PROVINCE RU BERRY. CAHIER Du clergé de la province du Berry. Nota. Nous n’avons pas trouvé ce cahier aux Archives de l'Empire : nous le demandons à Bourges, et nous l’insérerons lorsqu’il nous sera parvenu. CAHIER GÉNÉRAL De l’ordre de la noblesse de la province du Berry pour les Etats généraux (1). AVERTISSEMENT. Aussitôt après la séparât ion des trois ordres la noblesse étant rentrée dans sa chambre particulière, le tiers-état lui a envoyé une députation à l’effet de lui proposer de travailler en commun à la rédaction des cahiers. La noblesse, ignorant encore les dispositions du clergé, et ne connaissant pas même les sentiments du tiers-état, n’a pas cru devoir accepter la proposition de ce travail commun. Elle a arrêté en conséquence : 1° Que le tiers-état serait invité à s’occuper séparément de la réduction des cahiers des différents bailliages en un seul. 2° Que pendant ce lemps-là, le clergé et la noblesse travailleraient aussi séparément à la rédaction de leurs cahiers. 3° Que lorsque le cahier de l’ordre de la noblesse serait rédigé, elle inviterait les deux autres ordres à se réunir par commissaires avec les siens, afin d’aviser aux moyens de refondre les trois cahiers en un seul, ou au moins de les accorder ensemble, autant qu’il serait possible, pour les principes, en n’y formant respectivement aucune demande opposée. Cet arrêté, remis sur-le-champ aux députés du tiers-état, et communiqué à la chambre du clergé, a été accepté par ces deux ordres -, et en conséquence, aussitôt après la rédaction du cahier de chacun, les trois ordres se sont réunis par commissaires pour l’examen de leur travail respectif. L’esprit d’union et de concorde, qui avait toujours régné entre les trois ordres, s’est également manifesté dans leurs cahiers. L’opinion de voter par tête dans l’assemblée des Etats généraux a seule partagé le tiers-état des deux autres ordres, dont le vœu constant a été d’y délibérer par ordre; mais la sage déférence de se rapporter réciproquement au vœu des Etats généraux à ce sujet, a, pour ainsi dire, annulé cette disparité de principes, et c’est avec la plus vive satisfaction que les ordres ont vu que leurs cahiers, quoique séparés, pouvaient se regarder comme n’en composant effectivement qu’un seul, dicté par le même esprit. TITRE PREMIER. Constitution. Art. 1er. Le vœu le plus intéressant à former aux Etats généraux devant être celui qui tendra à établir de la manière la plus précise les droits du (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. souverain sur la nation, droits que le cœur de ses sujets ne cherchera jamais à lui contester, et en même temps ceux dont la nation avait joui de toute antiquité, dont sa justice veut bien lui rendre en ce moment l’exercice, et desquels elle n’avait été privée que par abus; Les députés ne se prêteront à traiter aucune autre affaire, (sauf toutefois le secours momentané que les circonstances pourraient exiger, et au consentement duquel ils seront autorisés ci-après), que lorsqu’ils auront fait constater de la manière la plus authentique et par forme de loi fixe et invariable : 1° La reconnaissance du pouvoir administratif appartenant pleinement au Roi. 2° Les droits de la nation pour consentir les lois ainsi que le subside, le répartir et le percevoir. 3° La liberté publique et individuelle, de laquelle dérive celle de la presse assurée suivant les lois. 4° Le droit sacré et inviolable des propriétés, la stabilité des tribunaux, l’inamovibilité de leurs offices. 5® Le dépôt, le maintien et l’exécution des lois à eux confiées, sauf leur responsabilité à la nation. 6° Le maintien de l’ordre établi pour la succession à la couronne, et celui à suivre pour les régences, en cas de vacance et de minorité. 7° Le retour périodique des Etats généraux. 8° L’établissement d'Etats provinciaux dans chaque province; le tout ainsi qu’il suit sera ci-après demandé par les articles 2,3,4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 1 1 et 12 du présent titre. Art. 2. Ils reconnaîtront que tous les pouvoirs relatifs à l’administration du royaume appartiennent pleinement et librement au Roi, et qu’ils ne peuvent être limités que par les lois, dont le monarque est le défenseur et le soutien. Art. 3. Ils feront constater de la manière la plus authentique que le droit de consentir les lois appartient seulement à la nation assemblée par ses représentants librement élus, ainsi que celui de les rendre permanentes et constitutionnelles. Art. 4. Ils feront connaître pareillement ; 1° Que la nation a seule le droit de consentir les subsides, et que c’est à elle et à ses représentants dans chaque province à les répartir sur tous les citoyens en raison de leur fortune, à en ordonner et surveiller la perception, et à en faire le versement dans les coffres publics, par les moyens qu’elle consentira. 2° Que tout subside établi ou prolongé par l’autorité du Roi seule, et sans le secours de la nation, sera illégal , et que les tribunaux, chargés du maintien et de l’exécution des lois, Je seront d’en empêcher la perception, ainsi que les Etats provinciaux autorisés à en arrêter le recouvrement. 3° Que les Etats généraux seuls pourront consentir les emprunts, comme n’étant au fond qu’un subside anticipé. Art. 5. La liberté publique et individuelle étant un des droits les plus sacrés de toute société gouvernée par des lois et de tous les individus qui doivent être protégés par elles, les 320 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Berry.] députés feront reconnaître de la manière la plus authentique : 1° Que tous les actes d’autorité royale qui tendraient à donner atteinte à des lois établies, seront nuis et illégaux; 2° Que la justice sera rendue en tous points à tous les citoyens par les juges naturels, et qu’en conséquence toutes lettres de jussion, lits de justice, commandements, évocations ou commissions, tendantes à en arrêter le cours, seront abolis. 3° Qu’aucun citoyen ne pourra être privé de sa liberté qu’en vertu des lois , et qu’en conséquence toutes lettres closes, ou lettres de cachet, si souvent surprises à la bonté royale par l’autorité arbitraire des ministres, ainsi que tout enlèvement forcé, n’auront plus lieu à l’avenir, excepté néanmoins dans les cas de flagrant délit, clameur publique ou autres imprévus, dans lesquels il serait indispensable de s’assurer d’un citoyen, ce qui ne pourrait excéder le temps de le remettre aux tribunaux destinés à le juger suivant les lois. 4° Que la liberté du commerce épistolaire sera assurée par une loi précise, qui défendra toute ouverture de lettres ou paquets dans les bureaux des postes, et en rendra les administrateurs responsables aux tribunaux chargés de punir les prévaricateurs en vertu de ladite loi. Art. 6. La liberté de la pensée étant aussi précieuse à l’homme que celle individuelle dont il a droit de jouir en vertu des lois, les députés insisteront pour que, en vertu d’une loi expresse à ce sujet, tout citoyen puisse librement communiquer par la voie de la presse tout ce qu’il croira nécessaire de publier, soit pour sa défense, soit pour l’instruction de ses concitoyens, en ne restant assujetti qu’aux précautions de police nécessaires à ordonner, pour connaître toujours les auteurs et imprimeurs, ainsi qu’aux censures ecclésiastiques nécessaires pour les livres traitant du dogme de la religion seulement, attendu que la nation elle-même a le plus grand intérêt à le maintenir dans toute sa pureté. Art. 7. Les députés insisteront pour que, par une loi précise et inviolable, toutes les propriétés de tous les ordres de l’Etat soient également assurées et respectées, qu’elles ne puissent plus être troublées par aucun acte d’autorité arbitraire; et que, dans les seuls cas où l’intérêt général exigerait que les citoyens fussent obligés d’en sacrifier quelque partie , ils ne puissent y être contraints qu’en recevant les dédommagements représentatifs de la propriété qui leur serait enlevée. Art. 8. Les députés insisteront pareillement pour que, par une loi précise et inviolable, tous les différents tribunaux du royaume consentis par les Etats généraux, et chargés par eux du dépôt, du maintien et de l’exécution des lois, ne puissent plus être troublés dans leurs fonctions. Ils demanderont que leur suppression ne puisse avoir lieu que d’après le vœu de la nation; qu’ils ne puissent être dépossédés individuellement de leurs offices que pour des prévarications ou forfaitures jugées par la loi. Ils insisteront pareillement pour que, dans cette même loi, il soit exprimé que toute cessation, ou interruption de service de leur part, pour quelque cause ou prétexte que ce soit , soit déclarée une prévarication entraînant de droit la perte de leur office et les punitions que la loi pourrait prescrire. Art. 9. Les députés insisteront pour qu’il soit fait une loi précise et inviolable pour établir les relations des tribunaux supérieurs vis-à-vis la nation. Ils demanderont : 1° Que les cours supérieures de justice soient chargées du dépôt , du maintien et de l’exécution de toutes les lois, avec les pouvoirs nécessaires à cet effet ; 2° Qu’aucune loi d’administration promulguée par le Roi seul, sans le concours des Etats généraux, et dans leur intervalle, ne puisse avoir son exécution qu’en vertu de la publication qui en sera faite par elles ; 3° Qu’elles ne puissent enregistrer les lois de cette espèce, qu’autant qu’elles ne seraient point attentatoires à la liberté publique et individuelle, au droit de propriété et à la constitution, ce dont elles resteraient responsables à la nation, chargée à son prochain rassemblement de vérifier ces lois ainsi promulguées. Art. 10. Les lois ci-dessus demandées pouvant être regardées comme constitutionnelles et comme établissant réellement les droits du souverain et ceux de la nation, les députés insisteront pour qu’il y soit fait mention de l’ordre si sagement établi pour la succession à la couronne, auquel la nation doit son bonheur et sa gloire, et ils insisteront pareillement auprès des Etats généraux pour qu’ils prévoient les cas de régence, et qu’ils établissent les droits à ce sujet, d’une manière assez certaine pour empêcher le royaume de tomber dans les désordres, que ces malheureuses circonstances n’ont que trop souvent occasionnés. Art. 11. Pour assurer le maintien des droits de la nation, dans lesquels elle va être réintégrée, les députés demanderont le retour périodique des Etats généraux du royaume, et leur convocation extraordinaire, toutes les fois que les circonstances l’exigeront, soit pour quelque loi urgente, soit pour quelque nouveau subside à accorder, attendu les droits reconnus de la nation à ce sujet. Art. 12. Les Etats généraux du royaume ne pouvant embrasser les détails particuliers relatifs a chaque province, ainsi qu’à son administration, les députés demanderont l’établissement d'Etats provinciaux, lesquels, par leur organisation, représentant la province elle-même , puissent l’administrer pour toutes les parties de détail, d’après les lois constitutionnelles et les principes qu’ils recevront des Etats généraux, lesquels prononceront sur leur organisation particulière. TITRE II. Ordre public. Les députés de l’ordre de la noblesse demanderont : Art. 1er. Que le ressort des parlements que l’assemblée des Etats généraux regardera comme trop étendu, soit réduit dans de justes bornes. Art. 2. Que les Etats généraux prennent aussi en considération la juste étendue que l’on doit donner aux différents sièges des bailliages et sénéchaussées, à l’effet de supprimer ceux qui seraient d’une trop médiocre étendue, ou de restreindre ceux qui en auraient une trop considérable. » Art. 3. Que les tribunaux d’exception soient supprimés, en assurant aux officiers qui les composent une juste indemnité, et que toute la juridiction contentieuse qui leur appartient soit réunie aux bailliages et sénéchaussées. Art. 4. Que les commissaires départis dans les provinces soient également supprimés; que les fonctions qu’ils y exercent, relativement à ce qui est d’administration , soient attribuées aux Etats provinciaux, et que la juridiction contentieuse et [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Berry.] 32{ d’exception qu’ils y ont dans certains cas, soit rendue aux tribunaux ordinaires. Art. 5. Que les places de gouverneurs et de lieutenants généraux de provinces soient supprimées, sauf à Sa Majesté à envoyer dans les provinces frontières, et même dans celles de l’intérieur, lorsque les circonstances l’exigeront, des officiers généraux, pour y avoir le commandement des troupes. Art. 6. Qu’il ne soit à l’avenir accordé aucune charge, place ou emploi incompatibles à la même personne, dans aucune classe de la société, si ce n’est les places électives et non permanentes , dans les Etats généraux ou provinciaux, ou dans les municipalités. Art. 7. Qu’il ne soit plus accordé de survivance pour aucune place. Art. 8. Qu’il ne soit plus accordé de dispenses pour posséder aucune place ou office avant l’âge fixé par les lois. Art. 9. Que les traitements pécuniaires ne soient plus à l’avenir réunis à une grâce purement honorifique. Art. 10. Que, pour remédier aux inconvénients sans nombre qui résultent du silence ou de la contrariété de nos lois, il soit procédé à la rédaction d’un nouveau Gode civil et criminel, ainsi qu’à un nouveau règlement sur les formes judiciaires. Art. 11. Qu il n’y ait, dans toute l’étendue du royaume, qu’un seul poids et une seule mesure. Art. 12. Qu’il soit procédé, avec tous les ménagements que l’esprit d’équité peut inspirer, à la réduction du nombre trop considérable des notaires, procureurs et huissiers; qu’il soit fait un tarif des droits qu’ils seront autorisés apercevoir, et que la taxe des dépens soit réservée aux juges. Art. 13. Que dans tous les cas où les ordonnances ont cru devoir prescrire l’exécution provisoire des jugements rendus par les juges inférieurs en donnant caution, il soit interdit, de la manière la plus absolue, aux cours souveraines d’accorder des défenses de les exécuter. Art. 14. Que les lois contre les banqueroutiers soient renouvelées, et qu’on veille à leur exécution avec plus d’attention que par Te passé, en suppliant en même temps Sa Majesté de restreindre les arrêts de surséance aux cas seulement indispensables. Art. 15. Que les Etats généraux s’occupent des moyens d’empêcher que les frais de saisie et exécution des biens meubles, ou des ventes for ¬ cées des immeubles n’absorbent le prix qui en provient. Art. 16. Qu’il soit ordonné que les minutes des anciens notaires, tant royaux que seigneuriaux, soient mises dans un dépôt public qui sera établi dans le chef-lieu de chaque bailliage, et qu’on ne laisse à chaque notaire que ses minutes et celles de son prédécesseur immédiat. Art. 17. Que les Etats généraux prennent en considération la conservation des bois des ecclésiastiques, et surtout de ceux de haute futaie, et que le soin d’y veiller soit principalement confié à la commission des Etats provinciaux, qui fera constater les contraventions aux règlements, pour être poursuivies dans les bailliages du lieu où les biens sont situés. Art. 18. Qu’ils s’occupent également des moyens de prévenir l’entière dégradation des parties de terrain qui forment des communes, surtout de celles plantées en bois, et que dans le cas où l’on ne jugerait pas à propos d’ordonner la vente ou le partage de ces terrains au profit des communautés auxquelles ils appartiennent, une des fonc-lre Série, T. II. tions des Etats provinciaux soit de prendre les mesures les plus efficaces, non-seulement pour en empêcher le dépérissement, mais encore pour les rendre le plus utiles qu’il sera possible. Art. 19. Que le corps des ponts et chaussées soit supprimé, comme onéreux par les dépenses qu’il occasionne, et nuisible par les entraves qu’il apporte dans la confection des ouvrages publics, sauf à pourvoir à l’instruction des élèves ingénieurs par une école établie à ce sujet, laquelle serait payée par les provinces, et de laquelle elles tireraient par la suite les ingénieurs à employer par elles, lesquels seraient destituables à leur volonté. TITRE III. Subsides. Art. 1er. Les députés présenteront aux Etats généraux le tableau des abus résultant de l’arbitraire employé dans l’assiette des tailles, capitation, vingtièmes, contributions aux chemins, et demanderontla suppression, modification, réunion ou conversion de ces impôts. Art. 2. Ils demanderont la suppression de la gabelle et le remplacement de cette imposition par une autre moins onéreuse. Art. 3. Ils proposeront la diminution ou suppression des impôts portant sur toutes les consommations de nécessité générale, et leur rejet sur les objets de luxe que les Etats généraux en jugeront susceptibles. Art. 4. Les députés pourront statuer, d’après le vœu général, sur les changements, réunions, extensions ou suppressions à opérer sur les droits de contrôle, de centième denier, de greffes, d’hypothèques, de marc d’or, sur les revenus casuels, amortissements, timbre, contrôle sur les métaux fabriqués, régie des poudres, postes, messageries, loterie royale, traites, tabacs, francs-fiefs ; le tout conformément à leur prudence et à l’intérêt général du royaume. TITRE IV. Finances. Art. 1er. Les députés, avant d’accorder aucune espèce de subsides, soit présents, soit futurs, constateront les revenus de l’Etat, et ses dépenses fixes et nécessaires. Art. 2. Les députés aviseront à la manière de subvenir aux dépenses imprévues et accidentelles. Art. 3. Les députés vérifieront tous les différents emprunts faits jusqu’à ce jour, et ne pourront consentir à ce qu’il en soit établi un nouveau, même pour le moment, qu’après qu’il aura été reconnu absolument indispensable, à la pluralité des voix dans chaque ordre. Art. 4. Les députés rechercheront jusque dans les moindres détails la réalité, la validité et l’étendue du déficit. Art. 5. Les députés prendront connaissance des ressources que doit procurer la destruction des abus de tout genre qui pèsent sur toutes les provinces et qui régnent dans toutes les parties de l’administration des finances. Art. 6. Les députés chercheront les moyens capables de concourir le plus promptement, et delà manière la moins onéreuse, à la liquidation de la dette que les Etats géuéraux auront reconnue. Art. 7. Les députés pourront consentir, s’il est nécessaire, et dès à présent, à l’aliénation des domaines de la couronne, dans le cas où il ne serait pas jugé plus avantageux par les Etats généraux d’en confier l’administration aux Etats provin-21 322 [États gén. 1789. Cahiers.] ciaux, pendant quelques années, pour que la va-i leur en fût mieux connue. Art. 8. Les députés exigeront qu'il soit fait une loi : 1° pour rendre tous les ministres responsables des fonds que les Etats généraux fixeront à chacun pour leur département; 2e pour les obliger à en justifier l’emploi aux Etats généraux; 3° pour que Ci t emploi soit annuellement rendu public par l’impression et soit envoyé aux divers Eiats provinciaux. Art. 9. Les députés ayant rempli toutes les obligations qui leur sont imposées aux articles précédents, s’occuperont à régler les subsides que la noblesse, par un concours généreux, patriotique, fraternel et unanime, s’est déterminée à supporter également avec les deux autres ordres de l’État, subsides dont l’objet est d’une part de subvenir aux dépenses fixes et nécessaires du royaume, et de l’autre part, de payer les rentes et d’amortir peu a peu le principafde la dette qui aura été reconnue nationale : subsides que, dans tous les cas, iis ne consentiront que jusqu’à l’époque prochaine et déterminée du retour de 1’assemblée des Etats généraux. TITRE V. Demandes particulières à la province. Les députés demanderont : Art. 1er. Qu’il soit accordé pendant trente ans i exemption de toutes les taxes, pour raison des terrains qui seront plantés en bois, ou défrichés, et par les Etats provinciaux, des primes aux planteurs ou défricheurs. Art. 2. Que les abus résultant de l’usage du parcours au préjudice des grands propriétaires, soient pris en considération. Art. 3. Qu’il soit permis de faire des baux de vingt-sept ans sans payer aucun droit de mutation, à l’exception des baux des mineurs et des gens de mainmorte, qui ne pourront être plus longs que neuf ans. Art. 4. Que l'établissement des haras soit supprimé, et que les fonds qui y sont destinés soient versés dans la caisse des Etats provinciaux, pour être par eux employés à des encouragements d’utilité. Art. 5. Que tous les hôpitaux répandus dans les districts de cette province, y soient conservés, augmentés, s’il est possible. Art. 6. Que dans les villes de la province les officiers municipaux soient élus par les habitants comme par le passé, ainsi qu’il se pratiquait avant l’édit de 1771. Art. 7. Que les habitants des villes fassent des fonds suffisants pour y maintenir une police convenable, et que la charge de lieutenant général de police soit réunie aux offices des officiers municipaux. Art. 8. Que tous bourgeois, privilégiés, habitants des villes, renoncent à toutes exemptions, immunités, privilèges, sous quelque dénomination qu’on les présente, même à titre d’enseignement public, ou à quelque autre que ce puisse être. Art. 9. Que les députés aux Etats généraux demandent l'établissement d’un parlement dans la ville de Bourges, avec des places de conseillers d’honneur pour la noblesse du ressort. Art. 10. Que le bailliage royal d’appel de Con-cressaut soit transféré à Bourges. Art. 11. Que la ville de la Charité soit comprise dans l’arrondissement de la province du Berry, et que le pont en soit au plus tôt réparé. Art. 12. Que plusieurs paroisses de cette province, rôdimées des gabelles, dans le cas de la [Province du Berry.] suppression ou modération de cet impôt, soient dédommagées proportionnellement au prix du rachat. Art. 13. Que les manufactures qui emploieront les productions de la province, soient protégées d’une manière spéciale, et de préférence à celles qui n’emploieraient que des productions étrangères. Art. 14. Que le taux actuel de la capitation des nobles et privilégiés dans cette province, ne serve pas de base à la nouvelle répartition des impôts, attendu qu’il a été reconnu excessif et disproportionné. Art. 15. Que les États généraux assignent des fonds applicables au soutien de la noblesse sans fortune, et à l’éducation de ses enfants. Art. 16. Que l’on fasse infirmer un arrêt du parlement en 1787, lequel défend aux parties d’ester en justice sans le ministère d’un procureur. TITRE VI. Demandes relatives h Vordre de la noblesse. Les députés de l’ordre de la noblesse du Berry aux Etats généraux demanderont : Art. 1er. Que toute noblesse vénale soit supprimée. Art. 2. Que les Etats provinciaux puissent présenter au Roi ceux de leurs concitoyens que des services rendus mettront dans le cas d’obtenir d’être anoblis. Art. 3. Que dans chaque province il soit formé un nobiliaire par un tribunal composé de nobles. Art. 4. Que les justices seigneuriales soient conservées (en prenant les moyens nécessaires pour en améliorer l’administration), ainsi que tous les droits honorifiques et utiles, inhérents aux terres ou aux personnes, sauf toutefois ceux de servitudes pures et personnelles, qui répugneront toujours au cœur généreux de la noblesse. Art. 5. Les députés s’occuperont spécialement de tout ce qui concerne les intérêts et la gloire de la noblesse des provinces, la moins à portée des grâces de la cour. Telles sont les demandes que nous, soussignés, membres composant l’ordre de la noblesse de la province de Berry, avons cru devoir former, pour le bien général du royaume, et celui de la province en particulier, et que nous chargeons les sieurs comte de La Châtre, marquis de Bouthil-lier, vicomte de La Merville, Lengy de l’uivallée, députés élus par nous, conformément aux lettres et règlements de Sa Majesté, de porter en notre nom aux Etats généraux, convoqués à Versailles le 27 avril prochain, et de traiter conformément aux pouvoirs et instructions que nous leur avons pareillement remis. Fait et arrêté dans la chambre particulière de l’ordre de la noblesse assemblée à cet effet à Bourges, ce samedi 28 mars 1789. Signé par tous les membres de l’ordre de la noblesse, et particulièrement par les onze commissaires nommés pour la rédaction du présent cahier, savoir : Le duc de Charrost, marquis de Bouteîller; vicomte de la Merville; de La Lande; Dorsanne de Cou-Ion; Gérard de Villesaison ; de Saint-Georges; comte de Buzançois ; marquis de Bellabre ; An-gorrat ; le comte de La Châtre ; Lengy de P invalide, secrétaire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. EXTRAIT DES INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES REMISES AUX DEPUTES DE LA NOBLESSE. Manière de délibérer aux États généraux. La chambre ayant entendu le rapport des commissaires sur la question importante de savoir si les voix seraient comptées aux Etats généraux par tète dans chaque ordre séparé, où par tête les trois ordres étant réunis, après avoir pesé avec la plus scrupuleuse attention les raisons pour ët contre détaillées dans ce rapport, À arrêté : 1° Que les députés insisteront pour voter aux Etats généraux par ordres séparés, et non par tête des trois ordres réunis ; 2° Que le présent arrêté ne sera pas pour eux un pouvoir limité, et qu’étant seulement Fexpres-sion du désir de la noblësse de la province du Berry, ils pourront s’en écarter selon leur prudence, pour se prêter au vœu général qui sera formé à ce sujet dans l’ordre seul de la noblesse rassemblée aux Etats généraux. Nota. Au moment où l’assemblée était près de térmi-ner ses séances, le lord duc de Richemont,, pair d’Angleterre, seigneur d’Aubigny et assigné en cette qualité, a fait passer sa procuration, en demandant spécialement qu’elle ne fût remise qu’à un membre de l’ordre de là noblesse qui serait dans l’opinion de voter par ordres, principe qu’en qualité de pair d’Angleterre, il regardait par expérience comme le seul bon et le seul vraiment constitutionnel. Constitution militaire. La chambre de la noblesse, ayant entendu le rapport des commissaires, relativement à la constitution militaire, considérant combien les variations fréquentes des ordonnances sont affligeantes pour la nation et décourageantes pour d anciens officiers perpétuellement exposés à la crainte de perdre le fruit de leurs anciens services par une réforme inattendue, combien il serait à désirer qu’elles fussent plus analogues à l’esprit et aüx préjugés de la nation, et combien les pensions accordées pour retraites doivent paraître sacrées, puisqu’elles sont la récompense et le prix du sang versé pour la défense de l’Etat ; Considérant en même temps combien l’honneur a toujours influé et influera toujours sur le cœur des Français, À arrêté : 1° Que les députés demanderont aux Etats généraux de voter relativement à la composition des armées de terre et de mer, aux dépenses à faire pour leur entretien, ainsi qu’à la stabilité de leur constitution, de manière qu’une fois adoptées par la nation, elles ne puissent plus être dérangées que par elle; 2° Qu’ils les engageront pareillement à voter pour que les ordonnances dictées par le même esprit que les lois civiles, tendantes à établir la liberté individuelle, assurent l’état des militaires de tout grade, et ne les exposent plus à des punitions que le caractère français et le préjugé national font regarder comme flétrissantes. 3° Qu’ils les engageront de même à voter pour assurer à ces braves et anciens officiers, retirés après de longs services, la totalité des grâces qu’ils auront obtenues pour prix de leur sang, de manière que les retenues qui pourraient avoir été ordonnées, on qui pourraient l’être par la suite, ne portent pas sur celles accordées comme retraites aux officiers jusques et ÿ compris le grade de lieutenant-colonel. fProvince du Berry.] 323 4° Que les députés voteront pareillement pour que, par les soins des Etats provinciaux de chaque province, il soit élevé dans la capitale de chacune un monument sur lequel seraient gravés les noms de tous les citoyens de tous états de la province, lesquels, ayant bien mérité de la patrie, auraient été reconnus dignes de cette flatteuse distinction. Signé par tous les membres de la chambre de la noblesse , à Bourges , le 28 mars 1789. CAHIER Des doléances , pétitions et remontrances du tiers - état du bailliage du Berrg , du 23 mars 1789 (1). Qu’il plaise au roi et à la nation assemblée, ordonner : Art. 1er. Qu’à perpétuité le tiers-état aura aux Etats généraux un nombre de votants au moins égal à celui des deux autres ordres réunis ; que les trois ordres délibéreront en commun; que les suffrages se compteront par tète, et qu’il sera formé des bureaux; que leur organisation sera la môme, mais qu’ils ne pourront que préparer les matières, en sorte que toutes les fois qu’il s’agira d’arrêter définitivement, les députés des trois ordres seront tenus de se réunir. Art. 2. Que les députés du tiers-état seront élus librement par le tiefs-élat et dans le tiers-état. Art. 3. Qu’aucune loi ne puisse être portée que par le concours du roi et des Etats généraux. Art. 4. Que nul impôt ne soit légal et ne puisse être perçu qu’autant qu’il aura été consenti par la nation dans l’assemblée des Etats généraux; et lesdits Etats ne pourront les consentir que pour un taux limité, et jusqu’à leur prochaine tenue; en sorte que cette prochaine tenue, venant à ne pas avoir lien, tout impôt cessera. Art. 5. Que les Etats généraux aviseront aux moyens de convoquer la nation dans le cas de minorité ou d’interrègne. Art. 6. Que les ministres des différents départements seront comptables de l’emploi de leurs fonds aux Etats généraux ; et en cas de malversation, jugés par les juges choisis par lesdits Etats généraux. Art. 7. Qu’à l’exemple de M. Neclier, tout ministre des finances sera tenu de faire imprimer le compte des recettes et dépenses de chaque année. Art. 8. Que la liberté individuelle des citoyens sera assurée; qu’en conséquence, aucun ne pourra être détenu en vertu d’ordres ministériels ou de lettres de cachet, au delà du temps necessaire, pour qu’il soit remis aux juges que lui donne la loi. Art. ,9. Que tout citoyen détenu, meme pour cause iégale, pourra obtenir son élargissement provisôire en donnant caution , à moins qu’il ne soit prévenu ou accusé d’un crime capital. Art. 10. Que la presse sera libre, sous la condition que l’auteur demeurera responsable de sa production. Les imprimeurs seront également responsables des écrits anonymes pour iesquels ils ne seraient pas munis de pouvoirs suffisants. Art. 11. Que les dettes de l’Etat soient vérifiées et consolidées ; les dépenses de la maison du Roi et de chaque département fixées; les fonds suffisants pour payer les intérêts de la dette nationale et la rembourser successivement, déterminés. Art. 12. Que les tailles, capitation, tant noble que roturière, impositions accessoires, vingtiê-(I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.