392 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.3 [28 juillet 1790.] tage le succès de ma motion, est celui qui en est le principal objet; si le manifeste existe, il désavouera ; ce désaveu lui offre la plus belle occasion qu’il puisse jamais trouver de rentrer dans sa patrie, de venir prêter le serment civique, et de remplir ce devoir, sans lequel nul homme ne peut être désormais citoyen français; ce serait un moyen d’assurer notre tranquillité, et de prévenir une grande partie des alarmes qui nous pressent. Je crois cette motion d’une telle nature et d’une telle nécessité, qu’il n’y a pas le moindre inconvénient à en délibérer à l’instant. (Une grande partie de VAsssemblée applaudit .) M. Dubois. Si l’on veut adopter cette motion incidente sans discussion, je ne m’y oppose pas; si l’on veut la discuter, je m'y oppose. Je suis le plus intéressé à la demande du passage des troupes autrichiennes, et je demande la parole. M. de Cazalès. M. d’André me paraît avoir prouvé évidemment que ce qui importe à la chose publique, c’est de prendre une délibération pour savoir si le passage sera accordé aux troupes autrichiennes ; si les ministres du roi ont dépassé leurs pouvoirs; si, dans les circonstances actuelles, ils n’auraient pas dû consulter l’Assemblée nationale. J’ai peine à concevoir comment la motion incidente de M. le comte de Mirabeau... (On rappelle l’opinant à l’ordre); comment la motion incidente de M. de Mirabeau peut se lier à la motion première. J’avoue que je lui sais peu de gré de ne nous avoir pas donné les développements qu’il a annoncés. Je ne puis m’accoutumer à entendre les étranges principes que l’on professe dans cette tribune; je ne puis m’accoutumer à voir que sur je ne sais quelle clameur publique, sur un manifeste dont les quatre cinquièmes de l’Assemblée ignorent l’existence, dont, sur ma parole d’honneur, je n’ai nulle connaissance, on interpelle d’une manièreaussi injurieuse, aussi contraire au respect dû au sang de nos rois, un prince du sang de France. Je crois qu’il est de la dignité de l’Assemblée de délibérer sur le projet de décret présenté par les commissaires et d’ajourner la motion de M. de Mirabeau, jusqu’à ce que le comité des recherches ait donné des renseignements sur le prétendu manifeste dont il s’agit. M. Foidel, président du comité des recherches. Une grande partie des metnbres de l’Assemblée demandent si nous sommes instruits de ce manifeste. Nous avons une dénonciation signée, d’un plan de contre-révolution, qui doit être précédé d’un manifeste dont cette dénonciation contient les bases. Si l’Assemblée le désire, nous pouvons, dans un instant, lui présenter cette pièce. (L’Assemblée lui témoigne ce désir.) M. Barnave. Je demande à M. Voidel s’il est vrai que Je ministre des affaires étrangères ait dit aux membres du comité des recherches qu’il eût des notions sur les projets du prince de Condé? M. Voidel. Je vais répondre catégoriquement à l’interpellation qui m’est faite par M. Barnave. Dans une conférence particulière avec le ministre des affaires étrangères, il nous a dit, parformede conversation, qu’il regardait M. de Gondé comme un des plus dangereux ennemis delà Révolution; qu’il savait qu’il avait de l’argent sans pouvoir deviner de Quelle iqanière il se l’était procuré. M. Dubois. Si l’Assemblée voulait adopter sans discussion le projet de décret proposé par M. de Mirabeau, je ne m’y opposerais pas. Lorsque le roi a prêté le serment civique, tout Français qui ne le prête point est coupable ; mais les six commissaires, chargés de vous donner des renseignements sur le passage des troupes autrichiennes, présentent un objet bien important. Il y a actuellement dans le département des Ardennes 60,000 hommes sous les armes, qui ont abandonné leurs moissons pour repousser les hostilités qu’on leur a annoncées ; je crois donc qu’il faut nous empresser d'adopter le décret proposé par les six commissaires. M. de Menou. Ce décret est d’autant plus pressant que, depuis quinze jours, il passe des émissaires dans la Champagne, la Lorraine et les Trois-Evêchés; ils répandent le bruit que, dans peu de jours, les Autrichiens passeront sur notre territoire, et qu’ils doivent s’emparer de nos places; il est évident que c’est afin que les habitants de ces provinces se portent à des hostilités contre ces troupes, et que, les Autrichiens usant de représailles, la guerre commence avaDt qu’on ait pu la prévoir. (On demande à aller aux voix.) M. Le Déist de Botldoux. Je demande que la discussion soit fermée. M. de Cazalès. Il est impossible qu’on rende le décret sans ouvrir la discussion. Je demande donc qu’il soit accepté ou rejeté sans désemparer ; mais que, du moins, la discussion soit ouverte. M. Rœderer. Je propose à l’Assemblée de décréter que,- sans désemparer, elle délibérera successivement sur le décret du comité et sur celui de M. de Mirabeau. M. Lucas. Je demande que, dans quinzaine à compter de la publication du présent décret, le cardinal de Rohan soit tenu de se rendre à la barre pour rendre compte de sa conduite. Voici ma motion : « L’Assemblée nationale ordonne que M. de Rohan, l’un de ses membres, viendra sur-le-champ reprendre sa place dans l’Assemblée, et y rendre compte de sa conduite, s’il y a lieu. » (La priorité est accordée, suivant la proposition de M. Rœderer, au projet du comité.) M. Frétean donne lecture de l’article premier ainsi conçu : Art. 1er. « L’Assemblée nationale déclare que, conformément au décret du 28 février, accepté par le roi, le passage d’aucune troupe étrangère sur le territoire de France ne doit être accordé qu’en vertu d’un décret du Corps législatif, sanctionné par Sa Majesté ; « Qu’en conséquence, les ordres émanés du secrétariat de la guerre, et adressés aux commandants des frontières du royaume, seront réputés non-avenus : cependant, l’Assemblée nationale se réserve de statuer sur le passage demandé par l’ambassadeur du roi de Hongrie, lorsqu’elle aura connaissance du nombre de troupes, des différentes espèces d’armes et attirail de guerre, de l’ordre de leur marche et de l’obj et de leur des tination. » (Cet article est adopté à l’unanimité.)