m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 décembre 1790.] mettre sous vos yeux : c’est que, dans le cas où vous croiriez utile de conserver dans l’intérieur une monnaie, le site de la ville de Tours serait le plus convenable et le plus utile. En 1771, cette monnaie devait être conservée; mais on lui préféra celle d’Orléans, qui m’a ni les mêmes avantages ni les mêmes titres, et qui ne travaille point. L’Assemblée nationale, après avoir pourvu à une nouvelle organisation des monnaies et fondé une commission pour la partie administrative et judiciaire au civil de ce qui concerne le régime monétaire, ne peut se dispenser de pourvoir à ce qui se trouvera déposé au greffe de la cour des monnaies. tin des objets les pins importants que renferme ce greffe est sans contredit l’étalon du poids de marc français, dont l’origine remonte, d’après l’opinion publique, jusqu’à Charlemagne. Cette propriété nationale appartient aux archives de la nation, et son transport, ainsi que sa conservation, semblent devoir être accompagnés de mesures solennelles. Le second étalon fait sur celui-là, et qui en sert à tous ceux dont se doivent pourvoir 1ns balanciers et ajusteurs, paraît devoir être vérifié authentiquement, avec sa matrice originaire, avant d’être déposé au greffe de la commission monétaire, où il doit être gardé pour servir à l’exécution des règlements. Votre comité des monnaies a l'honneur de vous proposer, en conséquence, les décrets suivants : « Le poids de marc originaire de France, avec « ses quatorze diminutions graduées, dépesé au « greffe de la cour des monnaies, sera transporté, « en présence des commissaires nommés par « l’Assemblée nationale, de deux membres de la « municipalité de Paris, nommés par elle, de « deux juges du commerce, de deux des jurés « gardes de l’orfèvrerie, de doux membres de » l’Académie des sciences nommés par elle, et » de deux membres de la commission des mon-« naies, aux archives nationales; il y sera dé-« posé dans une armoire fermant à deux clefs, « dont l’une restera entre les mains du garde des « archives, et l’autre sera déposée au greffe de « la commission dos monnaies, et du tout, sera « dressé procès-verbal qui restera auxdites ar-« chives, et copie authentique en sera remise « au greffe de la commission des monnaies. « Le second étalon formé sur ce premier poids « original et également déposé au greffe de la « cour des monnaies pour servir à étalonner <« ceux qui sont fabriqués par les maîtres balan-« ciers et ajusteurs de poids et balances, sera vé-« rifié authentiquement, et ensuite déposé au « greffe de la commission des monnaies, où il « sera enfermé sous deux clefs, dont le greffier « en aura une, et le président de la commission « une autre. « Il ne pourra être fait usage du poids de marc « primitif, qu’en vertu d’un décret de l’Àssem-<> bléenationale, sanctionné par le roi, et avec la « solennité employée pour sou dépôt. « Sur le second étalon, il sera envoyé un poids « de marc semblable dans chacune des mon-« naies, pour servir à vérifier les poids dont on « se servira dans les bureaux des changes des « monnaies et de la délivrance des espèces, et « ceux qui seront fabriqués par les maîtres ajus-« tours et balanciers. Ledit poids sera vérifié à « Paris, en présence des membres de la commis-« sion, de deux membres nommés par l’Académie « des sciences et de deux juges du commerce, <' dont sera dressé procès-verbal. « Dans chaque monnaie, ce poids sera déposé « dans une armoire à deux clefs, dont l’une res-« fera entre les mains du commissaire du roi, et « l’autre au greffe de la municipalité du lieu ; et « dans le cas de vérifications, au bureau de la « délivrance d’antres poids, il y sera procédé en « présence de deux officiers de la municipalité, « d’un juge du commerce, du commissaire du « roi et dè son adjoint, dont sera dressé procès-« verbal. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 12 DÉCEMBRE 1790- Résumé des rapports du comité des monnaies. Messieurs, empressé de se conformer au désir que vous lui avez témoigné de connaître l’ensemble de ses différents plans, avant de vous livrer à leur discussion, votre comité des monnaies a fait imprimer et distribuer ses premiers rapports. Ils contiennent, dans le plus grand détail, les motifs des changements dont le système monétaire et l’organisation des monnaies lui ont paru susceptibles, et ils indiquent, en même temps, les moyens d’y procéder. La crainte de fatiguer votre attention par la lecture de tous ces rapports, qui vous sont déjà connus, a déterminé votre comité à vous en présenter un extrait; il a pensé que ce résumé de ses méditations et de ses calculs répandrait sur leurs résultats quelques traits de lumière, à la faveur desquels il vous serait plus facile d’apercevoir les avantages du nouvel ordre de choses qu’il croit devoir vous proposer. Partageant la juste sollicitude que la rareté du numéraire vous inspire, instruit d’ailleurs des sacrifices très considérables que le Trésor public et la caisse d’escompte ont faits pour y remédier, sacrifices au moyen desquels on est parvenu à verser plus de 80 millions d’espèces neuves dans la circulation depuis le mois d’octobre de l’année dernière, votre comité s’est occupé d’abord du soin de vérifier si le changement opéré dans la proportion qui existait entre les monnaies d’argent et les espèces d’or avant la refonte de ces dernières, faite en 1785, n’était pas une des principales causes de cette rareté. Cette question, que vous avez particulièrement recommandée à son attention, par votre décret du 8 septembre, a fait l’objet d’une longue discussion ; votre comité a reconnu que l’élévation du prix de l’or avait l’inconvénient de provoquer à la fois l’importation de ce métal, par préférence à l’argent, et l’exportation de ce dernier, par préférence à l’or. Pour vous rendre ces vérités sensibles, il lui suffira de vous faire observer qu’avant ce changement de proportion, un négociant, qui apportait en France un marc d’or fin, n’y recevait en échange que 14 marcs 67 centièmes d’argent lin; s’il le portait au contraire en Angleterre, il y recevait en échange 15 marcs 19 centièmes d’argent, en sorte qu’il y avait 52 centièmes d’un marc d’argent à gagner, en portant à Londres un marc d’or pour le changer contre un lingot d’argent. Nous nous trouvons, depuis la refonte de 1785, 427 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1790.] dans une position inverse : le négociant, qui apporte un marc d’or en France, y reçoit en échange 15 marcs et demi d’argent; et comme en le portant en Angleterre il n’y recevrait que 15 marcs 19 centièmes de ce métal, il trouve du bénéfice à importer de l’or en France, et à en exporter l’argent. Les tableaux et les notices joints au second rapport de votre comité démontrent, au surplus, avec la plus grande évidence, que nous avions quelque avantage à payer nos dettes à l’étranger avec des espèces d’or, avant leur refonte et leur surhaussement, et qu’au contraire, nous nous trouvons aujourd’hui forcés de nous acquitter, par préférence, avec dos espèces d’argent, parce que la valeur pour laquelle un louis nouveau est admis en payement dans l’étranger, est presque partout inférieure à celle de quatre écus. Pour douter de ce fait, il faudrait supposer que l’étranger reçoit nos espèces sans les peser, et qu’il prend, pour la même valeur, celles qui sont fortes et celles qui sont faibles, ce qui n’est pas même vraisemblable. Votre comité n’ignore pas que des personnes, qui se croient intéressées à justifier les motifs de cette refonte, prétendent qu’on ne fait aucune différence dans l'étranger entre un louis neuf et quatre écus de six livres, et qu’elles fondent cette prétention sur ce que le titre des nouveaux louis < stsupérieurâ celui des anciens, ce qui compense, disent-elles, la di fférence du poids de ces espèces. Cette compensation vous paraîtra singulièrement absurde, lorsque vous saurez que la différence qui pourrait résulter de la prétendue bonification de titre en un louis neuf et un vieux louis, n’excéderait pas trois sous par louis , tandis que celle qui résulte réellement de la comparaison de leurs poids, s’élève à vingt-huit sous par louis. Il est possible que dans le commerce que font les habitants de nos frontières avec ceux des frontières des Etats limitrophes, un louis neuf ait cours pour quatre écus, eu égard à la facilité que le voisinage offre à ces derniers pour venir échanger, quand ils veulent, leurs louis contre des écus ; mais les notices, q i sont jointes au second rapport de votre comité, prouvent que presque partout où il existe des tarifs publics pour le change des espèces, quaire écus de six livres y sont évalués à un prix supérieur à celui du louis fabriqué depuis 1785. Les Etals du pape et du roi de Sardaigne, et ceux de l’empereur, sont, à peu près, les seuls où cette différence n’existe pas, des raisons de politique et de convenance ayant porté ces souverains à élever le prix de l’or peu de temps après que nous leur en avons eu donné l’exemple : il n’est, au surplus, aucun de ces Etals qui n’ait établi entre les valeurs dns anciens et des nouveaux louis une différence relative à celle de leur poids. Les matières d’or et d’argent sont, de tous les objets de commerce, ceux sur la vente desquels on se réhuit au plus léger bénéfice, eu égard à la facilité de le renouveler souvent. Un négociant se contente de gagner soit cinq sous, soit 1 1/2 0/0, sur un marc de piastres ou d’écus, lorsqu’il entrevoit la possibilité de répéter cette opération deux ou trois fois dans le cours d’un mois, et de faire valoir ainsi ses fonds sur le pied de 10 à 15 0/0 par an : on connaît d’ailleurs tous les mouvements que l’on se donne, tous les dangers auxquels on s’expose, soit pour gagner, soit pour économiser 1 1/2 0/0 dans les combinaisons de la banque et du change. Pourrait-on douter, d’après ces nouons générales et particulières, que les avantages très considérables qu’offre au commerce le payement en écus de la solde de ses échanges avec l’étranger, ne provoque l’exportation de cet élément de notre circulation, et que le changement de proportion duquel résultent tous ces avantages, ne soient conséquemment une des principales causes de la rareté du numéraire? Votre comité, convaincu de la nécessité de remédier à ces inconvénients, a trouvé beaucoup de difficulté dans le choix des moyens. Le premier qui s’est offert était une refonte générale des espèces d’or et d’argent : la diminution du poids d’une grande portion de ces dernières, et le changement désiré des empreintes des unes et des autres, paraissaient favorables à cette mesure; mais une dépense de plus de 60 raillions à laquelle elle donnerait lien, la nécessité de se procurer une somme, au moins égale, pour payer comptant les anciennes espèces, à mesure qu’elles seraient apportées aux changes des hôtels des monnaies, et la crainte que cette opération ne provoquât encore le resserrement du numéraire ou son exportation, effet ordinaire des refontes générales, ont paru s’opposer à ce que ce premier moyen fût adopté. Le second était de refondre seulement les louis et d’en fabriquer de nouveaux : ce moyen réunissait une partie des inconvénients de la refonte générale; il avait de plus celui d’exiger, de la part des porteurs de ces espèces, un trop grand sacrifice. Le troisième moyen était de hausser la valeur numéraire des écus, sans augmenter leur titre ni leur poids : cette mesure avait l’inconvénient et l’odieux de tous les surhaussements d’espèces. Le dernier moyen, celui que votre comité a cru devoir préférer, a été de procéder à un nouveau tarif pour l’or apporté au change des monnaies, afin d’en rapprocher le prix, de manière à ce nue l’on ne fût pins excité par l’appât d’un bénéfice de 4 1/2 0/0 à importer de For qui se thésaurise par préférence à l’argent, qoi nous est plus utile sous tous les rapports. Une autre conséquence des principes et des faits qui viennent de vous être exposés, serait de ne laisser qu’une mesure constitutionnelle et fixe des denré es : cette mesure serait l’argent. On abandonnerait l’or au cours variable du commerce, en assignant néanmoins aux espèces fabriquées avec ce métal un prix déterminé, pour lequel ou ne pourrait refuser tle les recevoir, afin de faciliter la circulation et d’éviter toute surprise. Le prix de l’or fin au change pourrait être fixé à 816 livres, et celui du louis à 23 livres. On pourrait cependant le faire valoir, comme aujourd’hui, 24 livres et plus, suivant le cours du commerce, et il serait admis pour cette valeur en payement des impositions. Ce serait, dans cette dernière hypothèse, le Trésor public qui supporterait en totalité la perte et les frais de la conversion de ces louis en nouvelles espèces. Mais il paraît jusie que la dépense d’un changement occasionné par les erreurs de l’administration soit à sa charge, surtout quand ses erreurs lui ont été utiles. Les fastes monétaires de l’Angleterre nous offrent, dans le cours d’un siècle, deux époques où le Trésor public s’est chargé de la dépense qu’exigeait le rétablissement du poids ms monnaies. Sous le règne de Guillaume , on s’aperçut que la monnaie faite au marteau avait été tel hument rognée, que le poids de plusieurs demi-écus (Crown) était diminué de trois dixièmes; cette diminution était même devenue un objet de spéculation pour les faux-mon-nayeurs et les étrangers ; ils fondaient les écus 428 [Assemblée nationale. ARCHIVES PA LEMENTAIRES, [\-l décembre 1790.) neufs et les convertissaient en d’autres espèces plus légères, semblables à celles de l’anciene fabrication. Cette altération des bases du change influait sur son cours d’une manière défavorable à l’Angleterre, et portait un préjudice très considérable à son commerce; les avis étaient partagés sur les moyens de remédier à ces désordres; on proposait de surhausser la valeur des espèces pour soulager le Trésor public qui devait faire les frais de la refonte, et le parlement était disposé à adopter cette mesure; mais Locke en démontra les inconvénients : il parvint à engager le parlement à soutenir la foi publique et l’honneur de la nation, en bonifiant la monnaie, et en faisant la refonte aux dépens de l’Etat, sans surhausser les espèces. On s’aperçut pareillement, en 1774, qu’il circulait une grande quantité de guinées, dont le poids était très affaibli, soit par le frai, soit par des manœuvres criminelles; le parlement prit aussitôt le parti d’ordonner que toutes les gui-nées, qui, dans un très court délai, seraient remises aux receveurs des impositions, seraient reçues par eux au cours ordinaire, et il assigna une somme de 250 mille livres sterlings, pour les frais de la refonte de ces espèces; mais pour éviter que, par la suite, on n’abusât de cette indulgence, il ordonna que l’on pourrait, à l’avenir, refuser de recevoir en payement les guinées qui auraient perdu un certain nombre de grains de leur poids. Le parti que vous propose votre comité aura l’avantage de diminuer l’exportation des espèces d’argent, et comme il offre à la fois aux propriétaires des espèces d’or deux moyens d’éviter de supporter la perte résultant de la réduction de leur valeur numéraire, que le rétablissement de la proportion exige, savoir : celui de les donner en payement de leur imposition pour leur valeur actuelle, et celui de les vendre au cours de la place, leurs intérêts ne seront pas compromis par ces mesures (1). On vous dira, peut-être, qu’on peut se dispenser d’établir une proportion, en n’assignant aucune valeur déterminée aux espèces d’or, et en laissant au commerce la liberté d’en élever ou baisser le prix, comme celui de toutes les autres matières, en raison de leur rareté ou de leur abondance; mais cette mesure qui peut convenir à quelques Etats où il existe des banques publiques qui offrent de grandes facilités pour effectuer des payements sans l’intervention des espèces, ne peut être admise en France ou l’agriculture, les arts, les manufactures et le commerce .intérieur exigent une circulation très active. Ce serait paralyser le tiers de la masse de notre numéraire et” ajouter conséquemment aux embarras que sa rareté nous fait éprouver. Notre position et nos besoins exigent donc que l’on assigne aux monnaies d’or une valeur légale, pour laquelle il ne soit pas possible de les refuser en payement. Toutes ces considérations ont déterminé votre comité à vous proposer de décréter : 1° que les espèces d’argent continueront d’être fabriquées aux mêmes litres et poids, mais avec des empreintes différentes, et qu’elles auront cours pour la même valeur; 2° que la fabrication des espèces d’or, ordonnée par la déclaration du mois d’octobre 1785, cesserait à compter du jour delà publication de votre décret; 4° que les espèces fabriquées en exécution de cette loi n’auraient cours à l’avenir que pour 23 livres, mais qu’elles pourraient être admises pour 24 livres, en payement des impositions, et ce pendant quatre ans, à compter du jour de la publication de votre décret; que néanmoins il serait libre aux propriétaires de ces espèces de les porter de gréa gré à une valeur supérieure, suivant le cours du commerce; 4° enfin, que votre comité serait tenu de vous proposer incessamment le projet d’une fabrication d’espèces d’or sur un nouveau coin. Votre comité s’est occupé ensuite du projet d’une fabrication d’espèces de billon, dont vous l’r vez chargé de vous rendre compte. Il a considéré celui qui vous a été proposé dans votre séance du 16 janvier, comme une de ces opérations fiscales dans lesquelles l’intérêt de la chose publique était toujours sacrifié à celui des manipulateurs; il a pensé d’ailleurs qu’il y aurait beaucoup d’inconvénients à continuer de fabriquer des espèces à un titre aussi bas: 1° en ce que la contrefaçon en était plus facile: 2° parce que leur ressemblance avec celles des Etats voisins empêchait de les distinguer des espèces étrangères, lorsqu’elles étaient usées, ce qui donnait lieu à un billonage continuel, dont les inconvénients se font vivement sentir aujourd’hui; 3° enfin, parce qu’à l’époque où la disparition totale des empreintes de ces espèces forçait le gouvernement de les retirerde la circulation, cette suppression exigeait toujours, de sa part ou de celle du public, des sacrifices très onéreux. Votre comité a donc pensé qu’il serait plus convenable de ne fabriquer à l’avenir que des espèces en argent bas; mais le mode de cette nouvelle fabrication ne pouvant être déterminé que lorsque vous aurez statué sur les frais de manipulation, il a cru devoir se borner, pour le présent, à vous proposer de décréter que les divisions d’écns ne seront fabriquées à l’avenir qu’en argent bas, dont le titre ne pourra pas être au-dessous de six deniers et en cuivre pur. Vous avez soumis aussi à l’examen de votre comité la question de savoir quel parti on pourrait tirer des cloches pour la fabrication de monnaies; il résulte des renseignements qu’il a pris à cet égard et des expériences faites par différents artistes, que le mélange des matières employées à la fabrication des cloches en rend le métal très cassant, et conséquemment peu propre à être soumis au laminage et à la pression du balancier; que le cuivre qui entre dans Ja composition ne ce métal est la seule matière dont on puisse faire usage pour le service des monnaies, mais que les opérations nécessaires pour en faire le départ étant dispendieuses et sujettes à des déchets assez considérables, il convenait mieux aux intérêts de la nation de faire vendre ces cloches dans leur état actuel, que d’en faire exploiter les matières pour son compte. Quoique la masse connue des espèces de cuivre qui existent aujourd’hui dans la circulation ne soit évaluée qu’à 7,487,940 livres, il y a tout lieu de croire qu’elle excède huit millions. La rareté du numéraire les fait désirer dans quelques provinces, où naguère on se plaignait de leur trop grande affluence ; si ces considérations vous déterminaient à porter la masse de ces espèces à 12 millions, la fabrication des 4 millions nécessaires pour compléter cette somme n’emploierait que 2 millions de livres du cuivre provenant des cloches, et celle de vos espèces en argent bas pourrait eu consommer pour environ 300,000 livres. (1) Ne pourrait-on pas ordonner qu’ils seraient reçus pour 24 livres au change, comme au bureau de recette? [12 décembre 1790.J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il résulte de ces détails que les cloches ne peuvent être considérées comme un moyeu de remédier à la rareté du numéraire, ainsi qu’on s’est efforcé de le persuader au public. Votre comité a donc pensé, et il paraît que telle est aussi l’opinion du comité des finances, que le plus sûr moyen de tirer un parti avantageux des cloches était de les vendre, par adjudication, dans leur état actuel, sauf à promettre aux adjudicataires la préférence de la fourniture du cuivre qui sera nécessaire pour la fabrication des espèces, à la charge par eux de le livrer parfaitement dégagé de l’étain et de toute autre matière hétérogène. Après vous avoir rendu compte des objets sur lesquels les circonstances vous faisaient désirer de statuer provisoirement, votre comité croit devoir fixer votre attention sur les vices du système monétaire et de l’organisation des monnaies ; il vous proposera ensuite les mesures qui lui ont paru propres à rétablir l’ordre dans celte partie importante de l’économie politique. Les besoins de l’Etat ont été le prétexte de la création des offices des monnaies, comme de celles de tous les autres offices; mais il n’est aucune partie d’administration pour laquelle il soit moins nécessaire d’avoir des officiers en titre : on pourrait même assurer que ce nouvel ordre de choses a été la principale cause des abus. Les fonctions d’un directeur des monnaies exigent des connaissances particulières, qui tiennent aux sciences et aux arts; celles de l’essayeur et du graveur sont du même genre. Si les offices n’existaient pas, ces fonctions ne seraient confiées qu’au mérite; et la crainte d’être révoqués porterait ceux qui seraient commis pour les exercer à remplir leurs devoirs avec la plus grande exactitude. Le titulaire d’un office s’occupe uniquement des moyens d’en tirer tout le parti possible ; il néglige ceux qui tendent à la perfection de la fabrication, parce que cette négligence ne l’expose point à la privation de son office ; et s’il n’est pas honnête, à combien d’abus ne peut-il pas se livrer, pourvu qu’il prenne les précautions nécessaires pour ne pas encourir la forfaiture? Les fonctions des juges-gardes et contrôleurs contre-gardes chargés de surveiller les travaux des directeurs, des essayeurs et des graveurs, n’exigent, sans doute, que de l'exactitude et de l’honnêteté de la part de ceux qui sont pourvus de ces offices; mais c’est une erreur d’administration d’avoir cunfié une surveillance aussi importante à deux ou trois officiers inamovibles ; de la confier surtout à des officiers qui, partageant avec le directeur les produits de la fabrication, sont conséquemment intéressés à tolérer les mesures illicites que l’on peut employer pour augmenter ces produits. L’érection de ces places en offices a d’ailleurs offert aux directeurs les moyens de se soustraire à toute espèce de surveillance, en achetant secrètement les offices, pour en faire pourvoir des individus qui leur seraient entièrement dévoués. Ouvrez les registres de la cour des monnaies ; voyez les rapports d’après lesquels elle a jugé le travail de la fabrication depuis 1726, vous trouverez que les résultats de ces rapports sont presque tous favorables aux directeurs. Voyez ensuite les résultats des essais des anciens louis faits en 1785 et 1788, et ceux des essais faits dans l’Empire et en Hongrie, en 1786, sur des écus de toutes les années depuis 1726, vous trouverez que le titre des louis a éprouvé une diminution de trois trente-deuxièmes au moins, et que celui des écus a baissé progressivement de quatre grains. La différence de ces résultats ne peut provenir que de celle des espèces soumises aux. essais; et cette dernière est nécessairement l’effet d’une fraude, ou tolérée par les officiers chargés de la surveillance, ou concertée entre eux et les manipulateurs. Si les espèces (dites deniers de boîte) envoyées à la cour des monnaies, pour servir au jugement du travail, avaient été prises, ainsi que l’exige la loi, dans chaque brève délivrée par les juges-gardes, le titre des deniers de boîte aurait dû se trouver conforme à celui des espèces versées dans la circulation. La différence qui existe, au contraire, entre ces deux titres, prouve que, pour échapper à la vigilance de la cour des monnaies, et se mettre à l’abri des rigueurs de la loi, on fabriquait, au commencement de l’année, une certaine quantité de louis et d’écus, dont les titres et poids étaient conformes aux dispositions des règlements ; que ces espèces servaient à garnir les boîtes que l’on envoyait à la cour, à mesure que les circonstances l’exigeaient, et que toutes les fabrications subséquentes étaient faites à un titre et à un poids inférieurs. Il y aurait, sans do de, de l’injustice à penser que tous les officiers des monnaies se conduisaient d’une manière aussi répréhensible; mais il n’en est pas moins vrai que ces fraudes existent, et que la permanence ou l’inamovibilité des personnes préposées à la surveillance de la fabrication en est une des principales causes. On essayera peut-être de vous persuader que ce choix de deniers de boîte n’avait pas lieu, et qu’il ne mettait pas les directeurs à l’abri des rigueurs de la loi, en vous observant que la cour des monnaies ne jugeait pas seulement sur ces deniers ; qu’elle soumettait également aux essais de ses experts, des deniers pris dans la circulation; et qu'en fin il existe plusieurs exemples de condamnation d’amende et de restitution, prononcées contre les directeurs des monnaies. Ces objections ne pourraient en imposer qu’aux personnes qui ignorent que l’on était parvenu à faire fournir à la cour des monnaies, pour deniers courants, des espèces choisies et fabriquées avec le même soin que les deniers de boîte. Si, dans quelques circonstances, il est arrivé que faute de pouvoir mettre cette ruse en usage, il y ait eu des condamnations prononcées, parce que les deniers courants se seront trouvés d'un titre plus faible que les deniers de boîte, ce fait prouverait seulement que ceux-ci n’appartenaient point aux brèves dont ils étaient censés avoir fait partie. Cette différence de titre entre les deniers courants et les deniers de boîte serait d’ailleurs la preuve de l’inexactitude du jugement en vertu duquel les espèces auraient été versées dans la circulation ; inexactitude qui ne pourrait être attribuée qu’à la négligence des officiers auxquels ce jugement est confié. L’impossibilité de punir les auteurs de ces fraudes et ceux qui les tolèrent, autrement que par des amendes, est encore un des principaux inconvénients de leur inamovibilité. L’administration a été plus d’une fois forcée de conserver des officiers qui s’étaient rendus indigues de sa confiance , parce que cette inamovibilité inhérente à leurs offices ne permettait pas de les contraindre d’abdiquer. Il faut compter encore au nombre des inconvénients des offices, les droits qui leur sont at- 430 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1790.) tribués sur la fabrication ; ces droits mettent dans la dépendance du directeur les officiers qui sont chargés de surveiller ses opérations. S’ils se permettent de les contrarier, il peut les en punir en ne cherchant pas, ou même en refusant les moyens d’augmenter sa fabrication, parce que moins il travaille, moins ils perçoivent de droits. Si, pour s’indemniser des sacrifices qu’il fait pour obtenir la préférence des matières, en les payant à un prix au-dessus du tarif, un directeur ne porte sur ses registres qu’une partie des espèces qu’il fabrique, et s’approprie, parce recelé, le bénéfice ou seigneuriage sur l’autre portion; si, dans les mêmes vues, il exige de ses officiers de passer en délivrance comme droites do poids, et fabriquées au titre desespècesqui sont hors desremèdes de poids et de loi, il est de l’intérêt de ses surveillants lie fermer les yeux sur toutes ces malversations, parce qu’elles leur profitent en multipliant le nombre des marcs sur lesquels ils perçoivent des droits. Une des grandes imperfections du régime actuel, c’est que le versement des espèces dans la circulation précède toujours le jugement définitif de leur poids et de leur titre : la loi a bien ordonné qu’elles seraient jugées en première instance dans le lieu de leur fabrication ; mais de quelle utilité peut être, en pareille matière, un jugement définitif, lorsque celui rendu en première instance a été' provisoirement exécuté? pourrait-on regarder comme légalement jugées des espèces délivrées par un directeur qui est tout a la fois son essayeur, son contrôleur contre-garde et son juge-garde ; soit parce que tous ces offices étant à lui, les titulaires ne sont que des prête-noms à ses gages, soit parce que les pourvus de ces offices lui sont tellement; subordonnés, qu’ils signent aveuglément tout ce qu’il fait inscrire sur les registres ; et si après avoir ainsi supposé un premier jugement il parvient, par les mesures frauduleuses ci-devant indiquées, à faire présenter aux juges en définitif des espèces différentes de celles qu’il a délivrées au public, ne peut-il pas fabriquer impunément celles-ci aux titre et poids qui conviennent ie mieux à ses intérêts? voilà vraisemblablement les véritables causes de l’empiraiice de nos monnaies ; elle a déjà constitué l’Etat dans une dépense de plusieurs millions lors de la refonte de nos louis, et elle exigerait des sacrifices beaucoup plus considérables, si l’on procédait à la refonte des écus. Le poids des espèces est l’objet sur lequel la fraude s’exerce avec plus de succès. On trompe l’administration et la cour des monnaies sur le titre par des deniers de boite supposés ; mais on n’ose s’écarter à un certain point des remèdes fixés par la loi, pat ce que l’étranger essaye nos espèces, et porterait bientôt des plaintes, s’il s’apercevait que leur titre fût considérablement affaibli : mais on trompe bien plus sûrement l'administration sur le poids, parce que le frai des espèces offre un moyen d'excuser le faiblage ; et si Ton arrange le procès-verbal de délivrance de manière à ne présenter, par exemple, sur l’or qu’un ou deux grains de faiblage par marc, tandis qu’il en existe réellement douze, on s’approprie cet excédent, qui, perdu d’abord pour le Trésor public dans les comptes de fabrication, l’expose encore à de nouvelles pertes lorsque la refonte des espèces devient indispensable, ou prive le citoyen d’une [portion de sa propriété, si les espèces dont la refonte est ordonnée ne sont reçues au change qu’en raison de leur poids. S’il était possible de vous produire un état des grains de poids escamotés par ces tours d’adresse, vous en seriez effrayés. Quelques renseignements que votre comité s’est procurés, le portent à croire que ce genre de fraude a fait perdre au Trésor public b à 70ü,000 livres sur la seule refonte des louis, commencée en novembre 1785; il ne désespère pas de parvenir à vous en présenter un aperçu, fondé sur des titres irrécusables. La démonstration des inconvénients de cet ancien régime, et des abus énormes qu’il favorise, vous aura convaincus, sans doute, de la nécessité des suppressions que votre comité vous a proposées par son troisième rapport; il a pensé que la vénalité et l’inamovibilité des offices étaient incompatibles avec des fom tiens pour l’exercice desquels la probité, les talents et les arts sont seuls nécessaires. Un directeur, un graveur et des monnayeurs lui ont paru suffire pour la recette des matières et leur conversion en espèces; un commissaire, un adjoint et un essayeur seront chargés de la surveillance de toutes ces opérations, et de procéder au jugement en vertu duquel les espèces seront versées dans la circulation. Le directeur et les monnayeurs seront payés à un prix déterminé pour chaque marc d’espèces fabriquées et monnayées; le graveur jouira d’un traitement fixe, indépendamment du prix des carrés qu’il fournira, dont il sera payé. Le commissaire du roi, son adjoint et l’essayeur auront des appointements fixes; ils ne percevront aucun droit sur la fabrication; les places d’essayeur et de graveur seront données au concours. Tous les officiers employés à la fabrication des espèces, ainsi qu’à leur jugement et à la surveillance, seront responsables, * bacun en ce qui concernera l’exercice de leurs fonctions; Us seront amovibles; des amendes graduelles seront les peines infligées pour les deux premiers délits; ie troisième donnera lieu à la révocation du coupable. Les membres de la commission que vous avez décrétée le 6 septembre surveilleront la conduite de tous ces officiers; ils feront procéder annuellement, sur les deniers courants, à un jugement de révision du travail de toutes les monnaies; la municipalité sera invitée à envoyer des députés pour assister à ces opérations. On en usera de même pour les jugements particuliers de chaque délivrance dans toutes les villes où les monnaies sont établies; mais de toutes les mesures propres à prévenir les abus, celle qui a paru à votre comité tendre le plus sûrement à ce but, a été d’armer contre eux l’intérêt particulier; il a pensé qu’en statuant qu’à l’avenir les directeurs des monnaies seraient obligés de rendre aux propriétaires des matières autant de grains de fin convertis en écus que ces matières en contenaient, ceux-ci seraient intéressés à scruter le titre des espèces, et à en vérifier le poids avec la plus grande exactitude, afin de ne rien perdre de leur propriété. _ Cette nouvelle disposition nécessite la suppression du droit de seigneuriage et la remise des frais de fabrication. Si vous vous déterminiez uniquement par des exemples, il suffirait pour fixer votre opinion, de vous observer: i°que depuis plus d’un siècle les monnaies se fabriquent en Angleterre aux dépends du Trésor public, et vous avez déjà vu qu’à deux différentes époques le parlement a porté cette munificence nationale au point de prendre pour son compte la perte résultant non seulement de leurs frais, mais encore des altérations commises par la mauvaise foi; 2o que cette mesure adoptée par Colbert à la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [J8 décembre 1790.] fin de son administration, et maintenue après sa mort, eut un tel succès, que jamais on ne vit une plus grande abondance de numéraire ; mais vous n’ignurez pas, Messieurs, que le bénétice pris sur la fabrication des monnaies, et connu sous le nom de scigneuriage, est un impôt usurpé, devenu d’autant plus illégal, qu’ayant été remplacé par des droits d’aides établis pour subvenir aux frais de cette fabrication, le peuple paye à la fois et l’impôt et son remplacement. Lorsque le parlement d’Angleterre se détermina à faire fabriquer la monnaie aux dépens du Trésor public, il pourvut à cette dépense par un impôt à peu près semblable à celui de nos droits d'aides; mais la gratuité de la fabrication commença en même temps que la perception de l’impôt. U résulte de ces dispositions que les deux nations ont considéré la déj>cose de lu fabrication des monnaies commeune charge publique, parce que, sans doute, elles ont pensé qu’il n’était pas juste que les frais de la conversion des matières en espèces fussent payés exclusivement par le propriétaire de ces matières, lorsque l’utilité générale était l’objet de leur conversion. Si ces motifs pouvaient ne pas vous paraître suffisants pour vous déterminer à rappeler les monnaies à leur institution primitive, en les dépouillant de toutes ces additions de valeur, inventées par la fiscalité, et notoirement contraires au droit îles gens, des considérations d’une plus haute importance vous porteraient sans doute à les supprimer. Gomment, en effet, pourriez-vous hésiter de prendre ce parti, lorsque vous considérerez que ces additions de valeur sont perdues pour le Français qm solde ses achats dans l’étranger avec dts espèces nationales, et tournant, au contraire, au profit de l’étranger, lorsqu’il rapporte ces espèces en France pour y payer la solde de ses échanges? Dans l’état actuel," la valeur d’un marc d’or au titre de nos louis est fixée, par le tarif des monnaies, à 747 1. 13 f. 7 d.; ce même marc, converti en trente-deux louis, produit 768 1.; d’où il résulté un bénéfice ou seigneuriage de 20 liv. 6 f. 5 d., sur lequel sont prélevés les frais de fabrication. Les étrangers ne reçoivent nos espèces en payement, que pour leur valeur intrinsèque, c’est-à-dire en raison de leur poids et de leur titre seulement, sans avoir égard aux valeurs additionnelles résultant du seigneuriage ou des frais de fabrication. Ainsi, lorsqu’un Français porte en Angleterre, par exemple, trente-deux louis pesant un marc, on ce les reçoit que pour 747 1. 13 s. 7 d., quoiqu’ils lui aient coûté 768 1., parce que les 20 1. 6 s. 5 d. de valeur additionnelle ne sont comptées pour rien. Si i’Au-glais, qui n’a reçu ces trente-deux louis que pour 747 1. 13 s. 7 d., les rapporte en France pour y acquitter ses engagements, il les fait valoir 768 1. , parce que la loi le veut ainsi ; les 20 J. 6 s. 5d. de seigneuriage, ou valeur additionnelle, tournent dans cette hypothèse à son bénétice, et peuvent être considérés, sous ce rapport, comme un impôt perçu sur les Français aux profit des étrangers. Mais ce n’est pas tout : voici une autre hypothèse dans laquelle vous allez voir que cet impôt, perçu par les étrangers sur les espèces nationales, chargées des frais de seigneuriage et de fabrication, qu’ils rapportent eu France, peut être payé deux lois par le même Français. Celui qui apporte au change un marc d’or au titre des louis, y reçoit en payement, ainsi que vous venez de le voir, 747 1. 13 s. 7 d. Cette 431 somme lui est payée avec trente-un louis et 3 1. 13 s. 7 d., dont le poids ne représente que sept onces six gros vingt-trois grains; il perd, conséquemment, dans cet échange, un gros quarante-neuf grains de sa matière. Si ses affaires exigent ensuite qu’il porte dans l’étranger ces sept onces six gros vingt-trois grains, qui lui tenaient heu des 747 1. 13 s. 7 d. par lui reçues au change pour prix de son marc d’or, on ne les admettra en payement que pour 728 1. 9 d., valeur représentative de leur poids et de leur titre seulement; il perdra donc, dans ce nouvel emploi, des mêmes matières, 19 1, 12 s. 10 d.; le premier lui avait coûté un gros quarante-neuf grains, valant 191. 12 s. 5 d. Sa perte, sous ces deux rapports, s’élèvera donc à .38 J. 19 s. 5 d., et se trouvera conséquemment doublée. Ces détails ne vous laissent vraisemblablement aucun doute sur la nécessité de la suppression, tant du seigneuriage que des frais de fabrication, et vous aurez peine à croire que le comité de MM. les députés extraordinaires du commerce ait pu voter pour leur conservation. Vous concevez que la fabrication 'gratuite est un attrait qui doit engager ie propriétaire de matières à porter par préférence un marc d’or à Londres, où on lui rendra poids pour poids, titre pour titre, plutôt qu’aux monnaies de France, où on ne lui rendra réellemement que sept onces six gros vingt-trois grains en échange de ce marc; et de toutes les facilités que vous avez désiré vous être proposées par votre comité pour exciter le public à porter des matières aux hôtels des monnaies, celle qu’il vient de vous indiquer vous paraîtra, sans doute, la plus simple, la plus juste, la plus convenable aux véritables intérêts du commerce, et la plus propre à faire renaître l’abondance du numéraire; elle est aussi ia plus loyale. « Les gouvernements anciens étaient bien « éloignés, dit M. Fabbé liaynal, de faire un pro-« lit sur les monnaies ; c’était toujours i’Eiat qui <« faisait ia dépense de la fabrication : on ignore « qu’elle est la nation qui perçut ia première un « droit sur cet instrument universel d’échanges. « Si la France donna ce funeste exemple, les rois « de la première et de la seconde race durent « tirer peu d’avantages de cette pernicieuse inet novation. » Cettegenéreuse mesure vous autoriserait à proscrire de ia circulation, non seulement les espèces étrangères, mais même les monnaies nationales qui seraient effacées, ou qui auraient perdu par ie frai une certaine portion de leur poids ; les citoyens et le Trésor public ne seraient plus exposés aux pertes qu’ils ont éprouvées toutes les fois que l’on a été forcé de refondre les espèces, pertes qui ont été alternativement les causes du surhaussement de la valeur de nos monnaies, ou de l’affaiblissement de leur titre et de leur poids. Vous éviterez, par ces dispositions, ces redoutes générales qui embarrassent toujours la circulation, et favorisent les abus, parce qu’il estiuiiui-meat plus difficile de surveiller un travail considérable et très urgent, que de suivre les détails d une fabrication ordinaire : vous débarrasseriez enfin la comptabilité des monnaies de tous les détails du compte de bu, qui, en ia compliquant singulièrement, ont favorisé beaucoup d’abus et de malversations. On a fait à votre comité deux objections sur lesquelles il croit devoir s’expliquer, parce qu’elles pourraient vous être répétées : on lui a dit d’abord qu’en fabricant gratuitement, nous devien- 432 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1790.] cirions les monnayeurs de toute l’Europe; on a prétendu, en second lieu, que l’on porterait toutes les matières aux hôtels des monnaies pour être converties en espèces, et qu’ensuite le commerce et les artistes fondraient ces espèces pour les employer à leurs ouvrages : d’où on a conclu que les frais de fabrication exigeraient une dépense très considérable, et se multiplieraient prodigieusement sans nécessité. Votre comité a répondu à cette dernière observation, que nos espèces étant à un titre inférieur à celui de l’or-févrerie, qui, de tous les arts, est celui qui fait une plus grande consommation de ces matières, les orfèvres ne pourraient employer les écus à leurs ouvrages qu'après les avoir fait fondre et affiner; que ces opéraiions donnaient lieu à des frais et déchets, et qu’il était peu vraisemblable qu’au lieu d’employer des piastres, ils préférassent de les porter à la monnaie pour les échanger en écus, et fondre ensuite ces écus; que le bénéfice de ces virements serait trop modique pour devenir un objet de spéculation. Quant à la première objection, on pourrait la résoudre en citant l’exemple de l’Angleterre qui, quoique fabriquant gratuitement, n’est pas devenue l’atelier de fabrication de la monnaie de toute l’Europe : mais en supposant que la France devînt cet atelier par l’effet des mesures que votre comité vous propose, la nation ne serait-elle pas payée avec usure, des dépenses que la fabrication exigerait par les avantages qu’elle procurerait à son commerce, si ses monnaies étaient admises dans toute l’Europe pour la même valeur pourlaquelleellesontcours en France? Cette confiance de tous les peuples dans sa loyauté, ne la couvrirait-eile pas de gloire? ne serait-elle pas alors justement autorisée à ajouter ces mots, la fidélité , à ceux de la loi et le roi , qui doiveut composer à l’avenir la légende de ses monnaies? Votre comité, persuadé que l’importance de toutes ces considérations vous engagerait à décréter, qu’en aucun cas, et sous aucun prétexte, la valeur numéraire des espèces ne pourrait être chargée d’accessoires étrangers à leur valeur intrinsèque, s’est occupé des moyens d’exécution que pouvait exiger ce nouvel ordre de choses. L’impossibilité de procéder à une refonte générale, et de faire aucune innovation qui pût, en embarrassant la circulation, rendre le numéraire encore plus rare, ou qui, en changeant la base principale du cours du change, dérangeât les combinaisons du commerce, dans un moment où elles lui sont si peu favorables, lui a fait penser qu’il serait convenable d’adopter, comme titre invariable, celui des espèces d’argent qui ont cours aujourd’hui, d'en continuer la fabrication et de maintenir leur valeur numéraire. Le prix des matières avec lesquelles elles sont fabriquées aujourd’hui étant fixé par le tarif à 48 livres 9 sols le marc, et la valeur de ce marc, converti en espèces, étant fixée à 49 livres 16 sols, parce qu’elles sont chargées d’un droit de sei-gneurage de 27 sols, il n’etait pas possible de les dépouiller de cette valeur additionnelle sans changer leur titre ou leur poids ; ces changements auraient eu, en partie, les mêmes inconvénients que la refonte. Votre comité a pensé que le seul moyen de les éviter, était d’ajouter ces 27 sols au prix de la matière ; en sorte, qu’à l’avenir, un marc de matières, au titre des écus, eût une valeur égale à celle d’un marc de ces espèces, et qu’ils pussent être échangés sans perte pour le propriétaire des matières. Cette disposition, loin d’avoir dans le moment actuel le plus léger inconvénient, provoquera nécessairement l’augmentation de la fabrication, par les facilités qu’elle offrira aux propriétaires des matières pour les convertir en espèces, sans aucun sacrifice de leur part. Le comité de MM. les députés extraordinaires du commerce a prétendu qu’elle influerait par la suite sur le prix des matières et le cours du change ; mais votre comité a pris, d’après cette objection, des renseignements qui ne lui permettent pas de douter, que cette influence ne pourra concourir, soit à l’augmentation du prix des matières, soit à la baisse du change, au préjudice de la France, que dans le cas où la balance de son commerce avec l’Espagne serait favorable à cette puissance ; cette circonstance étant la seule, où elle puisse tirer parti de nos besoins ou de nos évaluations, pour surhausser le prix des produits de ses mines, les mesures que votre comité vous propose, pourvoiront à ce que des achats extraordinaires de matières par le gouvernement ou par ses agents n’influent plus sur cette balance; et quaud elle sera ainsi livrée uniquement à la direction du commerce, il n’y aura pas lieu de craindre qu’elle penche en faveur de l’Espagne, excepté dans des circonstances extraodinaires, semblables à celles où nous nous trouvons, où la pénurie des espèces nous force de recourir à des moyens extrêmes : mais comme il arrive alors que la baisse du change et l’élévation du prix des matières franchissent toutes les limites connues, une légère augmentation de ce prix, antérieure à ces révolutions, ne peut être d’aucune considération. Votre comité vous a fait connaître son vœu pour l’invariabilité du titre des espèces, il ne lui reste qu’à vous rendre compte de son opinion sur l’emploi des remèdes, sur l’échelle de division la plus convenable, et sur les poids dont on fera usage pour les monnaies. Il a pensé qu’il serait aussi contraire à vos principes, qu’à l’intérêt de la nation, de continuer d’employer les remèdes, en dedans, parce qu’il est injuste de livrer au public des espèces qui n’aient pas la plénitude de poids et de titre déterminée par la loi : si l’art exige quelque marge, quelque latitude, elles ne doivent jamais être prises sur la propriété d’autrui. Quant à l’intérêt delà nation, c’est une vérité reconnue que l’étranger ne prend jamais nos espèces que d’après leur plus bas titre : au moyen de quoi, lorsque la loi laisse une marge de trois grains, il les suppose toujours employés, et s’il n’y en a réellement qu’un ou deux qui le soient, le surplus est perdu. Un litre invariable et l’emploi des remèdes en dedans sont d’ailleurs deux dispositions incohérentes. S’il était possible de se livrer à une refonte générale, rien ne serait plus facile que d’établir une nouvelle échelle de division, mais la nécessité de maintenir les bases de la fabrication de nos espèces d’argent s’oppose à toute opération de celte nature, excepté pour les nouvelles divisions d’écus, dont vous croirez devoir décréter la fabrication. Les mêmes considérations s’opposeraient aux innovations dans le poids dont on fait usage pour la fabrication des espèces. Si vous adoptez, Messieurs, le plan de votre comité, il n’y aura plus de refontes générales, et vous n’aurez, conséquemment, plus besoin d’un aussi grand nombre d’ateliers de fabrication. Il suffirait alors de conserver ceux qui, placés sur les frontières, sont à portée des matières premières [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.) et offrent au commerce des facilités pour leur conversion en espèces; les hôtels des monnaies de Paris et de Lyon pourraient être également conservés, eu égard à la grande quantité de matières que les arts attirent dans ces deux villes, à la masse très considérable de numéraire qui circule dans la première et aux besoins urgents d’espèces que l’autre éprouve souvent aux époques de ces payements. Ces considérations ont déterminé votre” comité à vous proposer de ne conserver que les monnaies de Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Marseille, Bayonne, Pau et Perpignan ; la suppression des autres diminuerait les frais de régie et d’entretien, en même temps qu’elle vous offrirait, par la vente des bâtiments qui en dépendent, une ressource pour effectuer le remboursement des offices. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du lundi 13 décembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Poulain de Boutancourt, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il est adopté. M. Gaultier-Biauzat. Je vais vous faire lecture d’une délibération des administrateurs du département du Puy-de-Dôme, relativement à la résistance qu’apportent les ecclésiastiques à l’exécution de vos décrets : Extrait du registre des délibérations du conseil général du département du Puy-de-Dôme. « Les administrateurs du département du Puy-de-Dôme dénoncent à l’Assemblée nationale un projet soutenu de résistance à ses décrets sur l’organisation civile du clergé. Des manœuvres ténébreuses ont à ce sujet causé plus d’une explosion funeste dans l'Empire; mais aujourd’hui ce n’est plus dans l’ombre que s’exercent les ennemis de la loi ; ils viennent de publier leur manifeste. Un imprimé intitulé: Exposition des principes sur la constitution du clergé par les évêques députés à l'Assemblée nationale , imprimé souscrit par tous les évêques, au nombre desquels on se plaît à ne trouver ni celui d 'Autun, ni celui de Lydda, alarme tous les bons citoyens. La souveraineté de la nation est méconnue; une classe de ses fonctionnaires prétend enchaîner la volonté générale, établir une puissance suprême au sein d’un peuple libre. Est-ce donc un crime envers le ciel (le départir aux prêtres le territoire sur lequel chacun d’eux remplira ses fonctions? Qu’y a-t-il de commun entre l’Evangile et la fixation plus ou moins resserrée d’un diocèse? Est-ce donc un sacrilège de balancer l’autorité des ministres du culte de manière à ce que, toujours libres d’agir pour le bien des mœurs et de la religion, ils soient dans l’heureuse impuissance d’abuser de leur saint ministère ? La juridiction (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, i'* Série, T. XXI. m spirituelle regarde les dogmes de la foi, elle porte sur ce qui n’est pas de ce monde ; mais vouloir confondre avec ces droits les affaires temporelles, c’est trahir les premiers préceptes de la religion. Ne commande-t-elle pas à ses ministres humilité, désintéressement et soumission en régime civil et politique? « Nous soupirons après le calme, après le retour de l’ordre et de la paix : aurons-nous une force publique et réprimante tant que le fanatisme civil viendra impunément, au nom de l’fiternel, souffler les fureurs de la discorde et alimenter l’espoir des mécontents? Vous l’avez dit à toute la terre, représentants des Français: le salut de la patrie est dans la vente des biens nationaux. Qui osera les acquérir tant que les chefs du ci-devant clergé pourront impunément braver les lois de l’Etat et alarmer les consciences par des écrits séditieux ? Nous l’improuvons, cet écrit, comme attentatoire aux droits du souverain, comme tendant à jeter de fausses alarmes dans les consciences, à empêcher l’exécution de vos décrets et à fomenter l’anarchie. Les auteurs sont criminels envers la nation ; daignez réfléchir que les jours de clémence ne font que des ingrats, et que, tant de fois outragée, la patrie veut enfin une vengeance éclatante. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette dénonciation à ses comités des recherches et ecclésiastique réunis.) M. Prévôt, membre du comité d’aliénation, propose et l’Assemblée adopte six décrets portant vente de biens nationaux à différentes municipalités. En voici le texte : PREMIER DÉCRET. <( L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité de Savigny, département de la Côte-d’Or, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Savigny, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations et estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ; « Déclare vendre à la municipalité de Savigny les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le decret du 14 mai, et pour le prix de 169,606 livres, payable de la manière déterminée par le même décret. » DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité d’Ebarres, département de la Côte-d’Or, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d’Ebarres, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, 28