SÉANCE DU 18 PRAIRIAL AN II (6 JUIN 1794) - Nos 32 ET 33 383 n’en demande la preuve; chacun la trouve au fond de son cœur; on la lit dans vos élans généreux et l’apprenait dans vos ouvrages; des êtres faits pour le néant tendent sans cesse vers le néant, comme vers leur centre; ils se bornent au présent et vous vous élancez vers l’avenir et portez vos pensées sur le bonheur des générations futures, comme sur le nôtre. Le projet de fonder une République immortelle, et la force de le réaliser, aurait-il pu naître dans des âmes qui doivent finir ? Que votre décret est beau, Citoyens représentais ! Par lui vous affermissez tous les autres sur une base indestructible. En proclamant l’existence d’un dieu, vous participez en quelque sorte à sa grandeur, et, témoignant de l’immortalité de l’âme, vous acquérez de nouveaux droits à l’immortalité (1). Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2). 32 Le citoyen Paul, gendarme national à la résidence de Milly, district d’Etampes, département de Seine-et-Oise, dépose sur l’autel de la patrie une somme de 25 liv., et demande à être employé. Mention honorable du don, renvoi de la demande à la commission de l’organisation du mouvement des armées de terre (3). 33 Le conseil-général de la commune de Paris est introduit à la barre; le maire annonce qu’il vient remplir un devoir bien cher à tous les cœurs républicains, en présentant à la Convention les députés de la commune de Pau. Ces braves montagnards, qui défendent la patrie au poste d’honneur des Pyrénées, instruits que la commune de Paris manquoit de subsistances, sont venus donner aux Parisiens le baiser fraternel, et leur porter des jambons en s’en privant eux-mêmes (4). LESCOT-FLEURIOT (maire) : Représentais du peuple, L’hospitalité est une des vertus des peuples, mais elle est fondée sur l’humanité, sur la douce fraternité; le conseil général de la commune de Paris remplit en ce moment un devoir bien cher à son cœur en vous présentant nos frères de la commune de Pau. Ces braves montagnards qui défendent la patrie au poste d’honneur des Pyrénées ont appris que la commune de Paris, cette citadelle de la révolution, avait besoin de subsistances, soumis eux-mêmes à des privations (1) C 306, pl. 1161, p. 31, signé : Gamet, Gorgau, Muller, La Maitorifort, Chotard, Grocœur, Lemon-NIER. (2) P.V. XXXIX, 71. (3) P.V., XXXIX, 71 et 122. (4) P.V., XXXIX, 71; Audit, nat., n° 622; J. Univ., n° 1656; C. Eg., n° 658. nécessitées par les approvisionnements des armées, ils se sont dit : nos frères de Paris souffrent, volons à leur secours, envoyons leur quelques uns d’entre nous pour donner aux parisiens le baiser fraternel et ce que nous pourrons rassembler de jambons en nous en privant nous-mêmes. Nous avons eu ce baiser fraternel, il est encore dans nos cœurs. Législateurs, vous les voyez devant vous, ces braves frères, ces braves montagnards, ils ont désiré vous être présentés par la commune de Paris et venir avec nous combler de bénédictions les pères du peuple qui défendent les intérêts de la patrie avec tant de courage et de sagesse. (Applaudi) . L’agent nat. prend la parole : PAYAN : Législateurs, Le président du Conseil général de la commune de Paris vient de vous exposer la conduite généreuse de la commune de Pau. Voilà, Législateurs, le fruit des principes éternels que vous avez proclamés, des lois sages que vous avez publiées, des vertus dont vous avez donné l’exemple. Il s’est enfin dissipé, ce ferment de haine que les fédéralistes avaient excité dans tous les départemens contre la ville révolutionnaire ! Le bandeau qui couvrait les yeux des sans culottes de la France a été arraché par les représentans que vous leur avez envoyés; à leur voix, revenant à la droiture de leur raison ils se sont écrié de concert : « Paris est-il une » ville ordinaire ? n’est-il pas la grande com-» mune de tous les citoyens français ? la ville » révolutionnaire ne doit-elle pas être consi-» dérée comme le quartier général et la cita-» delle de la République ? n’est-elle pas le » rendez-vous où les patriotes des départemens » volaient en foule pour s’insurger contre la » tyrannie ? n’est-elle pas le centre de la légis-» lation et du gouvernement, l’entrepôt des » richesses nationales ? sa population ne se » compose-t-elle pas en grande partie des » citoyens des départemens qui viennent y payer » à la mère commune le tribut de leur intelii-» gence, de leur énergie, et qui retournent » ensuite dans leurs départemens pour faire » place à de nouveaux athlètes de la liberté.» Législateurs, il faut que l’exemple de frugalité de nos frères de Pau soit présenté à l’imitation de tous les patriotes de la République, et devienne pour eux une utile leçon; une trempe; ils n’en ont pas besoin, ce sont les malveillans seuls qui se plaignent de la pénurie des denrées, les patriotes trouvent dans les privations qui ont pour but l’affermissement de la République, plus de plaisir que dans la jouissance même des denrées qui leur manquent. Le peuple préfère une liberté troublée à sa naissance par les vices, restes impurs de la tyrannie, une liberté entourée d’honorables dangers et de privations passagères à un esclavage enveloppé de perfides douceurs. Il faut que cet exemple de fraternité de nos frères de Pau devienne utile à la patrie. Il faut qu’il soit connu de tous les tyrans de l’univers, afin qu’ils apprennent qu’il est impossible de réduire par la famine le peuple qui se fait un jeu des privations et dont les citoyens se disputent à qui en supportera davantage. Que SÉANCE DU 18 PRAIRIAL AN II (6 JUIN 1794) - Nos 32 ET 33 383 n’en demande la preuve; chacun la trouve au fond de son cœur; on la lit dans vos élans généreux et l’apprenait dans vos ouvrages; des êtres faits pour le néant tendent sans cesse vers le néant, comme vers leur centre; ils se bornent au présent et vous vous élancez vers l’avenir et portez vos pensées sur le bonheur des générations futures, comme sur le nôtre. Le projet de fonder une République immortelle, et la force de le réaliser, aurait-il pu naître dans des âmes qui doivent finir ? Que votre décret est beau, Citoyens représentais ! Par lui vous affermissez tous les autres sur une base indestructible. En proclamant l’existence d’un dieu, vous participez en quelque sorte à sa grandeur, et, témoignant de l’immortalité de l’âme, vous acquérez de nouveaux droits à l’immortalité (1). Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2). 32 Le citoyen Paul, gendarme national à la résidence de Milly, district d’Etampes, département de Seine-et-Oise, dépose sur l’autel de la patrie une somme de 25 liv., et demande à être employé. Mention honorable du don, renvoi de la demande à la commission de l’organisation du mouvement des armées de terre (3). 33 Le conseil-général de la commune de Paris est introduit à la barre; le maire annonce qu’il vient remplir un devoir bien cher à tous les cœurs républicains, en présentant à la Convention les députés de la commune de Pau. Ces braves montagnards, qui défendent la patrie au poste d’honneur des Pyrénées, instruits que la commune de Paris manquoit de subsistances, sont venus donner aux Parisiens le baiser fraternel, et leur porter des jambons en s’en privant eux-mêmes (4). LESCOT-FLEURIOT (maire) : Représentais du peuple, L’hospitalité est une des vertus des peuples, mais elle est fondée sur l’humanité, sur la douce fraternité; le conseil général de la commune de Paris remplit en ce moment un devoir bien cher à son cœur en vous présentant nos frères de la commune de Pau. Ces braves montagnards qui défendent la patrie au poste d’honneur des Pyrénées ont appris que la commune de Paris, cette citadelle de la révolution, avait besoin de subsistances, soumis eux-mêmes à des privations (1) C 306, pl. 1161, p. 31, signé : Gamet, Gorgau, Muller, La Maitorifort, Chotard, Grocœur, Lemon-NIER. (2) P.V. XXXIX, 71. (3) P.V., XXXIX, 71 et 122. (4) P.V., XXXIX, 71; Audit, nat., n° 622; J. Univ., n° 1656; C. Eg., n° 658. nécessitées par les approvisionnements des armées, ils se sont dit : nos frères de Paris souffrent, volons à leur secours, envoyons leur quelques uns d’entre nous pour donner aux parisiens le baiser fraternel et ce que nous pourrons rassembler de jambons en nous en privant nous-mêmes. Nous avons eu ce baiser fraternel, il est encore dans nos cœurs. Législateurs, vous les voyez devant vous, ces braves frères, ces braves montagnards, ils ont désiré vous être présentés par la commune de Paris et venir avec nous combler de bénédictions les pères du peuple qui défendent les intérêts de la patrie avec tant de courage et de sagesse. (Applaudi) . L’agent nat. prend la parole : PAYAN : Législateurs, Le président du Conseil général de la commune de Paris vient de vous exposer la conduite généreuse de la commune de Pau. Voilà, Législateurs, le fruit des principes éternels que vous avez proclamés, des lois sages que vous avez publiées, des vertus dont vous avez donné l’exemple. Il s’est enfin dissipé, ce ferment de haine que les fédéralistes avaient excité dans tous les départemens contre la ville révolutionnaire ! Le bandeau qui couvrait les yeux des sans culottes de la France a été arraché par les représentans que vous leur avez envoyés; à leur voix, revenant à la droiture de leur raison ils se sont écrié de concert : « Paris est-il une » ville ordinaire ? n’est-il pas la grande com-» mune de tous les citoyens français ? la ville » révolutionnaire ne doit-elle pas être consi-» dérée comme le quartier général et la cita-» delle de la République ? n’est-elle pas le » rendez-vous où les patriotes des départemens » volaient en foule pour s’insurger contre la » tyrannie ? n’est-elle pas le centre de la légis-» lation et du gouvernement, l’entrepôt des » richesses nationales ? sa population ne se » compose-t-elle pas en grande partie des » citoyens des départemens qui viennent y payer » à la mère commune le tribut de leur intelii-» gence, de leur énergie, et qui retournent » ensuite dans leurs départemens pour faire » place à de nouveaux athlètes de la liberté.» Législateurs, il faut que l’exemple de frugalité de nos frères de Pau soit présenté à l’imitation de tous les patriotes de la République, et devienne pour eux une utile leçon; une trempe; ils n’en ont pas besoin, ce sont les malveillans seuls qui se plaignent de la pénurie des denrées, les patriotes trouvent dans les privations qui ont pour but l’affermissement de la République, plus de plaisir que dans la jouissance même des denrées qui leur manquent. Le peuple préfère une liberté troublée à sa naissance par les vices, restes impurs de la tyrannie, une liberté entourée d’honorables dangers et de privations passagères à un esclavage enveloppé de perfides douceurs. Il faut que cet exemple de fraternité de nos frères de Pau devienne utile à la patrie. Il faut qu’il soit connu de tous les tyrans de l’univers, afin qu’ils apprennent qu’il est impossible de réduire par la famine le peuple qui se fait un jeu des privations et dont les citoyens se disputent à qui en supportera davantage. Que 384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les tyrans lisent ce trait sublime, et qu’ils tremblent ! Que les républicains l’admirent et s’empressent de l’imiter (1). ( Applaudi ) . Le président, dans sa réponse, témoigne aux députés de Pau et du conseil-général de la commune de Paris la douce émotion que la Convention nationale éprouve en voyant tous les républicains se réunir, se rapprocher, ne former qu’une même famille, et mettre les privations au nombre de leurs plus douces jouissances. Le conseil général et les députés de Pau sont admis à la séance (2), [au milieu des plus vifs applaudissements ]. 34 Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur un jugement rendu par le tribunal criminel de la Charente-Inférieure, portant condamnation à 12 années de fers contre le citoyen Brunau, officier municipal, et à 2 années de détention contre les citoyennes Massé. Le projet de décret tend à la cassation du jugement et au renvoi des accusés à la police correctionnelle (3) . Le rapporteur appelle l’attention de l’assemblée sur le fait suivant : Plusieurs effets appartenant à la ci-devant fabrique de l’église de la commune de l’Unité avoient été mis en vente au profit de la nation. 2 officiers municipaux, chargés de les mettre à l’enchère selon la loi qui ordonne qu’aucun bien national ne sera vendu sans cette formalité, crurent pouvoir la négliger et adjugèrent les effets sur la simple estimation à 3 citoyennes qui se présentèrent pour les acheter. Plusieurs citoyens présents à cette vente la dénoncèrent aux officiers de police comme contraire à la loi. L’affaire fut portée de là au tribunal criminel de la Charente-Inférieure. L’accusateur public dressa un acte d’accusation et la procédure étant instruite, l’officier municipal qui avoit présidé à la vente fut condamné aux fers, et les citoyennes qui avoient acheté furent condamnées à plusieurs années de détention. Les condamnés ont réclamé auprès de la Convention et le comité chargé d’examiner cette affaire n’a pas cru qu’elle fut du ressort du code criminel, mais qu’elle devoit être seulement soumise à la police correctionnelle. En conséquence, le rapporteur propose d’an-(1) C 305, pl. 1148, p. 34 et 35 (signé : Lescot-Fleuriot (maire) et Guyon. Mon., XX, 664 et quelques autres journaux mentionnent que cette seconde adresse a été lue par Payen, agent nat.; d’après le texte, il semble qu’il en ait bien été ainsi; Audit, nat., n° 622; J. S.-Culottes, n° 477. (2) P.V., XXXIX, 72. Bin, 19 prair.; J. Sablier, n° 1364; Mon., XX, 664; M.U., XL, 299; J. Lois, n° 617; J. Mont., n° 42; Rép., n° 169; Débats, n° 625, p. 295; J. Fr., n° 621; J. Perlet, n° 623; Mess, soir, n° 658; Ann. R. F., n° 190; C. Univ., 19 prair.; Audit, nat., n° 622; J. Univ., n° 1656; Ann. patr., n° DXXII. (3) P.V., XXXIX, 72. nuler le jugement du tribunal de la Charente-Inférieure et de traduire les prévenus au tribunal de police correctionnelle de leur domicile, pour y être jugés de nouveau (1). Charlier et Mallarmé demandent l’impression et l’ajournement de ce projet de décret; le dernier motive son opinion sur la nécessité de remédier à une infinité d’abus qui ont lieu dans divers communes, où des associations financières ont dilapidé les biens nationaux (2). La question préalable est invoquée et rejetée; l’ajournement [du projet défendu par Cambacérès et Merlin] (3) , est proposé et décrété, ainsi que l’impression du rapport et du projet de décret (4). 35 Un membre [PEYSSARD], au nom des comités des secours publics et de marine, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition de plusieurs citoyens prisonniers à Tabago (5). PEYSSARD : Citoyens, une poignée d’hommes libres, assaillis par une horde d’esclaves, sans espoir d’être secourus, à 2000 lieues de leurs frères, ont déployé le plus grand courage : ils étaient Français. Après une résistance opiniâtre, succombant sous le nombre, ils repoussent toute capitulation : vivre libres ou mourir est leur cri. Mais la mort eût été trop douce et trop glorieuse : on les laisse vivre pour les tourmenter; on les enchaîne, on les mutile, on dévaste leurs propriétés sous leurs yeux, on les arrache à leurs familles désolées; ils sont déportés, et 11 mois de la plus dure captivité deviennent le prix de leur énergie, de leur vertu. Citoyens, n’en soyez pas surpris, leurs adversaires étaient Anglais. Faits prisonniers à Tabago, traduits ensuite à la Barbade, c’est dans cette île qu’ils ont épuisé le répertoire des cruautés inventées par Pitt contre tout ce qui n’est pas esclave. C’est là que les satellites de Georges punissaient comme des blasphèmes, à coups de baïonnette, l’hymne des Marseillais et la Carmagnole. Le fer des despotes peut bien meurtrir les corps; mais il grandit l’âme libre, au lieu de la fléchir. Les citoyens de Tabago ont été abreuvés d’outrages, mais ils n’ont pas été avilis; le génie de la liberté, qu’ils n’ont cessé d’invoquer, les rend à la France, et dans quel moment ? lorsque vous venez de décréter qu’il ne serait plus fait de prisonniers cinglais. Qui plus qu’eux a dû applaudir à une telle mesure ? qui plus qu’eux doit être altéré de vengeance contre cette nation opprobée ? Assignez-leur un poste, ils brûlent de verser le sang anglais; mais jusque-là secourez-les; tout leur manque, hors l’amour de la patrie et la haine des tyrans. Votre comité des secours publics s’est concerté avec celui des colonies; tous les renseigne - (1) J. Sablier, n° 1365. (2) J. Fr., n° 621. (3) J. Sablier, n° 1365. (4) P.V., XXXIX, 72; Mess, soir, n° 658. (5) P.V., XXXIX, 72; Audit, nat., n° 622. 384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les tyrans lisent ce trait sublime, et qu’ils tremblent ! Que les républicains l’admirent et s’empressent de l’imiter (1). ( Applaudi ) . Le président, dans sa réponse, témoigne aux députés de Pau et du conseil-général de la commune de Paris la douce émotion que la Convention nationale éprouve en voyant tous les républicains se réunir, se rapprocher, ne former qu’une même famille, et mettre les privations au nombre de leurs plus douces jouissances. Le conseil général et les députés de Pau sont admis à la séance (2), [au milieu des plus vifs applaudissements ]. 34 Un membre, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur un jugement rendu par le tribunal criminel de la Charente-Inférieure, portant condamnation à 12 années de fers contre le citoyen Brunau, officier municipal, et à 2 années de détention contre les citoyennes Massé. Le projet de décret tend à la cassation du jugement et au renvoi des accusés à la police correctionnelle (3) . Le rapporteur appelle l’attention de l’assemblée sur le fait suivant : Plusieurs effets appartenant à la ci-devant fabrique de l’église de la commune de l’Unité avoient été mis en vente au profit de la nation. 2 officiers municipaux, chargés de les mettre à l’enchère selon la loi qui ordonne qu’aucun bien national ne sera vendu sans cette formalité, crurent pouvoir la négliger et adjugèrent les effets sur la simple estimation à 3 citoyennes qui se présentèrent pour les acheter. Plusieurs citoyens présents à cette vente la dénoncèrent aux officiers de police comme contraire à la loi. L’affaire fut portée de là au tribunal criminel de la Charente-Inférieure. L’accusateur public dressa un acte d’accusation et la procédure étant instruite, l’officier municipal qui avoit présidé à la vente fut condamné aux fers, et les citoyennes qui avoient acheté furent condamnées à plusieurs années de détention. Les condamnés ont réclamé auprès de la Convention et le comité chargé d’examiner cette affaire n’a pas cru qu’elle fut du ressort du code criminel, mais qu’elle devoit être seulement soumise à la police correctionnelle. En conséquence, le rapporteur propose d’an-(1) C 305, pl. 1148, p. 34 et 35 (signé : Lescot-Fleuriot (maire) et Guyon. Mon., XX, 664 et quelques autres journaux mentionnent que cette seconde adresse a été lue par Payen, agent nat.; d’après le texte, il semble qu’il en ait bien été ainsi; Audit, nat., n° 622; J. S.-Culottes, n° 477. (2) P.V., XXXIX, 72. Bin, 19 prair.; J. Sablier, n° 1364; Mon., XX, 664; M.U., XL, 299; J. Lois, n° 617; J. Mont., n° 42; Rép., n° 169; Débats, n° 625, p. 295; J. Fr., n° 621; J. Perlet, n° 623; Mess, soir, n° 658; Ann. R. F., n° 190; C. Univ., 19 prair.; Audit, nat., n° 622; J. Univ., n° 1656; Ann. patr., n° DXXII. (3) P.V., XXXIX, 72. nuler le jugement du tribunal de la Charente-Inférieure et de traduire les prévenus au tribunal de police correctionnelle de leur domicile, pour y être jugés de nouveau (1). Charlier et Mallarmé demandent l’impression et l’ajournement de ce projet de décret; le dernier motive son opinion sur la nécessité de remédier à une infinité d’abus qui ont lieu dans divers communes, où des associations financières ont dilapidé les biens nationaux (2). La question préalable est invoquée et rejetée; l’ajournement [du projet défendu par Cambacérès et Merlin] (3) , est proposé et décrété, ainsi que l’impression du rapport et du projet de décret (4). 35 Un membre [PEYSSARD], au nom des comités des secours publics et de marine, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition de plusieurs citoyens prisonniers à Tabago (5). PEYSSARD : Citoyens, une poignée d’hommes libres, assaillis par une horde d’esclaves, sans espoir d’être secourus, à 2000 lieues de leurs frères, ont déployé le plus grand courage : ils étaient Français. Après une résistance opiniâtre, succombant sous le nombre, ils repoussent toute capitulation : vivre libres ou mourir est leur cri. Mais la mort eût été trop douce et trop glorieuse : on les laisse vivre pour les tourmenter; on les enchaîne, on les mutile, on dévaste leurs propriétés sous leurs yeux, on les arrache à leurs familles désolées; ils sont déportés, et 11 mois de la plus dure captivité deviennent le prix de leur énergie, de leur vertu. Citoyens, n’en soyez pas surpris, leurs adversaires étaient Anglais. Faits prisonniers à Tabago, traduits ensuite à la Barbade, c’est dans cette île qu’ils ont épuisé le répertoire des cruautés inventées par Pitt contre tout ce qui n’est pas esclave. C’est là que les satellites de Georges punissaient comme des blasphèmes, à coups de baïonnette, l’hymne des Marseillais et la Carmagnole. Le fer des despotes peut bien meurtrir les corps; mais il grandit l’âme libre, au lieu de la fléchir. Les citoyens de Tabago ont été abreuvés d’outrages, mais ils n’ont pas été avilis; le génie de la liberté, qu’ils n’ont cessé d’invoquer, les rend à la France, et dans quel moment ? lorsque vous venez de décréter qu’il ne serait plus fait de prisonniers cinglais. Qui plus qu’eux a dû applaudir à une telle mesure ? qui plus qu’eux doit être altéré de vengeance contre cette nation opprobée ? Assignez-leur un poste, ils brûlent de verser le sang anglais; mais jusque-là secourez-les; tout leur manque, hors l’amour de la patrie et la haine des tyrans. Votre comité des secours publics s’est concerté avec celui des colonies; tous les renseigne - (1) J. Sablier, n° 1365. (2) J. Fr., n° 621. (3) J. Sablier, n° 1365. (4) P.V., XXXIX, 72; Mess, soir, n° 658. (5) P.V., XXXIX, 72; Audit, nat., n° 622.