vicomte de Mirabeau m’a pas ; prêté vie sermon t, il •soitdéclané déchu des fonctions de député et des droits de citoyen actif. M. de Saint-Simon. D’après l’explication. adoptée par l'Assemblée, fe lle june. ...... MM. de Bouville, Le Gar#entier de Chaillouéet le vicomte de Mirabeau prêtent leur serment en se servant des mêmes expressions. M. le -Président. M. Merlin. (kfeUaaaij'.a la'.pa-role, au nom du comité féodaL pour faire u �rapport sur la suppression et le rachat des droits féodaux. M.. Merlin, député de Douai (1). Messieurs, en détruisant le régime féodal; en renversant, pour rneservird’uneexpression connue de Montesquieu, ce chêne antique dont les branches couvraient toute la surface de l’empire français, tandis que ses racines ignorées se perdaient dans les mœurs et te gouvernement des barbares .auxquels .les Gaules ont dû l’expulsion des Romains - , en faisant, parce grand acte de vigueur et ide puissance, non Jine simple loi, mais un article de constitution, et le plus important, peut-être, que vous eussiez à faire pour vous .aplanir la carrière pénible et: glorieuse qui s’ol frail à votre courage, vous avez rendu à la nation un service inestimable, /mais vous vous< êtes imposé m ne granule tâche. — Ce n’est pas assez d’avoir fait disparaître jusqu'à la dernière trace de ce régime, qui c'aurait pu se lier ni avec cette précieuse mgalité des droits que voiusavez déclarée, ni avec cette grande maxime qni rappelle toute autorité à la nation dont die émane, comme àsa source; oe nêst pas •assez d’avoir, avant de commencer l’édifice de la constitution, déblayé tous ces, décombres, tous.ces restes gothiques d’un système inconstitutionnel qui composaient encore la féodalité moderne; ce n’est pas assez, en un mot, d’avoin établi des principes, il faut encore, par un juste développement de leurs conséquences, en faciliter la pratique; il faut surtout aller au devant des abus que la cupidité pourrait en faire; il faut les environner de dispositions conservatrices de la propriété autant que la liberté; il faut enfin présenter au peuple une loi dont la justice force au silence l’égoïste (1) Le rapport de M. Merliu est incomplet au Moniteur. [Assemblée natiantlej AJUJHlVfiS #)MUÆME?flrAIÏlË&. [5 (février ? 1730» J feudataire, qui, depuis six mois, crde-si iadécem-méat à la spoliation, et dont la sagesse puisse ramener à son devoir le colon, que le ressentiment d’une longue oppression a pu égarer un moment. G’està la préparation de cette loi importante que vous nous avez appelés par votre décret du 12 août. Nous ne devions, aux, termes de ce décret, vous rendre compte de notre travail qu’après que celui de la constitution s, ecaitentièrement achevé; votre juste impatience vient de nous imposer un ordre 'différent; nous nous y soumettons, mais nous ne pourrons vous présenter aujourd’hui qu’une partie de la loi si désirée et si nécessaire qui nous occupe constamment. Vos décrets du 4 août, Messieurs, comprennent, par rapport à la mission dont vous nous avez chargés, quatre dispositions très distinctes. 1° ils détruisent le régime féodal. 2° Ils abolissent la mainmorte, la servitude et les droits qui les représentent ou qui y tiennent. 3° Us déclarent ('achetables les autres droits et devoirs tant féodaux que censuels, même les simples pre-dalions et charges foncières. 4° Enfin, ils suppriment sans indemnité des justices seigneuriales. Nous vous dirons peu de choses en.ee moment des droits que vous avez déclarés '.rachebables; le mode du rachat que vous eu avez permis, fait l’objet de nos méditations actuelles; mais il n’est pis encore avance, assez mûr, pour vous être présenté, et nous nous réservons de vous en parler un autre jour. C’est aussi à un autre jour que nous remettons tout ce qui concerne les droits dépendants des justices seigneuriales, tels que les droits d’épave, de déshérence, de voirie, d’alforage, de taverne, de tabellionage, etc. Nous ne vous [parlerons même point du tout des droits de péage e;t de minage, parce que le comité d’agriculture doit vous ou entretenir incessamment. Ainsi, des quatre dispositions principales que je viens de rappeler, les deux premières seront le principal objet de ce rapport,; et vous approuverez sans doute, Messieurs, le motif qui nous a déterminés., à les placer dans l’ordre de notre travail, avant celle qui est relative au modeidu rachat que vous avez autorisé. La fixation du .mode au rachat ne devant et ne pouvant s’appliquer qu’aux droits raclietablos, il nous ,a paru qu’elle d ■ vait être précédée d’une détermination précise de ces droits; el nous avons pensé que celte détermination ne pouvait être que le résul tat d’une définition claire et exacte des droits abolis sans indemnité. Nous croyons d’ailleurs remplir, quant à présent, tout ce qui est, nécessaire pour faire cesser les désordres et lès malheurs dont quelques provinces août, depuis peu lé théâtre. Quels sont les droits que vous avez abolis .sans indemnité? Quels sont, au contraire, ceux que vous avez laissés subsister, en les assujettissant seulement au rachat? C’està cette question que se réduit, en dernière analyse, presque tout ce que nous venons soumettre à votre examen. ‘Pour résoudre cette question dans toutes ses parties, il faut se reporter à vos décrets mêmes, et d’abord se fixer sur les effets delà destruction qu’ils ont faite du régime féodal. Saris contredit, en détruisante régime (féodal, vous n’avez pas entendu dépouiller de, leurs -pos sessions les propriétaires légitimes des fiefs ;>mais vous avez changé la nature de ces biens: affranchis désormais des lois de la féodalité, ils sont demeurés soumis 4 celles de la propriété Ion ciène; en un; mot, ils ont *ces9é d’ètre ifiefs, et sont devenus de véritables alleux. Vous apercevez déjà, Messieurs, les conséquences qui doivent résulter de ce premier principe. Il a 'existe plus de fiefs : — donc il ne peut plus y avoir licü à la loi-hommage; car l’objet de la foi hommage est de reconnaître la supériorité du seigneundomimant, delai jurer fidélité; eteomme, suivant la remarque de Dumoulin, c’est précisément en cela que consiste i’esseucedu fief (1) ; iL est clair que cette essence étant détruite, uu spat;eil accessoire ne «peut plus subsister. Il n’existe plus de fiefs : donc 'nous devons regarder comme abolie toute charge imposée au vassal, qui, sans être utile, mais seulement honorifique pour le suzerain, ne servait, soit concurremment avec la foi-hommage, soit eu la remplaçant, qa’à manisfester la puissance de celui-ci et /infériorité de celui-là; telle est dans plusieurs seigneuries la charge de danser, de faire un certain nombre de sauts devant de seigneur, à certains jours de l’année ;;teUe est'encore (jet sans doute ce rapprochement ne îfera pas suspecter les -sentiments religieux de votre comité), telle est l’obligation à laquelle sont assujettis les possesseurs des fiefs relevants des églises, dans les trois Evêchés, de porter le dais aux processions du Saint Sacrement. Telle, est pareillement, -à l’égard des fiefs qui ne sont point de profit *et me doivent que la; bouche et les mains, l’obligation d’en fournir des dénombrements à chaque mutation. Il n’existe plus de fiefs: — donc les lois parti-■eultèresqui, dans les successions, régissaien t les bienstci-iievant féodaux, deviennent sans objet et sans. application; donc plus de droit d’aînesse ni de masculinité pour les fiefs, à moins que les successions de meubles et de rotures (sur lesquelles nous ne pourrions vous proposer aucune vue de législation nouvelle, sans excéder les bornes de notre mission), n’y fussent elles-mêmes su jettes;, donc égalité absolue dans les partages de itiefs* entre tous les héritiers du dernier possesseur, lorsquemeuK-ci sont appelés au partage égal de ses meubles et rotures. Il n’existe .plus de .fiefs-, nous devons ajouter, et plus de censive:— donc ht supériorité féodale et mensuelle est évanouie : donc le retrait féodal et censuel,qui n’étaient que des attributs de cette supériorité, comme nous nous réservons de l’établir par des détails particuliers, ne peuvent plus avoir lieu. Il n’existe plus de fiefs: donc des (droits utiles dont sont chargés les biens ci-devant féodaux ne doivent plus être considérés que comme des droits purement fonoiers et des créances purement réelles. Permettez, Messieurs, que nous nous arrêtions ià cette dernière conséquence, pour eu tirer toutes les conséquences ultérieures que nous en voyous découler. Il en Fésultetd’abard‘cpie la formalité d’aveu et de dénombrement doit être regardée comme abolie, même à ldgarddos fiefs de profit , mais en tant que formalité féodale seulement; car, en dénaturant les fiefs, la loi n’a pas dispensé les propriétaires de reconnaître les charges dont ils sont tenus envers les seigneurs; et l’on doit, à cet égard, les. assimiler aux débiteurs de rentes (1) Feudi substantiel in solâ fi, délit ale, quoe est ejus forma essentialis, consistit. Sur la coutume de Paris, préface, n° d5. 500 [Assemblée nationale.] foncières, qui peuvent être contraints par leurs créanciers de passer titre nouvel à différents in-tcrvs JJ 0g La même raison s’applique aux déclarations à terriers; elles sont certainement abolies en tant que formalités censuelles, mais les censitaires ne sont pas pour cela déchargés de l’obligation de reconnaître leurs seigneurs; seulement les seigneurs étant descendus au rang de simples cré anciers de dettes foncières, il ne peut plus être exigédes censitaires, d’autres reconnaissances ni d’autres déclarations, que si ceux-ci n’avaient été originairement que débiteurs ordinaires de prestations ou redevances réelles. De là cependant naît une difficulté. Dans la plus grande partie du royaume, les déelaiations à terriers se faisaient , comme elles le devaient, aux frais des censitaires; mais il y avait quelques provinces où l’usage avait chargé le seigneur de ces frais. On demande si cet usage pourra encore avoir lieu pour les simples reconnaissances, qui, dans ces provinces seront dorénavant substituées aux decla râlions à terriers? — Du premier abord, il semble que l’objet de vos décrets du 4 août, ayant été d'adoucir le sort des censitaires, il serait injuste de faire tourner à leur désavantage le nouvel ordre de choses qui n’a été établi qu’en leur faveur. Cependant, votre comité a considéré que si les censitaires étaient à l’avenir chargés des frais de reconnaissances, dans les provinces où un usage contraire aux principes les en avait déchargés jus-qu’à présent, ce ne serait pour eux qu’un fardeau, non seulement très léger, mais encore très amplement compensé par les avantages qu’ils trouveront dans le nouvel ordre de choses; que d’ailleurs on ne doit pas faire à l’amélioration du sort de-censitaires, le sacrifice des principes de la justice et de l’équité; que le seul point auquel on doit s’attacher, c’estque le régime féodal étant détruit les droits féodaux et censuels ne peuvent être regardes que comme de simples droits fonciers; qu’ainsi c’est aux simples droits fonciers qu’ils doivent être entièrement assimilés; que c’est à cette assimilation seule qu’il faut s’arrêter; que c’est de cette assimilation seule que l’on doit partir, sans examiner si elle est ou si elle n’est pas à tous égards favorable aux censitaires; et que, comme il est partout de principe que la reconnaissance d’un simple droit foncier doit se faire aux frais du redevable, il doit aussi partout être tenu pour principe à l’avenir, que le censitaire est soumis aux frais de la reconnaissance à laquelle il est tenu envers son seigneur. Votre comité a ensuite porté ses regards sur les saisies féodales et censuelles; et toujours fondé sur le principe que la destruction du régime féodal a converti tous les droits féodaux et censuels en simples renies foncières, il a pensé qu’il ne pouvait plus y avoir, pour la poursuite de ces droits, ouverture à d’autres actions qu’à celles dont le payementdes rentes foncièreselles-mêmes, est le but;* en conséquence, nous avons cru qu’il ne devait plus être exercé à l’avenir aucune saisie féodale ni censuelle. - Celte opinion, je dois vous le déclarer, Messieurs, cette opinion nous a paru évidente relativement à la saisie féodale, qui aurait pour cause le défaut de dénombrements servis ou de droits payés; mais nous l’avons trouvée bien plus évidente encore relativement à la saisie féodale faute de foi-hommage. En effet, celle-ci emportant perte de fruits, ne pouvait être considérée que comme un acte de puissance et dn upériorité de fiefs, comme une peine de pure |8 février 1790.] féodalité, comme un corollaire direct et immédiat du régime féodal, qui ne pouvait conséquemment survivre à la destruction de ce régime même. En un mot, la sai-ie avec perte de fruits ne i ouvait avoir lieu que faute de foi-hommage; or foi-hommage est abolie, et certaioement il est impossible de concevoir encore l’idée d’une punition, là où il ne peut plus y avoir de faute. C'est par le même principe que nous avons cru pouvoir résoudre la question de savoir si l’abolition du régime féodal emporte celle de la règle qui jusqu à présent, a interdit toute prescription entre le seigneur et le vassal, relativement à certains droits ou devoirs féodaux. Par l’abolition du régime féodal, avons-nous dit, tous les devoirs et droits féodaux ont perdu leur caractère féodal,