[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1791.] 041 fera un devoir de contribuer de toutes ses forces à la révocation et à l’abolition de cet injuste décret. D’ailleurs, Sa Sainteté déclare hautement à toute l’Europe qu’elle n’écoutera aucune proposition d 'indemnité, compensation ou échange , non seulement parce qu’elle en a contracté l’obligation par le serment prêté à son exaltation à la tiare, et par son amour paternel envers ses Etats d’Avignon et du Gomtat Venaissin, qu’elle regardera toujours comme un apanage très précieux du Saint-Siège, mais encore parce que les droits de la souveraineté sont inappréciables , et n’admettent point de compensation. L’extrême considération et les égards dont le Saint-Père fait profession envers tous les souverains de l’Europe, et la profonde idée qu’il a de leur droiture inaltérable et de leur exacte justice, le mettent dans la nécessité de ne pas différer à leur faire part d’un outrage si grave, et de réclamer formellement et solennellement leur assistance. Ges mêmes sentiments lui inspirent la plus ferme confiance, que justement indignés d’un tel attentat, ils emploieront tout leur crédit, et voudront également prêter leur puissant appui pour faire annuler un décret, lequel, en envahissant une souveraineté appartenant au Saint-Siège, offense les droits les plus sacrés et compromet ouvertement les propriétés territoriales de tous les souverains de l’Europe. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 14 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. PROTESTATION du commissaire général de la Révérende Chambre apostolique de Rome contre toute USURPATION DE LA VILLE D’AVIGNON ET DU Comtat Venaissin, suivie du chirographe de notre Saint-Père le pape Pie VI, en date du 5 novembre 1791, par lequel Sa Sainteté ratifie, approuve et confirme ladite protestation, casse et annule le décret de l'Assemblée nationale du 14 septembre, qui prononce l'incorporation de ces Etats et la déclare comme non avenue ; au révérendissime cardinal Charles Rezzonico, camerlingue, pour servir de suite à la réclamation du pape à toutes les puissances de l'Europe , traduit de l'original italien. Révérendissime cardinal Charles Rezzonico, eamerlingue , Aussitôt que nous eûmes appris qu’une partie de nos sujets d’Avignon et du Gomtat Venaissin avaient arboré l'étendard delà révolte et osé méconnaître l’autorité que Dieu nous a confiée, et la souveraineté que nous exerçons depuis plusieurs siècles sur ces provinces qui appartiennent au Saint-Siège par les titres les plus sacrés et les plus incontestables, nous ne différâmes pas à faire part de cet attentat à toutes les puissances catholiques, et à leur faire parvenir par le canal de révérendissime cardinal de Zélada, notre secrétaire d’Etat, la réclamation la plus solennelle. En même temps, nous publiâmes deux « chiro-graphes », en date des 2 août et 15 septembre 1790, i" Série. T. XXX. pour ratifier et confirmer non seulement les protestations que le sieur Gasoni, notre vice-légat d’Avignon, et le sieur abbé Pierrachi, recteur de Garpentras, avaient faites, mais aussi les deux autres que le sieur Barberi, procureur général du fisc et de notre chambre apostolique, nous avait présentées pour la conservation de nos droits lé-itimes, qui ne pouvaient certainement recevoir 'atteinte ni être, en aucune manière, lésés par le crime de haute trahison et d’ingratitude, dont ces rebelles sujets, armés de nos propres bienfaits, s’étaient rendus coupables. Maintenant, nous apprenons, avec autant de douleur que de surprise, qu’au mépris, de toutes les lois divines et humaines, et par une violation manifeste du droit public des nations, l’Assemblée nationale s’est permis, par un décret, en date du 14 septembre dernier, de prononcer l'incorporation à la France, de la ville et district d’Avignon, et du Gomtat Venaissin. D’après ces faits, le sieur Borsari, commissaire général de notre chambre apostolique, ne voulant pas manquer au devoir que sa place lui impose, de veiller à la manutention de nos droits et de ceux du Saint-Siège sur ces Etats, nous a présenté la protestation suivante, nous suppliant de l’admettre, de l’approuver et d’en ordonner la publication, et d’en faire garder l’original à toute perpétuité dans les archives de la Chambre, ainsi qu’il est plus amplement exprimé dans ladite protestation de la teneur qui suit : « Très Saint-Père, « Il n’y a point, dans toute l'Europe, de titres plus solides et plus légitimes que ceux qui établissent la souveraineté du Saint-Siège apostolique sur le Comtat Venaissin et sur la ville d’Avignon, souveraineté consacrée par une possession non interrompue de 5 siècles, reconnue et respectée par toutes les puissances de l’Europe. c On était d’autant plus fondé à croire désormais ces Etats à l’abri de toute entreprise hostile, que l’Assemblée nationale avait publié hautement d’avoir renoncé à toute conquête et à toute agression, et, d’après ces maximes, le projet d’incorporation d’Avignon et du Comtat, présenté à la susdite Assemblée dans le mois de novembre 1789, avait été presque unanimement rejeté. « Mais les auteurs de la trame ourdie, pour dépouiller le Saint-Siège de ces provinces, ne se découragèrent pas; ils continuèrent à fomenter les insurrections, la licence et tous les crimes qui en sont les conséquences nécessaires, et se prévalurent ensuite de ces mêmes crimes, comme de prétexte pour présenter de nouveau le projet de ladite incorporation. « En moins de 18 mois, on a renouvelé 4 fois la discussion de cet objet, contre la loi formelle de la Constitution décrétée par la même Assemblée, qui porte expressément que tout projet de loi rejeté par 3 fois ne pourra plus être proposé dans la même session. « Tantôt on a voulu révoquer en doute la validité des titres, tantôt on a essayé de faire valoir les instances de quelques séditieux, tantôt enfin on a prétendu que ces contrées étaient une partie intégrante de la France. « Cependant, malgré l’animosité d’un parti déclaré contre le Saint-Sièg�, l’évidence de ses droits prévalut, et le 4 mai 1791, l’Assemblée déclara formellement « qu’Avignon et le Gomtat n’étaient point partie intégrante de la France », k et cette délibération qui avait passé à une très 41 m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. grande pluralité de suffrages, fut confirmée peu de jours après dans la séance du 24 mai, où l’Assemblée, avec la même prépondérance de voix en faveur de la justice, prononça : « que la pétition de la municipalité, et des habitants d’Avignon pour la réunion à la France n’était point admissible », et qu’en conséquence, cette réunion et la nomination d’un comité pour cet objet ne pouvait avoir lieu. « Pendant que des juges aussi incompétents discutaient, sans aucune mission, les droits du Saint-Siège, et n’osaient franchir ouvertement les bornes de la justice, la voix paternelle de Votre Sainteté se faisait entendre et ne cessait de récla-mer hautement en faveur de ces mêmes droits. « Après avoir tenté inutilement de ramener au devoir, par sa clémence et sa bonté, et d’éclairer ce peuple séduit, le sieur Gasoni, son vice-légat, ayant été forcé de se sauver, et d’abandonner cette malheureuse ville livrée au fanatisme, à l’atrocité, aux meurtres et aux incendies, le jour même de son expulsion, le 12 juin 1790, il fit les plus fortes protestations pour la garantie des droits du Saint-Siège, et le 5 juillet suivant, il les réitéra à Garpentras. « Ges mêmes protestations furent ensuite renouvelées à Rome par le procureur général du fisc, le 31 juillet 1790, et présentées à Votre Sainteté, qui, par un « chirographe » sisné de sa main, en date du 2 août, de la susdite année, déposé en original dans l’archive secret de la chambre apostolique, daigna les recevoir, les confirmer et les ratifier. « A cette même époque, Très Saint-Père, vous jugeâtes à propos d’instruire, par un mémoire distribué au corps diplomatique, toutes les cours catholiques de la révolte des Avignonais, et d’annoncer à l’Europe votre volonté déterminée de ne jamais vous dessaisir de votre souveraineté sur ces Etats, et la juste confiance où vous étiez, que les puissances ne regarderaient pas avec indifférence cette cause commune à tous les souverains. « Ge mémoire fut presque immédiatement suivi d’une nouvelle protestation du procureur fiscal, en date du 13 novembre 1790, approuvée pareillement, et admise par un autre « cnirogra-phe » de Votre Sainteté, daté du 15 novembre susdit. « L’excès d’ingratitude et de perfidie, avec lequel les rebelles avaient repoussé l’acte de bonté paternelle de votre béatitude, qui leur accordait un pardon général, donna lieu à celte déclaration. « Après des réclamations aussi solennelles en face de toute l’Europe, de la part du légitime souverain d’un côté, et de l’autre, après les décrets de l’Assemblée, qui annonçaient le refus le plus absolu de tout plan d’incorporation, et son juste éloignement à tout projet d’envahir ou d’usurper; il ne pouvait plus rester aucune crainte, et la légitimité des droits de Votre Sainteté sur Avignon et le Gomtat Venaissin, ayant été tant de fois reconnue et avouée par l’Assemblée elle-même, ces provinces devaient paraître désormais à l’abri de toute nouvelle entreprise, et de tout envahissement. « Cependant les moyens de séduction, employés avec tant de succès, et trop connus de toute l’Europe, pour qu’on veuille les répéter ici, continuèrent à animer les séditieux et à encourager le crime dans Avignon et dans le Gomtat ; et l’Assemblée nationale osa profiter de cette cir-S constance pour violer le droit des gens, et atten-[14 septembre 1791.] ter ouvertement à la souveraineté territoriale de Votre Sainteté, en envoyant la milice française à Avignon, sous le prétexte apparent de calmer, mais en effet pour entretenir et augmenter les troubles, et commettre et favoriser les plus horribles excès. « Les dévastations les plus affreuses, le pillage et les incendies furent le produit de cette prétendue médiation. « Enfin, le 4 septembre dernier, l’Assemblée nationale, jugeant, sans doute, qu’elle pouvait impunément tout oser, leva le masque, et, profitant du moment de l’absence presque totale des membres du côté droit, prononça un décret qui déclare « qu’en vertu des droits de la France sur les Etats réunis d’Avignon et du Gomtat Venaissin, et en conformité du vœu libre et solennel de la majorité des communautés et des citoyens de ces deux provinces pour être incorporées à la France, les deux Etats réunis d’Avignon et du Gomtat sont, dès ce moment, partie intégrante de la France » ; et, pour pallier en quelque sorte une si criante injustice, on y ajouta une clause qui n’est, en effet, qu’un nouvel outrage, et qui porte « que le roi ne se refusera pas à traiter avec la cour de Rome des dédommagements et des compensations qui pourraient justement lui être dus. » « Ge décret, Très Saint-Père, contient le plus énorme attentat contre tous les souverains ; il est directement opposé à tout principe de raison et de justice et destiné évidemment à compromettre la tranquillité de l’Europe entière. « Les prétendus droits de la France sur ces Etats et le vœu des rebelles ont servi de prétexte à cet attentat. « On a suffisamment répondu aux prétentions de la France et démontré, avec la dernière évidence, qu’elles étaient destituées de tout fondement. « La sainteté des traités, la foi des contrats, la respectable autorité d’une possession de 5 siècles, les combattent victorieusement et les détruisent. » Le traité de Paris, de 1228, fit acquérir au Saint-Siège le Gomtat Venaissin, et peu de temps après les commissaires du pape, accompagnés des commissaires du roi, reçurent le serment de fidélité de chacun de ses nouveaux sujets. « En 1348, le Saint-Siège acheta et fit acquisition de la ville d’Avignon qui faisait partie de la Provence avant que cette province appartînt à la France. « Les empereurs, qui étaient alors seigneurs suzerains de la Provence, confirmèrent cette acquisition, et les habitants d’Avignon prêtèrent tous librement et solennellement leur serment de fidélité. « Louis XI, qui réunit la Provence à la couronne de France, se garda de porter aucune atteinte à la souveraineté du pape sur Avignon, et, depuis lui, 13 monarques, qui ont successivement régné en France, n’ont jamais révoqué en doute cette même souveraineté du Saint-Siège sur ces provinces. « La longue possession dont il jouit depuis tant de siècles a été confirmée et consolidée, pour ainsi dire, par les fréquents traités passés entre les deux cours de Rome et de France, soit pour la fixation des limites, soit pour des arrangements pour les fermes du sel et du tabac, ou pour les manufactures d’indiennes. » Louis XIY, en 1662 et 1668, et Louis XV, en 1768, se sont successivement emparés d’Avi- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1791.] 643 gnon, mais ils n’ont jamais prétendu revendiquer les droits de la France ; et ces invasions n’ont été faites qu’à titre de représailles pour de prétendus griefs contre la cour de Rome, lesquels ayant cessé, lesdites provinces furent librement restituées, sans aucune réserve ou exception préjudiciables au Saint-Siège; et ainsi, son ancienne et légitime possession et ses droits sur lesdits Etats, loin de recevoir aucune atteinte par les invasions susdites, en ont reçu une nouvelle force et ont été plus authentiquement reconnus. « A l’égard du prétendu vœu libre des rebelles, il est évident que l’on ne saurait en discuter la validité sans compromettre la tranquillité générale; sera-t-il donc désormais permis à chacun de changer de maître à son caprice? Telle est cependant la conséquence nécessaire du principe adopté par l’Assemblée. « Au reste, les Avignonais et les Comtadins, qui, au premier moment de ces acquisitions faites par le Saint-Siège, avaient, comme on l’a déjà remarqué, prêté leur serment de fidélité au pape, ont depuis, plusieurs fois, supplié les souverains pontifes Grégoire XI,NicolasV,CaIix te III et Paul III, et obtenu d’eux d e n’être jamais so u straits à l’obéissance et à la dépendance du Saint-Siège apostolique, et tout récemment, dans le mois de novembre 1789, aux premières nouvelles des projets de l’Assemblée sur ces provinces, la ville d’Avignon réunie en corps, le 10 décembre de la même année, et tous les habitants du Gomtat, le 25 novembre, ont renouvelé les protestations les plus solennelles de vouloir demeurer fidèles aux souverains pontifes, et Votre Sainteté, malgré la rébellion déclarée et le parjure des malheureux qui se sont laissé séduire, n’oubliant jamais son amour et ses sentiments paternels, a manifesté à toute l’Europe, de la manière la plus formelle, sa volonté déterminée de vouloir conserver, en son entier, et sans aucun démembrement, la souveraineté dont elle et ses glorieux prédécesseurs ont toujours joui sur ces provinces. « Ce que l’Assemblée appelle le vœu libre et solennel de la ville d’Avignon, qui, avant la révolte, contenait 30,000 habitants, n’est autre chose qu’une signature arrachée par la crainte de la mort à 1,000 citoyens environ, qui forment aujourd’hui la commune avec une horde de brigands fixés dans cette ville infortunée depuis l’émigration de toute la noblesse et de la plupart des honnêtes gens forcés à s’expatrier par la terreur imprimée par les satellites soudoyés et sous le titre de conciliateurs envoyés par l’Assemblée pour mettre tout à feu et à sang. « Pour ce qui concerne le Gomtat, c’est pareillement par les ravages les plus affreux et au milieu des flammes et du carnage, que l’on a fait signer à quelques communautés ce prétendu vœu libre. « Garpentras a été assiégé quatre fois, Cavaillon saccagé, Sarrians brûlé, l’Isle et Serignan pillés, et enfin les scélérats qui forment ce qu’on ap-elle l’armée de Vaucluse, en parcourant le bas omtat, l’ont presque entièrement détruit et le « vœu libre et solennel » qui a servi de base au décret du 14 septembre n’est que le résultat de toutes ces atrocités. « Pour avoir le vœu libre et universel de toute la-province, n’aurait-il pas fallu avoir celui de ce nombre infini d’émigrants avignonais et des autres communautés du Gomtat qui ne gémissent pas sous l’oppression des rebelles, et qui forment la partie la plus considérable et la plus nombreuse de la populatiion de ces Etais? « Pourquoi ne les a-t-on pas consultés? G’est que les communautés libres d’un côté et les émigrants de l’autre, se sont empressés d’envoyer à l’envi à Votre Sainteté les protestations les plus formelles et les plus authentiques de fidélité et d’obéissance. « D’après cet exposé, Très-Saint-Père, en ma qualité de commissaire général de la Chambre apostolique et de défenseur nommé par la loi des droits du Saint-Siège et de la Chambre, je proteste solennellement et déclare que le décret de l’Assemblée nationale, en date du 14 septembre 1791, par lequel on déclare incorporés à la France les deux Etats réunis d’Avignon et du Gomtat Yenaissiu, doit être réputé comme nul et d aucune valeur, étant notoirement injuste, téméraire et offensif de la souveraineté légitime du Saint-Siège sur ces Etats. « De plus, adhérant aux protestations déjà faites par M. Casoni, vice-légat d’Avignon dans cette ville même, le 5 juin 1790, et répétées par lui ensuite le 12 juillet de ladite année à Garpentras, et aux autres protestations faites par le procureur général du fisc, le 13 juillet, et réitérées le 13 novembre suivant, admises et insérées dans les deux « chirographes » signés de Votre Sainteté le 10 août et le 10 novembre de ladite année 1790, je proteste solennellement, et déclare que, ni le décret susdit, ni tout autre acte de violence et d’usurpation que l’Assemblée nationale ait fait ou puisse faire à l’avenir, relativement aux provinces d’Avignon et du Comtat Venaissin, ne sauraient jamais apporter aucun préjudice aux droits et à la légitime possession de souveraineté du Saint-Siège sur ces Etats ; mais, qu’au contraire, Votre Sainteté et le Saint-Siège doivent toujours être censés intentionnés de retenir, comme ils retiennent en effet la possession de tous les droits et raisons à eux appartenant sur lesdits Etats, sans aucune diminution, lésion ou préjudice, comme si le susdit décret ne fût jamais avenu, et que les susdits rebelles n’y eussent pas prêté leur consentement ou fait aucun autre acte contraire à la susdite souveraineté. « D’ailleurs, comme l’Assemblée, en prononçant, sans aucune compétence et contre toute raison et justice, le décret susdit du 14 septembre 1791, a, par une clause particulière, déclaré que le roi ne se refuserait pas à traiter avec la cour de Rome pour les dédommagements et compensations qu’elle serait en droit d’exiger, et qu’il est évident que cette clause n’a été ajoutée que pour pallier la violence et la nullité de cette usurpation; pour ne pas manquer à l’obligation que m’impose ma place, de veiller à la conservation des droits inaliénables et sacrés de la souveraineté, je déclare et supplie humblement Votre Sainteté (quoique je sois bien éloigné d’oser présumer que Sa Majesté très chrétienne veuille se charger d’une pareille négociation) de vouloir bien ne pas prêter l’oreille à aucune proposition d’indemnité ou de compensation quelconque. « Le devoir de la place que Votre Sainteté a daigné me confier m’oblige de lui rappeler que rien ne saurait justifier l’aliénation de ces pro vinces, qui sont le patrimoine particulier du Saint-Siège, et que Votre Sainteté, à l’imitation de ses illustres prédécesseurs, et particulièrement de Pie U, a juré solennellement de ne jamais aliéner. 644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791. « En conséquence, en renouvelant toutes les déclarations et protestations sur la nullité et iniquité, soit du susdit décret de l’Assemblée, soit de tout autre acte préjudiciable aux droits du Saint-Siège, et voulant et entendant que la présente protestation subsiste toujours, et soit censée renouvelée et publiée toutes les fois que l’on fera quelque nouvel acte contraire, eu sorte qu’il ne puisse être que nul, inutile et d’aucune valeur; je supplie de nouveau Votre Sainteté d’admettre et recevoir la présente protestation, et déclarer que le décret de l’Assemblée nationale, en date du 14 septembre dernier, est nul, injuste, violent et perturbateur des droits légitimes du Saint-Siège, et que le consentement que les rebelles sujets de ces provinces ont donné à ladite incorporation est pareillement nul, tu-multuaire et extorqué. Je fais instance en même temps, que ces sentiments que Votre Sainteté a déjà communiqués à toutes les cours de l’Europe, soient généralement connus de tout le monde, afin que personne n’ignore la détermination invariable où est Votre Sainteté de revendiquer les droits du Saint-Siège apostolique. Ainsi, je déclare, proteste, supplie et fais instance, ce 27 octobre 1791. « Signé : Jacques Borsari, commissaire général de la R. G. A. » Apres avoir pris lecture et mûrement examiné tout ce qui nous a été ci-dessus représenté par Je susdit J. Borsari, commissaire général de notre Chambre apostolique, ainsi que la protestation, la déclaration et les instances dont il nous a fait rapport, et ne pouvant nous refuser à l’évidence et à la justice de toutes ces requêtes, nous avons jugé convenable d’y adhérer, et d’appouver son réquisitoire en toutes ses parties. La conservation de nos droits et de ceux du Saint-Siège, que nous entendons conserver sans lésion et dans toute leur intégrité, l’exigent ainsi. A ces causes, de notre propre mouvement, science certaine et plénitude de notre suprême puissance, nous avons déclaré et déclarons, par le présent « chirographe », le prétendu décret de l’Assemblée nationale, du 14 septembre dernier, nul, injuste et violent. Nous approuvons, en outre, les deux « chiro-graphes » en date des 2 août et 15 novembre 1790, avec les prestations du procureur général du fisc et de notre Chambre apostolique, et le mémoire de réclamation que nous avons fait parvenir à toutes les cours, par le révérendissime cardinal de Zelada, notre secrétaire d’Etat, pour instruire les puissances catholiques de cet attentat contre les droits légitimes du Saint-Siège, et tout autre acte ou démarche dont il serait nécessaire de faire une mention expresse. Nous approuvons aussi et confirmons la protestation, déclaration et instance que nous a faites, comme dessus, notre susdit commissaire général de notre chambre apostolique, déclarons vouloir que ladite protestation soit toujours subsistante et valable contre tout attentat qui tendrait à usurper ou léser nos droits légitimes et ceux du Saint-Siège apostolique, lesquels nous voulons conserver dans leur intégrité et les défendre contre toute invasion, usurpation et violence. Et pouril’exécution des choses susdites, afin que ladite protestation et les déclarations et instances qui y sont contenues soient conservées à perpétuité, nous vous mandons, révérendissime cardinal camerlingue, qu’avec les formalités dont on s’est sévi à l’égard de nos précédents « chirographes » qui approuvent les autres protestations et instances faites par notre procureur général du fisc et de notre chambre apostolique, vous fassiez recevoir, dans la même forme, dans l’archive secret de la Chambre, notre présent « chirographe » qui approuve et admet ladite protestation de notre commissaire général de la Chambre, et le fassiez garder et conserver soigneusement à toute perpétuité, avec le mémoire de réclamation, envoyé à toutes les cours catholiques ; telle étant notre détermination et notre expresse volonté ; voulant en outre, et ordonnant que notre prétendu « chirographe », quoique non admis, ni enregistré dans la chambre, ni dans ses registres, en conformité de ce qui est prescrit par Pie VI, notre prédécesseur, dans sa bulle « de Registrandis » ait sa pleine et entière exécution, en vertu de notre seule signature, et que l’on ne puisse opposer aucun vice d’obreption ou de subreption ou autre défaut de notre volonté, et qu’ainsi, et non autrement, il soit décidé et inierprété par tout juge et tribunal, leur ôtant le droit de décider et d’interpréter différemment et annulant tout ce qu’ils pourraient faire contre la teneur de notre dit « chirographe » nonobstant toute formalité qui pourrait être requise pour la validité du présent acte, à laquelle s’il en est besoin, nous dérogeons amplementde notre suprême puissance, à l’effet des choses susdites. Donné de notre palais apostolique au Quirinal, ce 5 novembre 1791. Pie VI, pape. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mardi 15 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du malin. M. Darnaudat, secrétaire. M. le ministre de la justice m’a remis hier, en ma qualité de secrétaire, l’acte constitutionnel dès que le roi l’eut accepté et revêtu de sa signature. De retour dans cette salle après avoir accompagné le roi avec les autres membres de la députation qui le reconduisit au château, je fus fort surpris de trouver la séance levée et d’apprendre qu’il n’y aurait séance que ce matin. Je témoignai mon inquiétude à plusieurs membres des différents comités et je leur demandai où je pourrais déposer l’acte constilutionnel. Il me fut répondu que je devais le garder jusqu’à la première séance, et que j’en étais responsable. Je leur assurai qu’on ne m’enlèverait ce dépôt qu’avec la vie. Aussi je ne le quittai pas; je le plaçai le jour contre mon sein, et la nuit dans mon lit... Je puis déclarer que jamais trésor n’a été mieux gardé par un seul homme. J’aime sans doute bien l’acte constitutionnel ; mais quelque forte que soit l’affection d’un homme, c’est une mission délicate que celle d’être un dépositaire responsable. Je conclus à ma décharge. M. Bouche. Il faut déposer ce document aux archives. (I) Cette séance est incomplète au Moniteur.