166 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. g 5ovSrcT793 les. plus vils. C'est moi qui brisai le rempart qui empêchait les citoyens de jouir des Tuileries. W Au 10 août, je fus le premier dans le sein de l’Assemblée législative; j’y dis, le premier, que le jour de combattre pour la liberté était arrivé, et qu’il fallait jurer de mourir pour elle plutôt que de la perdre. Une cohorte scélérate se présenta à la porte de la salle : c’est moi qui, le pistolet à la main, la forçai de reculer. Mais rappelons des choses plus récentes. On m’a accusé d’avoir défendu Custine. Qui donc était aux prises avec Custine? Qui voulait-on sacrifier à Custine? C’est Pache. Eh bien ! qui a plus ardemment défendu Pache que moi? Quand Bouchotte fut appelé au ministère, on renouvela contre lui les persécutions exercées contre Pache; eh bien! ce fut encore moi qui -combattis pour Bouchotte, parce que je savais que son âme est pure. Quand il a été question, en dernier lieu, de vaincre une faction liberticide, qui l’a attaquée avec plus de courage que moi? C’est moi qui donnai le signal du mouvement qui a eu lieu. Que mes collègues rendent encore hommage à la vérité : lorsque l’on voulut arrêter des magis¬ trats chers au peuple, n’est-ce pas moi qui m’y opposai? Ne disais-je pas, dans les conférences de salut public, que la liberté' était perdue si nous ne faisions pas dissoudre la commission qui avait lancé des mandats d’arrêt contre eux? C’est moi qui, le jour que le canon d’alarme tira, demandai la liberté des magistrats amis du peuple. Et c’est à moi que l’on reproche (d'avoir voulu perdre l’égalité ! c’est encore à moi que l’on a voulu imputer des idées contre-révolutionnaires? N’est-ce pas moi qui, en der¬ nier lieu, ai accéléré le triomphe de la raison sur le fanatisme et la supertition, en faisant entendre son langage avec toute l’énergie dont j’étais capable? Je ne crains rien; mon âme est pure. Je sui¬ vrai, comme tous les patriotes, le mouvement de la Révolution. Mais je le répète avec con¬ fiance, il existe un système de dénonciations que les patriotes doivent examiner dans ses sources. Sans doute il faut des dénonciations; mais il faut recevoir celles qui font le bien, et non celles qui font le mal. Vous voulez, et je le veux avec vous, que le mouvement révolutionnaire ne soit point arrêté ! Eh bien ! considérez que vos commissaires, qui donnent ce mouvement aux départements, seront arrêtés eux-mêmes, si on les dénonce sans cesse. Je me joins à mes collègues pour applaudir aux Jacobins. Je me suis toujours déclaré l’ami de la liberté et de l’égalité. Si le mouve¬ ment de la Révolution n’est pas assez accéléré, je suis prêt à vous présenter des idées propres à lui donner plus de rapidité; mais gardons-nous de nous diviser jamais. Montaut. Je né veux point retarder l’entrée des saints qui viennent passer par la Conven¬ tion pour aller à la Monnaie. Je ne prends la parole que pour lire la rédaction de la proposi¬ tion que j’avais faite, ' Montaut lit sa rédaction. Elle est adoptée. Chabot propose, comme article additionnel, que la Convention déclare que le mouvement révolutionnaire imprimé au gouvernement de la République continuera jusqu’à ce que la Convention ait achevé d’écraser les fédéralistes, les royalistes et les modérés. Il demande aussi que la Convention se fasse, le plus promptement possible, rendre compte des mesures qu’elle a chargé un de ses comités de prendre sur les moyens de connaître l’état de la fortune de tous les fonctionnaires publics. On ne statue rien sur ces deux propositions. II. Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Une nombreuse députation des Jacobins, parmi lesquels étaient les citoyens Drumprer et Guérard, députés de la commune d’Hon-fleur et membres de la Société populaire de cette ville, est admise et à la barre. ( Suit un résumé de V adresse de la Société des Jacobins que nous avons insérée au cours de la séance d’après le Moniteur.) Basire met sur le compte de l’irréflexion les phrases qu’on lui reproche. Elles ne doivent pas, dit-il, faire soupçonner de modérantisme celui qui a fait déclarer le gouvernement révo¬ lutionnaire jusqu’à la paix. Chabot soutient qu’il n’a pas proposé un parti de l’opposition, mais la nécessité de dis¬ cuter. Comme le préopinant, ü remercie les Jacobins, approuve leur zèle et partage leurs sentiments. Montaut voit avec plaisir que ses collègues n’ont été qu’égarés et demande que le comité de sûreté générale fasse, le premier frimaire, un rapport sur les députés mis en état d’arresta¬ tion. (Décrété.) Thuriot, qui avait pris sa part dans la péti¬ tion, y répond par le détail de ses preuves pre¬ mières et proteste que rien ne l’empêchera jamais d’être uni, au moins d’esprit, aux vrais amis de la liberté et de l’égalité. III. , Compte rendu du Journal de Perlet (2). Une députation de la Société des Amis de la Constitution, séante aux Jacobins, est admise à la barre, accompagnée de députés des Sociétés populaires de Montauban, de Honfleur et de plusieurs sections de Paris. Dufourny obtient la parole. (Suit un résumé de l’adresse de la société des Jacobins que nous avons insérée au cours de la séance, d’après le Moniteur.) Yifs applaudissements ; mention honorable et insertion au Bulletin. Basire, après avoir rappelé que c’est sur sa motion que le gouvernement a été déclaré révo¬ lutionnaire jusqu’à la paix, que par conséquent il est bien loin d’avoir eu l’intention d’entraver les mesures révolutionnaires, déclare qu’il n’a jamais été d’aucun parti que depuis quatre ans (1) Journal de la Montagne [n° 1 du 24e jour du 2e mois de l’an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 7, col. 2]. (2) Journal de Perlet [n° 418 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 354]. (Convention nationale:] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 g Novembre T793 ' 167 il a vu se former sous ses yeux, et qu’il les a combattus avec énergie. Il remercie néanmoins ses frères de la Société des Jacobins de l’avoir éclairé par leurs observations judicieuses et conclut à ce que la Convention déclare que cette Société a bien mérité de la patrie. On passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’elle n’a jamais cessé de bien mériter de la patrie. Chabot déclare également qu’il n’a point entendu former un parti de l’opposition qui retardât l’exécution des lois révolutionnaires, ni donner aucune espérance aux malveillants; mais qu’il a voulu des discussions. Il remercie ses frères de la surveillance active qu’ils exercent sur la République, sur les généraux et sur les députés. Il jure d’être Jacobin jusqu’à la mort. « Je ne rougis point des dénonciations, ajoute-t-il; je puis m’endormir quelquefois : ce sont des coups de fouet qui me réveillent. » Il demande ensuite que les députés soient tenus de déclarer l’état de leur fortune, avant, pendant et après la Révolution. On observe qu’il existe un décret à ce sujet, et que c’est sur ce seul motif que la Convention a passé à l’ordre du jour sur cette motion, plu¬ sieurs fois reproduite, et notamment par Phi-lippeaux. Thuriot rappelle les services qu’il a rendus à la liberté depuis 1789. Il ne croit pas que son républicanisme puisse être douteux. Montaut demande que la Convention natio¬ nale, prenant en considération la pétition des Jacobins, ordonne à son comité de sûreté géné¬ rale de lui faire, sous huitaine, un rapport sur les 63 députés arrêtés comme prévenus de complicité avec ceux qu’a frappés le glaive de la loi. (Décrété.) ANNEXE N° 2 A la séance de la Convention nationale du S3 brumaire an II (Mercredi 13 novembre 1993). Les représentants Basire et Chabot sont DÉNONCÉS A LA SOCIÉTÉ DES JACOBINS FOUR DES PROPOS TENUS PAR EUX DEVANT LA CON¬ VENTION ET LE REPRÉSENTANT THURIOT EST DÉNONCÉ A LA MÊME SOCIÉTÉ POUR SA CON¬ DUITE LORS DE L’ARRESTATION DE CüS-TINE (1). Compte rendu du Journal de la Montagne (2). Société des Amis de la liberté et de V égalité séante aux Jacobins. Séance du 21 brumaire de la 2e année de la République française une et indivisible. Présidence d' Anacharsis Oloots. Duïourny. Il n’est rien de plus cher aux patriotes que l’exécution sévère des mesures (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 150, l’admis¬ sion à la barre de la Société des Jacobins et la jus¬ tification de Basire, Chabot et Thuriot. (2) Journal de la Montagne [n° 164 du 23e jour du 2e mois de l’an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 1208, col. 2]. révolutionnaires; toutes les décisions qui se¬ raient une rétractation de quelque décret salu¬ taire, ou du vœu bien prononcé du peuple, se¬ raient funestes à la République. Elles encou¬ rageraient les aristocrates et mettraient sous le couteau ceux qui auraient été les instruments des mesures révolutionnaires. Depuis quelque temps, la terreur est à l’ordre du jour; on poursuit tous ceux qui tramaient contre la République, soit par leur correspon¬ dance, soit par leurs écrits ou leurs propos. La Convention ne doit pas rétrograder, car le salut du peuple en dépend. Certains membres de l’Assemblée font des propositions qui nous feraient perdre tout le fruit de nos travaux. Hier (1), par un sentiment d’attachement à un de leurs collègues, ils ont présenté des observa¬ tions dictées par la passion, mais que la pas¬ sion ne peut excuser. Basire, par un excès de sensibilité, s’est permis de dire : « Quand donc finira cette boucherie de députés? » Il est con¬ venu que ceux qui avaient été exécutés étaient des conspirateurs ; il a voulu intéresser en faveur de ceux qui ont été mis en état d’arrestation; il a fait sentir qu’il y avait assez de victimes, et qu’il ne fallait pas fouiller dans des intrigues qu’on devait imputer, moins à un esprit contre-révolutionnaire qu’à la faiblesse et à une trop grande confiance dans les chefs du côté droit. Il a peint la terreur glaçant les membres de la Convention et les réduisant la plupart au silence ; il a demandé que la liberté des opinions fût rétablie et que les résolutions ne fussent pas précipitées. Il s’en faut bien que je sois de l’opinion de Basire. Je prétends que la terreur ne doit ces¬ ser que lorsque nous serons parvenus à la paix. Vouloir modérer un mouvement rapide et salu¬ taire, c’est vouloir rétrograder, si la Convention molht, bientôt elle sera inondée de pétitions de la part des parents et des partisans de tous ceux qui sont maintenant dans les maisons d’arrêt, et alors ceux qui auront contribué aux arrestations de ces individus, seront eux-mêmes traduits dans les prisons et peut-être conduits au supplice. Après Basire, Chabot a soutenu les mêmes opinions, mais il a employé en les défendant des armes particulières et il s’est servi d’expres¬ sions qui lui sont propres. H a rappelé la néces¬ sité qu’il existât un parti d’opposition dans l’Assemblée; il a fait remarquer que la terreur avait fait passer du côté de la Montagne tous les députés du côté droit, et a demandé que la liberté se rétablit, en déclarant qu’il formerait lui-même un côté droit pour sauver la Répu¬ blique. Thuriot a parlé dans le même sens, mais il n’a fait aucune réflexion dangereuse pour le salut de la République; on a vu avec satisfaction trois députés montagnards, Charlier, Bourdon (de VOise) et Montant, défendre les principes contraires avec un courage et une énergie dignes des représentants du peuple : à l’excep¬ tion de ces trois députés, on ne voyait dans la Convention que des hommes sensibles qui ou¬ bliaient qu’elle était révolutionnaire, et qu’elle devait l’être jusqu’à ce que l’établissement de la République fût consolidé. (1) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVIII, séance du 20 brumaire an II, les dis¬ cours de Basire, de Chabot et de Thuriot.