[Convention nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J®"» 649 PÉTITION DE LA FAMILLE CHAUMONTEL POUR DEMANDER QU’UN ARRÊTÉ DU DÉPARTEMENT de la Seine -Inférieure, qui a prononcé CONTRE ELLE LA PEINE DE LA DÉPORTATION POUR ÉMIGRATION, NE LUI SOIT PAS APPLI¬ QUÉE (1). Suit le texte des pièces relatives à cette péti¬ tion, d'après des documents qui existent aux Archives nationales (2). Le ministre de l'intérieur, au citoyen Président de la Convention nationale. « Paris, le 26 frimaire l’an II de la Répu-blique, une et indivisible. « Un arrêté du département de la Seine-Inférieure du mois de novembre 1792, citoyen Président, a prononcé la déportation de Chau-montel, âgé de 72 ans, de sa femme âgée de plus de 60 ans, d’une de ses filles et de leur domestique. « Depuis le mois de septembre 1792 la Con¬ vention* nationale est saisie par Chaumontel et sa femme de la question de savoir s’ils ne sont pas dans le cas d’être exceptés du nom¬ bre de ceux qui, aux termes de la loi, doivent être considérés comme émigrés. Un certificat délivré par le secrétaire du comité de législa¬ tion de la Convention, en date du 22 sep¬ tembre 1792, constate cette réclamation. « Le grand âge, les infirmités de Chaumon¬ tel et de sa femme, et leurs réclamations auprès de la Convention déterminèrent le départe¬ ment de la Seine-Inférieure à arrêter le 10 mai 1793 qu’ils seraient provisoirement mis hors de la maison de Saint-Lô, où ils étaient déte¬ nus et qu’ils seraient consignés dans la muni¬ cipalité de Rouen, sous caution de deux ci¬ toyens qui feront leurs soumissions, sous l’obli¬ gation de tous leurs biens, de les représenter à toute réquisition. Cet arrêté fut confirmé le 21 juin dernier par le Pouvoir exécutif auquel le ministre de l’intérieur, alors en exercice, en référa. « Depuis, Chaumontel et sa femme demeu¬ rèrent consignés sous caution dans l’étendue du département delà Seine-Inférieure jusqu’au 22 brumaire dernier, époque d’un arrêté rendu par le même département de la Seine-Infé¬ rieure, lequel porte : « Qu’aucune considération ne doit plus « retarder l’exécution de l’arrêté de la précé-« dente administration, du mois de novembre « 1792 (vieux style) qu’en conséquence Chau-« montel, sa femme, sa fille et leur domes-« tique seront conduits hors des frontières et « que le présent sera envoyé au ministre de (1) La pétition de la famille Chaumontel n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 28 fri¬ maire an II; mais en marge des originaux qui exis¬ tent aux Archives nationales, on lit la note suivante : « Renvoyé au comité chargé de réviser la loi sur les émigrés, le 28 frimaire, deuxième année républi¬ caine. » (2) Archives nationales, carton Dm 32, dossier 1% pièce 20. « l’intérieur pour qu’il indique le mode de « déportation. » « Chaumontel, sa femme et sa fille, détenus dans la maison d’arrêt de Saint-Lô de Rouen, en attendant le mode d’exécution de leur déportation, demandent aujourd’hui la même grâce qu’ils avaient déjà obtenue, de jouir de leur liberté, sous caution, dans l’étendue de la municipalité de Rouen, ou de rester dans la maison d’arrêt où ils sont actuellement, jusqu’à ce que la Convention ait prononcé sur le cas particulier de cette famille, définitive¬ ment ou par renvoi devant les tribunaux et les jurés de Rouen, lieu de leur arrestation. « Il en est de même à l’égard de la pétition qui m’est adressée par Chaumontel et sa femme. « Chargé de faire exécuter la loi, ni moi, ni le pouvoir exécutif ne pouvons l’étendre ni la modifier; mais comme la Convention est saisie depuis plus d’un an de la question prin¬ cipale, je dois lui soumettre et les observations du département et celles des réclamants. « Je te prie donc, citoyen Président, de faire rendre compte à la Convention par son comité de législation chargé de l’affaire Chaumontel. de l’état où elle en est, pour que je puisse répondre en conséquence au département, sur la conduite qu’il doit tenir envers cette famille. « Je joins à la présente le rapport de l’affaire, d’après les pièces que j’ai sous les yeux, pour servir de renseignements à la Convention, et la mettre à même de prononcer sur les ques¬ tions que lui adresse, par mon organe, le dépar¬ tement de Seine-Inférieure. « Paré. . Rapport (1). Le citoyen Chaumontel, âgé de 72 ans, sa femme, âgée de plus de 60 ans, sa fille et son domestique ont été mis en arrestation à Rouen, comme prévenus d’émigration, au mois de novembre 1792. Il paraît que le département de la Seine - Inférieure rendit un arrêté par lequel il pro¬ nonça leur déportation, aux termes de la loi. Le 10 mai 1793, le même département rendit un second arrêté portant qu’attendu le grand âge et les infirmités du citoyen et de la citoyenne Chaumontel, et que les soins de la citoyenne Chaumontel, leur fille, et ceux du nommé Jaeques Villoy, domestique, leur étaient indis¬ pensablement nécessaires, ils demeureraient tous détenus en la maison d’arrêt de Rouen; qu’ils seraient provisoirement mis hors de la maison de Saint-Lô où ils étaient détenus, et qu’ils seraient consignés dans la municipalité de Rouen, sous la garde et la caution des citoyens Domay et Asselin, lesquels citoyens feraient leurs soumissions, sous l’obligation de tous leurs biens, de les représenter toutes et quantes fois. Outre les précédents motifs de cet arrêté, il était encore fondé sur ce que la Convention nationale était saisie, par les citoyen et ci¬ toyenne Chaumontel de la question de savoir s’ils n’étaient pas dans le cas d’être exceptés du nombre de ceux qui, aux termes de la loi, doi-(1; Archives nationales, carton Dm 32, dossier I*, pièce 20. 650 f Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. g ïéœmbre 1793 vent être considérés comme émigrés, attendu qu’ils n’avaient été momentanément en Angle¬ terre que parce que leurs affaires l’ exigeaient.. Par une lettre du 15 mai 1793, les adminis¬ trateurs du département de la Seine-Inférieure ont fait passer au ministre de l’intérieur cet arrêté, ils lui observent qu’ils ne croient pas qu’il soit dans le cas d’une décision du conseil exécutif, attendu qu’il ne portait pas sur le fonds, mais que cet arrêté ne faisait que chan¬ ger provisoirement leur arrestation dans une maison d’arrêt en une consignation sous cau¬ tion, dans la municipalité de Rouen, jusqu’à ce qu’on ait prononcé sur leur sort. Le ministre de l’intérieur, par sa réponse à cette lettre, a approuvé les observations du département sur son arrêté provisoire, par lequel, en faisant sortir de la maison de Saint - Lô de Rouen les citoyen et citoyenne Chaumon-tel, ü avait cru {devoir seulement les consi¬ gner, sous caution,' dans la maison de la muni¬ cipalité de Bouen. Ces dernières expressions, dans la maison de la municipalité de Bouen, présentaient une erreur palpable. En effet, il n’y a point de mai¬ son de mnnicipalité où les citoyen et citoyenne Chaumontel pussent être consignés; d’ailleurs c’était toujours pour eux, être en détention; et l’intention du ministre par sa lettre du 30 mai, approbative de l’arrêté du départe¬ ment du 10 mai précédent, qui était d’ac¬ corder une liberté provisoire fondée sur les considérations de l’arrêté, n’était pas remplie. En conséquence, par une pétition du 19 juin les citoyen et citoyenne Chaumontel deman¬ dèrent au ministre de l’intérieur la confirma¬ tion de cette liberté provisoire dans l’étendue du département. Cette pétition soumise au pouvoir exécutif par le ministre de l’intérieur, il intervint le 21 juin suivant dans une décision confirma¬ tive de l’arrêté du département du 10 mai, et le ministre de l’intérieur fut chargé de le renvoyer au département pour la rectification de l’erreur contenue dans sa lettre du 30 mai. Le ministre de l’intérieur, en faisant passer cette décision au département le 30 juin sui¬ vant, l’engagea à s’y conformer; et, en consé¬ quence, les citoyen et citoyenne Chaumontel demeurèrent consignés, sous caution, dans l’étendue du département jusqu’au 22 bru¬ maire dernier, époque d’un arrêté rendu par le même département de la Seine -Inférieure, dont la teneur suit : « Le directoire, le procureur général syndic entendu, considérant qu’aucune considération ne doit plus retarder l’exécution de l’arrêté de la précédente administration du mois de novembre, 1792 (vieux style), arrête que Chau¬ montel, sa femme, sa fille et Jacques Villy leur domestique, convaincus d’émigration et jouis¬ sant de leur liberté, sous la caution des ci¬ toyens Domay et Asselin, seront réintégrés dans la maison d’arrêt de Rouen; que l’arrêté du mois de novembre 1792 (vieux style) qui porte qu’ils seront conduits hors les frontières sera exécuté selon sa forme et teneur; et qu’en conséquence le présent sera envoyé au ministre de l’intérieur pour qu’il indique le mode de déportation. » En adressant cet arrêté au ministre de l’intérieur par leur lettre du 30 brumaire, les administrateurs du département de la Seine-Inférieure observent que le décret du 26 no¬ vembre 1792 (vieux style) indique les forma¬ lités à observer sur le mode de déportation, mais que depuis ce décret les circonstances ne sont plus les mêmes, que nos ennemis entou¬ rent nos frontières. Ils finissent par engager le ministre de l’intérieur à leur indiquer le moyen d’exécuter leur arrêté, lui observant néanmoins que Chaumontel et sa femme sont très âgés et accablés d’infirmités. Depuis cet arrêté les citoyen et citoyenne Chaumontel et leur domestique sont détenus dans la maison d’arrêt de Saint-Lô de Rouen en attendant le mode d’exécution de leur déportation sur lequel le département con¬ sulte le ministre de l’intérieur. Ils demandent par une pétition qu’ils ont adressée au ministre de l’intérieur, la même grâce qu’ils avaient déjà obtenue, de jouir de leur liberté sous caution dans l’étendue de la municipalité de Rouen. Ils fondent cette de¬ mande sur les mêmes motifs qui avaient dé¬ terminé, en 1792, le département et le pouvoir exécutif à y faire droit, c’est-à-dire leur grand âge, leurs infirmités et leurs réclamations au¬ près de la Convention; réclamations constatées par un certificat du comité de législation de la Convention énoncé et rapporté. Dans le cas où ils ne pourraient pas obtenir leur liberté, sous cautionnement, ainsi qu’ils l’avaient déjà obtenue, les citoyen et ci¬ toyenne Chaumontel proposent au pouvoir exécutif d’accepter l’offre de deux de leurs filles qui n’ont point participé à l’infraction qu’ils ont faite à la loi des passeports, lesquelles désirent se constituer prisonnières ou être déportées avec leur sœur, compagne de l’in¬ fortune de leur père et mère. Ou enfin d’ordonner que les détenus demeu¬ reront dans la maison de Saint -Lô de Rouen, comme ils y sont actuellement, sans préjudice de leurs réclamations ultérieures, jusqu’à ce que la Convention nationale ait prononcé sur le cas particulier et extraordinaire de cette infortunée famille, ou définitivement ou par un renvoi devant les tribunaux et les jurés de Rouen, lieu de leur arrestation. ANNEXE 1 à la Couvention nationale dn SS frimaire an 11 Compte-rendu à la Convention nationale par la Commission supprimée des mo¬ numents, et servant de réponse au rap¬ port du Comité d’instruction publique ( fl ). Le comité d’instruction publique, par le rapport qu’il a présenté le 28 frimaire à la Con¬ vention nationale, et qui a fait prononcer la suppression de la Commission des monuments, a grièvement inculpé les membres qui la com¬ posaient : l’honneur les a forcés à repousser ces inculpations. (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 629, le rapport de Mathieu sur la suppression de la Commission des monuments. Bibliothèque de la Chambre des députés : Col¬ lection Portiez (de l’Oise), t. 96, n° 15.