210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette motion est renvoyée aux trois comités (90) [Plusieurs membres réclament l’ordre du jour sur cette proposition. Taillefer demande que la parole soit accordée pendant trois heures à Raffron pour faire toutes ses dénonciations. BOUTROUË : Raffron est le Nestor de la Révolution ; Nestor étoit un vieux bavard ; faites l’application. L’Assemblée témoigne de son indignation. Duquesnoy appuie la motion de Raffron. L’Assemblée la renvoie aux trois comités.] (91) La Convention décrète le renvoi de cette proposition aux comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, réunis (92). 24 Le représentant du peuple Perrin [des Vosges], récemment arrivé de sa mission, dans les départemens du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron, monte à la tribune et rend un compte sommaire de sa conduite dans ces départemens, et de l’esprit public qui y règne dans ce moment; il résulte de ce compte qu’il n’a rien négligé pour en attacher les habitans à la Révolution par la pratique des principes de justice et d’humanité, qu’il s'est empressé de substituer au règne affreux de la terreur ; qu’il a cherché à y raviver l’agriculture, le commerce et les arts, en rendant à ces professions utiles une foule de citoyens qu’on avoit entassés dans les maisons d’arrêts, et que les mesures qu’il a prises ont été si heureuses que le peuple y chérit sincèrement et la liberté et la représentation nationale. La Convention applaudit à la conduite de Perrin, et ordonne l’insertion au Bulletin de son compte sommaire (93). PERRIN [des Vosges] : Je vous dois un compte sommaire de mes opérations dans les départements du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron. L’Adresse de la Convention a été reçue avec enthousiasme dans ces trois départements ; partout, on a vu avec la plus vive satisfaction que la justice n’était pas un vain mot, et partout le peuple vous bénit à chaque instant du jour. (90) Moniteur, XXII, 614-615, qui place cette discussion à la date du 7 frimaire. Rép., n° 68 ; Débats, n° 794, 937-938 ; Ann. Patr., n° 695 ; C. Eg., n° 830 ; F. de la Républ., n° 67 ; J. Fr., n° 792; Gazette Fr., n° 1059; M.U., n° 1354; J. Univ., n° 1826; Mess. Soir, n° 831 ; J. Perlet, n° 794. (91) Ann. Patr., n° 695. (92) P.-V., L, 126. C 327 (1), pl. 1431, p. 42. (93) P.-V., L, 126-127. Le département du Gard avait été agité par des mouvements de fédéralisme et de fanatisme ; tout est éteint; les chefs des rebelles ont été punis ou sont en fuite. Il ne restait plus que quelques hommes égarés, que, par prudence, on avait entassés dans les prisons ; je les ai rendus à la liberté ; j’ai prêché la confiance, et je n’ai laissé dans l’âme du méchant d’autre terreur que celle que lui inspire le sentiment de ses crimes. (Applaudissements.) J’ai cru bien servir mon pays en rendant à la liberté des cultivateurs, des négociants qu’on n’avait emprisonnés que parce que qu’ils avaient de la fortune. (Nouveaux applaudissements.) J’ai cru que ceux-ci n’étaient point les amis de la patrie, qui, la veille de la foire de Beaucaire, avaient fait incarcérer ces négociants et privé huit mille ouvriers d’occupation. (Applaudissements.) J’ai cru que ceux-là n’étaient point les amis de la patrie, qui voulaient ne laisser que 25 000 liv. de capital à ceux qui avaient une fortune excédante, et j’ai pensé qu’ils ne s’arrêtaient à ce maximum que parce qu’ils ne l’avaient point encore volé. (Applaudissements.) J’ai dit et je répète, qu’il faut que le négociant, qui expose sa vie et ses biens sur les mers, soit sûr de transmettre à ses enfants le gain qu’il aura fait au péril des ses jours ; j’ai dit qu’il fallait que le riche secourût le pauvre, mais que, sous ce prétexte, il ne fallait pas voler le riche. Il est des maux que je n’ai pas pu réparer, ceux qui ont été occasionnés par un tribunal atroce que vous connaîtrez bien dans la suite ; j’ai été convaincu que la hache de la loi avait été remise entre les mains d’hommes qui, n’écoutant que leurs passions, avaient fait périr leurs ennemis particuliers en les qualifiant du titre d’ennemis publics. J’ai fait interroger tous les détenus, et ils étaient en grand nombre Il y avait à Nîmes un magistrat féroce qui désignait avec un doigt de sang les victimes qu’il voulait qu’on sacrifiât. Son nom est en horreur dans tout le Midi, et l’on ne se souviendra que Courbis a été maire de Nîmes que pour couvrir sa mémoire de malédictions. J’ai vu des pièces qui m’ont prouvé que cet homme atroce, imitant le Caligula que nous avons frappé le 9 thermidor, ajoutait aux listes des détenus qu’on lui présentait, ou la condamnation aux galères, ou la déportation à la Guyane, selon que sa scélératesse l’y portait. J’ai trouvé l’esprit public généralement bon dans le département de l’Hérault; cependant les districts de Béziers et de Saint-Pons renfermaient quelques jongleurs, quelques prêtres qui y excitaient des mouvements : je les ai éloignés à vingt lieues de l’endroit où ils prêchaient leurs fourberies. J’ai pris la même mesure dans l’Aveyron. Je n’ai privé de la liberté que ceux qui s’opposaient au bien que je voulais faire en votre nom. La liberté est le plus précieux de tous les biens, pour lesquels nous combattons depuis six ans, et qu’il ne faut pas ravir à personne sans cause légitime. (On applaudit.) Partout j’ai cherché à faire aimer la Révolution, partout je l’ai présentée sous des formes agréables, et je suis bien sûr d’avoir rempli les