[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Éugey et Valromey.] 479 quées'de préférence à cet objet, sans préjudice toutefois de celles qui par le titre même de leurs fondations pourraient avoir une destination particulière, et s’il se trouve des paroisses qui soient hors d’état de suffire à l’entretien de leurs pauvres, à raison de leur multiplicité, causée soit par l’ingratitude du sol, soit par le concours de plusieurs autres circonstances fâcheuses, on propose d’y suppléer par un fonds de bienfaisance publique à lever sur toute l’étendue de la province, et dont l’application sera faite par l’administration. La même caisse pourrait encore servir pour secourir les habitants de la province qui auraient éprouvé quelques grands malheurs, tel que celui d’un incendie, d’une grêle considérable ou autres calamités qui les auraient laissés sans . ressources, et pour éviter à cet égard toutes fraudes et toutes surprises, il conviendrait d’assujettir les demandes de cette espèce à des actes de notoriété ou autres formes qui seraient réglées par l’administration. Art. 24. Qu’il soit fait un tarif générai de tous droits de contrôle, insinuation, centième denier, nouvel acquêt, amortissement, et de tous autres, avec énonciation expresse des cas oùlesdits droits seront dus, et que ce tarif soit à la portée de l’intelligence de tout le monde, en sorte qu’aucun sujet du Roi ne puisse plus être inquiété par les recherches des divers préposés du domaine, s’en rapportant à la sagesse des Etats généraux sur la fixation du terme après lequel lesdites recherches ne pourront avoir lieu , et qu’il soit établi un registre général dans le bailliage qui contiendra le texte en entier de chacun des actes contrôlés, pour y avoir recours en cas d’incendie ou divertissement des minutes des actes. Art. 25. Supplier Sa Majesté de rejeter des demandes qui seront présentées aux Etats généraux tout ce qui pourrait tendre â porter atteinte â la propriété des sujets du Roi, soit dans leurs titres et possessions, soit dans le droit de percevoir les revenus dont ils ont joui jusqu’à ce jour en vertu desdits titres ou des jugements qui les y ont maintenus. Art. 26. Demander le rétablissement de l’ancienne administration municipale de la ville de Belley, de telle sorte que le clergé et la noblesse qui viennent de consentir de contribuer à toutes les impositions, puissent y voter en nombre égal au tiers-état, et entrer dans la même proportion dans le conseil intermédiaire de la municipalité, dont tous les membres seront amovibles de trois ans en trois ans, de manière toutefois qu’il reste toujours une moitié des anciens, l’autre moitié devant être élue dans l’assemblée générale des membres de chacun des ordres domiciliés en ladite ville de Belley. Art. 27. Les curés du Bugey demandent l’augmentation des portions congrues, attendu l’insuf-suffisance de celles qui existent, et que lesdites portions soient et demeurent exemptes de toutes impositions ou retenues quelconques. Art.28.Lesdécimateurs ecclésiastiques du Bugey déclarent, sur la demande faite ci-dessus par le corps des curés de l’augmentation des portions congrues, qu’ils s’en rapportent à la sagesse des Etats généraux ; demandent toutefois que dans le cas où ladite pétition serait accueillie, il soit pourvu efficacement au dédommagement de ceux d’entre les décimateurs qui, déjà fortement grevés par la dernière augmentation, se trouveraient hors d’état de supporter une nouvelle surcharge. Signé Claude, abbé de Saint-Sulpice ; Arsène Du-haget, prieur de la Chartreuse -, Ainé, prieur-curé; Gozon, chanoine ; Delestradène-Favrê, curé; d’Ho-sonne ; [Sol-Lanel, cüré de Saint-Biaise; Mermet, curé de Montreal ; Gab, évêque de Belley ; LUC, M. le président, signé Rosset* secrétaire. CAHIER De messieurs de l'ordre de la noblesse du Bugey , pour être présenté par M. le marguis de Vier » mont-Mont*Saint~Jean , son députe aux Etats généraux de 1789 (1). La noblesse de Bugey, assemblée dans l’hôtel de la province, convoquée par ordre de Sa Majesté, et pour les causes énoncées par ses lettres du 24 janvier 1789, adressées à M. le grand bailli d’épée de cette province, a résolu, pour se Conformer à l’article 44 dudit règlement, de nommer son député aux Etats généraux , de rédiger les instructions qui lui seront remises, lorsqu’il sera chargé d’y porter son Vœu. A ces causes : Considérant que les principaux objets pour lesquels les Etats généraux ont été convoqués sont l’ordre constant et invariable à établir dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets, la prospérité de l’Etat et la consolidation des dettes du Roi de manière qu’elles deviennent dettes de l’Etat, et que ses revenus soient affectés à leurs hypothèques ; Que la France étant une monarchie composée d’hommes libres, propriétaires de leurs personnes et de leurs biens, c’est à chaque individu, c’est â tous les Français qu’appartient essentiellement le droit de consentir les lois civiles et fiscales, qui peuvent apporter quelques restrictions à la liberté et à la propriété indéfinie ; Que l’assemblée des provinces étant une repré-sention beaucoup plus complète, beaucoup plus immédiate de la nation, en qui seule réside le pouvoir souverain de la législation, que ne peuvent l’être les Etats généraux, chaque province a le droit de donner à ses députés des instructions vagues, ou un mandat spécial dont ils ne puissent s’écarter : en un mot, de mettre telle modification qu’elle juge à propos à la partie du pouvoir dont elle se dépouille pour en revêtir son député ; Que ce principe évident, la sauvegarde de la liberté qui dérive du droit naturel et qui cependant a été mis en question dans des temps modernes, a toujours fait partie du droit public de la nation, et que l’histoire nous représente, presque dès l’origine, des Etats généraux, des députés ayant souvent recours à leurs commettants, et refusant de délibérer des objets sur lesquels ils n’avaient point reçu d’instruction : exemples mémorables et dignes d’éloge qu’ont donnés les députés des Etats de 1321, 1350, 1560, et nombre d’autres ; Que la France a une constitution, et que ce principe en est un des fondements ; Que vainement de hardis novateurs répandent dans des écrits répréhensibles, et voudraient persuader qu’un Etat qui subsiste avec éclat depuis mille trois cents ans, n’a jamais été constitué ; Qu’un principe aussi erroné ne peut trouver grâce aux yeux de la raison et du bon sens, qu’en admettant que les Français n’ont connu d’autres lois que celles du caprice, de la volonté arbitraire, et d’un aveugle hasard; Que cette erreur semée à dessein par des factieux, et propagée par des ignorants, ne tendrait pas moins qu’à transformer le peuple français en un vil troupeau d’esclaves, et une longue suite de (1) Nous publions ce cahier d'après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat 480 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bugey et Valromey.] monarques chéris et respectés, en une dynastie d’exécrables despotes ; Qu’une des plus grandes preuves qu’il y a une constitution en France, c’est qu’il existe des ordres, des corps et des individus qui possèdent des droits et des prérogatives ; Que plusieurs de ces privilèges tiennent à l’essence de la monarchie, qui se corrompt, comme l’a dit l’illustre Montesquieu, lorsqu’on les anéantit; Que ne pas respecter les droits légitimes et bien établis, c’est amener l’anarchie, c’est-à-dire, le despotisme de tous, après laquelle le despotisme d’un seul est un bonheur ; car dans le dernier état, un seul homme, dans le premier, tous les individus se mettent au-dessus des lois ; Qu’il s’agit moins de créer ou changer la constitution que de déraciner les abus qui la minent sourdement ; moins de fomenter de dangereuses inovations, en établissant de nouveaux principes, que de respecter ceux qui sont anciennement établis, dont l’expérience a confirmé la bonté et auxquels l’Etat doit sa splendeur et sa prospérité depuis son origine. Qu’un des plus sacrés de ces principes est que tout homme, même le prince, doit obéissance aux lois ; Que le chef d’une grande nation doit être revêtu de grands pouvoirs, parce qu’il faut une puissante force motrice pour mettre en mouvement une machine aussi compliquée, et une grande autorité coactive, pour empêcher qu’aucun sujet, qu’une partie de la nation, même dans des moments de crise, ne s’élève au-dessus de la loi qui est la volonté du souverain ; Qu’un roi n’ayant d’autre intérêt que celui du bonheur de son peuple et de la prospérité de l’Etat, ses fautes doivent être imputées aux perfides conseils des agents subalternes qu’il est forcé d’employer ; qu’eux seuls peuvent avoir des intérêts particuliers, militants contre l’intérêt public, et favoriser les uns au détriment de l’autre : qu’eux seuls doivent donc être responsables des attentats qui ne sont que trop souvent revêtus du nom sacré du roi ; Que la royauté est un privilège, et le plus grand de tous ceux que la nation peut conférer dans l’état monarchique ; que tous les autres en sont des dérivations aussi nécessaires que les branches le sont à l’arbre ; privé de ses rameaux, il périt ; de même les privilèges des ordres et des villes anéantis, celui de la royauté ne peut subsister longtemps, et la monarchie doit être écrasée sous les débris de l’autorité royale; que dans la monarchie, le souverain est la nation, jointe au monarque et présidée par lui ; Que le pouvoir souverain étant l’exercice de la volonté générale, il ne peut être restreint, limité ni communiqué ; parce qu’on peut bien communiquer le pouvoir, mais non la volonté : que les Etats généraux n’étant pas la nation, mais son image, ne jouissent pas delà plénitude de la souveraineté ; qu’ils sont cependant revêtus du pouvoir exécutif de consentir et accorder les impôts et de faire de nouvelles lois, sans avoir le droit de proscrire celles qui servent de base au contrat social et à la forme du gouvernement, sans le consentement exprès de la nation ; Qu’ils ne peuvent donc, de leur seule autorité, remplacer la monarchie par quelque autre institution, telle que l’aristocratie ou la démocratie ; Qu’ils seraient des tyrans, s’ils osaient jamais porter une main sacrilège à la liberté individuelle et à la propriété, base superbe sur laquelle repose tout l’immense édifice de la société que les hommes n’inventerent que pour protéger les biens et la personne de chacun par la force de tous, et non pour y attenter avecfcette même force ; Que la diversité des classes, et par conséquent des intérêts, regardée comme utile par les premiers législateurs de la Grèce, est nécessaire dans la monarchie ; que c’est donc une constitution très-sage que celle qui a assuré à chaque classe et au monarque un droit négatif propre à la conserver ; Que chaque ordre doit délibérerhabituellement à part, pour que cette disposition ne soit pas illusoire ; Que telle est aussi la constitution française clairement expliquée dans des lois précises, fruit de la sagesse des Etats généraux, confirmées par les ordonnances de 1355, 1356, article 5; d’Orléans, article 135, et l’usage constant de près de cinq siècles, espace immense, pendant la durée duquel on ne compte que trois exceptions motivées par des circonstances particulières ; Que la bonté de cet usage est confirmée par l’expérience constante de tous les siècles, qui prouve qu’une grande multitude, sans ordre, a toujours été menée par les brigues de quelques intrigants factieux, et que ses délibérations ont été sujettes à la même instabilité que les volontés' arbitraires d’un seul homme ; Que les délibérations des Etats généraux prises par tête en ordres réunis, seraient sujettes à la plus effrayante versatilité, puisque l’absence, le retour ou la corruption d’un seul membre pourraient faire prendre les plus étranges résolutions et les plus contraires à celles qu’on aurait pu arrêter la veille ; Que l’on pourrait y voir chaque ordre tour à tour opprimé et oppresseur, enflé par ses succès, aigri par ses défaites, donner le scandale de la plus odieuse dissension dans une assemblée de paix et de fraternité ; Que la conservation des ordres et de leurs justes prérogatives n’est point du tout liée à celle des privilèges onéreux, dont la noblesse du Bugey, fidèle à ses principes de dévouement public, a déjà fait un généreux sacrifice ; Que le déficit immense que des ministres prévaricateurs ont occasionné dans les finances du royaume, par d’effrayantes dilapidations auxquelles n’ont pu suffire les concussions les plus exorbitantes, menace de détruire la fortune de plusieurs familles de citoyens qui ont prêté de bonne foi au monarque, comptant prêter à l’Etat, d’anéantir tout crédit public et d’occasionner les plus affreux bouleversements; Qu’il est dans le cœur d’une nation généreuse et aimante, de consacrer les engagements d’un prince . qu’elle chérit et respecte, et du devoir de la noblesse d’en donner l’exemple; Que le domaine de la couronne n’étant plus qu’une partie presque insensible des revenus du royaume, son aliénation, qui fut avec raison défendue dans le temps où il pouvait suffire aux besoins de l’Etat, doit être permise à présent, et serait même avantageuse, parce que les biens qui le composent prendraient une plus grande valeur entre les mains des particuliers, et parce que le capital en serait employé au soulagement de la génération présente, qui est extrêmement foulée par la quantité d’emprunts à rente viagère qu elle payera seule, et dont le fardeau ne sera point supporté par les générations futures ; Que la suite des temps a introduit dans la justice des abus graves qu’il est important d’extirper ; qu’ils naissent, la plupart, des innombrables (Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bugey et Valromey.} 4g| formalités prescrites par la procédure, qu’ils allongent extraordinairement les procès , empêchent aux parties de pouvoir diriger elles-mêmes leurs causes, font rejeter les droits les mieux fondés par quelques défauts de forme, souvent inévitables, et ne servent qu’à engraisser de la substance du peuple une innombrable armée de harpies, toujours affamées, quoique toujours dévorantes, qui ne peuvent vivre que du désordre qu’elles provoquent. Que multiplier les tribunaux ne servirait qu’à multiplier les procès, sans donner l’espoir d’être mieux jugé , puisque les juges étant plus connus des plaideurs, il y aurait encore plus d’acception de personnes ; d’ailleurs on ne peut se dissimuler que les cours souveraines du royaume ne se composent aussi bien qu’elles peuvent l’être ; elles ont droit de choisir dans tous les ordres des citoyens , et écrémant (si l’on peut parler ainsi), toute la classe qui se destine aux fonctions judiciaires, s’il se présentait pour en remplir les places des sujets plus vertueux, plus instruits, plus distingués, il n’est pas douteux qu’elles ne les reçussent avec empressement dans leur sein ; il est donc évident que, si l’on multiplie davantage les tribunaux, et qu’on affaiblisse leur considération, en diminuant l’étendue de leurs ressorts ou l’importance de leurs fonctions, ils seront encore plus mal composés, car d’un côté on avilira la magistrature, ce qui éloignera beaucoup de sujets de cette honorable profession, tandis qu’on multipliera le nombre des magistrats. Qu’il ne faut pas attribuer à l’ordre judiciaire établi, mais seulement à l’imperfection inséparable des institutions humaines, les injustices qui se commettent dans les tribunaux suprêmes; qu’elles doiveot être imputées, en partie, à la perte des mœurs et à la dégradation de la magistrature depuis la révolution de 1771. Que les meilleurs moyens d’y remédier seraient d’obliger les juges, par de bonnes études, à acquérir une plus grande instruction sur les matières dont leurs fonctions les obligent de s’occuper; d’augmenter infiniment leur considération, afin qu’ils fussent plus immédiatement sous la verge de l’opinion publique, et parce qu’on respecte peu les arrêts des juges qui ne sont pas respectés; enfin, de les borner par des lois précises à n’être que les témoins, les dispensateurs de la loi, et non ses interprètes. Que porter atteinte aux justices patrimoniales des seigneurs, ou leur laisser à des conditions impossibles à observer un bien qu’on n’a pas droit de leur enlever, serait un attentat aussi formel qu’inutile au droit sacré de la propriété. Que cette innovation même ne présenterait aucun avantage et fourmillerait d’inconvénients; qu’il est incontestable qu’il faut divers degrés de juridiction pour réparer les injustices quel’igno-rance ou la prévention peuvent faire commettre. Que les pouvoirs judiciaires, en première instance, ne peuvent être mieux confiés qu’à des juges qui sont sut-veillés par les seigneurs intéressés à ce que leurs vassaux ne soient pas foulés. Que ces tribunaux subalternes ont le double avantage de maintenir la police dans les campagnes, d’être à portée des justiciables, de rendre la justice, de faire à peu de frais les procédures qui exigent les transports toujours sur les lieux, et de terminer la plupart des contestations qui ruineraient les justiciables, s’ils étaient obligés de s’éloigner de leurs domiciles. Qu’il est notoire qu’en Bugey, plus des dix-lre Série, T. IL neuf vingtièmes des procès se terminent en première instance. Que le temps a dévoilé dans, la jurisprudence criminelle, actuellement usitée, divers inconvénients dont on espère la réforme de la sagesse des Etats généraux, et�de la sollicitude paternelle de Sa Majesté; qu’un des abus les plus criants de l’ordre judiciaire sont des évocations, aussi fréquentes qu’arbitraires, par lesquelles on ôte au faible ses juges naturels, pour lui en donner d’étrangers à sa cause, au choix de son adversaire. Qu’enfin, en ce moment solennel où Sa Majesté appelle tous les cœurs sensibles et tous les bons citoyens à partager sa sollicitude paternelle pour ses peuples, où il apprend à tous les Français à se regarder comme frères, en se déclarant leur père commun, il est digne de la sagesse des Etats généraux de seconder les intentions bienfaisantes de Sa Majesté, en s’occupant de trouver un moyen pour assurer au moins une modique subsistance à tous les enfants de la partie, même à ceux qui sont le moins favorisés de la fortune. D’après les considérations et les motifs ci-dessus énoncés, qui doivent servir de base à l’opinion du député de la noblesse du Bugey, elle donne pouvoir à celui de ses membres qui sera élu par le scrutin, de la représenter aux Etats généraux, et le charge spécialement d’y déclarer que le vœu de cet ordre est que lesdits Etats généraux statuent dans la forme la plus authentique : 1° Que le pouvoir législatif réside dans la nation, jointe au monarque : que par conséquent , aucune loi ne peut être formée que par la volonté du peuple et la sanction du Roi. 2° Qu’on ne pourra attenter par la force à la liberté d’aucun citoyen, sous quelque prétexte et pour quelque raison que ce soit, sans le remettre, dans le délai qujl sera fixé, aux juges qui doivent connaître du délit dont on l’accuse ; que les châ» teaux forts, connus sous le nom de prisons d’Etat, seront à l’avenir employés à des objets d’utilité publique qui fassent oublier qu’ils furent des mo-’ numents de despotisme et d’esclavage. 3° Que toutes les contestations, tous les délits auront des juges fixés, irrévocablement par une loi précise et claire ; que les évocations arbitraires seront à jamais proscrites, et que les juges seront tenus de juger suivant les lois, sans pouvoir les modifier ni les interpréter, demeurant, au surplus, responsables à la nation de l’exercice de leurs fonctions. 4° Qu’aucun emprunt ne sera fait, aucun impôt direct ni indirect ne sera à l’avenir établi ni prorogé , sans le consentement libre des Etats généraux du royaume; et qu’en conséquence, tous ceux qui ont été mis ou prorogés par le gouvernement sans cette condition, ou accordés lors des Etats généraux par une ou plusieurs villes, une ou plusieurs communautés, seront déclarés nuis et illégaux ; qu’il sera défendu de les répartir, asseoir et lever, sous peine de concussion, réservant seulement aux provinces le droit de s’imposer pour leurs besoins particuliers, en prenant les plus grandes précautions pour que cette réserve même ne devienne pas abusive. 5° Que le retour des Etats généraux sera périodique, si on trouve quelque inconvénient à ce qœils soient permanents. 6° Que les ministres du Roi seront responsables de leurs fonctions et gestions aux Etats généraux, qui pourront les accuser et les traduire par-devant les tribunaux compétents, sans que jamais ils M 48â [Étais gén. 1789. Cahiers.]' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bugey et Valromey.] puissent autoriser leurs délits du nom sacré de Sa Majesté, et sans préjudice des droits et du devoir des procureurs généraux des cours souveraines. 7° Que la prérogative royale, dans les Justes bornes que lui a fixées l£ constitution, doit être maintenue dans toute sa force et sa dignité. 8° Que les privilèges des corps, des ordres et des villes , en un mot, tout ce qui touche à la propriété, doit être respecté, et que les Etats généraux ne doivent pas souffrir qu’on y porte la plus légère atteinte. 9° Que dans ces prérogatives ne sont point comprises les exemptions pécuniaires ; mais, la noblesse du Bugey, ayant fait un généreux sacrifice des siennes, pour subvenir aux besoins de l’Etat et soulager la partie misérable du peuple, se croit en droit d’exiger que ce sacrifice tourne réellement au profit de la classe indigente et ne serve pas à nourrir, sans assouvir la cupidité des capitalistes et de ceux qui exercent les professions lucratives, et de demander la suppression des exemptions onéreuses au peuple , dont jouissent les corporations, les villes et le nombre immense des privilégiés du tiers-état, dont les privilèges ne peuvent être fondés sur des droits plus sacrés que ceux de la noblesse, qui furent acquis à titre onéreux, ou en récompense de services importants rendus à l’Etat par leurs ancêtres. 10° Que, pour conserver à jamais la constitution et les justes prérogatives des ordres, ils doivent' délibéfer à part ; et si la question de la forme°des délibérations vient à être agitée, la noblesse du Bugey, qui a mûrement examiné la question sous tous ses rapports, charge spécialement son député de réclamer la forme de voter par ordre, comme la seule utile et constitutionnelle, et l’astreint formellement à ne pouvoir donner sa voix que pour cette opinion, s’en rapportant ensuite à la délibération prise sur cet article, à la pluralité de son ordre, aux Etats généraux, à laquelle délibération elle lui enjoint de se conformer. 11° Le charge spécialement de demander que les magistrats chargés d’acquitter, au nom du Roi, la dette sainte de la justice, ne puissent être inquiétés dans leurs augustes et pénibles fonctions ; que leur état ne puisse leur être enlevé sans un jugôment préalable et compétent; que les dégoûts ne soient pas multipliés pour avilir une des plus honorables professions : qu’au contraire , par toutes les distinctions possibles, en leur attirant le respect du peuple, on les oblige à se respecter eux-mêmes ; qu’on les mette trop en vue, pour qu’ils puissent prévariquer impunément, afin que, toujours sous les yeux de la nation, inflexibles et impassibles comme la loi dont ils sont l’organe, ils deviennent, comme elle, l’appui du bon et l’effroi du méchant. 12° Qu’on renouvelle les ordonnances qui leur défendent d’qbéir aux lettres closes, et aux ordres injustes et arbitraires. 13° Que l’on fixe la durée et la forme des études que doivent faire ceux qui se destinent à cet état ; que l’âge, les degrés par lesquels ils doivent passer, la forme et le nombre des examens réels, et non illusoires, qu’ils doivent subir, soient déterminés, comme dans nombre d’autres professions moins importantes. 14° Qu’il soit statué que les provisions des magistrats seront à vie; mais que le droit de les accorder sera toujours réservé au Roi seul, qui, chargé de la dette de la justice, doit choisir ceux qu’il commet pour l’acquitter. ‘ 15° Qu’il soit statué que toute loi, ordonnance, édit, déclaration émanée du vœu de la nation, et revêtue de la sanction du roi, comme il a été dit ci-dessus , sera, avant d’ètre mise en exécution, adressée aux cours souveraines, qui seront chargées de la faire lire, publier, enregistrer, adresser aux cours inférieures ; en un mot, de lui donner, au nom du Roi, l’authenticité convenable; car il est évident que devant appliquer la loi il faut qu’elles la connaissent, et qu’elle soit inscrite sur leurs registres, afin qu’elles puissent la consulter. 16° Qu’il leur sera fait défense et inhibition de publier et faire exécuter aucune loi civile ou fiscale, qui ne serait pas revêtue du double et indispensable caractère du consentement de la nation, et de la sanction du monarque, à peine d’en répondre en leurs propres et privés* noms. 17° Qu’il sera incessamment procédé, par des commissaires nommés par les Etats généraux, à la réforme de la jurisprudence civile et criminelle , pour, leur travail rapporté, être statué, par les-dits États généraux et le Roi, ce qu’il appartiendra. 18° Que cependant les degrés de juridiction inférieure seront laissés entre les mains des seigneurs qui sont en jouissance de ce droit confirmé par le traité d’échange de 1601, et toutes les ordonnances des rois. 19° Enfin, lorsque les droits indubitables, imprescriptibles, énoncés dans les articles, 1, 2, 3, 4, 5 et 6, auront été solennellement reconnus, jurés et proclamés par une loi formelle et expresse, dans ce cas, et non autrement, la noblesse du Bugey donne pouvoir à son représentant de consentir pour elle aux impôts qui seront jugés nécessaires pour consolider et hypothéquer la dette du Roi, et pour la reconnaître dette de la nation, après que les Etats généraux auront pris une connaissance exacte de la situation des finances, de la cause et de l’origine du déficit, et modéré les intérêts usuraires. 20° Elle le charge en outre de solliciter IesEtats généraux de nommer une commission pour recevoir et examiner les titres, motifs et qualités des pensions, modérer ou supprimer celles qui ne seront pas la récompense des services rendus à l’Etat; car il faut payer ses dettes avant de faire des générosités. 21° Dans le nombre des impôls proposés, de choisir ceux qui seront les plus aisés à répartir également, qui donneront le moins de prise à la fraude, porteront sur le luxe et les capitalistes, et grèveront le moins possible l’agriculture et le commerce. 22° De solliciter les Etats généraux de se faire représenter l’état de chaque département, même celui de la maison du Roi, afin d’y établir une règle sévère, invariable, et d’y affecter les fonds qui y seront jugés nécessaires, et de prendre les moyens les plus sûrs pour qu’aucune somme ne puisse être intervertie de l’objet de sa destination. 23° De stipuler que la masse des subsides ne pourra excéder la somme nécessaire aux besoins indispensables de l’Etat, et ne pourra être consentie pour un temps plus long que six mois, après la prochaine convocation des Etats généraux, qui sera fixée auparavant à un terme très-rapproené. 24° Que la somme totale des besoins de l’Etat, une fois fixée, IesEtats généraux s’occupent de répartir à chaque province la part qu’elle en doit supporter, et d’ordonner qu’à l'avenir chacune répartira, lèvera et versera au trésor royal les subsides qui lui seront échus pour sa part, sans I le ministère d’aucun agent intermédiaire, sauf au [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Btigey etValromey.] 483 trésorier de la province à retenir sur les subsides les diverses sommes qui devront être reversées dans ladite province, suivant l’état qui en sera, chaque année, arrêté au conseil des finances. 25° La noblesse du Bugey donne pouvoir à son représentant de consentir, et en tant que de besoin, proposer l’aliénation des domaines de la couronne, soit par ventes perpétuelles et irrévocables, soit par des inféodations stipulées sous la réserve d’une rente perpétuelle dont la valeur sera déterminée en blé, lui recommandant de prendre toutes les précautions que sa prudence lui suggérera, pour que le produit des ventes ou des introjes soit employé sans distraction à la liquidation des dettes de l’Etat. 26° Elle lui donne également pouvoir de confirmer les aliénations précédemment faites, si le prix en est jugé suffisant. 27° Le charge de solliciter les Etats généraux, en s’occupant de la réforme de divers abus, de ne pas.oublier le maintien et la protection qu’ils doivent à la religion catholique, apostolique et romaine, protection très-compatible cependant avec une tolérance légitime. 28° D’interdire toute résignation des bénéfices à charge d’âmes, comme une plaie faite à la discipline canonique, et par là rendre plus utile à l’Eglise et à l’Etat le choix des ministres de la religion. 29° Déclarer que les vœux de religion, pour l’un et l’autre sexe, ne pourront être prononcés qu’après l’âge de vingt-cinq ans accomplis. 30° De veiller au maintien des bonnes mœurs, et de travailler à un plan d’éducation nationale. 31° De s’occuper d’établir, par une loi claire et précise, la liberté légitime de la presse, objet essentiel dans lequel a toujours régné la plus odieuse inquisition, ou la plus scandaleuse licence, selon que l’une ou l’autre a pu favoriser les vues per-lidesdes administrateurs. 32° D’établir, par des règlements sûrs, le service prompt et exact des messageries et postes aux lettres, ainsi que leur fidélité et secret inviolable. 33° Demander un règlement pour l’ouverture et l’entretien des chemins royaux en Bugey et représenter, qu’attendu que le numéraire est rare dans cette province, et que son sol les rend d’un entretien peu dispendieux, la plus grande partie des communautés préférerait de conserver le régime de la corvée, malgré les abus qui en résultent; statuer en conséquence qu’il sera délibéré chaque année sur l’établissement et l’imposition qui sera jugée nécessaire pour cet objet, laquelle sera répartie sur chaque communauté dans un rapport combiné de sa force et de sa proximité de la grande route, sauf à chaque communauté d’opter de verser au trésor de la province sa quote-part de l’imposition, ou de faire faire par la corvée la tâche qui lui aura été assignée. 34° Demander la confection et entretien des chemins vicinaux, sans préjudice des droits de voirie attachés aux hautes justices. 35° Se mettre au fait de l’état actuel de l’agriculture, du commerce et de l’industrie dans tout le royaume et de solliciter la suppression des entraves multipliées, successivement imaginées par l'avidité du fisc, après avoir, toutefois, mûrement examiné si, dans la crise actuelle de l’Etat, leur produit étant nécessaire, il peut être remplacé par quelque autre subside moins onéreux. 36° En conséquence, sous cette condition préliminaire, le charge de demander la suppression de la gabelle, particulièrement à charge à eette province qui, étant en grande partie stérile et montueuse, n’a d’autres ressources que dans ses paquerages qui lui permettaient anciennement d’élever un grand nombre de troupeaux ; branche d’industrie à laquelle elle s’est vue forcée de renoncer, depuis que le prix du sel a été successivement porté à un taux exorbitant. 37° La suppression du droit sur les papiers, sur les cuirs, sur les fers, huiles et savons, et celles des traites intérieures qui isolent les provinces de ce vaste empire ; et qu’en conséquence, les barrières soient reculées aux frontières, le long desquelles ne sera établie que la lisière la plus indispensable nécessaire à la perception du droit, et en exigeant même, pour les provinces sujettes à cette lisière, un dégrèvement proportionné à la surcharge qui en résultera pour elles : ordonner cependant que les employés de la ferme ne pourront faire acune visite dans les maisons des particuliers, sans être assistés du syndic du lieu, lequel sera tenu de . signer les procès-verbaux qu’ils sëront dans le cas de dresser, pour qu’ils puissent faire foi en justice ; et les contestations et délits qui pourraient naître de la contravention au présent règlement seront portés par-devant les juges ordinaires: et en conséquence anéantir jusqu’au nom-de ces tribunaux de sang, connus sous la dénomination de commissions du conseil, en horreur au peuple à qui elles rappellent à chaque instant la rigueur de leur institution, et leur impitoyable dévouement à la cupidité de ceux qui les imaginèrent. ' 38° La suppression du droit de contrôle, droit non moins onéreux par les entraves qu’il met dans le commerce, que par la rigueur et l’arbitraire de sa perception ; ou si les besoins de l’Etat obligent à le conserver, demander au moins qu’il soit fixé d’après un tarif invariable qui porte sur des bases claires et précises, et perçu en raison de la valeur des actes, et non de la qualité des contractants ; et proposer de le diriger au moins vers un but d’utilité publique, en ordonnant que les actes des parties seront littéralement copiés, comme cela se pratique en Savoie, sur les registres des tabellions qui feraient foi en justice, et seront déposés dans les archives établies à cet effet dans le chef-lieu de chaque province ou arrondissement. 39° Demander que, pour donner au bailliage de Belley toute l'importance que doit avoir le premier siège de cette province, il ressortisse dorénavant nûment au Parlement, et qu’aucune cause quelconque ne puisse être portée au présidial deBourg, dont la juridiction sera abolie en Bugey. •40° Demander la suppression des tribunaux d’exception, et autres offices dejudicature, dont les fonctions, non moins que les privilèges dont jouissent ceux qui en sont pourvus, sont extrêmement onéreux au peuple; en conséquence, demander que les charges des officiers des maîtrises, table de marbre, élection, grenier à sel, trésorierde France, ainsi que les huissiers et jurés-priseurs soient supprimés, leurs charges remboursées au taux de la financent leurs fonctions attribuées, soit aux juges gruyers des seigneurs, soit aux autres tribunaux déjà existants, si on ne trouve à les remplacer par quelque autre voie plus salutaire. 41° Demander que les citoyens ne soient plus troublés dans leurs maisons par l’inquisition des salpêtriers et faiseurs de salin, qu’ils ne puissent prendre de la terre, et que les communautés ou les propriétaires de bois ne soient obligés de leur fournir quoi que ce soit, que de gré à gré, et moyennant salaire. 484 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bugey et Valromey ] 42° Demander la suppression de l’impôt, connu sous le nom d’étape, sauf à être pourvu à son remplacement par les Etats généraux, ainsi qu’ils y aviseront. 43° De mettre en délibération, si les maîtrises, jurandes, messageries et autres privilèges exclusifs ne doivent pas être supprimés, comme à charge à une partie du peuple dont ils enchaînent l’industrie, et au public qui en est servi plus chèrement. 44° Demander qu’on accorde à chaque province la faculté de racheter, de gré à gré et à un taux légitime, les droits de péage qui gênent partout la libre circulation du royaume, et qui, étant la plupart gratuits, sont bien éloignés de leur première institution, n’ayant été presque tous accordés que pour dédommager les avances que . coûtaient l’ouverture et l’entretien des chemins, ou la construction des ponts, qui sont partout maintenant à la charge de la province. 45° Demander que les moyens d’acquérir la noblesse, aujourd’hui trop multipliés, soient restreints dans les justes bornes qui seront jugées nécessaires au maintien de cet ordre essentiel dans l’état monarchique; que l’état militaire continue à demeurer affecté à la noblesse, conformément aux dernières ordonnances qui seront renouvelées, si besoin est, sans fermer néanmoins toute voie d’avancement au mérite qui se serait distingué dans les postes subalternes, et qui, parvenu aux grades supérieurs, pourrait acquérir la noblesse. Les considérations qui engagent la noblesse à cette demande sont, qu’étant une classe plus spécialement destinée à la défense de l’État, l’usage lui a interdit toutes les professions lucratives qui pourraient la détourner de cette honorable fonction, et qu’elles sont ainsi devenues le partage exclusif du tiers-état. 46° Solliciter les Etats généraux de prendre en considération l’état actuel de l’armée; d’examiner si la nation française ne voulant point reculer ses frontières, mais seulement les conserver, elle ne pourrait pas rendre à l’agriculture et au commerce une partie des stipendiaires qu’elle entretient, et les remplacer par une milice nationale, assez bien exercée pour défendre l’Etat au besoin. 47° Prescrire aux militaires le serment que les troupes doivent au Roi et à la nation. 48° Demander que les grades d’officiers généraux ne soient pas multipliés, au point de diminuer la considération qui leur est due, en faisant des êtres sans fonctions ; et que la plus sévère économie préside à l’avenir aux traitements qui seront accordés aux grades supérieurs. 49° Demander pareillement la suppression des gouvernements des châteaux, maisons royales, et autres places sans fonctions, dont les appointements contribuent à la charge de l’Etat. 50° Qu’on renouvelle et fasse exécuter les ordonnances qui défendent le port et le recèlement des armes, en conservant à la noblesse et aux militaires cette juste prérogative; qu’en conséquence il soit fait très-expresse inhibition et défense à tout roturier, de quelque profession qu’il soit, de porter aucune arme et notamment l’épée, qui, de tout temps, fut la marque distinctive de la noblesse. 51° Solliciter les Etats généraux de s’occuper, pour l’abolition de la mendicité, d’une loi non de rigueur, comme celle qui existe maintenant, mais une loi de police et d’amour par laquelle les mendiants valides soient obligés à travailler, et les pauvres , les vieillards et les infirmes assurés d’être soignés et nourris dans cet esprit de charité si convenable à des chrétiens, et d’humanité, si digne de la noblesse. 52° Demander que les Etats généraux continuent d’accorder à l’agriculture la protection que mérite ce premier des arts dans un Etat agricole; et en conséquence, renouveler les édits sur les clôtures où seront fixées précisément la largeur et profondeur des fossés nécessaires pour qu’un fonds soit censé enclos, ainsi que les lois qui in-terdisentles défrichements dansles lieux pendants, et ordonner qu’il sera tenu la main à leur exécution. 53° Demander également la concordance des lois forestières avec les principes reconnus de l’agriculture avec lesquels elles sont en perpétuelle contradiction. 51° Prendre en considération l’état et l’administration des communaux de la France, et parti-culièrementde ceux de cette province; représenter qu’étant presque partout coupés par des collines élevées ou hérissées de montagnes, ses seules ressources consisten t dans ses pâquerages, ses vignes et ses bois; que principalemeut ces derniers, d’une qualité supérieure, comme l’ont constaté dernièrement les expériences faites à Toulon, par ordre du gouvernement, pourraient, avec quelques années d’une bonne administration, devenir une ressource précieuse pour l’Etat, la cause prochaine de l’opulence de la province, luifournirdes moyens de supporterplus aisément l’onéreux fardeau des charges publiques; que, pour parvenir à ce but si désirable, un des meilleurs moyens serait la division des communaux qui sont considérables dans la province, presque partout absolument dégradés, et dont le rétablissement paraît impossible, tant que cette propriété sera commune ; en conséquence, ordonner que les communaux en bois seront divisés et répartis d’après la base qui paraîtra la plus juste et la plus convenable au bien public, sans préjudice des droits des seigneur�; et que la part qui en sera échue à chaque particulier, sera régie par le droit commun des propriétés, et conformément aux lois forestières qui seront établies. 55° Demander que le royaume soit divisé par les Etats généraux en un certain nombre de districts, connus sous le nom de provinces, en respectant les anciennes associations, qui ont rapproché les cantons qui ont le plus de rapport et de liaisons entre eux par leur situation, leurs productions et leurs coutumes ; déclarer que dans chacune de ces provinces, et notamment en Bugey, seront établies des administrations particulières, sous le nom d’Etats provinciaux. 56° En conséquence, ordonner qu’il sera rendu au Bugey ses Etats tels qu’ils existaient anciennement, avec tous les droits dont ils jouissaient ; et dans le cas néanmoins où les Etats généraux établiraient une constitution générale et uniforme dans tout le royaume, la noblesse consent que ceux du Bugey soient assimilés à tous les autres sous les conditions énoncées ci-après. 57° D’abord, que lesdits Etats ne pourront consentir aucuns subsides ou dons gratuits, pour les affaires du royaume, cette faculté étant exclusivement réservée aux Etats libres et généraux de la France, après qu’il en aura été délibéré par les représentants de la province librement élus. 58° Que les Etats provinciaux ne pourront aliéner, hypothéquer ni emprunter pour leurs besoins particuliers, sans avoir préalablement assuré les fonds nécessaires pour l’acquittement des intérêts et le remboursement successif du capital. 59° Que dans tous les cas la province du Bugey [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Bugey et Valromey. J aura le droit de s’administrer elle-même sous l’autorité immédiate du Roi, et sans le ministère d’aucun agent intermédiaire. 60° En conséquence, qu’elle sera délivrée des entraves du commissaire départi, invention moderne qui s’opposerait constamment au bien et au bonheur de la province. 61° Que les officiers des ponts et chaussées et autres qu’elle pourrait employer pour la confection des chemins et des ouvrages d’art, lui seroni absolument subordonnés ; qu’elle pourra les instituer et destituer à volonté. 62° Que les charges des receveurs généraux et particuliers de la province seront et demeureron t supprimées, et leurs fonctions adjugées à un trésorier établi par commission révocable à la volonté de la province, qui sera tenu de fournir une caution solide et suffisante dans le Bugey, et do verser tous les fonds au trésor royal directemen l et sans intermédiaires. 63° Que l’administration qui sera rendue ou donnée en Bugey, sera distincte, et ne pourra jamais cesser par suspension, suppression, ni corporation ou autrement. 64° Solliciter les Etats généraux de s’occuper d’un règlement qui, déterminant positivement les droits et les fonctions des baillis d’épée, leur donne la juste prééminence qu’ils doivent avoir sur leurs lieutenants ; leur rendre dans tout ce qui aura rapport à la convocation des Etats généraux, et du ban et arrière-ban, la plénitude des fonctions judiciaires, civiles et militaires pour l’exercice desquelles ces officiers furent institués, et assurer à la noblesse la juste distinction d’être toujours présidée par un membre de son corps. 65° La noblesse du Bugey prévoyant les cas où le premier ordre du royaume viendrait à être représenté aux Etats généraux par la partie de cet ordre qui, n’ayant que peu ou point de propriétés, a des intérêts directement contraires à ceux des hauts décimateurs, ce qui détruirait absolument; dans cet ordre l’équilibre des divers intérêts qui a servi de motif à la plus grande représentation du tiers-état ; dans ce cas, elle charge son député d’appuyer aux Etals généraux les représentations que le haut clergé pourrait se croire en droit de faire contre une innovation qui détruirait les formes antiques, en éloignant les prélats de l’assemblée nationale à laquelle ils avaient anciennement le droit d’assister tous en personne. 66° L’esprit général qui semble répandu dans presque tout le royaume, ne confirmant que trop les justes appréhensions exprimées dans l’article précédent, la noblesse du Bugey charge son représentant de demander avec instance que l’on respecte et maintienne les formes antiques du clergé, et notamment celles qui lui assurent de former un ordre distinct et constitutionnel dans l’Etat, et de s’assembler séparément à certaines époques, pour s’occuper des affaires de son corps et de tout ce qui peut concerner la religion et le culte sacré confié à son ministère. 67° Charge son député de demander que toutes les délibérations des Etats généraux soient motivées, signées de tous les membres, et imprimées; et que lorsqu’elles ne seront pas prises à l’unanimité, l’avis contraire à celui qui aura eu la pluralité, soit aussi motivé et signé de tous ceux qui y auront adhéré. 68° La noblesse du Bugey exhorte tous ses membres, et généralement tous scs concitoyens, à adresser à son député ou à messieurs les membres de son conseil intermédiaire, tous les mémoires qu’ils jugeront convenables sur la législation et l’administration, afin de s’environner de toutes les lumières possibles dans une circonstance aussi importante. 69° Elle ordonne à son représentant de prendre tous les moyens possibles pour maintenir à jamais la constitution, fixer positivement les droits du monarque et ceux des sujets en conciliant la majesté du peuple avec celle du Roi, et lui donne généralement et spécialement pouvoir de proposer, aviser, remontrer et consentir tout ce qu’il croira, en son âme et conscience, être utile à la prospérité de l’Etat, la gloire du monarque, le bonheur de la province et les intérêts de la noblesse, déclarant que les instructions contenues au présent cahier ne.sont de rigueur que pour les articles 1, 2, 3, 4, 5 et 6, et ce qui est prescrit par les articles 10 et 19 ; le chargeant, au surplus, de présenter à Sa Majesté l’hommage du profond respect, de la fidélité, reconnaissance et dévouement de la noblesse du Bugey, et de correspondre exactement avec M. le premier syndic de la noblesse, auquel il sera tenu de rendre un compte exact de toutes les opérations qui seront faites, ou des questions qui seront agitées aux Etats généraux, lequel en fera part à la commission intermédiaire pour prendre son avis sur les questions délicates où le député de la noblesse croirait avoirbesoin de s’éclairer de leurs conseils. Lesquelles instructions et pouvoirs ont été lus, approuvés et arrêtés en l’assemblée particulière de la noblesse du bailliage de Bugey, tenue à Belley, par-devant nous Louis-Honoré deMontillet de Grenaud, marquis de Rougemont, seigneur de Rochefort, Champagne et autres lieux, maréchal des camps et armées du Roi, grand bailli d’épée du Bugey, afin d’être présentés à l’assemblée générale des Etats du royaume, indiquée par Sa Majesté pour le 27 avril prochain, par Jacques marquis de Clermont de Mont-Saint-Jean, baron de Flaxieux, colonel attaché au régiment de chasseurs de Champagne, auquel avons donné et donnons pouvoir et puissance de faire suivant qu’il a été arrrêté entre nous; en témoin de quoi lesdites instructions et pouvoirs, et le présent acte ont été délivrés à M. de Clermont de Mont-Saint-Jean, ce 28 mars 1789. De Bounens-Ghâtillon, de Seyessel-Sottonod, le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, le marquis de Cremeaux , d’Entragues , Murat de Lestang , comte de Montferrand, de Quinson, La Guette-Mornay, Maiivert, commissaires ; Compagnon de Leyman, Louvat de Champollon, Courtines de Mont-Gonod, Maurier de Pradon, le marquis de Balon, Sauvage, Gallien de la Chaux, Dujat de Vareilies, de Migieu, de Maiilan , de Mont-Bérard, Garin, le comte d’Angeville, d’Ervieux de Varecy, Du Chatellet, de La Porte, le marquis Dugas, de Tricot, de Belmont, le chevalier de Cressieux, Douglas, le comte de Mont-Réal, le chevalier d’Argil, d’Anglefort, Desforêts, le comte de Moyriac, Seyssel de Beauretour, Duparc, de Forcran, de Reydellet, le comte de Mont-Faucon, de Courtines, d’Apvrieulx , le marquis d’flarau-court, de Groslée d’Oncin, le chevalier de Gham-ollon, d’Arlos, Drujon de Beaulieu, le baron de ilans; Le marquis de Montillet, président. Guignet de Montverd, secrétaire. CAHIER Du tiers-état de la province du Bugey et Valromey. Nota.’ Ce cahier nous manque jusqu’à ce jour. Nous l’insérerons aussitôt qu’il nous sera parvenu.