gg [Assemblée nationale, | ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [28 décembre 1789, Je ne crois pas qu’on puisse empêcher les peuples de demander compte de l’adminislration des dix dernières années et d’y comprendre les subdélégués, les intendants, les états provinciaux et les commissions intermédiaires. Je propose en conséquence de décréter que les comptes pourront être révisés au moins pour les dix dernières années, et dans cette obligation seront compris les états provinciaux et autres comptables administrateurs. M. Mouglns de Roquefort. Je propose d’exempter de la révision des comptes ceux qui les ont rendus devant les communes et devant la cour des comptes. (L’amendement de M. Garat l’aîné et de M. Kyts-potter est mis aux voix et adopté.) M. de Montlosier propose de borner la poursuite en révision aux administrateurs actuellement vivants, de manière que leurs veuves et héritiers ne puissent être inquiétés à cet égard. Cet amendement est décrété en ces termes : « La poursuite en révision de comptes n’aura lieu que contre les administrateurs en personne, et non contre leurs veuves et héritiers. » M. Bouche. Je crois, Messieurs, qu’en admettant la proposition de M. Kytspotter, vous n’avez pas entendu soumettre à la révision les comptes arrêtés par les cours supérieures. Mais comme il pourrait rester quelque doute à cet égard, je propose l’article suivant : « L’Assemblée nationale excepte du précédent décret les comptes arrêtés par les cours supérieures. » Un membre propose par amendement à cet article ces mots : « contradictoirement rendus. » M. de Montlosier. Je pense qu’on doit ajouter aux mots : t cours supérieures », ceux-ci : « et autres tribunaux compétents. • Ces deux amendements sont mis aux voix et rejetés. L’article proposé par M. Bouche est adopté. La motion principale est relue et adoptée, quant au fond, à l’exception de la dernière partie, à laquelle on convient qu’il sera fait un léger changement. Les amendements y sont réunis, et le tout est décrété en ces termes : « Les états provinciaux, assemblées provinciales, commissions intermédiaires, intendants et subdélégués, rendront aux administrations qui les remplaceront le compte des fonds dont ils ont eu la disposition, et leur remettront toutes les pièces et tous les papiers relatifs à l’administration de chaque département. « Les corps municipaux actuels rendront de même leurs comptes à ceux qui vont leur succéder, et leur remettront tous les titres et papiers appartenant aux communautés. « Dans les départements où il y a des trésoriers et receveurs établis parles provinces, ils rendront également leurs comptes aux nouvelles administrations. « Les comptes des dix dernières années pourront être révisés par les administrations de département, sans que les états provinciaux, commissions intermédiaires, ni aucuns autres administrateurs puissent en être dispensés. Les poursuites ne pourront néanmoins se faire contre les héritiers et les veuves des administrateurs morts. « L’Assemblée nationale excepte du présent décret les comptes jugés par les cours supérieures. » M. Target propose un autre article qui est adopté ainsi qu’il suit : « Dans les provinces où les officiers municipaux sont en possession d’exercer des fonctions de la juridiction contentieuse ou volontaire, ceux qui vont être élus exerceront par provision les mêmes fonctions comme par le passé, jusqu’à la nouvelle organisation de l’ordre judiciaire. « Arrête en outre que M. le président présentera dans le jour ce décret à Sa Majesté, pour le sanctionner. a L’Assemblée passe ensuite à son ordre du jour de deux heures . M. de Castellane, rapporteur du comité des rapports , commence à rendre compte de l’affaire de Toulon. Cette lecture est interrompue par l’annonce d’une lettre de Monsieur et d’un mémoire qui y est joint. M. le Président en donne lecture, ainsi qu’il suit : « Monsieur le président, « La détention de M. de Favras ayant été l’occasion de calomnies où l’on aurait voulu m’impliquer, et le comité de police de la ville se trouvant en ce moment saisi de cette affaire, j’ai cru qu’il me convenait de porter à la commune de Paris une déclaration qui ne laissât aux honnêtes gens aucun des doutes qu’on avait cherché à leur inspirer. Je crois maintenant devoir informer l’Assemblée nationale de celte démarche, parce que le frère du Roi doit se préserver même d’un soupçon, et que l’affaire de M. de Favras, telle qu’on l’annonce, est trop grave pour que l’Assemblée ne s’en occupe pas tôt ou tard, et pour que je ne me permette pas de lui manifester le désir que tous les détails en soient connus et publics. Je vous serai très-obligé de lire de ma part cette lettre à l’Assemblée, ainsi que le discours que je prononçai avant-hier, comme l’expression fidèle de mes sentiments les plus vrais et les plus profonds. « Je vous prie, Monsieur le Président, d’être bien persuadé de mon affectueuse estime. « Signé : STANISLAS-XAVIER. » M. le Président lit ensuite le discours annexé à cette lettre; en voici la teneur : « Messieurs, « Le désir de repousser une calomnie atroce m’amène au milieu de vous. M. de Favras a été arrêté avant-hier, par ordre de votre comité des recherches, et l’on répand aujourd’hui avec affectation que j’ai de grandes liaisons avec lui. En ma qualité de citoyen de la ville de Paris, j’ai cru devoir venir vous instruire moi-même des seuls rapports sous lesquels je connais M. de Favras. « En 1772, il est entré dans mes gardes suisses ; il en est sorti en 1775, et je ne lui ai pas parlé depuis cette époque. Privé depuis plusieurs mois de la jouissance de mes revenus, inquiet sur les payements considérables que j’ai à faire en janvier. j’ai désiré pouvoir satisfaire à mes engage- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 décembre 1789.] 33 ments, sans être à charge au Trésor public. Pour y parvenir, j’avais formé le projet d’aliéner des contrats pour la somme qui m’était nécessaire : on m’a représenté qu’il serait moins onéreux à mes finances de faire un emprunt. M. de Favras m’a été indiqué, il y a environ quinze jours, par M. de la Châtre, comme pouvant l’effectuer par deux banquiers, MM. Schaumel et Sartorius. En conséquence , j’ai souscrit une obligation de 2 millions, somme nécessaire pour acquitter mes engagements du commencement de l’année, et pour payer ma maison ; et cette affaire étant purement de finance, j’ai chargé mon trésorier de la suivre. Je n’ai point vuM. de Favras ; je ne lui ai point écrit, je n’ai eu aucune communication avec lui. Ce qu’il a fait d’ailleurs m’est parfaitement inconnu. « Cependant, Messieurs, j’ai appris hier que Jon distribuait avec profusion dans la capitale un papier conçu en ces termes : « Le marquis de Favras (place Royale) a été « arrêté avec madame son épouse, la nuit du « 24 au 25, pour un plan qu’il avait fait de faire « soulever 30,000 hommes, pour faire assassiner « M. de La Fayette et le maire de la ville, et ente suite de nous couper les vivres. Monsieur, frère « du ROI, était à la tête. « Signé : BàRAUX. » « Vous n’attendez pas de moi, sans doute, que je m’abaisse jusqu’à me justifier d’un crime aussi bas; mais, dans un temps où les calomnies les plus absurdes peuvent faire aisément confondre les meilleurs citoyens avec les ennemis de la Révolution, j’ai cru, Messieurs, devoir au Roi, à vous et à moi-même, d’entrer dans tous les détails que vous venez d’entendre, afin que l’opinion publique ne puisse rester un seul instant incertaine. Quant à mes opinions personnelles, t’’en parlerai avec confiance à mes concitoyens. lepuis le jour où, dans la seconde Assemblée des notables, je me déclarai sur la question fondamentale qui divisait encore les esprits, je n’ai pas cessé de croire qu’une grande révolution était prête; que le Roi, par ses intentions, ses vertus et son rang suprême, devait en être le chef, puisqu’elle ne pouvait pas être avantageuse à la nation, sans l’être également au monarque; enlin, que l’autorité royale devait être le rempart de la liberté nationale, et la liberté nationale la base de l’autorité royale. « Que l’on cite une seule de mes actions, un seul de mes discours qui ait démenti ces principes, qui ait montré que, dans quelques circonstances où j’aie été placé, le bonheur du Roi, celui du peuple ait cessé d’être l’unique objet de mes pensées et de mes vœux : jusque-là, j’ai le droit d’être cru sur ma parole. Je n’ai jamais changé de sentiments ni de principes, et je n’en changerai jamais. » A la suite de la copie de ce discours est une note par laquelle Monsieur annonce qu’il fera remettre à l’Assemblée nationale l’état des dettes qu’il se proposait de payer avec les 2 millions dont il a souscrit l’obligation. L’Assemblée nationale a ordonné que la lettre et le discours de Monsieur seraient insérés dans le procès-verbal de la séance du jour, et que M. le président écrirait à ce prince pour lui témoigner la satisfaction avec laquelle elle a entendu l’expression de ses sentiments patriotiques. M. le duc de Lévls propose le décret suivant : lre Série, T. XI. « L’Assemblée nationale décrète que son comité des recherches se concertera sur-le-champ avec celui de la commune pour être en état de faire, dans le plus court délai, le rapport de l’affaire de M. de Favras, afin qu’une affaire aussi grave soit exposée dans son plus grand jour, et connue dans tous s, es détails. » c La question préalable est demandée. L’Assemblée décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. M. Charles de Lameth observe, sur ce décret, qu’il ne pense pas que l’Assemblée ait voulu interdire à son comité des recherches la connaissance de cette affaire, mais qu’elle a seulement cru inutile de l’y autoriser pas un décret. L’Assemblée témoigne, sans cependant délibérer, que telle a été son intention. L'affaire de Toulon, ne pouvant être reprise parce que l’heure est trop avancée, est ajournée à demain, une heure. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER. Séance du mardi 29 décembre 1789, au matin (1). La séance est ouverte parla lecture des adresses, ainsi qu’il suit : Adresses de la ville de Mont-de-Marsan et des 32 paroisses formant la banlieue, qui se soumettent avec transport à tous les décrets de l’Assemblée nationale, renoncent à tous leurs privilèges, et jurent une fidélité inviolable à Louis X.VJ, restaurateur de la liberté. Adresse de renouvellement d’adhésion de la ville d’Illiers en Beauce. Adresse de la ville de Gréon contenant l’adhésion la plus entière à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux qui ont pour but la paix, la tranquillité publique et la restauration des finances; elle demande d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse de renouvellement d’adhésion de la ville de Tremblade en Saintonge; elle, demande que la ville de Saintes soit le chef-lieu d’un département et le siège d’un tribunal souverain, de préférence aux villes de La Rochelle et de Saint-Jean d’Angély. Adresse du même genre de la ville de. Draguignan en Provence; elle supplie l'Assemblée d’avoir égard à son heureuse position, lors de la distribution des nouveaux établissements qu’elle fera dans cette province. Adresse du même genre de la ville de Redon en Bretagne; elle s’élève avec force contre la conduite du parlement de Rennes; elle demande avec instance sept départements pour cette province, et pour elle-même le siège d’une assemblée de district, d’une justice royale, d’un tribunal d’amirauté et de consulat. Adresse du même genre de la ville de Saint-Chamond en Lyonnais; elle demande une assemblée de district et une justice royale. Adresses du même genre de la ville d’Issoire en Auvergne, et de celle de Dieuze en Lorraine; (1] Cette séance est incomplète au Moniteur, 3